Science : perdue dans ses propres mythes, redoublant d’efforts alors qu‘elle a oublié son but.

Norma Cenva,

Notes de laboratoire non publiées

 

Ravi de son nouveau bouclier, Tio Holtzman avait décidé d’un essai à l’intérieur du dôme de démonstration à demi reconstruit. Rien ne pouvait l’atteindre, encore moins le blesser ! Le générateur puisait à ses pieds, développant la barrière invisible à laquelle se heurteraient tous les ennemis du genre humain.

Elle était impénétrable... du moins il l’espérait, se souvenant du premier échec.

Norma, de l’autre côté de la salle, lui lançait des pierres, des outils divers et, enfin (à la demande d’Holtzman), une lourde barre de métal. Tous ces projectiles se heurtaient au bouclier scintillant et retombaient, leur inertie annulée par le champ, le laissant indemne. Il leva enfin les bras.

 — Merveilleux ! Ça n’a pas perturbé ma motricité une seule seconde !

Norma leva alors un kindjal, avec une expression concentrée, apparemment inquiète de le blesser. Elle avait personnellement vérifié toutes les équations et constaté qu’elles ne comportaient aucune erreur.

Selon son analyse et ses instincts, le bouclier devait résister dans la gamme des vitesses qu’ils utilisaient pour ce test. Malgré tout, elle hésitait encore.

—                       Allons, Norma. La science n’est pas pour les âmes sensibles, vous le savez.

Elle lança le kindjal avec toute la violence dont elle était capable. Et le poignard rebondit et glissa sur la barrière d’énergie. Holtzman agita les doigts en souriant.

—                       Cette invention va changer tout le dispositif de protection de la Ligue. Nul ne sera plus jamais vulnérable aux assassins, aux égorgeurs.

Avec un grognement, Norma projeta alors dans sa direction une lance improvisée. Elle cogna le bouclier à la hauteur des yeux d’Holtzman et il recula brusquement. Quand la lance claqua sur les dalles, il eut un rire étouffé.

—                       Je ne peux qu’être d’accord avec vous, Savant Holtzman, dit Norma avec un grand sourire avant de se mettre à ramasser les objets avec frénésie. Et toutes mes félicitations pour cette remarquable découverte.

Elle ne laissait percer aucune jalousie. Elle paraissait sincèrement heureuse de sa réussite. Et il se dit qu’il aurait au moins un triomphe personnel à présenter à Niko Bludd, tout comme au temps de sa gloire. Un vrai soulagement !

Il appela les Dragons de sa garde qui se tenaient devant la passerelle de remplacement.

—                       Qu’on aille chercher le chef des esclaves zen- chiites. L’homme aux cheveux et à la barbe noirs ! (Il se tourna vers Norma et ajouta avec un sourire malveillant :) Nous allons lui jouer un petit tour. Il est assez abruti et je crois qu’il me hait.

Bel Moulay entra peu après et baissa ses yeux brûlants sous le regard inquisiteur d’Holtzman.

Les Dragons de la garde semblaient inquiets, mais Holtzman leva la main en un geste désinvolte.

—                       Sergent, donnez-lui votre pistolet Chandler.

—                       Mais, monsieur... c’est un esclave.

Si le garde avait une expression interloquée, Moulay semblait encore plus surpris.

—                       Je ne m’inquiète pas, sergent. Votre collègue peut le surveiller. Tirez-lui dans la tête s’il ne suit pas précisément les ordres.

Norma intervint :

—                       Savant Holtzman, il conviendrait peut-être de faire d’autres essais. Nous pourrions mettre un mannequin derrière le bouclier...

—                       Oui, je suis d’accord, renchérit le sergent. Nous avons le devoir de vous protéger et je ne saurais permettre de...

Irrité, Holtzman l’interrompit :

—                       Absurde, le système ne peut être contrôlé que de l’intérieur. La mission qui m’a été confiée par le Seigneur Bludd lui-même  – ainsi que par la Ligue des Nobles  – est de développer un moyen de nous protéger contre les machines pensantes. A moins que vous ne souhaitiez être enlevé par les commandos robots et devenir esclave d’Omnius, je vous suggère de me laisser faire mon travail. Nous avons déjà perdu trop de temps.

Toujours perplexe, le sergent tendit son pistolet à aiguilles à Bel Moulay qui le prit en tournant la tête d’un air interrogateur.

—                       À présent, Moulay... Car c’est bien ton nom, n’est-ce pas ? Pointe cette arme sur moi en visant la poitrine. Vas-y, tu ne peux pas me manquer.

Moulay n’hésita pas un instant. Ils avaient tous entendu l’ordre direct d’Holtzman. Il appuya sur la détente. Les Dragons crièrent. Norma ferma les yeux.

Les éclats de cristaux retombèrent en tintant sur le sol. Holtzman laissa échapper un soupir.

Deux Dragons surgirent sur le seuil, leurs armes braquées sur Moulay. Mais en voyant l’attitude d’Holtzman, ils se détendirent en riant. L’esclave barbu abaissa le pistolet, l’air furieux. Les gardes le désarmèrent dans l’instant.

Quant à Holtzman, il se disait qu’il allait certainement recevoir une autre Médaille du Mérite de Poritrin.

Avec désinvolture, il se tourna vers le garde.

—                       Sergent, donnez-lui la grenade accrochée à votre ceinturon.

Le Dragon se roidit.

—                       Avec tout le respect que je vous dois, Savant, il ne saurait en être question.

—                       Votre pistolet Chandler a été inopérant, et il en sera de même pour la grenade. Imaginez à quel point ces boucliers vous seront utiles.

Norma intervint d’un ton paisible :

—                       Tout va bien, sergent. Le Savant sait parfaitement ce qu’il fait.

Moulay tendit la main d’un air avide.

Le Dragon ordonna :

—                       Auparavant, je veux que vous traversiez tous la passerelle.

Ses hommes accompagnèrent Norma.

Enfin le sergent dégagea la grenade et la tendit au Zenchiite. Bel Moulay n’attendit pas qu’on lui répète les instructions et appuya sur la mise à feu en lançant la grenade vers Holtzman. Norma n’avait qu’une crainte : qu’elle roule lentement et franchisse le bouclier avant d’exploser.

Bel Moulay se précipita vers la passerelle. Norma, paralysée, vit la grenade rebondir sur le rideau d’énergie.

Et une corolle de feu ardent se déploya dans le dôme. L’onde de choc suivit et elle bascula en arrière. Elle se retrouva à genoux, penchée vers le fleuve, se disant qu’elle aurait dû apporter son nouveau suspenseur en se souvenant des esclaves qui avaient trouvé la mort dans la première expérience d’Holtzman.

Deux fenêtres avaient éclaté. Dans le nuage noir qui enveloppait la passerelle, Norma se releva.

Elle vit Bel Moulay, les mains jointes, cerné par les gardes prêts à tirer.

Elle retourna tant bien que mal jusqu’au dôme. Elle savait que le bouclier avait dû résister, mais elle redoutait quand même qu’une faute lui ait échappé dans les équations.

Holtzman s’avança vers elle en vacillant, le regard vague, en agitant la main dans les derniers tourbillons de fumée. Il avait coupé le générateur et, seul au milieu des débris du projectile, il semblait indemne, quoique échevelé.

 — Ça a marché ! La protection est totale. Pas une seule égratignure ! (Il se retourna.) Mais je dois avouer que nous avons détruit pas mal de matériel coûteux.

Il s’interrompit, l’air consterné, avant de partir d’un grand éclat de rire.


La Guerre Des Machines
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