Chacun de nous influence les actes de ceux qu’il connaît.

Xavier Harkonnen,

Commentaire à ses hommes

 

Depuis des jours, Xavier Harkonnen travaillait jusqu’à des heures tardives sur les plans de défense de la Ligue.

Il avait monté des missions d’exercice, formé de nouveaux pilotes et augmenté le nombre de vaisseaux sentinelles du système de Salusa. La première ligne de défense était plus puissante et le réseau de détection garantissait une alerte immédiate au large. Les ingénieurs et les scientifiques avaient démonté et étudié les cymeks de guerre abandonnés dans les ruines de Zimia dans l’espoir d’y trouver des défauts et des failles de construction. A chaque souffle de ses poumons de remplacement, il retrouvait sa haine brûlante des machines pensantes.

Il aurait tant voulu se retrouver avec Serena, il rêvait souvent des voyages qu’ils feraient après leur mariage, mais sous l’effet de la colère et de la culpabilité secrète qu’il entretenait depuis la chute de Giedi Prime, il s’abîmait dans le travail. Il avait incité le Magnus à compléter le générateur de champ secondaire au plus vite, ce qui aurait pu faire la différence. Mais il était trop tard pour les regrets.

Un enchaînement de fautes mineures pouvait conduire à des catastrophes énormes et il s’était juré de ne plus s’écarter d’un iota de son devoir, de ne plus laisser ses sentiments déborder sur sa mission.

Les multiples réunions d’état-major avaient abouti à la restructuration militaire de l’Armada. Il était apparu comme nécessaire de combiner les ressources en matériel, en hommes et en vaisseaux de guerre de l’ensemble des milices et gardes planétaires. Les stratégies et les besoins logistiques de chacun des Mondes de la Ligue avaient été passés en revue. Le recrutement avait été augmenté de plusieurs paliers et les usines travaillaient nuit et jour pour produire des armes et des vaisseaux.

Son bureau était situé au dernier étage du Bâtiment de l’État-major Uni. Les murs étaient couverts de cartes stellaires et des rapports et des plans couvraient les tables. A chaque initiative, il devait obtenir l’accord du Commandant d’État-major qui, à son tour, revoyait les points clés avec le Vice-roi.

Quand il parvenait à trouver quelques instants pour se reposer, Xavier dormait dans son bureau ou dans les casernements du sous-sol. Il n’était pas retourné au domaine de Tantor depuis longtemps, mais sa mère adoptive lui envoyait souvent le jeune Vergyl avec des petits repas qu’elle avait confectionnés pour lui.

Il n’avait plus de nouvelles de Serena, mais il savait qu’elle était plongée dans ses missions personnelles, plus vitales encore que les siennes.

Il se retrouva devant une baie, inspirant goulûment l’air vivifiant de la nuit. Il avait absorbé des capsules de stimulants avec diverses boissons. Il n’avait pas conscience de l’heure, il ne voyait que les rues endormies et les feux de la cité qui brillaient dans le dédale de Zimia. C’était la nuit, mais il ne savait pas depuis quand. Les journées l’avaient emporté dans un ruissellement d’heures où la frénésie s’enchaînait sur l’urgence.

À terme, que pouvait donc accomplir un homme seul face à tant d’impératifs ? Certains mondes de la Ligue étaient sans doute déjà condamnés, quoi qu’il fasse. Les distances étaient des gouffres pénibles entre les planètes, les communications étaient lentes, et les nouvelles étaient périmées quand elles atteignaient Salusa Secundus.

Sous l’effet des stimulants, il était devenu impatient, irritable. Bien sûr, il était éveillé mais tellement miné par la fatigue qu’il n’arrivait plus à se concentrer. Il poussa un long soupir en regardant son adjudant, le Cuarto James Powder, qui s’était dégagé un coin de table pour s’y endormir.

Quand la porte s’ouvrit brusquement, Powder ne bougea même pas. Xavier fut surpris de découvrir le Vice-roi en personne, apparemment aussi las que tous.

—                       Xavier, lui déclara-t-il, nous devons appliquer toutes vos réformes. Nous disposons des fonds nécessaires. Et notre peuple a vraiment besoin de voir que nous faisons quelque chose.

Je le sais, mais il nous faut plus qu’une solution, monsieur. Il est absolument nécessaire que le Seigneur Bludd exhorte le Savant Holtzman à présenter les premiers résultats de ses recherches. Sinon, nous allons avoir besoin d’autres options pour notre arsenal.

—                       Nous avons déjà parlé de tout ça, Xavier. Bien des fois. (Le Vice-roi l’observa avec un regard étrange.) Vous ne vous rappelez pas ? Holtzman aurait plusieurs prototypes en route...

Oui... bien entendu. Je voulais seulement vous le rappeler.

Xavier traversa la pièce et s’installa devant un écran interactif dont le système à haute sécurité se rapprochait dangereusement de l’ordinateur. Le programme électronique pouvait trier, organiser et fournir des données essentielles, mais il n’avait pas d’intelligence autonome. Parmi les nobles — Bludd de Poritrin entre autres  – il y avait maintes dissensions sur l’usage de ces ordinateurs primitifs. Mais dans l’urgence, de tels systèmes étaient d’une utilité vitale.

Xavier fit les corrections nécessaires dans son rapport au Parlement à partir du fichier annexe des disponibilités de chaque planète. Puis il imprima le document dont un exemplaire serait transmis à chacun des Mondes de la Ligue. Il en présenta une liasse au Vice-roi qui inscrivit son approbation avant de parapher le document. Puis il quitta en hâte le bureau, laissant la porte ouverte.

Powder se réveilla et s’assit, le regard vague. Sans un mot, Xavier reprit sa place. Une aurore boréale multicolore envahit l’écran de statut général : les techniciens de vérification venaient de lancer leurs signaux pour s’assurer qu’aucune trace d’intelligence artificielle n’avait corrompu le système.

Le Cuarto venait de sombrer à nouveau dans le sommeil et Xavier finit par succomber à son tour. Au seuil du sommeil, il rêva que Serena était portée disparue avec son vaisseau et son équipage. C’était bizarre mais plausible... Jusqu’à la seconde où il sut qu’il ne rêvait pas.

Powder était devant lui en compagnie d’un autre officier.

 — Monsieur, elle est partie avec un forceur de blocus ! Un vaisseau avec un super-blindage et un armement lourd. Des commandos l’accompagnent. C’est un vétéran, Ort Wibsen, qui a accepté de prendre le commandement de leur groupe.

Xavier lutta un instant pour émerger du sommeil et de la fatigue. Surpris, il découvrit Octa entre les deux hommes. Elle le fixait avec des yeux écarquillés. Elle lui tendit d’un geste fébrile un collier de diamants noirs sur un filin d’or.

 — Serena m’a demandé d’attendre cinq jours avant de vous remettre cela.

Elle s’effaça, évanescente, fuyant son regard. Il prit le collier et effleura les diamants noirs. Il activa ainsi un microprojecteur qui diffusa aussitôt une image holographique de Serena. Il resta interdit, surpris, effrayé. Elle le regardait droit dans les yeux.

« Xavier mon amour, je suis partie pour Giedi Prime. La Ligue m’aurait retardée durant des mois tandis que les gens continuent de souffrir. Ce que je ne puis tolérer. (Son sourire était déchirant mais plein d’espoir.) J’ai dans mon équipe les meilleurs ingénieurs, les commandos les plus expérimentés et des spécialistes de l’infiltration. Nous avons tout le matériel et les connaissances nécessaires pour nous glisser derrière les lignes robotiques et activer l’émetteur du bouclier secondaire. Nous comptons installer les systèmes, ce qui nous permettra d’isoler la planète des vaisseaux ennemis tout en prenant au piège ceux qui sont stationnés en surface. Alors, tu pourras intervenir avec l’Armada et reconquérir Giedi Prime. Nous comptons tous sur toi. Pense à l’aide que nous allons apporter à l’humanité ! »

Il ne croyait pas à ce qu’il venait d’entendre. « Je vais t’attendre ici, Xavier. Je sais que tu ne m’abandonneras pas. »

Il serrait les poings. Si quelqu’un était capable de réussir une mission aussi audacieuse, c’était bien elle. Elle était au seuil de l’impossible mais, au moins, elle tentait quelque chose. Avec la certitude qu’elle forçait ainsi les autres à agir.

Octa s’était mise à pleurer doucement. Le Vice-roi surgit à cet instant dans la pièce.

 — C’est bien d’elle, dit Xavier. À présent, nous devons décider de notre réponse : nous n’avons pas le choix.


La Guerre Des Machines
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