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À PORT HUDSON, la situation devenait intenable. Bombardé depuis le fleuve par les canonnières de Farragut, assiégé du côté des champs par les soldats de Banks, le fortin, isolé sur son piton rocheux, vivait les heures difficiles qui précèdent l’alternative de la reddition ou de la résistance jusqu’à la mort certaine. Les Sudistes tiraient leurs derniers obus et leurs dernières cartouches. Les Nordistes, de leur côté, devinaient que l’obstination dont ils avaient fait preuve allait être récompensée.

Le colonel Tampleton, cavalier égaré au milieu des fantassins, faisait le coup de feu comme un simple soldat. Il comptait sur son cheval, à l’abri avec quelques autres, dans une redoute ruinée, pour décrocher, le moment venu, si les assiégeants lui en laissaient le loisir. Tant de raids accomplis dans les lignes ennemies lui donnaient confiance en son étoile.

« Ils ne prendront la batterie qu’en escaladant nos cadavres », avait proclamé emphatiquement le capitaine responsable de la forteresse.

Blessé aux deux bras, ce dernier ne pouvait d’ailleurs qu’encourager ses hommes à bien mourir.

« Ce serait un sacrifice inutile, observa Tampleton. Même si le fort, dernier verrou du Mississippi, est perdu, il est important de conserver à la Confédération le plus grand nombre possible de combattants. Je propose que la nuit prochaine nous fassions partir tous les hommes encore valides et les blessés légers, par la berge du fleuve, à couvert du fort et des rochers.

— Moi, je reste, dit le capitaine, grisé par la perspective de l’offrande suprême.

— Je ne veux pas vous l’interdire, encore que je considère que vous choisissez la facilité. Vos blessures sont guérissables et vous serez plus utile une fois remis, sur d’autres champs de bataille, que héros mort derrière des canons muets. Votre devoir, notre devoir, n’est pas de nous faire tuer, mais de combattre l’ennemi. »

Willy avait parlé assez sèchement, en réaliste, sans se laisser apitoyer par l’officier aux pansements tachés de sang, au teint livide, au regard brillant de fièvre.

« Je ferai sauter le fortin quand vous serez tous partis, proposa encore le capitaine, exalté.

— Avec quelle poudre, s’il vous plaît ? Vous savez bien que la chambre aux munitions est vide et je ne crois pas que, jusque-là, notre poudre et nos balles aient été mal employées. Croyez-moi, capitaine, filez avec les hommes pendant qu’il est temps et laissez-moi m’occuper du reste. »

Quand la nuit fut tombée, le capitaine se laissa convaincre et l’on se prépara à évacuer le petit fort de Port Hudson. Un à un, les hommes se laissèrent glisser dans les anfractuosités des rochers dominant le fleuve, soutenant les blessés capables de marcher, tandis que les canonniers se tenaient prêts à riposter à toute attaque qui viendrait des bateaux des Yankees.

Willy Tampleton, dans son uniforme de cavalier, encore fort présentable malgré une barbe de quatre jours, surveillait l’évacuation. Il savait qu’à l’aube toute la troupe des éclopés serait regroupée dans les bosquets sur la berge, hors de la vue des marins de Farragut et des soldats de Banks. En marchant vers Bayou Sara, que tenait encore l’infanterie de West Feliciana, les défenseurs du fort échapperaient à l’encerclement. Bientôt Tampleton se retrouva seul avec les servants des pièces.

« Il nous reste huit chevaux et vous êtes treize…

— Mauvais chiffre, fit un vétéran barbu.

— Bon chiffre, au contraire, lança un jeune sergent.

— Bon ou mauvais, il faut vous arranger pour me suivre à treize sur sept chevaux, quand le moment sera venu. Naturellement, si certains d’entre vous préfèrent rester avec les blessés pour être faits prisonniers par les Yankees, je les y autorise. Je ne considère pas que ce soit déshonorant…, car la sortie que je vais tenter n’ira pas sans casse. »

Tout en parlant, Tampleton fixait le vieux canonnier qui n’aimait pas le chiffre treize. Le soldat baissa la tête. Après tout, la vie lui avait donné assez de plaisirs et de tourments pour qu’il n’hésite pas à la risquer encore une fois.

Willy le vit aussitôt prendre les choses en main, c’est-à-dire regrouper les soldats deux par deux en fonction de leur poids.

« Vous, sergent, aurez droit à un cheval pour vous tout seul, dit le vieux, puisque nous serons deux sur chacun des six autres chevaux.

— Non, grand-père ; mon cheval, je te le laisse. À ton âge, on a besoin de confort. »

Willy Tampleton sourit. C’était exactement, pensa-t-il, ce que le vieux escomptait !

Quand on vit sourdre au-dessus de la brume blanchâtre, qui par chance recouvrait le fleuve et les berges, une vague lueur ocre, le colonel Tampleton appela son ordonnance, un domestique noir « emprunté » à Percy lors de son dernier passage aux Myrtes.

« Pendant que je me rase, tu vas cirer mes bottes, hein, et comme il faut ! Puis tu brosseras mon uniforme et tu prépareras le café pour tout le monde.

— Et après, je vas avec vous ? interrogea le Noir, visiblement inquiet.

— Non, tu restes ici. Les Yankees ne te feront aucun mal. Tu seras libre. Quand nous serons partis, tu prendras ce mouchoir. » Willy tira de sa poche une pièce de batiste d’une blancheur inattendue. « Et tu l’agiteras au bout d’un fusil, par-derrière le rempart, de ce côté-ci, sans montrer ta tête surtout. Alors les Yankees monteront et tu leur diras : « Bienvenue. » Tu as compris ?

— Oui, mais je crois que j’aimerais mieux aller avec vous, colonel.

— Ce n’est pas possible, les nègres n’ont aucune raison de se faire tuer dans cette affaire. C’est une histoire entre Blancs, comprends-tu ?

— Bon, alors, je retournerai aux Myrtes, colonel, et je dirai à m’sieur Tampleton que tout va bien comme ça !

— C’est une bonne idée ! »

La sortie que tenta, une demi-heure plus tard, le colonel, avec le sergent et les douze canonniers, réussit pleinement. Si le domestique noir de Willy Tampleton n’avait pas été aussi pressé d’agiter le mouchoir de son maître au-dessus du rempart, dès qu’il se vit seul au milieu des blessés et des agonisants, les soldats yankees se fussent peut-être davantage intéressés aux fuyards. Le temps que les fantassins préviennent les cavaliers, qui à cette heure-là se reposaient, Willy et ses hommes étaient loin. Les quelques balles que leur tirèrent les sentinelles de Banks, encore engourdies par la fraîcheur humide de l’aube, ne constituèrent qu’une manière de salut hargneux de la part d’un ennemi satisfait d’enlever une place qu’il assiégeait depuis six semaines, mais étonné de la faiblesse de la garnison qui lui avait si longtemps tenu tête.

À bonne distance de Port Hudson, dans une clairière, Willy Tampleton ordonna une halte.

« Je vous conseille à tous de rejoindre, à Bayou Sara, l’infanterie de West Feliciana. Quant à moi, je vais tenter de retrouver le général Taylor, pour lui rendre compte de la chute de Port Hudson… et continuer avec lui jusqu’à… la victoire ! »

Le ton manquait un peu de conviction, mais la détermination était réelle. Tout le monde le comprit. Le colonel répondit au salut du sergent et considéra ces hommes fatigués, juchés, par couples, sur des chevaux qui mâchonnaient leur mors avec lassitude.

« Pauvre troupe ! pensa Willy. Escadron grotesque de cavaliers jumeaux, figurants recrutés pour une minable apocalypse ; où est ton orgueil et ta grandeur, Sud de nos pères ? » Puis il se détourna, éperonna son cheval et disparut entre les ormes et les chênes dont les frondaisons, le soleil étant levé, semblaient s’ouvrir à la lumière avec la pudeur et la retenue des vitraux.

Ainsi, le 8 juillet 1863, par une chaude matinée d’été, on apprit à Sainte-Marie que la garnison de Port Hudson, à demi décimée, avait hissé le drapeau blanc sur ses bastions ruinés. Le verrou sud du Mississippi venait de céder. Les troupes de Banks pourchassaient sur les deux rives du fleuve les Confédérés qui résistaient encore.

« Pour nous, la guerre est près de finir, dit Murphy, une guérilla sans gloire va maintenant se dérouler dans nos forêts, mais la Louisiane appartient désormais à l’Union.

— Le moment est venu de brûler nos cannes et notre coton », ordonna Adèle Barrow à ses amies rassemblées à l’église-hôpital de Sainte-Marie.

Un sergent qu’on venait d’amputer d’une jambe applaudit en entendant cette phrase.

« Faites le désert devant les Yankees, dit-il d’une voix mal assurée, et mettez mon pistolet à portée de ma main ; le premier qui entrera dans cette église est mort !

— Allons, dit l’intrépide vieille fille, et que Dieu soutienne notre vengeance. »

Ce jour-là, Virginie regagna Bagatelle plus tôt que de coutume. Rosa lui apprit que des cavaliers bleus étaient passés devant la maison et que l’un d’eux avait paru noter quelque chose sur un carnet, avant de poursuivre vers Sainte-Marie par la route des berges.

« Ils sont là, m’ame ! Mon Dieu, qu’est-ce qu’ils vont nous faire !

— Rien, Rosa, vous ne craignez rien. Préparez mon bain. »

À la fin de l’après-midi, il y eut soudain un grand bruit de galopade sous les chênes. Virginie, qui se reposait nue, sur son lit, se leva et vint à la fenêtre ouverte, dont les rideaux de voile étaient tirés.

Il s’agissait d’un groupe d’officiers, aux bottes poussiéreuses, qui, ayant retiré leurs chapeaux noirs, semblaient se concerter avant de s’approcher de la maison. Soudain, ils s’écartèrent respectueusement pour livrer passage à un cavalier plus âgé, d’allure fière, mais visiblement las et préoccupé. À voir les deux rangs de boutons dorés sur la tunique bleue, les parements de velours noir du collet et des manches et les trois étoiles d’argent qui ornaient les épaulettes, elle identifia sans peine un général des armées de l’Union. Il arrêta son cheval au pied de l’escalier, tandis qu’un major mettait pied à terre. Quand le général prit la parole, elle reconnut sans peine l’accent du Massachusetts.

« Nous allons passer la nuit ici, dit-il. Faites garder l’entrée ; les hommes bivouaqueront dans le parc. Voyez, major, s’il reste quelqu’un dans cette maison ! »

Comme l’officier gravissait les marches, Anna, attirée par le bruit, poussa un grand cri puis, troussant sa jupe, traversa la maison en courant.

« M’ame, ils sont là ! Oh ! ils sont là !

— Calmez-vous, Anna, cria Virginie à travers la porte, et dites à ces messieurs que votre maîtresse va descendre. »

Avant de passer une robe, Virginie revint à la fenêtre. Le général devait déjà être entré au salon. De jeunes officiers, affalés dans les rocking-chairs de la galerie, leur sabre entre les jambes, bavardaient.

« C’est à qui le tour de mettre le feu demain, quand le général sera parti ? dit une voix.

— C’est mon tour, capitaine… Celle-ci est en bois, ce ne sera pas difficile. »

La dame de Bagatelle en savait assez. Ouvrant sa penderie, elle demeura un instant perplexe, puis, avisant une robe de plumetis qu’elle n’avait pas portée depuis ses fiançailles avec Adrien, elle l’enfila prestement sur sa chemise de dentelles. Elle mit ensuite un peu de rose aux joues, un nuage de poudre, vérifia la symétrie de ses anglaises et descendit au salon.

Le général et les trois officiers, qui, mains au dos comme des touristes, semblaient admirer les tableaux, se retournèrent en entendant son pas. Tous eurent l’impression que le grand portrait de cette belle femme, qu’ils détaillaient la seconde précédente, venait de s’animer comme un reflet.

« Messieurs ? dit Virginie, parfaitement à l’aise.

— Major Coster, dit un des officiers en s’inclinant. Voici le général Banks, madame, de l’armée des États-Unis. Bien que ce soit sans doute déplaisant pour vous, nous comptons passer la nuit sous votre toit… C’est la guerre ! »

Le général s’était incliné sèchement, tout en appréciant cette toilette plus que légère pour une dame sudiste.

« Comme il est impossible à une femme seule et sans défense de mettre des intrus à la porte, j’imagine que je n’ai qu’à accepter votre présence, comme celle de visiteurs ordinaires. Asseyez-vous. Mon majordome vous désignera les chambres disponibles. Puis-je vous offrir un peu de porto ? »

Le général, ceint d’une écharpe jaune, s’assit sur le canapé, imité par le colonel et le lieutenant qui l’encadraient. Le major quitta le salon.

Quand Brent apparut, portant sur un plateau d’argent qui tremblait dans ses mains le vin et les verres de cristal, le général leva les sourcils d’un air étonné.

« Nous n’avons pas l’habitude d’être accueillis ainsi, madame, et croyez bien que votre compréhension me touche.

— Que voulez-vous, général, étant la veuve récente d’un général français qui vient d’être tué au Mexique où il se battait pour son pays, je sais que les soldats sont aussi des hommes et que, vainqueurs ou vaincus, ils apprécient toujours un verre de porto… Si ça ne vous dérange pas, toutefois, d’être servis par un esclave », conclut ironiquement Virginie.

Banks sourit, en homme qui apprécie l’attitude de son hôtesse forcée.

Quand Brent eut rempli les verres, Mme de Vigors s’empressa de porter le sien à la bouche.

« Vous voyez, dit-elle avec un sourire, mon porto n’est pas empoisonné… »

Aussitôt, la discussion prit un ton détendu, amène. Le général s’enquit de la personnalité de M. de Vigors, posa des questions sur la plantation, sur le coton, la mélasse et l’indigo.

« Je ne me suis jamais occupée de ces choses, dit Virginie. Nous avions un intendant qui a disparu depuis des mois, les nègres se sont dispersés, les terres sont à l’abandon. C’est une pauvre plantation que voilà, général, vous ne trouverez rien, je le crains, qui puisse vous être utile et cette vieille demeure de bois brûlera facilement…, car c’est bien votre habitude, n’est-ce pas, d’incendier les maisons où vous avez passé la nuit ? »

Banks et ses officiers échangèrent des regards gênés.

« Ce n’est pas une règle, croyez-moi, dit le général, mais comprenez que, Penne…, les troupes adverses étant proches, notre devoir de soldats est de ne leur faciliter en rien la tâche. S’il nous arrive de détruire des demeures comme la vôtre, ce n’est pas pour le plaisir, mais parce que nous ne pouvons laisser debout des abris pour ceux qui sont hostiles à l’armée des États-Unis.

— Dans tous les cas, le résultat est le même, général, pour ceux qui les habitent depuis si longtemps. Il est vrai que votre guerre est une guerre civile ! »

Le général réprima une grimace et, charitablement, Virginie passa à un autre sujet.

Quand vint l’heure du dîner, après que les officiers eurent reconnu les chambres qu’ils souhaitaient occuper, on entendit des éclats de voix dans la cuisine. La porte s’ouvrit brusquement et Anna apparut, écumante de colère, un rouleau à pâtisserie à la main.

« Y en a un qui veut me prendre mes fourneaux, maîtresse, pour faire à manger aux Yankees ; s’il quitte pas ma cuisine, je l’assomme ! »

Derrière la brave femme se profilait un grand soldat dégingandé, aux mains rouges, qui parut surpris de voir le général occupé à converser avec « l’esclavagiste ». Comme le général et les officiers, Virginie sourit.

« Il serait peut-être plus simple, Anna, que vous fassiez à manger pour tout, le monde ! Si ces messieurs veulent bien me tenir compagnie dans la salle à manger. »

Le colonel esquissa une protestation, mais le général acquiesça, visiblement satisfait par la perspective d’un repas bourgeois. Virginie pria ses hôtes de l’excuser. Elle avait des ordres à donner pour le dîner. Un quart d’heure plus tard, pendant que Banks et ses officiers achevaient la bouteille de porto, le cuisinier du général, sous le regard sévère d’Anna, plumait les deux poulets qui constitueraient le plat de résistance.

Le repas fut agréable, Virginie s’appliquant à faire oublier aux Yankees leur position d’envahisseurs. Mme de Vigors avait cru bon d’extraire de leur cachette quelques bouteilles de vin, qui contribuèrent à faire oublier pour un moment à ces hommes qu’ils faisaient la guerre et se trouvaient attablés, en territoire ennemi, avec une hôtesse en robe transparente, aussi désinvolte que si elle recevait des amis.

Quand Brent se présenta au dessert pour dire qu’il venait de rosser un militaire surpris à fouiller une chambre du rez-de-chaussée, le général éclata de rire, envoya chercher le major et lui dit clairement qu’il interdisait tout pillage… Virginie le remercia d’un de ces sourires dans lesquels les hommes savent lire d’inconcevables promesses.

« Je suis heureuse de voir, général, que l’armée des États-Unis n’est pas cette bande de pillards rassemblée par Butler dont on a dit pis que pendre.

— Notre mission, madame, est de gagner une guerre que nous n’avons pas souhaitée, pour reconstruire l’Union, non de voler des citoyens égarés par les marchands d’esclaves ! »

Le café bu, sur un signe discret du général, les officiers prirent congé, laissant leur chef en tête-à-tête avec la maîtresse de céans. Les domestiques noirs ne furent pas moins étonnés que les soldats, qui bivouaquaient non loin de la maison, ni que les sentinelles de voir, à la nuit tombée, le général Banks prendre le frais sur la galerie avec la dame de Bagatelle.

Virginie se montra volubile, enjôleuse, un peu ironique quelquefois, souvent mélancolique, évoquant devant le guerrier fatigué la douce vie du Sud et s’interrogeant sur l’avenir. Peu à peu, les confidences se firent plus confiantes et, quand Brent servit la tisane de sassafras, il vit, horrifié, que la main du général caressait doucement le bras abandonné de sa maîtresse.

Au petit matin, quand le clairon sonna le réveil, provoquant l’envol des cardinaux et des jaseurs endormis dans le feuillage des chênes, le général Banks rejoignit discrètement la chambre qui lui avait été désignée, pour y faire sa toilette. Son ordonnance apportant l’eau chaude remarqua le lit intact, la gaieté inhabituelle de Nathaniel Banks et se dit que le général avait dû passer, quelque part dans cette maison, une de ses meilleures nuits de guerre.

Debout derrière sa fenêtre, Virginie suivit les préparatifs de départ et entendit enfin la phrase qui la rassurait :

« Le général ne veut pas qu’on brûle cette maison, ni qu’on y prélève quoi que ce soit, disait le colonel. Surveillez vos hommes, messieurs, vous répondrez de leurs manquements devant le Conseil de guerre. »

Elle vit le chef de l’armée du golfe sauter en selle, puis se diriger, accompagné de son état-major, vers l’allée des chênes. Avant de s’engager sous les frondaisons, il se retourna vers la maison, espérant peut-être, derrière une fenêtre aux rideaux clos, une silhouette de femme. Virginie, le visage sévère, ne se montra pas.

La troupe se mit enfin en route en chantant le chant exécré par les Sudistes : John Brown’s Body{69}.

John Brown gît dans sa tombe et son corps se décompose
Mais son âme est en marche,
Gloria, Gloria, Alléluia !
Mais son âme est en marche…

« En marche vers l’enfer, oui, comme tous ceux-là », murmura Virginie.

Bagatelle était sauvée. Elle sonna Rosa, fit changer les draps de son lit et se rendormit.