Timbre-réponse
Ceux qui te mettent un timbre pour la réponse ! Comme si un timbre allait décider à répondre celui qui n’en a pas envie ! Oui, mais, la culpabilité ? Si on ne répond pas, on est un salaud, merde ! Un voleur ! On vole un timbre…
Doublement dégueulasse, le procédé. Créer la culpabilité dans la tête de quelqu’un, c’est-à-dire l’inconfort moral, les tourments, les affres, comme ça, à distance, simplement en glissant un timbre dans l’enveloppe, c’est… C’est sadique, voilà. C’est se payer une grosse tranche de méchanceté pour deux francs et trente centimes. Pas cher, vraiment. D’autant plus injuste que la personne destinataire n’avait nullement l’intention de ne pas répondre, mais elle aurait fait ça plus tard, un de ces jours, elle l’aurait fait, sûr. Et, deux mois après, elle retrouve la lettre et son timbre parmi les chaussettes sales, et alors la culpabilité lui saute dessus, elle rougit, elle a honte, elle se déteste, et comme de toute façon il est trop tard pour répondre, ça aurait même l’air de se foutre du monde, la voilà accablée sous le poids de l’irrémédiable. Très, très malsain.
Il ne faut pas céder. Ne pas se laisser avoir. Bander toutes ses énergies contre la culpabilité qui pointe son vilain nez parce que, ouvrant une lettre, vous apercevez le timbre pour la réponse. Dites-vous bien que mettre un timbre pour la réponse est insultant pour celui qui le reçoit. C’est insinuer des choses déplaisantes. C’est vous forcer la main. Un véritable chantage moral, qui ne peut être que le fait d’un goujat. Aux goujats, on ne fait pas l’honneur d’entrer dans leur jeu de goujat. Le timbre pour la réponse, mets-le dans ta poche, garde-le pour une lettre d’amour… Mais voilà maintenant que ces cochons-là le collent d’avance sur une enveloppe avec leur adresse imprimée dessus ! Alors, décolle-le. Sans pitié. Il y suffit d’un peu de patience. D’autant que ce n’est pas collé-collé. La pauvre fille sous-payée qui se tape le boulot, figure-toi, qui en colle des comme ça par cinq mille à l’heure, ne va pas croire qu’elle se dessèche la langue pour mouiller le truc, ni qu’elle se foule le gras du pouce à appuyer.
Ce n’était pas une vraiment grosse colère. Il y a des jours, comme ça, où je serais presque de bonne humeur.