La tête et les jambes

 

Encore un scandale de sport. Oh, modeste, celui-là. Pas de milliards en jeu, ni de fausses factures. Rien que des bêtes torturées. Le sport, comme la politique, engendre désormais les scandales. Sans doute parce que, l’un comme l’autre, ils exaltent les passions crapuleuses : vaincre, vaincre à tout prix, écraser l’adversaire, c’est-à-dire, virtuellement, le tuer, et puis, bien sûr, là comme ailleurs, directement ou par la bande, appât du fric. Cette fois, il ne s’agit pas d’hommes surpris à se doper, mais bien de chevaux qu’on a torturés.

Il est des sports qui nécessitent la coopération de l’homme et de la bête – ne parlons pas de l’ignoble corrida –, coopération où la bête assure la partie musculaire du travail, l’homme étant, cela va de soi, la tête de l’association.

Un concours hippique comprend, entre autres épreuves, des sauts de haies. Les haies sont des barrières formées de barres transversales arrangées pour s’écrouler au moindre choc. Si le cheval, en sautant, laisse traîner un peu les pieds, il fait tomber la barre, c’est une faute. Des cavaliers astucieux ont trouvé la parade : il suffit d’habituer le cheval à replier ses pieds bien à fond sous lui quand il saute.

Tout dressage consiste à créer des réflexes conditionnés. Si vous donnez un bon coup de trique sur le devant de la jambe du cheval au moment précis où il s’enlève au-dessus de l’obstacle, vous lui faites, hé oui, très mal. Il replie vivement les jambes sous lui plus qu’il n’est nécessaire, ce qui, du point de vue de l’efficacité du saut, est le but recherché. Si l’on répète l’opération coup-de-trique suffisamment longtemps, le docile système nerveux central du cheval associe indissolublement la notion « barrière » et la notion « coup de trique ». La seule vue d’une barrière lui fait replier les jambes avec cet excès qui assure les impeccables sauts de barrière dont sont friands les connaisseurs.

Bien. Mais il arrive que le cheval n’ait plus le temps de déployer suffisamment les jambes pour se recevoir après le saut, et qu’il s’écroule lamentablement sur les genoux. Ces épisodes fâcheux se sont même produits assez souvent pour éveiller les soupçons et déclencher une enquête qui révéla la chose…

Et ces bourreaux posent à « l’homme de cheval » ! Au centaure qui ne fait qu’un avec sa bête, la chérit, l’estime, la traite en égal, etc. Vous connaissez le folklore… Dire que j’ai marché ! Je me disais « Enfin une activité homme-animal où l’homme ne tue pas, ne tourmente pas, s’amuse avec des bêtes qui, semble-t-il, s’amusent autant que lui. » Encore une illusion qui s’en va.

Mais, s’écrieront les « vrais » hommes de cheval, on ne juge pas toute une catégorie à travers quelques brebis galeuses !

La vieille argutie des brebis galeuses… L’homme pourrit tout ce qu’il touche, un point, c’est tout. Et puis, laissez donc les brebis tranquilles ! Vous savez ce qu’elles vous disent, les brebis, galeuses ou pas ?

Coups de sang
titlepage.xhtml
CoupsDeSang_split_000.htm
CoupsDeSang_split_001.htm
CoupsDeSang_split_002.htm
CoupsDeSang_split_003.htm
CoupsDeSang_split_004.htm
CoupsDeSang_split_005.htm
CoupsDeSang_split_006.htm
CoupsDeSang_split_007.htm
CoupsDeSang_split_008.htm
CoupsDeSang_split_009.htm
CoupsDeSang_split_010.htm
CoupsDeSang_split_011.htm
CoupsDeSang_split_012.htm
CoupsDeSang_split_013.htm
CoupsDeSang_split_014.htm
CoupsDeSang_split_015.htm
CoupsDeSang_split_016.htm
CoupsDeSang_split_017.htm
CoupsDeSang_split_018.htm
CoupsDeSang_split_019.htm
CoupsDeSang_split_020.htm
CoupsDeSang_split_021.htm
CoupsDeSang_split_022.htm
CoupsDeSang_split_023.htm
CoupsDeSang_split_024.htm
CoupsDeSang_split_025.htm
CoupsDeSang_split_026.htm
CoupsDeSang_split_027.htm
CoupsDeSang_split_028.htm
CoupsDeSang_split_029.htm
CoupsDeSang_split_030.htm
CoupsDeSang_split_031.htm
CoupsDeSang_split_032.htm
CoupsDeSang_split_033.htm
CoupsDeSang_split_034.htm
CoupsDeSang_split_035.htm
CoupsDeSang_split_036.htm
CoupsDeSang_split_037.htm
CoupsDeSang_split_038.htm
CoupsDeSang_split_039.htm
CoupsDeSang_split_040.htm
CoupsDeSang_split_041.htm
CoupsDeSang_split_042.htm
CoupsDeSang_split_043.htm
CoupsDeSang_split_044.htm
CoupsDeSang_split_045.htm
CoupsDeSang_split_046.htm
CoupsDeSang_split_047.htm
CoupsDeSang_split_048.htm
CoupsDeSang_split_049.htm
CoupsDeSang_split_050.htm
CoupsDeSang_split_051.htm
CoupsDeSang_split_052.htm
CoupsDeSang_split_053.htm
CoupsDeSang_split_054.htm
CoupsDeSang_split_055.htm
CoupsDeSang_split_056.htm
CoupsDeSang_split_057.htm
CoupsDeSang_split_058.htm
CoupsDeSang_split_059.htm
CoupsDeSang_split_060.htm
CoupsDeSang_split_061.htm
CoupsDeSang_split_062.htm
CoupsDeSang_split_063.htm
CoupsDeSang_split_064.htm
CoupsDeSang_split_065.htm
CoupsDeSang_split_066.htm
CoupsDeSang_split_067.htm
CoupsDeSang_split_068.htm
CoupsDeSang_split_069.htm
CoupsDeSang_split_070.htm
CoupsDeSang_split_071.htm
CoupsDeSang_split_072.htm
CoupsDeSang_split_073.htm
CoupsDeSang_split_074.htm