La Paloma
Débat télé sur la Cinq. À la suite, questionnaire national : « Êtes-vous pour ou contre le massacre des palombes dans le Sud-Ouest ? » Pour : 42 %. Contre : 53 %.
53 % ! C’est tout ? Je les savais féroces, mais là, ils m’ont assis. Je me figurais, voyez-vous, que l’acharnement dans l’assassinat des blanches palombes en profitant de leur migration vers le soleil se limitait aux indigènes des départements aquitains. Ces Sudistes enragés ne représentent tout de même pas 42 % de la population de la douce (hum !) France. Donc, dans son ensemble, près de la moitié de la France est d’accord avec le massacre pour faire joujou, les protestataires occupant tout juste l’autre moitié de la statistique…
J’ai beau vous savoir sanguinaires, vous m’infligez à chaque fois en pleine gueule la preuve que je suis encore trop optimiste. Le Français est aux oiseaux migrateurs ce que l’Espagnol est aux taureaux : une brute meurtrière et acharnée, planquée derrière l’éternel prétexte folklorique et « culturel » de la tradition, cette salope aux mains sanglantes.
S’en fout pas mal, des palombes, le peuple de France ! Des espèces de petits machins blancs qui passent dans le vent, tout là-haut, comme du duvet de fleur de pissenlit. La chasse est une spécialité régionale amusante et pittoresque, pas plus méchante que la cueillette des champignons, n’est-ce pas. Et ça crée des emplois : les cartouches ne poussent pas sur les arbres. Et quel afflux de prospérité pour ces paysans méritants : Le mirador d’affût se loue à prix d’or. Alors, hein… Ayons une pensée émue pour les gros pères accroupis dans leurs planques, amplement munis de salaisons, de foie gras et de toutes ces bonnes choses qui se font par là, amplement munis, aussi, de liquides rafraîchissants et stimulants, car le saucisson altère et la brume matinale picote. Voyons-les, les ventrus, roter un bon coup, puis, fusil au poing, entonner avec âme « La Paloma », car l’homme vit aussi de poésie.
Dernière minute : Je me suis trop vite emballé. Le lendemain, résultat définitif du sondage : 38 % pour, 62 % contre. C’est un peu moins désespérant. C’est quand même pas le grand pavois. 38 %, cela cerne un peu plus strictement les départements directement concernés par la passion du massacre des innocents et par ses retombées économiques. Les amis des palombes ont la spontanéité un peu rouillée. Ou peut-être ne regardaient-ils pas la Cinq ?