Chère angoisse
L’Univers roulait ses sphères, roulait, roulait, la vie naissait et mourait, naissait et mourait, et nul ne s’en doutait, nul capable de s’en douter n’existait, et la matière diffuse se condensait, les volcans surgissaient, les torrents bondissaient, les herbes fleurissaient, se fanaient, fleurissaient de nouveau, les bêtes naissaient, grandissaient et mouraient, et ça ne gênait personne, n’angoissait personne.
Il a fallu que survienne cette saloperie : la conscience. Et maintenant il y a quelqu’un pour contempler l’Univers, il y a quelqu’un qui sait qu’il est là, qu’il vit, qu’il vit très provisoirement, et qu’il va mourir : moi. La conscience est là, je ne peux pas faire qu’elle n’y soit pas, je ne peux pas faire comme si elle n’y était pas, je ne peux pas redevenir singe, ou chien, ou limace, ou caillou… La conscience est là, c’est-à-dire l’angoisse, en pleine gueule.
Heureux les croyants, ils ont réponse à ça. Ils ont réponse à tout. Ils ont leur morphine.
Heureux les croyants, mais je préfère mon angoisse et ses yeux grands ouverts.