« Right or wrong… »
« La vérité, tu veux que je te la dise ? Eh bien, la vérité, c’est que t’es pas de ton temps. Tu refuses d’accepter les choses telles qu’elles sont. Il faut vivre avec son temps, quoi. »
Il a tout compris, lui. C’est vrai, je ne suis pas de mon temps. Non, il n’a pas tout à fait tout compris. Je ne suis d’aucun temps. Ni de celui-ci, ni d’un autre. Je n’ai le regret ni la nostalgie d’aucune époque du passé. J’y aurais souffert et brûlé exactement comme dans celle-ci. Je suis exilé dans le temps. J’emmerde le temps et ceux qui sont bien du leur.
« Être de son temps »… Aussi con, dans un autre registre, quoique finalement pas tellement éloigné, que le si fameux « Right or wrong, my country ! » « Qu’il ait tort ou raison, c’est mon pays » si tant prisé, si tant prôné par les fins gourmets amateurs de ces paradoxes crânes qui font dans l’audace bien-pensante et sans danger. Et moi je dis : « Si mon pays se conduit comme une ordure, il n’est plus mon pays. » Je l’ai d’ailleurs dit, écrit plutôt, il y a bien longtemps, c’était à l’école, on nous avait filé ça comme sujet à la compo de rédac, on nous faisait comprendre que c’était là une sublimité à se mettre à genoux devant, vous voyez le genre : « Commentez cette pensée de George Washington (ou de Benjamin Franklin, ou de Laurel et Hardy, j’ai oublié…) : « Right or wrong… etc. » J’ai eu tout faux.
« Mais, rétorquerait (en anglais) l’illustre auteur de l’altière dégueulasserie ci-dessus, mon pays ne PEUT pas avoir tort, puisqu’il est mon pays. »
Ben, voyons. Et ceux d’en face ? Pareil chez eux, n’est-ce pas ? Ça, c’est leurs oignons. Veux pas le savoir. Il y a MON pays, et le vide autour. Aussi con qu’un chrétien bouffé par les lions. D’ailleurs, il aurait certainement été capable de s’y faire, bouffer, rien que pour n’en avoir pas le démenti, il devait être de cette sorte de gens… C’est avec de pareilles séduisantes saloperies qu’on fabrique cette pseudo-morale de l’honneur, si faraude de violer le sens commun et d’aller à l’encontre de la morale de tous les jours, de la bonne grosse morale pour nous autres croquants, à l’encontre, aussi, de la simple justice et de la claire logique (plus ça paradoxe, plus c’est beau !). C’est avec ça qu’on justifie n’importe quoi, qu’on envoie tuer et se faire tuer des peuples entiers, chevaux compris.
On choisit bien sa femme, pourquoi pas sa patrie ? Je t’ai choisie, France. Attention à ne pas me décevoir ! Sur le chemin de l’honneur (que je n’appelle pas comme ça, moi, mais faut bien se mettre à la portée), file droit, ma poule.