À la loyale
Le taureau a sa chance, qu’ils disent. C’est un combat loyal. Le matador a son épée, le taureau a ses cornes. Face à face. La minute de vérité. Et que le meilleur gagne.
D’accord. Puisqu’ils sont épris de loyauté, soucieux d’équité, prenons-les au mot. Rendons le combat vraiment égal.
Quand le taureau arrive devant le fringant matador, il a sur les épaules une demi-douzaine de banderilles qui lui déchirent la viande, le taureau. Les picadors lui ont soigneusement travaillé la pétulance à grands coups de leurs piques enfoncées juste là où ça vous démolit le moral bien comme il faut. Alors, voilà : qu’on en fasse autant au matador, puisqu’on parle d’équité. Le spectacle d’ailleurs y gagnerait en beauté, en grandeur. Les voyez-vous, tous les deux, face à face, l’un et l’autre également hérissés de banderilles aux gais rubans, ruisselants de la tête aux pieds de ce beau sang vermeil si magnifique sous le grand soleil ? L’homme aussi épuisé que la bête, ayant perdu proportionnellement autant de sang, grimaçant de douleur, flageolant sur ses jambes aux beaux mollets, ayant peine à présenter l’épée au bout de son bras tremblant ? Exactement dans le même état que son adversaire, quoi. Ça, oui, ce serait du duel à la loyale !
Et si c’est le taureau qui gagne, on le porte en triomphe et on lui fait solennellement cadeau de la queue du vaincu et des deux… des deux quoi, au fait ?