Dieu existe :
mon chien l’a trouvé
Un animal, c’est un homme d’avant l’homme.
Phrase pour journaliste à deux sous. Phrase qui fait pschitt. On y met ce qu’on veut. Et toi, tu y as mis quoi ?
Ceci : que l’animal – disons, le chien – est doté d’un psychisme certes beaucoup moins perfectionné que celui de l’homme. Il ne va pas jusqu’à accéder à la faculté de raisonner. Mais, en ce qui concerne l’aspect affectif de l’activité mentale, ce que nous appelons le sentiment, il fonctionne de façon au moins aussi intense. Son psychisme est simple, presque réduit aux instincts, mais il est extrêmement actif. Les pulsions sont, là, à l’état pur, sans être masquées, modulées ou refrénées par la réflexion ni par l’éducation. Un chien, ou n’importe quel animal, n’essaie pas, comme ferait l’homme, de sauver la face. Il n’a pas de dignité, pas d’honneur, de fierté, d’ambition, aucune de ces conneries qui empoisonnent les relations humaines. Les relations avec un animal sont directes, franches et sans sous-entendus.
Qu’il ne me tombe jamais sous la pogne, celui qui abandonne son chien ou son chat au moment des vacances ! La grande colère rouge me mordrait au cul, je ferais du dégât. Avant de prendre chez soi un animal, il faut y réfléchir à deux fois, se dire que c’est pis qu’un mariage. Car le chien jamais ne vous désaimera, jamais. D’avec son conjoint, on peut toujours divorcer. Avec un animal, toute séparation est un drame, on peut dire un assassinat : si la bête ne meurt pas de chagrin, la fourrière se chargera de l’exécution, ou peut-être, horreur suprême, le laboratoire.
Pour eux, Dieu existe : c’est l’homme. L’homme dispensateur de tout bien, l’homme objet de tout amour. Ils lèvent les yeux : l’homme est là. Tout est en ordre. La sérénité parfaite. Comme si, pour nous, le Bon Dieu était parmi nous, visible, palpable, en permanence. Plus de problème ! La vie, enfin, aurait un sens. Plus besoin de la foi, de faire violence à la raison pour croire, puisque l’évidence serait là, éclatante, mesurable, adorable.
Les chiens, les chats, n’ont nul besoin de croire. Il leur suffit de lever les yeux : Dieu est là.
Ils ne savent pas que nous ne sommes pas Dieu, ils ne savent pas qu’il n’y a pas de dieux, ils ne savent même pas ce que c’est qu’un dieu, et à quoi bon ? Ils en ont un, chacun le sien, voilà tout. Heureux les chiens !
Aussi longtemps que Dieu ne les abandonne pas au bord d’une route, le premier jour des vacances…