Ariane
Vous rappelez-vous vos hurlements, lorsqu’il fut question d’introduire la publicité dans la télévision ? « Ah, non, alors ! Pas de ça chez nous ! Et d’abord, ça ne marchera jamais. Les Français ne supporteront pas. Moi tout le premier, je préfère me passer de télé que de subir ça ! »
Vous l’avez eue. Dois-je dire « dans le cul » ? Et vous vous écriâtes « Oui, mais ils n’oseront jamais nous coller ça en plein milieu du film, comme chez les Amerloques. Une goujaterie pareille, jamais les Français n’accepteront ! »
Et qu’est-ce que vous dites, aujourd’hui ? Vous râlez, vous baissez le son, vous n’osez pas zapper, vous avez peur de rater deux secondes du polar, et vos gosses, vous entendant renauder, par cet esprit de contradiction qui fait le charme de l’enfance, affectent d’adorer les spots pub et vous arrachent la boîte des mains pour augmenter le son, voilà comment elle vous baise, la pub, par un trou ou par l’autre. Soyez heureux, vos enfants seront de parfaits cons, bien conformes bien standard.
Mais vous piaffez, vous attendez les satellites qu’on vous promet depuis si longtemps, ces fabuleux satellites télécom qu’Ariane, la merveilleuse fusée européenne (traduisez « française », comme vous y invite le sourire entendu du gars dans le poste), va placer dans le ciel rien que pour vous transmettre des images infiniment plus fines, plus précises, plus performantes, plus… plus… Et il y aura quoi, sur ces images ? Du football. Du tennis. Du Tour de France. De l’Interville. Des Chiffrezédélettres. Des vieux Gabin. De la corrida. Du polar série B pour insomniaques. Et de la pub, de la pub, de la pub, éclatante ou insinueuse, éhontée ou hypocrite, mais toujours con à pleurer, de la pub, de la pub, de la pub… De la merde. De la merde haute définition.
Et alors ? Puisqu’on aime la merde, pourquoi n’exigerait-on pas de la belle merde ?