Château de Fontainebleau.
Le 19 janvier 1544, « à l’heure où le soleil était encore sur l’horizon », cent un coups de canon annoncèrent à la Cour et au monde que Madame Catherine, dauphine de Viennois, venait de donner le jour à un fils ! Ainsi donc, après dix années de prières, d’attentes, de veilles, d’efforts, de regrets et d’infini désespoir, après dix années d’une stérilité vécue comme le plus douloureux calvaire, la « fille de banquiers », la « nièce d’un pape mort », faisait taire, enfin, la méchanceté. Enfin, elle donnait un prince à la France, et à la dynastie l’héritier nécessaire à sa perpétuation. Enfin, elle allait oser regarder bien en face ce beau-père qu’elle aimait tant, qui l’avait soutenue aux heures les pires, et dont elle s’empresserait de donner à son enfant le prénom. François2 de France, fils du dauphin Henri, petit-fils du roi François, était né.
Les astrologues du pape, dûment consultés, allaient prédire que ce fils aurait les meilleures relations avec l’Église et qu’il serait vigoureux – en quoi ils se trompaient gravement, hélas ! Le roi lui-même voulut examiner les matières sorties avec l’enfant et, feignant la plus grande habitude de ces choses, déclara qu’il aurait de nombreux frères et sœurs – ce qui, en revanche, se révéla très vrai.
Si cette naissance inespérée combla Catherine, évidemment, elle lui apporta de surcroît la joie profonde de voir son mari changer d’attitude à son égard. Sans doute ne devint-il pas amoureux : il avait, à vie, donné son cœur à une autre. Mais du moins, à compter de ce grand jour, se montra-t-il plus complice, plus proche, plus aimable et – finalement – plus aimant envers celle qui était la mère de son fils, et deviendrait bientôt celle de tous ses enfants. Et pour la jeune femme, ce fut sans doute la plus heureuse conséquence de l’événement.
Les réjouissances ordonnées pour la naissance du fils du dauphin dépassèrent, en ferveur autant qu’en splendeur, tout ce qu’on avait pu voir. Ce n’étaient partout que feux de joie, cavalcades, mômeries sans fin et sans limites... Les places publiques accueillirent des fontaines de vin, l’on fit des arches en massepain !
À Fontainebleau, les amis du couple princier furent conviés à la plus éblouissante des soirées, qui prit pour cadre la nouvelle galerie du Rosso. Pyramides de lumières, cascades parfumées, tritons et nymphes distribuant à profusion toutes sortes de présents magnifiques à des convives parés de joyaux inouïs...
Par un concours de circonstances étrange, Simon de Coisay fit partie de ces rares élus. Venu à la Cour avec son frère, il avait croisé, le jour même, le duc d’Orléans qui le reconnut, lui dit-il – à moins qu’il ne le confondît avec un autre. En tout cas, Simon avait pris le prince au mot, et accueilli d’enthousiasme son invitation orale.
De sorte que le soir, il se retrouva dans la plus brillante compagnie – et se fit assez apprécier du beau Charles de Brissac pour que celui-ci, sans même se faire prier, lui décrochât une charge vacante de messager du dauphin. Simon était ravi de cet enchaînement de chances. Il ne pouvait prévoir que cela, bientôt, lui vaudrait de connaître l’épreuve du feu.