Couvent de Tusson.
Depuis qu’à l’automne, sa maladie avait fait de si dangereux progrès, François n’avait cessé d’appeler sa chère sœur auprès de lui. Ne l’avait-elle sauvé de manière miraculeuse lorsque, jadis à Madrid, un autre abcès – au nez celui-là – avait bien failli l’emporter2 ?
Cette fois Marguerite, retenue peut-être par une intuition néfaste, ne s’était pas empressée d’accourir. Il faut dire qu’elle était malade, elle-même, et plus que lassée des mensonges, intrigues et vilenies d’une cour si peu faite pour sa grande âme.
— Mon frère me réclame à son chevet, confiait-elle à la bonne Mme du Lude, mais si je vais là-bas, je sens que c’est moi qui mourrai.
Pour Noël, elle avait envoyé au roi un superbe pourpoint qu’elle avait entièrement brodé de ses mains – en pensant fort à lui à chaque passe d’aiguille... Elle avait assorti ce présent d’une épître, promettant sa venue aux beaux jours. C’est qu’elle vieillissait, elle aussi, et ne voyageait plus si facilement...
Trop agitée, pourtant, bien trop inquiète pour rester sagement dans son Béarnais, elle était remontée vers l’Angoumois natal, pour se réfugier, en mars, au monastère de Tusson28. C’était l’endroit rêvé pour une retraite pascale ; après quoi, selon les nouvelles de Saint-Germain, elle pourrait toujours rejoindre son frère.
Les nonnes de Tusson eurent tôt fait d’adopter la pieuse souveraine, qu’elles enveloppèrent de douce bienveillance. Là, capuchonnée de fourrure, bien emmitouflée dans sa lourde et noire cape pyrénéenne, Marguerite put marcher à loisir, en dépit du froid. Marcher pour se calmer. Et méditer. Et prier. Écrire, aussi, pour apaiser l’angoisse où la plongeait cette inconcevable maladie du frère adoré.
« Ô qu’il sera le bien venu
Celui qui, frappant à ma porte,
Dira : “le roi est revenu
En sa santé très bonne et forte !” »
La nuit, dans le dénuement de sa cellule monacale, il n’était pas rare que Marguerite fût réveillée en sursaut par un cauchemar, toujours le même : son frère, le teint pâle et les traits tirés, s’approchait tout près d’elle et gémissait : « Ma sœur ! Ma sœur ! »
Alors la reine sursautait, se redressait sur sa couche et, mains moites, tempes glacées, se demandait si, par le biais du rêve, ce n’était pas François qui, réellement, l’appelait à son secours.