Saint-Maur-des-Fossés.

Alarmé par l’avancée de l’empereur et de ses troupes à travers les provinces orientales du royaume, François Ier s’était porté à l’est de sa capitale, chez le cardinal Jean du Bellay, évêque de Paris24. Les nouvelles qui lui parvenaient, toutes plus funestes, laissaient entrevoir un désastre aussi général, et peut-être davantage, que celui de Pavie – vingt ans plus tôt. Car cette fois, c’est la ville elle-même qui risquait d’être prise. La panique s’était insinuée chez les Parisiens, et l’on voyait s’accumuler aux portes, des chapelets de mules et de chariots chargés de tout ce qu’emportaient les candidats à l’exode. Leur flux se heurtait, dans certaines artères, à des cortèges de priants implorant Sainte-Geneviève, en souvenir d’Attila... Cette confrontation de la peur et de la foi tournait le plus souvent à l’avantage de la première, plus impulsive peut-être ; et l’on voyait partout des pèlerins bousculés par les fuyards.

— Puisque le vouloir de Dieu semble être de favoriser l’empereur plus que moi, se plaignait François, qu’il le fasse au moins sans que je voie l’ennemi camper dans la principale ville de mon royaume. Ah, mais s’il le faut, j’irai au-devant, je livrerai bataille, et tout ce que je demande à Dieu, c’est alors de me faire mourir plutôt que d’endurer une seconde prison25 !

L’entourage du roi le laissait s’enflammer ainsi ; mais in petto, chacun le savait trop souffrant pour s’en aller à la guerre... Comme ces malades importants que l’âge et leur propre acrimonie ont peu à peu coupés du monde, le roi François vivait sous la garde croisée du cardinal de Lorraine et de la duchesse d’Étampes, qui géraient ses audiences, filtraient son courrier, orientaient ses pensées autant qu’ils le pouvaient.

Mais s’ils escamotaient volontiers les petites nouvelles, les hommes de la duchesse ne pouvaient pas occulter les grandes. Et le 18 août parvint à Saint-Maur l’annonce de la prise, la veille, de Saint-Dizier. Contre toute attente, la ville-clé était donc tombée ! On s’en étonna d’abord, puis on apprit que le comte de Sancerre, défenseur de la place, avait reçu l’ordre de capituler – un ordre crypté au chiffre du roi. Était-il possible que ce chiffre eût été transmis à l’ennemi ?

— Qui a bien pu livrer mon chiffre à l’empereur ? répétait le souverain terrassé, cloué à son lit de douleurs. Car il a bien fallu que quelqu’un le lui donne. Mais qui ?

— Calmez-vous, sire. A-t-on idée de se mettre en pareil état ? se lamentait Anne de Pisseleu, en lui épongeant le front.

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Les conseillers, soumis au bon vouloir de la favorite, tergiversaient sur les mesures à prendre, et tentaient de temporiser aux limites. Pourtant ils n’eurent pas l’emprise nécessaire pour ôter au souverain ce ferme sens critique que lui avait légué sa mère, la régente Louise, ni pour l’amener à oublier les règles de la préséance dans l’État.

Ainsi, quand François Ier sentit qu’une contre-offensive devenait vitale pour la France, et qu’il n’était pas en mesure, physiquement, de la mener lui-même, fit-il appeler son fils aîné. Henri n’attendait qu’un signe. Il parut sur-le-champ devant le roi et, comme dans ses rêves d’adolescent, entendit son père lui confier, en termes clairs, la défense du royaume.

Pour un jeune prince de vingt-cinq ans, c’était une écrasante responsabilité, en même temps qu’une opportunité grandiose.

Et puis, Henri avait une revanche à prendre... On se dit, à la Cour, que cette fois, c’était au camp de Diane de marquer quelques points.

Les Fils de France
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