Route de Valenciennes.

Loches, Chenonceaux, Blois, Chambord, Cléry, Orléans, Fontainebleau, Vincennes, Paris, Ecouen, Chantilly, Saint-Quentin... Après deux mois ininterrompus de fêtes, de festins, d’entrées solennelles, de bals de cour, de réjouissances plus ou moins publiques et de cavalcades à peu près aussi spontanées que les processions de la semaine sainte en Andalousie – sans compter les chasses, les visites, les promenades, les soupers, les concerts et les présentations diverses – l’empereur Charles, épuisé au-delà de l’exprimable, voyait arriver sa libération avec une joie sans mélange.

Il avait, à Saint-Quentin, embrassé chaleureusement le roi François pour des adieux dignes de frères aimants. À Valenciennes, il entrerait dans ses États, et pourrait enfin s’estimer dégagé de ce peuple attachant, sans doute, mais démonstratif au-delà de toute raison. Il serait enfin libre de gagner, à marche forcée, cette cité de Gand où son autorité, un temps bafouée, allait pouvoir s’abattre avec une implacable dureté, donnant à voir à l’Europe ce qu’il pouvait en coûter, à des sujets dévoyés, de défier la puissance du premier souverain de la Terre.

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— Vous devez afficher là-bas une férocité très grande, et ne surtout montrer aucune humanité.

Ces beaux conseils étaient du connétable de Montmorency qui, dès qu’il s’agissait de discipline intérieure, pouvait se révéler d’une violence inouïe. L’empereur, un peu étonné de cette soudaine rigidité, remercia son allié de ses bons avis. Le maréchal rouvrit la bouche.

— Pour ce qui est du Milanais...

Charles grimaça : ce mot, deux mois durant, avait été soigneusement évité ; et voilà qu’il surgissait, comme un prurit trop longtemps camouflé, à la dernière minute.

— Tout sera, coupa-t-il très vite, réglé à la pleine satisfaction du roi.

Le connétable sourit de manière un peu forcée. Alors l’empereur lui glissa, dans le creux de la main, un petit sac de velours vert sombre qui se révéla contenir la plus grosse, la plus magnifique des émeraudes, taillée « en table » – cette formule traduisant assez bien l’impression produite par la gemme... Les Fils de France reçurent, de leur côté, de très beaux et gros diamants. Présents impériaux.

— Dès que j’aurai puni, comme il convient, tous ces rebelles...

Charles Quint ne finit pas sa phrase, mais Montmorency combla mentalement son silence : « ... je veillerai à trouver une solution agréable à la question du Milanais ». Il avait été convenu, du reste, qu’il appellerait le connétable à lui dès qu’il en aurait fini avec les Gantois.

— Adieu, mes enfants ! lança l’empereur dans un accès de liberté qu’expliquait en fait son soulagement.

Les princes agitèrent la main ; Charles s’éloignait déjà au milieu de son escorte légère ; quant à Montmorency, il réalisa d’un coup le risque énorme qu’il avait pris : sa parole en cause, la gloire du roi largement engagée, des sommes immenses englouties – à commencer par ses propres deniers... Tout cela sans contrepartie certaine, sans garantie de retour d’aucune sorte. Le dauphin, du reste, remarqua l’air sombre du connétable.

— Vous paraissez songeur, lui dit-il.

— Tout va bien !

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Les semaines passèrent. L’ordre fut rétabli à Gand. Mais jamais l’empereur n’invita le connétable à le rejoindre...

Les Fils de France
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