Paris, rue Saint-Antoine.

La foudre tomba tout près de l’hôtel Neuf, au moment même où Gautier y entrait. C’était un orage violent, comme on en voit rarement à Paris, avec des éclairs multiples qui, par instant, éclairaient les rues et les cours comme en plein jour.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda le concierge qui, par un temps pareil, ne voyait pas les visiteurs d’un très bon œil.

— Coisay, annonça Gautier, tout juste rentré de Champagne.

— À minuit ?

« Viens dès que tu seras de retour, lui avait dit sa “commanditaire” ; et quelle que soit l’heure... »

Il avait d’abord été la trouver à Saint-Maur-des-Fossés ; mais on lui avait indiqué là-bas que la duchesse, chaque jeudi, passait la nuit à Paris, chez elle...

Le concierge, bougonnant, précéda l’intrus dans le dédale des corridors, jusqu’au grand vestibule.

— Attendez-moi là, marmonna-t-il.

Sur quoi il s’éclipsa par une souricière.

Gautier se dit que l’occasion était trop belle d’aller surprendre au lit son amante. Enfilant l’escalier d’honneur, il grimpa jusqu’à l’étage noble, poussa la porte entrouverte de l’antichambre et, sur la pointe des pieds, approcha des quartiers de la favorite. C’est alors que, sur fond de roulements du tonnerre, certains halètements le figèrent sur place. Était-il possible que le roi eût accompagné sa maîtresse à Paris ? Bien sûr que non...

— Quelle putain ! lâcha Gautier.

Ces mots, sortant de sa bouche, lui avaient paru douloureux. La fureur le submergea. Tandis qu’au-dehors, le tonnerre frappait de nouveau tout près, le Picard se rua sur la porte qui céda sans résister ; il fit irruption dans la chambre au moment où de nouveaux éclairs l’illuminaient d’une lueur blafarde. Dans le miroitement de l’instant, Gautier aperçut un homme nu qui fuyait.

— Beau courage ! lança-t-il, plein de fureur, en se plantant devant le lit.

— Gautier ?

Dans le regard de la duchesse, habituellement si beau, ce n’est pas vraiment de la surprise que lut cette fois Coisay, mais plutôt une forme de crainte imprécise, et qui le dégoûta. Il contourna la couche et s’approcha de la mangeuse d’hommes.

— Gautier !

Alors, sans égard, sans tendresse, sans harmonie aucune, l’écuyer prit la pauvre maîtresse ainsi, troussée, les jambes en l’air, au bord du lit. Sans vrai plaisir, forcément. Mais avec la satisfaction animale de la vengeance immédiate.

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Le courageux amant qui avait fui dans un éclair se nommait – Gautier ne devait l’apprendre que par la suite – Nicolas Bossut de Longueval.

— Bossu ! se dit Gautier ; un vrai porte-bonheur.

Les Fils de France
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