Après avoir fourni les vivres promis, Tanithkara
donna l'ordre de décoller en direction de la capitale. Une angoisse
sourde serrait le cœur de la reine, qu'elle s'efforçait de
dissimuler à son entourage. Avec les années, son intuition s'était
développée et affinée au point de devenir une sorte de sixième sens
qui lui permettait de voir au-delà des apparences. Quelque chose de
mauvais survivait dans les décombres de son ancienne cité. Au-delà
des hommes qui l'incarnaient, ces prêtres fanatiques qui imposaient
leur domination, c'était le spectre même de cette religion
intolérante et destructrice qui hantait ce pays en pleine
décomposition. Elle savait qu'elle allait devoir l'affronter une
fois encore.
Le dirigeable volait à basse altitude. Comme pour
s'accorder avec l'anxiété de Tanithkara, le voile de cendre s'était
épaissi et plongeait le paysage dans une pénombre chargée de
menaces. Bientôt apparut un autre village. Comme la veille,
l'apparition de l'énorme vaisseau provoqua un attroupement. Cette
fois, l'accueil fut beaucoup moins hospitalier. Tanithkara
distingua çà et là quelques capes sombres révélant la présence des
Haaniens. Des hommes proférèrent des injures, puis jetèrent des
pierres en direction du navire.
— Ceux-là sont fanatisés, remarqua Païrhan.
S'il en est de même à Marakha, il va être difficile de reprendre
contact avec eux.
Tanithkara acquiesça en silence. Ils devaient
cependant s'en assurer. D'après Boorahn, une bonne partie des
habitants de l'ancienne
capitale supportait mal le joug des Haaniens. Elle n'avait pas le
droit de les abandonner.
Plus loin, ils survolèrent un véritable champ de
ruines. Le village avait été attaqué et ses occupants massacrés.
Des cadavres en décomposition jonchaient le sol, dont personne ne
semblait s'être préoccupé. Les demeures étaient éventrées,
abattues, les toits crevés. Sans doute les habitants de ce village
s'étaient-ils opposés aux Haaniens et ces derniers les avaient-ils
exterminés. Tanithkara maîtrisa à grand-peine son émotion. Rien
n'avait donc changé en Hedeen, malgré l'enfer dont l'étau se
resserrait chaque année un peu plus ? Mais qui étaient ces
individus qui s'arrogeaient le droit de vie et de mort sur les
autres ? La colère prit le dessus.
Bientôt, ils atteignirent le fleuve Elhorka, le
long des rives duquel s'étirait Marakha. Le cours d'eau charriait
des eaux grises et noires, chargées de blocs de glace arrachés aux
montagnes. Tanithkara tenta de distinguer le mont de l'Homme Sage,
mais son sommet se perdait dans les nuées. Au loin, ils aperçurent
l'océan et le port, qui n'était plus qu'un champ de ruines. La
ville se dressait plus loin, vers l'ouest.
— Nous allons atterrir à distance de la cité,
décida la reine. Si les autres sont armés d'arbalètes, ils peuvent
crever l'enveloppe de l'Hytcharo, et
nous serions bloqués ici, sans possibilité de repartir. Nous ferons
le reste du chemin à pied.
Le dirigeable fut amarré derrière une falaise qui
le soustrayait à la vue des habitants de la cité. Il fut placé sous
la responsabilité de son capitaine, qui reçut l'ordre de décoller
immédiatement en cas d'attaque. Il restait toutefois plusieurs
kilomètres à parcourir pour parvenir à Marakha. Tenant en main un
solide bâton, Tanithkara se mit en route, suivie par Isis et les
guerriers.
La progression se révéla pénible. Malgré sa
volonté implacable, Tanithkara souffrait. La route dallée qui
autrefois reliait la Nauryah au royaume du Mahdor n'était plus
qu'une voie cahoteuse, défoncée par les glaces hivernales, que
personne ne se souciait d'entretenir. Des brumes glaciales
rampaient au niveau du sol pelé, recouvert par endroits de plaques
de neige. Des petites maisons de paysans qui cernaient jadis la
cité, il ne restait plus que
des pans de murs éboulés envahis par les ronces et la mousse.
Bientôt, le brouillard se dissipa un peu et révéla
ce qui subsistait de Marakha. Une vive émotion s'empara de
Tanithkara. L'enceinte avait disparu. Parce qu'elle était en bois,
on avait dû la démanteler pour le chauffage. Ils franchirent les
limites de la ville. Mais celle-ci n'était plus qu'un vaste champ
de ruines. De part et d'autre de ce qui avait été une artère
importante du quartier résidentiel se dressaient des squelettes
informes, souvenirs fantomatiques des magnifiques résidences
d'autrefois. Une végétation faite de lichens, de mauvaises herbes
et d'arbustes épineux avait envahi les lieux, disloquant
impitoyablement les murs. Tanithkara aurait pu nommer les anciens
occupants de ces demeures.
Le cœur de la reine se serra lorsqu'elle parvint
devant ce qui restait du palais Nephen. La superbe bâtisse s'était
effondrée, transformée en un fouillis de pierres, de linteaux
brisés. Des traces noirâtres montraient que l'endroit avait été
ravagé par un incendie. Apparemment, les lieux étaient déserts. La
cité comptait plus de soixante mille habitants à l'époque. D'après
Boorahn, il en restait à peine deux mille. Ils avaient dû se
regrouper au cœur de la ville.
Le souffle court, Tanithkara contempla longuement
les ruines de la demeure ancestrale. Bien sûr, elle savait ce
qu'elle allait retrouver, mais elle ne se doutait pas que cette
vision lui ferait autant de mal. Elle reconnut l'amorce de
l'escalier menant à ses appartements. Ceux-ci n'existeraient plus
désormais que dans ses souvenirs. Isis avait passé son bras autour
des épaules de sa mère. Elles n'avaient pas besoin de parler. La
jeune fille savait où elle se trouvait.
Tanithkara secoua la tête pour chasser son émotion
et reprit sa marche difficile. Le blizzard redoubla de violence.
Elle resserra sa cape autour d'elle. Peut-être à cause de ce froid
pénétrant, un doute insidieux avait envahi son esprit. Ce qu'elle
tentait de faire frisait l'inconscience. Les Haaniens étaient
nombreux et bien armés. Aucun dialogue ne serait possible avec eux.
Elle le savait. En vérité, elle espérait que son apparition
déclencherait une réaction parmi les habitants. Ses guerriers
disposaient d'armes puissantes qui pouvaient leur assurer la
supériorité. Grâce à cette
suprématie, peut-être parviendrait-elle à imposer sa volonté à
l'ennemi et à éviter le combat. Son objectif consistait à
rassembler tous ceux qui voudraient partir pour Avalon et à les
mener jusqu'au village de Boorahn. Mais que pourrait-elle faire si
les Haaniens s'opposaient à ce départ ? Elle n'était pas sûre
de la réaction des habitants.
Ils approchaient du cœur de la cité, de ce qui
avait été autrefois la place du Soleil. Là encore, les dalles de
mosaïque colorée avaient disparu, remplacées par une surface
défoncée, creusée d'ornières et de nids-de-poule. Au nord, en
direction de l'océan, se dressaient les restes du temple d'Hyruun
et du palais des pentarques. Sur les colonnes du temple, les
grandes statues avaient été mutilées, les visages des dieux
détruits à coups de masse. Tanithkara soupira. Les plus habiles
sculpteurs avaient sculpté ces chefs-d'œuvre plusieurs siècles
auparavant. Une poignée de crétins en avaient décidé la destruction
parce qu'ils ne correspondaient pas à leurs croyances.
Autour de la place, des immeubles tenaient encore
debout, entretenus vaille que vaille. Elle ne s'était pas trompée.
Les survivants s'étaient rassemblés là. Peu à peu, des silhouettes
apparurent. Tanithkara s'arrêta pour reprendre son souffle. Elle
observa les indigènes. Ils ne portaient pas d'armes. Autant qu'elle
pouvait en juger, ils ne faisaient pas montre d'hostilité mais
plutôt d'une intense curiosité. Elle comprit qu'elle avait affaire
à ces habitants obligés de subir la domination des Haaniens. Tous
ces gens connaissaient la légende. Mais allaient-ils se ranger à
ses côtés ? Ou bien lui tiendraient-ils rigueur de ne revenir
qu'au bout de quarante ans ?
Elle reprit sa marche vers les ruines du palais.
Autour d'elle, ses gardes se placèrent en ordre de bataille et
sortirent leurs armes, arbalètes classiques et lance-grenades.
Tanithkara sentit l'anxiété lui broyer les entrailles. Elle n'avait
pas encore aperçu le moindre prêtre de Haan. Ils devaient pourtant
bien être déjà avertis de son arrivée.
Soudain, une haute silhouette se matérialisa dans
la pénombre de ce qui restait de l'entrée du palais des pentarques.
Le cœur de Tanithkara bondit dans sa poitrine. Elle crut être
l'objet d'une hallucination. Malgré les années, malgré le grand âge
de l'individu, elle le
reconnut immédiatement à la terrible blessure qu'elle lui avait
infligée quarante ans plus tôt, lorsqu'il avait investi sa chambre
une nuit pour la tuer : devant elle se tenait Nehfyyr, le
prêtre de Haan, le visage marqué par une cicatrice violacée qui lui
barrait l'orbite gauche, vide de son œil. Autour de lui vinrent se
ranger d'autres prêtres plus jeunes et des guerriers
fanatisés.
Il n'y eut aucun échange de paroles. La haine
déformait les traits détruits du religieux. Avant que les soldats
de Tanithkara aient pu réagir, l'homme brandit une arbalète et tira
sur la reine. Le trait siffla et vint s'enfoncer dans sa poitrine.
Elle chancela sous le choc. Isis la reçut dans ses bras et la tira
à l'écart tandis que les guerriers ripostaient. Les Haaniens
trouvèrent refuge dans le palais des pentarques. Les guerriers de
la reine s'abritèrent dans les ruines d'une demeure proche et une
terrible bataille s'engagea.
Isis avait emporté sa mère hors de portée des
arbalètes. Elle redoutait le pire, mais Tanithkara, le souffle
court, lui adressa un sourire rassurant. La reine écarta lentement
les pans de sa cape, dévoilant au-dessous une cuirasse dont
l'épaisseur l'avait protégée. Elle tira d'un coup sec sur le
carreau. Seule la pointe portait des traces de sang.
— J'en serai quitte pour une petite éraflure,
dit-elle avec un petit rire.
— Mère, gémit Isis, partagée entre l'envie de
pleurer et celle d'éclater de rire. Tu m'as fait une de ces
peurs !
Tanithkara lui prit la main.
— Je savais que je risquais ma vie dans cette
expédition. J'ai pris mes précautions.
Isis examina la cuirasse, que sa mère avait
commencé à ôter pour examiner la blessure.
— Tu as pris tes précautions, mais cela
n'explique pas tout. Un carreau d'arbalète est assez puissant pour
transpercer ce genre d'armure. Il aurait dû s'enfoncer plus
profondément. Il s'est passé quelque chose, mère.
Tanithkara lui caressa la joue.
— Eh bien, disons que j'ai eu de la chance.
La corde de l'arbalète de Nehfyyr ne devait pas être assez
tendue.
Isis ne
répondit pas. Elle ne partageait pas l'avis de sa mère. Elle avait
vu le trait jaillir, à une vitesse telle que personne n'avait eu le
temps de réagir. Il y avait une autre explication. Mais
laquelle ?
— Qui est ce Nehfyyr ?
demanda-t-elle.
— Le prêtre fanatique qui servait de
conseiller au roi Sherrès. Je t'ai déjà parlé de lui. Je pensais
qu'il était mort. Il avait presque trente ans de plus que moi. Il a
dû dépasser les quatre-vingt-dix ans.
— Il a tenté de te tuer dès qu'il t'a vue.
Pourquoi te hait-il à ce point ?
— Il déteste les femmes. J'ai étudié la
religion des Haaniens. Elles y sont considérées comme des êtres
inférieurs, qui doivent obéissance aux hommes. A ses yeux, je
représente tout ce qu'il exècre. Je suis libre et indépendante,
j'ai pris le pouvoir à Marakha en déjouant ses plans, je lui ai
infligé une défaite lorsqu'il a tenté d'investir la Nauryah. Et
surtout, mes prédictions étaient exactes tandis que les siennes se
sont révélées fausses. Il pensait que son dieu allait se montrer
plus clément lorsque les populations de l'Hedeen seraient soumises
à sa religion. Mais bien entendu, les fléaux se sont poursuivis. Il
ne m'a jamais pardonné d'avoir eu raison.
Elle laissa passer un silence, puis
ajouta :
— Je pense que c'est pour cela qu'il est
resté à Marakha. Il aurait dû partir avec les autres Haaniens
lorsqu'ils ont quitté l'Hedeen. Mais il croyait lui aussi à la
légende, et il espérait que j'allais revenir. Il n'a survécu que
dans le but de me tuer à mon retour.
— C'est incroyable.
— C'est logique, au contraire. Cet homme est
habité par une folie fanatique. C'est la haine qui l'a maintenu en
vie. C'est elle aussi qui lui a permis d'imposer sa tyrannie aux
habitants de Marakha, par la force et la terreur.
Autour d'elles, les combats faisaient rage. Les
guerriers avaient compris que la reine n'était que légèrement
blessée et cette nouvelle les avait galvanisés. Cependant, la
bataille fut rude. Les troupes de Tanithkara avaient l'avantage de
l'armement, mais le fanatisme des autres les rendait sourds à tout
instinct de survie. Les
arbalètes et les lance-grenades faisaient des ravages dans leurs
rangs. Pourtant, les Haaniens étaient encore très nombreux.
Quelques-uns avaient contourné les ruines où les Nauryens s'étaient
postés. A certains endroits, de furieux corps à corps
s'engagèrent. Déjà, plusieurs soldats d'Avalon avaient succombé.
L'issue de la bataille était incertaine.
Soudain, les troupes de Tanithkara reçurent un
renfort inattendu de la part des habitants de Marakha. Après un
instant de flottement, certains, plus courageux, avaient fait
valoir aux autres que la légende se réalisait, que la reine était
de retour. Il fallait l'aider. Ils étaient allés chercher des
pioches, des pelles, des bâtons, des haches, tout ce qui leur
tombait sous la main et pouvait servir d'arme. Peu à peu, ce fut
toute la population qui prit les gardes de Haan à revers, dégageant
les guerriers de Tanithkara.
Il s'ensuivit un carnage épouvantable. Cette fois,
les religieux se retrouvaient en nette infériorité numérique. La
barbarie, les privations, les massacres qu'ils avaient imposés aux
Nauryens resurgissaient dans l'esprit de ce peuple trop longtemps
soumis, un peuple qui avait tremblé, souffert, un peuple humilié et
bafoué. La colère qui s'exprimait était à la mesure de ce qu'ils
avaient supporté. Tous avaient perdu un parent ou un ami, assassiné
par les hordes haaniennes. C'était l'heure de la vengeance.
Sous les yeux horrifiés de la reine et de ses
hommes, chaque prêtre, chaque guerrier haanien fut saisi, frappé,
bousculé, jeté à terre, mis en pièces par la foule ivre de rage.
Les soldats de Tanithkara avaient interrompu leurs tirs, de peur de
toucher un habitant. Leur chef, Galvha, dit à la reine :
— Nous ne pouvons rien faire. Ils sont
devenus fous.
Le massacre ne prit fin que lorsque le dernier des
Haaniens eut été tué. Alors, la foule, hébétée, se calma. Les
combattants, dont les armes de fortune et les peaux de bête
dégoulinaient de sang, titubant, se regardèrent. A la fureur
du combat succéda un silence lourd. Tout à coup, l'un d'eux, un
jeune homme au regard halluciné, s'avança vers Tanithkara, les
vêtements maculés d'écarlate. Il tenait à bout de bras une masse
informe et sanguinolente, dans laquelle la reine reconnut la tête
tranchée de Nehfyyr. Elle eut
un haut-le-cœur tandis qu'Isis poussait un cri d'horreur.
Parvenu devant elle, le jeune homme brandit son
sinistre trophée.
— Voilà la tête de votre ennemi, dame
Tanithkara. Il ne vous fera plus de mal.
Elle acquiesça d'un signe de tête. Le garçon, qui
ne devait pas avoir plus de dix-huit ans, ajouta :
— Ce vomi de chien a fait brûler mes parents
sous la braise devant moi et mes petites sœurs parce qu'ils
refusaient de se convertir. Ensuite, il m'a obligé à adorer son
dieu cruel. Il a fait battre mes sœurs pour qu'elles apprennent la
soumission. Il a eu ce qu'il méritait.
— Quel est ton nom ?
— Fehruun, madame.
— C'est bien, Fehruun. Tu as vengé tes
parents.
Il s'éloigna, tenant toujours la tête sanglante en
main. Après avoir fait quelques pas, il regarda son trophée, poussa
un cri de rage et de douleur mêlées, puis projeta la tête aussi
loin que possible. Enfin, il s'écroula sur les genoux et éclata en
sanglots.
Tanithkara se tourna vers Isis.
— Il ne faut pas les juger, ma fille. Leur
folie meurtrière va s'apaiser à présent que leurs ennemis sont
morts. Ils vont prendre la mesure de la violence démentielle qui
s'est emparée d'eux.
— Crois-tu que nous pourrons les amener à
Avalon ? Que va-t-il se passer lorsqu'ils seront là-bas ?
Ne risquent-ils pas de devenir dangereux pour les
nôtres ?
— Ils sont des
nôtres, Isis.
— Mais comment des êtres humains peuvent-ils
se conduire avec une telle sauvagerie ?
— Hélas, je crains que nous ne soyons tous
capables de cette sauvagerie lorsque les circonstances nous
poussent au-delà de nos limites. Ces gens ont enduré un enfer.
Notre devoir est de les aider, pas de les condamner.
— Ils me font peur…
— Tu n'as rien à craindre d'eux.
Viens !
Tanithkara lui prit la main et s'avança sur le
champ de bataille, s'aidant de son long bâton. Les combattants se
tournèrent vers elle.
Beaucoup baissaient les yeux. A présent que la fureur des
combats avait disparu, ils commençaient à prendre conscience de la
barbarie de leur comportement. Quelques-uns vinrent à elle et
mirent un genou à terre, baissant la tête.
— Soyez la bienvenue, reine Tanithkara, dit
l'un d'eux.
Quelques mois plus tard, la population d'Avalon
augmentait de près de deux mille nouveaux arrivants. Tanithkara,
dès son retour, avait envoyé plusieurs navires pour récupérer les
survivants de Marakha. Elle avait également organisé des
expéditions dans les autres royaumes, mais la plupart étaient
désertés. Situés plus au sud, le froid les avait rendus totalement
inhabitables, et seules la Nauryah et Malhanga abritaient encore
une population.
Par les nouveaux réfugiés, Tanithkara avait appris
que la plupart des habitants de l'Hedeen s'étaient exilés au cours
des années qui avaient suivi son propre départ. Cependant, personne
ne savait où avaient pu se rendre les émigrants. L'exode s'était
fait par vagues successives, qui emportaient parfois des Haaniens,
parfois des adorateurs du dieu Soleil, des ouvriers comme des
pêcheurs. Tous avaient entrepris une errance hasardeuse, à la
recherche d'une terre d'accueil. A la différence des Nauryens,
ils ignoraient où les mènerait leur voyage sans retour. Combien de
navires avaient été engloutis par les tempêtes ? Où avaient pu
échouer les survivants ? Vers quel avenir incertain se
dirigeaient-ils à présent ? Que conserveraient-ils de la
connaissance des Hosyrhiens ?