Silverton…
Les esprits défunts intervenaient toujours au
cours de la deuxième période de la nuit, lorsque le sommeil se
faisait plus léger. Leurs manifestations étaient souvent si
précises que Rohan éprouvait à chaque fois de la difficulté à
savoir s'il se trouvait dans un rêve ou dans la réalité. Il était
même parfois arrivé que les esprits lui apparaissent à l'état de
veille.
Il se trouvait dans le bureau de son grand-père, à
l'endroit même où ce dernier avait été tué. Rohan n'y était plus
entré depuis la nuit du massacre. D'une manière générale, il
évitait de pénétrer dans les pièces où les corps avaient été
retrouvés. Il se contentait souvent de la cuisine et de sa chambre.
Il utilisait aussi quelquefois le salon de la télé, l'une des rares
salles communes à avoir été épargnées par l'horreur.
Un peu étonné, il se demanda ce qu'il était venu
faire dans ce bureau. Depuis la tragédie, cet endroit lui inspirait
un mélange de dégoût et d'angoisse, comme si l'ennemi impitoyable
était encore là, tapi dans l'ombre.
Tout à coup, une silhouette se matérialisa au
centre de la pièce, près de la grande table de chêne sur laquelle
travaillait son grand-père. Il reconnut Henry Westwood. Celui-ci
lui sourit. Rohan ne s'en étonna pas. Il était habitué depuis
toujours à recevoir ainsi des messages adressés par les morts.
C'était seulement le premier envoyé par Henry. Une vive émotion
s'empara de lui. Il s'approcha du vieil homme et lui sourit à son
tour. Puis il le serra très fort dans ses bras, sans un mot. Tout
au fond de lui, il savait qu'il rêvait, mais cette étreinte
affectueuse revêtait une réalité extraordinaire. Derrière le fantôme de son
grand-père, d'autres silhouettes prirent forme. Ils étaient tous
là : son père, Douglas, sa mère, Sarah, sa grand-mère,
Katherine, son frère, Philip, et sa jeune sœur, Jessica, morte à
douze ans. Un à un, il les serra longuement contre lui. Entre eux
passa toute l'affection qui les avait liés. Il crut discerner de la
tristesse dans le regard de sa jeune sœur, Jessica, mais elle lui
sourit pour le tranquilliser. Aucun mot ne fut échangé. La
communication se faisait à un autre niveau. Des pensées rassurantes
le pénétraient. Ils auraient aimé demeurer encore un peu près de
lui, mais cela leur était impossible. Ils étaient ailleurs,
désormais. Ils n'avaient aucun sentiment de haine ou de vengeance.
Il émanait d'eux des ondes réconfortantes de paix et de
sérénité.
Tout à coup, Henry lui prit la main et le mena
jusqu'à une vitrine de la grande bibliothèque de bois sculpté qui
occupait tout un mur de la pièce. Là, d'un geste lent, il montra
une moulure. Puis il sourit à nouveau et les silhouettes
s'effacèrent.
Rohan mit plusieurs minutes à se réveiller
complètement. Pendant un long moment, il flotta à mi-chemin entre
le songe et la réalité. Le contact avait été extrêmement précis,
bien différent des images confuses qui venaient le hanter
auparavant. Il s'étonna de se retrouver dans sa chambre, dans son
lit. Pour la première fois depuis le drame, il éprouva une sorte
d'apaisement. La nuit, il échappait à la terrible vérité, il
oubliait sa douleur. Elle ne s'en manifestait que plus cruellement
au matin, lorsqu'il ouvrait les yeux sur la grande maison vide, à
jamais désertée par les siens. Il savait désormais qu'ils étaient
en paix, qu'ils n'étaient pas séparés.
Tout à coup, un doute surgit en lui. Tout cela
n'était peut-être qu'un effet de son imagination. Il voulait
tellement qu'ils soient réunis, et heureux dans l'au-delà, quel que
fût cet au-delà, que son esprit pouvait avoir tout inventé, pour le
rassurer.
Une image lui revint alors. Pourquoi son
grand-père lui avait-il montré clairement la moulure ? Il se
leva d'un bond et courut jusqu'au bureau de Henry. Le cœur broyé
par l'angoisse, il pénétra dans la grande pièce au plafond élevé,
au parquet ancien. C'était la première fois qu'il y retournait
depuis le drame. Il retrouva le vaste bureau de chêne qui trônait
au milieu, près duquel les
spectres lui étaient apparus. Cette fois, il n'y avait rien. Rien,
sinon la sensation d'angoisse et de colère mêlées qui le déchirait
depuis le drame.
Trois larges portes-fenêtres ouvraient au sud sur
le parc et la forêt, encore plongés dans la pénombre de l'aube. Le
mur opposé était entièrement occupé par la grande bibliothèque de
bois sombre, aux rayonnages chargés d'un nombre impressionnant de
livres. Quatre vitrines abritaient des bibelots et objets d'art de
toutes origines. Certains étaient très anciens, remontant à
l'Egypte antique, voire à la préhistoire, comme une statuette en
granit au ventre rebondi, qui devait représenter une déesse de la
fécondité. Il y avait également des pointes de flèches, une hache
au manche de bois sculpté, des coupes peintes, des objets en
ivoire, un magnifique poignard de silex. Henry et Douglas avaient
eux-mêmes effectué des fouilles. Ils offraient toujours le résultat
de leurs recherches à différents musées, mais il leur arrivait de
conserver pour eux une pièce particulière. Rohan connaissait chacun
de ces objets étonnants, qui avaient nourri son imagination étant
enfant. C'était un peu grâce à eux qu'il avait eu envie de suivre
des études d'histoire. Comme beaucoup de ces pièces provenaient
d'une région de France très riche en sites préhistoriques, il avait
tenu à apprendre le français, au cas où il se rendrait là-bas un
jour. Il se dirigea vers la quatrième vitrine, celle désignée par
son grand-père. Une moulure courait au-dessus de la vitre. Il la
connaissait depuis toujours. D'un doigt timide, il suivit les
dessins complexes des feuillures vernies. Rien de particulier ne
les distinguait des autres. Il secoua la tête. Son imagination lui
avait joué des tours. Ses yeux se mirent à briller. Il était
habitué à percevoir les manifestations des morts. Mais jamais elles
n'avaient été aussi précises. Il ne pouvait que s'agir d'un rêve.
Il n'avait pas reçu de message de son grand-père.
D'un geste de dépit, il saisit la moulure et lui
imprima involontairement une pression. Il poussa un cri de
surprise. Une partie de l'ornement venait de basculer vers l'avant,
dévoilant une cavité secrète. Stupéfait, il regarda à l'intérieur.
Il distingua deux boutons, un blanc et un noir. Son cœur se mit à
battre à tout rompre. Il avait désormais la preuve qu'il ne
s'agissait pas seulement d'un songe. Henry lui avait vraiment rendu
visite cette nuit et lui avait
indiqué la moulure. Il voulait lui révéler quelque chose. Cela
avait-il un rapport avec ce que son père voulait lui avouer, un peu
avant sa mort ?
Il avança un doigt hésitant en direction du bouton
blanc. Il s'enfonça sans peine. L'instant d'après, un pan de la
bibliothèque pivota rapidement et silencieusement sur lui-même,
assez pour laisser passer un homme. De l'autre côté, Rohan devina
un corridor de pierre, puis un escalier s'enfonçant dans le sol. Il
réfléchit. La demeure comportait un sous-sol partiel avec des
garages pour les voitures. Mais il ne devait pas s'étendre sous
cette partie de la maison. Il pénétra dans le corridor. Il repéra
d'autres boutons d'ouverture et de fermeture de l'autre côté, ainsi
qu'un interrupteur.
Envahi par la curiosité, il descendit. Une
cinquantaine de marches plus bas, il arriva devant une porte
métallique et un nouveau système d'ouverture. Aucun code, juste un
bouton plat et large, visiblement destiné à être pressé en cas
d'urgence. Il appuya. La porte de métal s'ouvrit à une vitesse
inattendue, avec un sifflement aigu. Il recula, impressionné.
Jamais il n'avait soupçonné quoi que ce fût. Intrigué, il entra. La
lumière s'alluma d'elle-même. Derrière lui, la porte se referma
aussi brusquement qu'elle s'était ouverte. L'instant d'après un
voyant rouge se mit à clignoter. Rohan connut un instant de
panique. Comment allait-il ressortir ? Il était enfermé !
Dans sa propre demeure…
Puis d'autres phénomènes se produisirent. En
quelques secondes, sur le mur de droite, une trentaine d'écrans
s'allumèrent. Ils montraient toutes les pièces de la maison, ainsi
que différents endroits du parc, jusqu'au portail d'entrée.
Le voyant rouge ne cessait de clignoter. Il recula
et regarda autour de lui, intrigué. Jamais il n'avait soupçonné
l'existence de cet endroit. La pièce devait mesurer plus de
soixante mètres carrés. Sur le mur du fond, des étagères étaient
chargées de cartons parfaitement ordonnés.
— Mais c'est quoi, ce truc ?
murmura-t-il.
Il éventra un carton. Il contenait des couvertures
de survie. Un autre était rempli de boîtes de conserve, d'autres
encore contenaient des bouteilles d'eau, des biscuits, des pâtes,
du riz, du sucre, de l'huile, de la farine. De quoi tenir un
siège.
Il haussa les épaules. La porte blindée n'était
pas assez épaisse pour résister aux radiations. Tout à coup, les
images d'un film lui revinrent en mémoire, puis le
titre :
— Panic
Room ! Jodie Foster ! Bon sang, c'est une chambre
de sûreté !
Une chambre de sûreté, dans laquelle il était
possible de se réfugier en cas d'attaque extérieure. Tout y était,
le système de surveillance vidéo, les réserves de vivres, les
couvertures de survie. Il avisa un téléphone. On pouvait donc
joindre l'extérieur.
Mais pourquoi le signal rouge continuait-il de
clignoter ? Rohan s'en approcha et, mû par l'intuition, appuya
dessus. Il s'éteignit aussitôt et un bruit de succion siffla aux
oreilles du jeune homme, suivi de raclements métalliques. Il
comprit qu'il venait de condamner l'ouverture située de l'autre
côté, interdisant à d'éventuels agresseurs de pénétrer à leur tour
dans les lieux. Près du bouton rouge, il repéra une manette
blanche. Il la manœuvra. Avec un nouveau sifflement, la porte se
rouvrit. Rohan poussa un soupir de soulagement. Il n'était pas
prisonnier.
Il resta un long moment ébahi. Puis un sentiment
de désespoir l'envahit. Il venait de se rendre compte que la
présence de cette panic room n'avait
pas empêché sa famille d'être massacrée. Sans doute les tueurs
avaient-ils bénéficié d'un effet de surprise totale. Il lui revint
que Henry avait été tué dans son bureau. Lorsqu'il s'était rendu
compte qu'ils étaient attaqués, il avait dû quitter sa chambre et
courir jusqu'à la bibliothèque pour ouvrir le passage secret.
Malheureusement, les autres avaient été plus rapides.
Rohan poussa un cri de rage, et des larmes
ruisselèrent sur ses joues. Tout cela était trop stupide et trop
injuste !
Quand il fut un peu calmé, il opéra une étude
systématique des lieux. Il découvrit deux autres pièces, dans le
prolongement de la première. L'une d'elles était pourvue de
matelas. Une chambre, visiblement destinée à accueillir la famille
pour une durée de plusieurs jours.
L'autre était une sorte de bureau, pourvu d'une
bibliothèque. Un grand froid envahit le jeune homme. Les soupçons
du policier Herbert Scott étaient peut-être fondés. Et si son
grand-père et son père étaient des espions… A la solde de
quelle puissance ? Nerveusement, il ouvrit les tiroirs, les armoires.
Il s'attendait à des serrures compliquées, mais il n'y avait rien
de tel. Les étagères livrèrent leurs secrets sans difficulté.
A sa grande stupéfaction, il ne découvrit ni microfilms, ni
documents secrets codés. Rien, sinon des ouvrages semblables à ceux
que l'on trouvait dans le grand bureau de Henry. Des dossiers
comportaient des cartes maritimes très anciennes, d'autres, plus
modernes, étaient annotées de l'écriture de son grand-père. Sur les
rayonnages, certains livres paraissaient très vieux, comme ce
Malleus Maleficarum, autrement appelé
« Marteau des sorcières », traité de démonologie utilisé
par l'Inquisition.
Rien de tout cela ne permettait de penser que
Henry et Douglas étaient des espions. Alors, quelle était la raison
de cette panic room ? Elle était
conçue pour résister à un siège. Son grand-père savait que sa
famille était menacée, c'était indéniable. Mais d'où venait le
danger ? Pour quelle raison des érudits avaient-ils été
massacrés avec une telle férocité ?
Soudain, un élément le frappa. Si le système de la
porte était récent, les murs en revanche paraissaient assez
anciens. Cette chambre était donc probablement aussi vieille que la
maison elle-même, dont la construction remontait à l'époque de la
fondation de Seattle, dans les années 1850-1860. Peut-être leurs
ancêtres de l'époque avaient-ils voulu se protéger des tribus
indiennes hostiles. Mais, pour ce qu'il en savait, l'installation
des Européens dans cette région s'était faite sans difficulté
majeure. La ville de Seattle avait été nommée ainsi en hommage à un
vieux chef, Sealth, avec qui les immigrants entretenaient
d'excellentes relations. Dans ce cas, pourquoi se protéger des
indigènes ?
Tout à coup, dans un coin du bureau, il avisa un
coffre d'aspect ancien. La réponse était peut-être là !
Fébrilement, il manœuvra la combinaison, s'attendant à un échec.
Mais la porte s'ouvrit sans problème. A l'intérieur, il
découvrit une trentaine de dossiers. Il les parcourut, miné par
l'angoisse. Ils semblaient tous consacrés à des études historiques.
A priori, rien de
répréhensible…
Revenant sur ses pas, il remarqua, derrière une
armoire située contre le mur opposé, une nouvelle porte blindée. La
chambre de sûreté comportait une autre issue. Il fit jouer le
mécanisme et se retrouva dans
une galerie souterraine, assez large pour laisser passer deux
personnes. Muni d'une lampe torche prise dans les réserves, il la
suivit pendant près d'un kilomètre. Elle était parfaitement
entretenue et remontait selon une pente assez raide dans une
direction qu'il estima être celle de la forêt. Par endroits, il dut
franchir des escaliers taillés dans la roche. Enfin, il déboucha au
milieu d'un bosquet d'érables, à plus d'une centaine de mètres à
l'intérieur de la sylve. L'endroit dominait le parc et la maison.
Même en passant tout près, il était quasi impossible de repérer
l'issue de ce passage souterrain. Perplexe, il revint dans la
chambre de sûreté, qu'il examina une nouvelle fois.
Il étudia plusieurs documents, espérant découvrir
une motivation à ces crimes ignobles. Sans succès. Parmi les
dossiers du coffre se trouvait une chemise d'aspect ancien, à la
couverture de cuir parcheminée, sur laquelle une étiquette
indiquait « Hedeen ».
Intrigué, il l'ouvrit. A sa grande surprise, elle contenait
des pages couvertes de signes inconnus. Il ne dénombra pas moins de
trois cents feuillets. Une nouvelle fois, l'angoisse l'envahit. Il
tenait peut-être là des documents secrets prouvant que ses parents
se livraient à l'espionnage. Puis il chassa cette idée. Cela ne
tenait pas debout. Ces documents avaient l'air vraiment vieux. Le
papier devait avoir au moins un siècle. Ils appartenaient donc, eux
aussi, au domaine d'étude historique. Mais d'où
provenaient-ils ?
Déconcerté, il tenta de reconnaître l'origine des
signes, sans parvenir à les apparenter à quoi que ce fût qu'il
connaissait. Certains pouvaient rappeler un peu les hiéroglyphes,
qu'il avait étudiés, mais ils étaient plus simples. Ils ne
rappelaient ni le hiératique, ni le démotique propres à l'ancienne
Egypte. Ils n'avaient aucun rapport avec les cunéiformes, encore
moins avec le sanscrit. Alors, quel peuple avait pu utiliser ce
type d'écriture ?
Un instant, Rohan fut tenté de parler de la
chambre de sûreté à Herbert. Il y renonça. Le flic exigerait de
fouiller les lieux. Le FBI reviendrait. Peut-être existait-il, dans
ce fatras, des documents compromettants, qu'il n'avait pas su
déchiffrer. Et si le dossier Hedeen, contre toute attente,
renfermait un code permettant
de lire différemment certains dossiers historiques… Il n'était pas
question de laisser les flics entrer ici. Il n'avait pas envie de
voir la mémoire des siens salie par une sordide affaire
d'espionnage, même s'il y avait peu de chances que ce soit le
cas.
En revanche, un autre élément lui revint en
mémoire. Le notaire, maître Monroe, s'était montré réticent
lorsqu'il avait parlé de vendre la demeure. Peut-être
connaissait-il l'existence de cette panic
room.
L'après-midi même, il était à Seattle, dans le
bureau du notaire. Celui-ci avait accepté de le recevoir
immédiatement lorsqu'il avait dit qu'il souhaitait lui parler
« à propos de la maison ». Rohan attaqua
d'emblée :
— Pourquoi refusez-vous que je vende cette
demeure ? demanda-t-il.
— Mais je te l'ai dit, mon garçon, elle est
dans ta famille de…
— Non ! Il y a une autre raison. J'ai
découvert son secret.
— Quel secret ?
— Ne me dites pas que vous ignoriez qu'elle
comportait une chambre de sûreté ! Mon grand-père ne me
l'avait jamais dit, mais vous étiez au courant, n'est-ce
pas ?
Le notaire sourit.
— C'est vrai. C'est pourquoi il est important
que cette maison reste dans ta famille.
— Mais pourquoi ? s'emporta le jeune
homme. Qu'est-ce qu'il y a dans cette pièce souterraine, à part de
vieux documents ? Est-ce qu'ils ont un rapport avec la mort de
mes parents ?
— Ne va pas t'imaginer n'importe quoi, Rohan.
Il s'agit vraiment de vieux documents. Rien d'autre. Ton père et
ton grand-père étaient passionnés par l'histoire et l'archéologie.
C'est tout. Ils ont protégé ces documents dans cette chambre.
L'existence d'une panic room dans une
demeure n'a rien d'extraordinaire. Certaines personnes redoutent
une attaque de malfaiteurs et c'est un excellent moyen de s'en
protéger.
— Les panic rooms
sont un phénomène récent, maître. Or, cette pièce est aussi vieille
que la maison. Ce qui veut dire que ma famille, qui vit dans cette
demeure depuis un siècle et demi, a craint une attaque dès le début. Alors,
avaient-ils peur des Indiens ?
— Plus probablement des bandits.
— Des bandits… comme ceux qui ont exterminé
ma famille ? Déjà, à l'époque ?
— Les tiens ont été tués par des fanatiques
qui adorent le Diable. Ne va pas chercher plus loin.
— Je n'en suis pas si sûr.
— C'est la conclusion du FBI.
— Justement ! Pourquoi mes
parents ? Ils n'avaient rien à voir avec une secte
satanique.
— Je n'ai pas la réponse, Rohan. Si j'avais
la moindre idée, crois-tu que je n'aurais pas parlé au
FBI ?
Pour toute réponse, Rohan fit entendre un
grognement de scepticisme. Le notaire poursuivit :
— As-tu réfléchi à la proposition de Paul
Flamel ?
— Je n'ai pas pris de décision.
— Tu devrais accepter. On ne peut pas
affirmer que ceux qui ont assassiné les tiens ne reviendront pas.
Ils savent que tu es toujours vivant. Les médias en ont parlé. On
t'a même accusé. Et si ces criminels ont décidé d'exterminer toute
ta famille, ils reviendront terminer leur sinistre besogne. Tu
serais plus en sécurité en France.
— D'autant plus que les autorités ne me
paraissent pas faire tout ce qu'il faut pour les arrêter.
J'aimerais savoir pourquoi.
— Je l'ignore, malheureusement, mon garçon.
Mais il serait plus prudent de brouiller les pistes. Si tu pars, je
te ferai établir une nouvelle identité.
Rohan eut soudain l'intuition qu'il ne lui disait
pas toute la vérité. Monroe savait pourquoi les siens avaient été
tués, mais il ne voulait pas en parler. Un instant, il fut tenté
d'insister. Il renonça. Le notaire ne lui était pas hostile, il le
sentait. Mais il y avait derrière tout ça quelque chose qui le
dépassait.
Lorsqu'il revint à Silverton, il prit l'habitude
de dormir dans le bureau même de son grand-père, sur un
canapé.
Ce fut sans doute ce qui lui sauva la vie.