55
Une onde glaciale parcourut l'échine de Tanithkara. Elle avait espéré qu'un peu de sagesse reviendrait dans l'esprit de Sherrès. Mais, comme elle le soupçonnait, les prêtres de Haan avaient dû le harceler pour qu'il prépare la guerre. Ils n'avaient sans doute pas eu grand mal à le convaincre. Sherrès s'était sûrement senti blessé et frustré par son refus de l'épouser. Il en avait conçu de la haine envers elle, une haine qui avait occulté ce qui lui restait de bon sens. Et il avait passé l'hiver à ruminer sa vengeance. Les éléments lui avaient interdit toute action, et il avait attendu que le temps se montre plus clément pour envahir la Nauryah.
Elle lâcha un juron digne des filles du port, qui fit sursauter Rod'Han.
— Quand seront-ils là ? demanda-t-elle.
— Demain, madame. Après-demain au plus tard.
— Cela nous laisse à peine le temps de nous organiser. Heureusement, nous avons construit ce rempart. Capitaine, rassemblez immédiatement l'état-major.


Moins d'une heure plus tard, tous les chefs militaires étaient réunis dans la salle du Conseil des pentarques, dont Tanithkara avait fait son quartier général. Elle exposa brièvement la situation :
— D'après ce que l'on sait, l'armée ennemie est deux à trois fois plus nombreuse que la nôtre. Le rempart nous offre une sécurité relative, à condition de le défendre pied à pied. Mais notre véritable atout repose sur la détermination de nos combattants et sur les armes explosives que nous avons fabriquées cet hiver. Le plan de défense a déjà été étudié. Chacun de vous sait ce qu'il a à faire. Que l'on mette les catapultes en place et que chacun prenne ses positions. Quant à moi, je vais tenter de négocier avec l'ennemi et de le persuader de retourner chez lui sans combattre.
Sa dernière phrase eut l'effet de la foudre. Certains crurent qu'ils avaient mal compris.
— Qu'allez-vous faire, madame ? demanda Rod'Han, inquiet.
— Je vais mener une délégation pour rencontrer Sherrès et lui demander de renoncer à cette guerre…
— Vous n'y songez pas ! Ils vous tueront ! Ces gens n'ont aucun honneur, ils…
— On ne tue pas une ambassadrice, capitaine. Surtout quand il s'agit d'une reine. J'arborerai l'étendard de la paix. Il a toujours protégé ceux qui le portaient, même à l'époque où l'empire d'Hedeen était déchiré par les conflits.
— L'étendard de la paix… Je crains qu'il n'arrête pas ces fous furieux. Madame, je viens avec vous.
— Soit !


En vérité, il n'y eut pas de combat.
Tandis que les troupes de Marakha se préparaient à subir un assaut féroce, Tanithkara franchit la porte principale du rempart dans sa voiture d'apparat, tirée par quatre lamas blancs. Elle brandissait l'étendard de la paix, une banderole blanche dépourvue d'armes, symbole de neutralité absolue. Seuls les vingt hommes de sa garde personnelle, sous les ordres de Rod'Han, l'escortaient, à pied. Ghoraka et les autres chefs militaires avaient bien essayé de la dissuader de mettre ainsi sa vie en danger, mais en vain.
« Il existe une chance d'éviter l'affrontement, avait-elle répondu. Je me dois de la tenter. »
Il y avait une telle détermination dans sa voix que personne n'osa s'opposer à sa décision. On ne discutait pas son autorité. Et surtout, ceux qui la connaissaient bien se rendaient compte qu'elle n'entreprenait pas cet acte insensé sans raison.
Tandis que la voiture se dirigeait vers l'est, à la rencontre de l'ennemi, Tanithkara songeait au rêve étrange qui l'avait visitée plus d'un mois auparavant. Ses étonnantes facultés médiumniques lui permettaient depuis toute jeune d'entrer en contact avec les morts. Elle était habituée à ce phénomène, que son père lui avait appris à contrôler. Cette nuit-là, il s'était passé quelque chose de différent, comme si elle s'était intimement mêlée à l'Ether. Une vision phénoménale lui était apparue. Elle s'était retrouvée au-dessus du volcan géant de Tearoha. Dans son corps même, elle avait ressenti les forces colossales enfouies sous la surface. Elle avait éprouvé les contraintes formidables auxquelles était soumise la vallée des Roches Jaunes. Et elle avait vu. En plusieurs endroits, la surface avait explosé, libérant des millions de tonnes de cendres incandescentes qui s'étaient répandues en quelques secondes dans l'atmosphère. Des nuées ardentes parcouraient la vallée à une allure phénoménale, se heurtaient, s'affrontaient en un combat de titans. L'immense plaine s'était transformée en un brasier gigantesque. Un nuage de feu et de cendre pulvérulente s'était élevé à plusieurs milliers de pieds, occultant le soleil levant, puis avait commencé à s'étendre, telle une nappe létale, dans toutes les directions.
Au matin, Tanithkara n'avait parlé à personne de ce qu'elle avait vu, de peur de déclencher un phénomène de panique. Seul Rod'Han, qui veillait sans cesse sur elle, avait remarqué qu'elle était bouleversée. Mais il n'avait pas osé lui poser de questions.
Depuis ce jour, Tanithkara attendait la venue du nuage de cendre. Elle savait qu'il lui faudrait un certain temps pour parvenir jusqu'en Hedeen, car l'archipel de Tearoha était distant de plusieurs milliers de kilomètres. Mais rien ne l'arrêterait.
Lorsqu'on lui avait annoncé l'invasion des Haaniens, elle s'était livrée à un calcul rapide. L'explosion avait eu lieu plus d'un mois auparavant. D'après les relevés effectués lors d'éruptions précédentes, elle savait que le nuage avancerait d'environ deux cents kilomètres par jour. Il était donc sur le point d'atteindre l'Hedeen.
Et c'était sur ce phénomène qu'elle comptait. L'Ether ne pouvait pas lui avoir envoyé ce songe sans raison. C'était un pari insensé, ce qui expliquait qu'elle n'ait pas voulu en parler. Mais, au fond d'elle-même, elle était sûre qu'il allait se passer quelque chose. Depuis toujours, elle se fiait à son intuition. Les intuitions étaient des messages envoyés par l'Esprit de la Terre. Elle avait appris à les écouter, même s'ils n'étaient pas toujours faciles à interpréter.


A l'est de Marakha, Tanithkara passa au pied de la montagne de l'Homme Sage, dont le sommet se couvrait désormais de neiges qui ne fondaient plus, même en été. Puis ce fut une succession de champs et de forêts clairsemées qui la mena jusqu'à un plateau parsemé de petits villages dont les habitants, prévenus de l'invasion, avaient déjà fui vers la ville. Elle décida de faire halte dans le dernier d'entre eux. Le petit dirigeable de reconnaissance avait signalé l'ennemi à moins d'une demi-journée de marche. Il passerait par là dès le lendemain.


Au matin, la surprise se peignit sur les traits de Sherrès lorsqu'il aperçut Tanithkara, debout, seule, au milieu de la place du village désert. Elle tenait en main l'étendard de la paix, que les vents glacés faisaient claquer. Il chercha ses troupes du regard. Il ne vit qu'une petite escouade de guerriers qui se tenaient en retrait, sur ordre de la reine.
Elle était folle ! Qu'espérait-elle donc ? Pensait-elle arrêter sa puissante armée à elle seule ? Ou bien venait-elle implorer sa clémence… Dans ce cas, il était trop tard. Elle avait refusé de l'épouser, elle paierait cet outrage ! Cependant, il ne put s'empêcher de la trouver incomparablement belle. Il se demanda s'il aurait eu, lui, le courage d'affronter ainsi l'ennemi. Derrière lui, ses hommes, stupéfaits, avaient fait halte sans qu'il leur en ait donné l'ordre.
Tanithkara ne cessait de fixer Sherrès. Ses talents de médium lui permettaient de capter sans difficulté le flot d'émotions qui le traversait. Elle devinait son trouble, sa rancune, sa colère, et sa détermination. Une détermination qui pourtant s'effritait devant le spectacle insolite qu'elle offrait, dressée seule face à une armée entière.
Elle ressentait aussi, près de Sherrès, les pensées haineuses d'un groupe de prêtres, ceux-là mêmes qui l'avaient accompagné lors de sa visite précédente. Avec ces individus, il n'y aurait aucun compromis possible. Elle frémit. Ils ne respecteraient peut-être même pas l'étendard de la paix. Ces criminels n'avaient qu'une obsession : détruire tous ceux qui s'opposaient à leur religion, surtout les Hosyrhiens. Et elle en particulier.
Après une hésitation, Sherrès s'avança au-devant de Tanithkara. Arrivé à une portée de flèche, il l'apostropha :
— Il est trop tard pour implorer ma pitié, reine Tanithkara ! Il fallait accepter de devenir ma femme à l'automne dernier. C'est toi qui portes la responsabilité de cette guerre.
— La Nauryah n'a jamais été l'ennemie du Mahdor, riposta-t-elle d'une voix ferme. Tout ceci est stupide et porte la marque du fanatisme des prêtres de Haan. Je sais que beaucoup d'hommes meurent de faim dans ton royaume. Et à cause de cette guerre dont personne ne veut, hormis eux, beaucoup vont encore périr par la faute de ces gens-là. Ecoutez-moi, hommes du Mahdor, nous avons toujours été alliés, et rien ne justifie que nous soyons devenus ennemis. Le véritable ennemi, c'est le fléau qui frappe le monde actuellement. C'est lui qu'il faut combattre. Les habitants de Marakha l'ont fait. Il est temps pour vous d'agir si vous ne voulez pas être anéantis.
— Tu mens ! éructa Sherrès. Haan sauvera ceux qui lui rendent hommage. Et il détruira tous les autres !
Tanithkara poussa un profond soupir. Il n'y avait aucune discussion possible. Les prêtres l'avaient trop bien conditionné. Il allait donc falloir se résoudre à combattre. Si au moins ils avaient attendu la fin de l'été. Alors, Tanithkara et les siens auraient déjà quitté Marakha.
Cependant, devant cette femme qui se dressait face à une armée entière, les guerriers du Mahdor hésitaient. Quelques discussions s'engagèrent. On savait que les habitants de Marakha disposaient d'une science supérieure. Ils savaient percer les secrets du ciel et de la terre. Et si elle disait la vérité…
Les prêtres de Haan tentèrent de rameuter leurs troupes, mais l'attitude de Tanithkara décontenançait le plus grand nombre. Une majorité qui n'aimait guère les religieux. Il y eut un long moment d'indécision, au cours duquel quelques coups et injures furent échangés.
Soudain, un phénomène nouveau se produisit, et Tanithkara comprit que son intuition ne l'avait pas trompée. Loin derrière l'armée de Sherrès, le ciel commençait à s'obscurcir à une vitesse inhabituelle. Lentement, elle leva le bras pour montrer l'horizon. Etonnés par son manège, de nombreux guerriers regardèrent dans la direction qu'elle désignait. Il y eut des exclamations de surprise. Le cœur de la jeune reine se serra. Elle avait vu juste, malheureusement. Et même si ce cataclysme lui permettait – peut-être – d'éviter la guerre, ses conséquences seraient désastreuses.
Elle s'avança vers Sherrès. Déconcerté, celui-ci ne savait plus quelle attitude adopter. Parvenue devant lui, Tanithkara déclara :
— Tu dis que ton dieu sauvera seulement les siens ? Alors, comment va-t-il te sauver de ce qui arrive derrière toi ?
Sherrès se retourna d'un bloc. Et il vit la monstrueuse couche noire progresser inexorablement dans leur direction.
— Ce ne sont que des nuages ! objecta-t-il sans conviction.
— Ce ne sont pas des nuages, et tu le sais déjà. Je t'avais averti, mais tu n'as pas voulu en tenir compte. Ce que tu vois là, c'est de la cendre. Une épaisse couche de cendre provoquée par l'explosion de Tearoha. Ce nuage va recouvrir le ciel pendant plusieurs années. Il va faire sombre car il n'y aura plus de soleil. Il n'y aura plus de récoltes car les plantes vont périr lentement sous la couche de poussière qui va tomber du ciel avec la pluie. Il faudra porter un masque pour respirer, car cette cendre est dangereuse si elle pénètre dans les poumons. Les animaux des troupeaux vont mourir par centaines, par milliers. Et tu veux toujours livrer ta guerre absurde ? Tu ne crois pas que tu vas avoir, en tant que roi, d'autres préoccupations plus importantes pour sauver ton peuple ? Et si tu comptes encore sur le dieu de tes prêtres, le moment est venu de lui demander d'arrêter ce fléau.
Sherrès se tourna vers son armée. Tous avaient les yeux levés vers les cieux. Le voile inquiétant progressait à grande altitude. Peu à peu, la lumière déclinait à l'orient, plongeant le monde dans une étrange pénombre grise.
— C'est la colère de Haan ! s'écria un prêtre.
Tanithkara prit la parole :
— Non ! Ceci n'est pas la colère du dieu Haan ! hurla-t-elle pour se faire entendre des guerriers.
Passant devant Sherrès, elle s'avança vers l'armée ennemie.
— Ecoutez-moi, tous ! Ces prêtres vous mentent. Votre roi connaît la vérité. Là-bas, loin vers l'est, un volcan géant a explosé. Je l'avais prévenu, mais les prêtres ont préféré vous envoyer au combat plutôt que de vous préparer à faire face à ce cataclysme. S'il vous reste encore un peu de jugeote, vous devez rentrer chez vous pour protéger vos familles et vos animaux, faire des provisions, vous réfugier dans vos maisons. Il vous faudra aussi envisager de quitter l'Hedeen, parce que ce pays va devenir inhabitable. Car ce que les prêtres ne vous ont pas dit, c'est que la Terre bascule et que ce continent se rapproche lentement du pôle Sud. Et ça, le dieu Haan n'y pourra rien changer !
Derrière elle, Sherrès restait pétrifié. Il y avait quelque chose de surnaturel dans l'attitude de la jeune femme. Comme si une force supérieure la guidait et la protégeait. Il se maudit de ne pas avoir suivi ses conseils.
Mais les prêtres ne l'entendaient pas ainsi. L'un d'eux s'égosilla :
— Ne l'écoutez pas ! Elle ment ! Elle a peur de vous ! Elle a peur de Haan !
Cependant, le courage de Tanithkara démentait ses paroles. Derrière elle, Rod'Han et ses hommes attendaient, la main sur la poignée de leur glaive, prêts à se faire tuer pour elle, mais sachant que tout leur courage serait inutile face à la multitude. Celle-ci semblait plongée dans l'indécision. Déjà, quelques soldats commençaient à haranguer les autres. Des cris hostiles aux prêtres jaillirent, repris en divers endroits. Des bagarres éclatèrent, qui dégénérèrent très vite. En quelques instants, l'armée du Mahdor sombra dans la plus totale confusion. Quelques prêtres tentèrent de calmer les excités. Mal leur en prit. Le nuage létal qui continuait de progresser commençait à semer la terreur dans les rangs et certains en rendirent les religieux responsables. Ivres de rage et de peur, quelques excités empoignèrent les prêtres et les frappèrent.
Profitant d'un court instant d'accalmie, Tanithkara reprit la parole :
— Cessez de vous battre entre vous ! Et regardez le ciel. Là est votre seul ennemi !
Unique voix féminine dans ce rassemblement d'hommes, elle agit comme la foudre. Les combats cessèrent. Lentement, les guerriers rengainèrent leurs armes. Tanithkara comprit alors qu'elle avait vaincu et revint lentement vers Sherrès, qui lui adressa un sourire embarrassé.
— Pardonne-moi, Tanith. Je m'en veux de ne pas t'avoir écoutée plus tôt. J'ai été aveuglé par ces prêtres. Pardonne-moi, répéta-t-il.
Soudain, il se figea. Et tout alla très vite. Avant qu'elle ait pu comprendre, il se rua sur elle en hurlant et la bouscula pour la projeter au sol. Elle cria, entendit un choc sourd. Sherrès s'était écroulé sur elle. Il eut un hoquet et laissa échapper un gémissement de douleur. Elle comprit alors ce qui s'était passé. Ne tenant aucun compte de l'étendard de paix qu'elle brandissait, l'un des prêtres avait profité d'un moment où elle avait le dos tourné pour saisir l'arbalète d'un guerrier et tirer sur elle. Mais le roi avait vu le geste du religieux et s'était interposé. C'était lui qui avait été touché par le carreau de métal. Rod'Han et ses gardes accoururent. Tanithkara fit doucement basculer Sherrès sur le côté. Le trait s'était planté dans sa poitrine, juste sous le cœur. Le jeune capitaine réagit immédiatement. Il pointa le doigt sur le prêtre et hurla :
— Cet homme vient de tuer votre roi !
Des membres de l'état-major du Mahdor se précipitèrent vers le souverain tandis que d'autres se saisissaient de l'assassin. Des glaives se levèrent, s'abattirent. Dans les bras de Tanithkara, la respiration de Sherrès devenait rauque. Elle lui caressa le front avec délicatesse. Mais elle avait vu suffisamment d'hommes mourir pour savoir que Sherrès ne survivrait pas.
— Tu venais pour me tuer et tu t'es sacrifié pour me sauver, dit-elle.
Il souffla, d'une voix hachée :
— On ne tire pas… sur quelqu'un… qui porte l'étendard de la paix.
Il ajouta, dans un sourire qui ressemblait à une grimace :
— Ces prêtres… ne respectent rien.
— Pourquoi as-tu fait ça ? demanda-t-elle, les yeux brillants.
Elle connaissait déjà la réponse.
— Je t'aime, Tanith. Je t'ai aimée depuis la première fois où je t'ai vue. Si tu avais accepté de m'épouser, que de choses nous aurions pu faire ensemble…
— Tu n'aurais jamais dû écouter ces maudits religieux.
— Je sais.
Ses doigts se crispèrent sur le bras de la jeune femme, dont les joues ruisselaient de larmes. Le regard de Sherrès s'accrochait au sien avec l'énergie du désespoir.
— Je ne sais même pas… vers quoi je vais partir. Ils… ils parlent d'un paradis… où Haan accueille tous ceux qui l'ont bien servi…
— Il n'existe rien de tel, Sherrès. Ce dieu Haan n'est qu'une création de leur esprit marqué par la folie. Sois sans crainte, cependant. Ton âme survivra. Le corps n'est qu'un véhicule que nous empruntons l'espace d'une vie. Souviens-toi de ce que nous enseignent les Hosyrhiens, et aussi les prêtres du Soleil. Tout ne s'arrête pas avec la mort. Il y a un après.
Il se redressa péniblement et prit une profonde inspiration. Sa respiration s'apaisa quelque peu.
— Alors, j'emporte avec moi l'amour que je t'ai toujours porté, souffla-t-il. Et je ne regrette pas d'avoir donné ma vie pour te sauver. Car je sais qu'un destin grandiose t'attend, Tanith. C'est toi qui sauveras l'Hedeen. Poursuis ton combat. Et si mon âme peut t'aider là où elle sera, je te jure que je t'apporterai mon soutien.
Une dernière fois, ses doigts se crispèrent, son regard s'accrocha à celui de Tanithkara, puis sa tête retomba en arrière. La jeune femme éclata en sanglots. Tout cela était trop stupide. Bien sûr, elle n'était pas amoureuse de Sherrès, mais elle avait éprouvé de l'affection pour lui. Son assurance et sa suffisance le rendaient agaçant, pourtant, il y avait eu en lui une véritable générosité. Une générosité et une naïveté que les prêtres de Haan avaient su mettre à profit pour lui imposer leur religion maudite. Il avait été manipulé.
Autour d'elle, ses gardes et les chefs militaires de Sherrès s'étaient redressés, le visage grave. Par endroits, de violents combats avaient éclaté entre les partisans des Haaniens et les autres, ceux qui avaient compris qu'on les avait trompés.
Tanithkara essuya ses larmes, se releva et s'adressa aux guerriers du Mahdor :
— Qui est le chef, parmi vous, à présent ?
Un homme s'avança, le regard brillant.
— Moi, madame. Je suis le général Khoragan.
— Je pense que vous avez compris que cette guerre est une erreur. Votre roi est mort. Vous devez lui offrir des funérailles dignes de lui. Que comptez-vous faire ?
— Il n'y aura pas de guerre, madame, je vous en donne ma parole. Nous allons retourner à Deïphrenos et rendre hommage à notre souverain.
Il fit signe à ses compagnons, qui soulevèrent le corps du défunt. Après un dernier salut à Tanithkara, ils retournèrent vers leur armée en pleine confusion, portant le cadavre. Sa vue suffit à calmer les esprits. Peu à peu, les combats cessèrent. Le prêtre criminel avait été tué, mais un autre se tenait non loin de là, en qui Tanithkara reconnut celui qui l'avait apostrophée, quelques mois plus tôt. Elle se souvint de son nom : Nehfyyr. Sans doute était-il leur chef. De loin, il lui adressa un regard noir, chargé de la haine la plus féroce. Devant la confusion qui régnait dans l'armée du Mahdor, il savait qu'il n'avait aucune chance à présent de regrouper ses troupes.
Mais elle devinait qu'il n'avait pas dit son dernier mot, et qu'elle n'en avait pas terminé avec lui.
La prophetie des glaces
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