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Dès le lendemain du départ de Sherrès, Tanithkara se rendit au port avec son père et Leïlya. Marakha était l'un des deux plus grands ports de l'empire hedeenien, l'autre étant Malhanga. Son activité essentielle reposait sur le commerce avec les autres capitales, mais on y trouvait également une importante flotte de pêche qui s'aventurait très loin en haute mer, jusqu'aux rives des continents septentrionaux. Le long des quais s'alignaient des navires de toutes tailles, autour desquels s'affairaient une foule de marins, de capitaines, de manouvriers employés au chargement des vaisseaux. Des badauds flânaient, guettant le retour des pêcheurs. Avec l'été, la saison battait son plein. Une ligne de bateaux destinés au transport des passagers desservait tous les ports depuis le royaume de Somarkhane, à l'ouest, jusqu'à celui de Landokha, à l'est. Cependant, il ne fallait pas être pressé d'arriver, puisque le périple d'un royaume à l'autre durait un mois. Les voyageurs préféraient souvent les dirigeables, beaucoup plus rapides.
Au-delà du port s'alignaient une douzaine de hangars de grandes dimensions, dont chacun abritait un navire volant. Plus loin encore se dressaient d'autres bâtiments : les chantiers de construction Nephen. C'est vers cet endroit que la voiture électrique de Tharkaas se dirigeait.
Tanithkara et son père furent accueillis par un individu haut en couleur, trogne rouge au nez proéminent, épaisse barbe rousse sous un crâne absolument dégarni, doté de mains larges comme des pattes d'ours blanc et d'une voix caverneuse : Khadraan, le maître d'œuvre du chantier. Malgré son aspect surprenant, il n'existait pas de meilleur ingénieur pour concevoir et réaliser les dirigeables.
— Seigneur Tharkaas, dame Tanithkara, dame Leïlya, soyez les bienvenus, gronda-t-il avec un large sourire ouvert sur une dentition aussi fantaisiste que le personnage.
— Bonjour, Khadraan. Je suppose que tu as reçu mon message.
— Bien sûr, seigneur. Le Baïkhor est prêt à naviguer. Nous comptions faire les essais aujourd'hui.
— Ma fille fera les essais elle-même. C'est elle qui commandera ce vaisseau.
— Parfait, Seigneur. Le gonflage de l'enveloppe est achevé. Souhaitez-vous le visiter ?
— Allons-y.
Le bonhomme les entraîna vers le plus grand des hangars. Une trentaine d'ouvriers les saluèrent avec enthousiasme. L'achèvement d'un dirigeable était toujours un moment privilégié, et le seigneur Nephen se montrait généreux lorsqu'il était satisfait. Le toit du hangar avait déjà été basculé et une immense forme oblongue de couleur blanche étincelait dans la lumière du soleil levant.
— Voilà, seigneur, dit fièrement Khadraan. Le Baïkhor est le plus gros des navires volants jamais construits. Son nom signifie le Puissant. L'enveloppe mesure cent cinquante mètres de long et quarante mètres de diamètre. Comme vous le voyez, toute la partie supérieure est recouverte de plaques de silicium qui captent la lumière pour la transformer en électricité. Cette électricité alimente les moteurs. Les plaques donnent ainsi au navire une autonomie illimitée. Il pourrait faire le tour du monde sans escale.
« La toile de l'enveloppe est vernissée afin de faciliter la pénétration dans l'air. Les cônes avant et arrière ont été allongés pour augmenter encore cette pénétration. Ainsi, le Baïkhor peut atteindre une vitesse de plus de cent trente kilomètres à l'heure, ce qui en fera le dirigeable le plus rapide au monde. A condition bien sûr que les vents ne soient pas contraires. Nous lui avons donné ce nom parce qu'il est également capable de soulever des masses de plus de trente tonnes. En théorie, il peut s'élever jusqu'à une altitude de trois mille mètres, ce qui lui permettra de franchir des chaînes de montagnes élevées.
Il les invita à monter à bord de la nacelle, construite en bois léger et résistant sur une armature de métal.
— Ce navire peut accueillir jusqu'à cinquante personnes. La nacelle mesure quarante mètres de long, pour sept de large, et se répartit sur deux niveaux. Le niveau inférieur est destiné au stockage.
Il leur fit visiter les soutes, encore vides, agencées autour d'un couloir central. Bientôt, elles accueilleraient les vivres et le matériel de l'expédition. Une odeur de bois frais et de vernis flottait dans l'air, mêlée à des relents de graisse et des senteurs d'ozone dues aux moteurs électriques. Tanithkara respira longuement ce mélange particulier, propre à tous les dirigeables. Depuis toute jeune, elle aimait ces mastodontes volants, qu'elle avait appris à manœuvrer alors qu'elle n'avait pas encore quinze ans.
Au milieu du couloir s'amorçait un escalier de coupée qui les mena sur le pont supérieur. Ils débouchèrent sur une plate-forme centrale au plancher de bois. Une lisse courait de chaque côté, reliant deux corps de bâtiments dominés par la masse énorme de l'enveloppe, dont provenait un bruissement régulier provoqué par les mouvements de l'air chaud à l'intérieur. Khadraan déclara :
— La salle de commandement est située à la proue.
Il les invita à y pénétrer. La passerelle occupait toute la partie antérieure du navire. Elle était protégée par des panneaux de verre épais, inclinés à soixante degrés, afin d'offrir une vue plongeante et d'améliorer la pénétration dans l'air. Khadraan présenta à Tanithkara le poste de pilotage, avec les manettes des gouvernes de direction et d'altitude. A l'arrière trônait une table en bois verni fixée au sol, destinée à accueillir les cartes de navigation conservées dans un coffre de bois à compartiments. Des sculptures en bas-relief ornaient les abattants, représentant des têtes d'animaux, symboles des divinités bénéfiques qui protégeaient les voyageurs. Malgré la philosophie hosyrhienne qui combattait la superstition, les navigateurs de l'océan ou du ciel préféraient se concilier leurs bonnes grâces.
De l'autre côté, à l'arrière de la nacelle, se trouvaient des cabines pour une douzaine de passagers. L'une d'elles, plus grande que les autres, était destinée à loger le capitaine. Tanithkara sourit en voyant que quelqu'un y avait fait mettre des bouquets de fleurs.
— Pour vous souhaiter la bienvenue à bord de votre navire, madame, précisa l'ingénieur.
— Merci, Khadraan.
Derrière les cabines se situaient les quartiers de l'équipage et les logements des gardes, ainsi que les cuisines et un réfectoire. Là encore on trouvait, un peu partout, des figurines protectrices. Enfin, au bout de la nacelle se trouvait la salle des machines, constituées de quatre moteurs électriques. Le premier actionnait les gouvernes, le deuxième les hélices de propulsion, à bâbord et à tribord. Quant aux deux autres, ils produisaient la chaleur nécessaire à gonfler l'énorme enveloppe de toile vernissée, par l'intermédiaire d'un réseau de résistances.
Tharkaas se tourna vers Tanithkara.
— Ce navire te convient-il, ma fille ?
— Il est magnifique, père. Nous pouvons vraiment le faire décoller aujourd'hui ?
— Quand vous voudrez, madame, répondit Khadraan. Les douze hommes d'équipage attendent en bas, prêts à obéir à vos ordres.
— Alors, faites-les venir, messire Khadraan ! répondit la jeune femme. Nous allons faire voler ce colosse.
Tharkaas faillit éclater de rire devant l'enthousiasme de sa fille. Elle se tourna vers lui.
— Resteras-tu à bord, père ?
— Bien entendu !
Ils regagnèrent la passerelle, tandis que Khadraan prévenait l'équipage. Une douzaine d'hommes se présentèrent devant elle. Elle sourit en constatant qu'elle les connaissait déjà presque tous.
— Soyez les bienvenus à bord, messieurs. Etes-vous parés à la manœuvre ?
— Nous sommes à vos ordres, madame ! répondit le maître d'équipage avec un large sourire.
Il s'appelait Theraans et l'avait accompagnée lors du dernier voyage qu'elle avait effectué, elle-même étant sous les ordres du capitaine Madhyar. Lorsqu'elle avait assuré le commandement et qu'ils avaient dû affronter une tempête d'une rare violence, ils avaient établi une relation de confiance qui leur avait permis de vaincre les éléments. Elle adressa un sourire de remerciement à Khadraan, qui était derrière cette nomination, puis elle déclara :
— Alors, que chacun gagne son poste, nous allons appareiller !
Le maître d'équipage entraîna ses hommes vers la salle des machines, reliée à la passerelle par un système de communication vocale électrique.
Se débarrassant de sa cape de cuir doublée de fourrure, Tanithkara prit place derrière le tableau de commande. Elle repéra chacune des manettes, sous le regard attentif de son père, puis donna l'ordre de décollage. Dans la salle des machines, on augmenta la portance du navire, puis on remonta l'ancre qui maintenait le mastodonte amarré. Le Baïkhor sembla s'ébrouer, puis commença à s'élever doucement. Tanithkara aimait ce moment particulier où l'on quittait le sol, cette impression de sentir l'énorme appareil devenir plus léger qu'une plume, et obéir docilement aux commandes qu'elle tenait fermement dans ses mains. Il lui semblait faire corps avec lui. Il ne lui fallut que quelques minutes pour se sentir en complète harmonie avec le vaisseau.
Bientôt, la masse formidable du dirigeable s'éleva au-dessus du hangar où il était né. Tanithkara contenait avec peine son exaltation. Elle adressa un sourire radieux à Tharkaas.
— C'est de la magie, père. Jamais Khadraan n'a construit de navire plus souple et plus docile.
— Khadraan est le meilleur ingénieur de l'empire, ma fille.
Un peu embarrassé, l'intéressé se racla la gorge et précisa :
— J'ai apporté quelques modifications dans le système de transmission des gouvernes. Nous devrions y gagner en maniabilité.
Lorsque le Baïkhor eut pris suffisamment de hauteur, Tanithkara enclencha les moteurs de propulsion. Un bourdonnement se fit entendre loin vers l'arrière, puis le navire commença à avancer. La jeune femme le plaça dans le sens du vent et manœuvra les gouvernes de profondeur. Insensiblement, le Baïkhor s'éleva, dans un silence quasi total, hormis le bruissement du vent sur la coque et le sifflement léger des hélices. Bientôt, il prit de la vitesse. Au-dessous, le sol défilait de plus en plus vite et s'éloignait. Parfois, une saute de vent tentait de déséquilibrer le mastodonte, mais Tanithkara avait tôt fait de compenser en jouant sur les gouvernes. Jamais la jeune femme ne s'était entendue aussi bien avec un navire.


Lorsqu'ils revinrent au sol, trois heures plus tard, elle serra longuement Tharkaas contre elle.
— Ce dirigeable est une vraie merveille, père. Grâce à lui, nous trouverons une terre d'accueil.
— Il te reste encore à constituer ton équipage.
— J'ai déjà mon idée !
— Ça ne m'étonne pas, répondit-il, amusé.


Il fallut moins de dix jours à Tanithkara pour composer son équipe. Bien entendu, elle conserva Theraans et son groupe. Les marins ne demandaient pas mieux. Tous étaient plus ou moins amoureux d'elle, et lui vouaient une grande confiance. Afin de parer à toute éventualité, elle avait demandé au capitaine Madhyar de la seconder. Il accepta immédiatement. En présence de son père, elle l'informa du phénomène qui frappait la planète, et qui avait motivé l'expédition. Madhyar pâlit, mais ne fit aucun commentaire. Si le seigneur Tharkaas avait pris une telle décision, c'est que l'heure était grave. Tanithkara le mit en garde :
— Personne ne doit savoir ce qui se passe, capitaine. Nous avons du temps devant nous pour découvrir une terre d'accueil, mais si cette nouvelle se répandait, la panique s'installerait et favoriserait le développement de la religion haanienne.
— Bien, madame.
— L'équipage lui-même ne doit pas être averti, pas plus que les hommes d'armes qui nous escorteront. Seuls les scientifiques connaîtront notre objectif.


Pour ce qui concernait la destination à privilégier, Tanithkara fit appel à Mehranka. Le vieil astronome avait effectué d'innombrables voyages dans toutes les parties du monde et le connaissait mieux que quiconque. Seul son âge avancé lui interdisait de participer à l'expédition. Mais il avait déjà une idée précise de l'endroit qu'il faudrait explorer en priorité. Montrant une mappemonde sur laquelle étaient représentés tous les continents dont les Hedeeniens avaient reconnu les côtes, il dit :
— Regarde bien, Tanith. D'après les relevés, la Terre bascule suivant cet axe…
Il saisit la sphère et la fit lentement pivoter sur elle-même.
— Si le phénomène se poursuit encore pendant quelques siècles, les terres situées au nord de l'équateur vont s'approcher de ce dernier. Il faut donc choisir un pays situé dans une zone tempérée de l'hémisphère nord. Il serait aussi préférable de trouver une terre vierge de toute trace humaine, une île ou un archipel. Cela nous évitera d'avoir à combattre les indigènes. Nous ne sommes ni des guerriers ni des envahisseurs.
Il désigna une tache verte sur l'hémisphère nord et poursuivit :
— J'ai autrefois atterri sur cette île. Elle est située sous une latitude tempérée. Son climat était très doux. La végétation était luxuriante et le gibier abondant.
L'endroit se trouvait à environ trois mille kilomètres au-dessus de la ligne de l'équateur.
— Elle n'a pas encore été explorée, précisa Mehranka. Nous n'avons fait que la survoler en cherchant un endroit où nous poser. Nous avions subi de graves avaries et notre navire n'était pas en état de mener la moindre exploration. Nous n'avons pas eu le temps d'étudier cette île, mais je me souviens que c'était un lieu magnifique. Sa superficie doit être équivalente à celle de la Nauryah. Elle serait donc suffisamment vaste pour devenir notre terre d'accueil.
— Il faudra vérifier qu'elle n'est pas habitée, dit Tanithkara.
— Nous n'avons noté aucune trace de présence humaine. En revanche, l'emplacement où nous avons pu atterrir conviendrait parfaitement pour une ville.
Il montra la partie sud de l'île.
— C'était quelque part par là. Il faudra aussi déterminer les ressources minières, la qualité des sols…
— Mon équipe comportera un biologiste, un météorologue, un zoologue, un botaniste, un médecin, un géologue. Leïlya sera notre géographe. Je les choisirai parmi mes compagnons de l'université. Avez-vous donné un nom à cette île ?
— Oui. Nous l'avions baptisée Avalon, un nom issu d'une ancienne légende.


Tanithkara recruta également un jeune homme, Rod'Han Devaar, fils d'un modeste commerçant de Marakha. Il avait déjà fait partie de son expédition précédente, à l'occasion de laquelle il avait fait preuve d'un courage exemplaire alors qu'ils étaient attaqués par une tribu hostile. Rod'Han ne parlait pas beaucoup. Agé d'une trentaine d'années, il vouait une admiration sans borne à Tanithkara. Lorsqu'elle lui annonça qu'elle l'avait choisi pour commander ses gardes, son regard se mit à briller et il posa un genou à terre devant elle.
— Rien au monde ne pouvait me faire plus plaisir, madame. Ma vie vous appartient et je la donnerais sans hésiter pour sauver la vôtre.
— Relève-toi, Rod'Han, répondit Tanithkara, amusée, mais aussi plus émue qu'elle ne l'aurait voulu. J'espère bien que tu n'auras pas à le faire.
Elle avait déjà compris qu'il était secrètement amoureux d'elle, et aussi qu'il ne se déclarerait jamais. Elle n'appartenait pas à son monde.
— Je te charge de recruter une vingtaine d'hommes sûrs et de leur fournir un armement complet. Nous ne savons pas ce que nous allons rencontrer.
— Ce sera fait, madame.


Il ne fallut pas plus de trois jours à Rod'Han pour se présenter devant elle, suivi par une vingtaine de guerriers choisis parmi les chasseurs, les seuls hommes capables de combattre. Leur stock d'armes était constitué d'arbalètes, arcs, lances, glaives et poignards. On connaissait aussi la poudre, mais pas les armes à feu. Les plus puissantes de ces armes étaient les arbalètes, dont les traits de métal pouvaient percer les cuirasses les plus épaisses. C'étaient les seules armes capables de mettre les gros animaux en fuite. Certaines tiraient des sortes de grenades.
Deux jours plus tard, le Baïkhor était sur le point de quitter l'Hedeen.
Ce fut alors qu'une nouvelle inquiétante parvint à Marakha.
La prophetie des glaces
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