15
Sans la présence de Valentine, Rohan aurait sans doute trouvé le voyage ennuyeux. Mais la jeune fille, qui avait largement pris part aux études du jeune homme, fut de l'expédition. Après avoir passé la nuit à Helsinki, ils suivirent la nationale 3 en direction du nord, pendant trois cent cinquante kilomètres.
Sise dans les grandes plaines de l'Ostrobotnie, Kurikka était une petite ville d'une dizaine de milliers d'âmes, érigée en municipalité autonome en 1868, mais dont les origines remontaient au début du quinzième siècle. Traversée par la rivière Kyrînjoki, la plaine de Kurikka offrait un relief monotone de champs à perte de vue, hormis quelques zones forestières. La région vivait essentiellement du travail du bois et des métaux.
— En hiver, ce doit être plutôt tristounet, commenta Valentine.
Mais on était au cœur du printemps et un soleil radieux éclaboussait la région. Paul Flamel retint des chambres dans un hôtel accueillant, situé sur les rives d'un des rares lacs de la région.
Rohan trouvait étrange que l'on pût faire autant de kilomètres simplement pour étudier un procès vieux de près de cinq siècles. Cependant, il n'osa pas en parler à Flamel, lequel n'aborda pas le sujet pendant le repas du soir.
La nuit venue, Rohan éprouva un peu de mal à trouver le sommeil. Il y avait derrière cette démarche quelque chose qui lui échappait. Les différents sujets d'études proposés par Paul Flamel suivaient un plan bien précis. Il en était convaincu. Mais quel était ce plan ? Pourquoi Douglas Westwood s'était-il penché sur des domaines que rien apparemment ne reliait entre eux. Quel rapport pouvait-il y avoir entre les hommes de Cro-Magnon de Sibérie et la sorcellerie, entre le site de Glozel et les animaux brusquement disparus de l'holocène ? L'époque, peut-être. Mais comment rattacher tout cela à une affaire de sorcellerie du seizième siècle ? Et que venait faire l'Ensis Dei, une organisation secrète de l'Inquisition, dans tout ça ?
Au fond, peut-être se montrait-il trop méfiant. Paul Flamel essayait seulement de l'intéresser aux travaux de son père.


Le lendemain, dès l'aube, Paul Flamel invita les deux jeunes gens à se préparer sans même prendre de petit déjeuner. Ils montèrent dans la voiture. Rohan regarda Valentine, qui lui jeta un regard amusé. Visiblement, elle était habituée à ce genre d'excentricités de la part de son grand-père.
— Où allons-nous ? demanda Rohan, dont l'estomac renâclait.
— Mon ami Markus Aarlahti nous attend, répondit simplement Flamel.
Après un voyage d'une dizaine de kilomètres, ils pénétrèrent dans une petite propriété en lisière de la forêt. C'était une magnifique maison en bois foncé, au toit en pente douce, flanquée d'un garage où l'on apercevait deux grosses Volvo et deux motoneiges.
Un colosse d'une soixantaine d'années, au ventre confortable et au visage mangé par une épaisse barbe rousse, se tenait sur le pas de la porte protégée par un auvent. Il ouvrit les bras au vieil homme.
— Paul, sois le bienvenu, mon ami, dit-il en anglais.
Il les invita à entrer. Son épouse avait déjà préparé un solide petit déjeuner à la finlandaise, tranches de pain de seigle, anneaux briochés, jambon, saucisson de renne, fromage et crudités, le tout accompagné de lait et de jus de fruits. On prit place autour de la longue table de bois massif.
— Je voudrais que tu parles du procès à Rohan et à Valentine, dit Paul Flamel.
Markus Aarlahti hocha lentement la tête. Son visage avait soudain pris une expression grave. Il regarda les deux jeunes gens, puis s'adressa à Rohan :
— Ainsi, tu es le fils de Douglas Westwood.
— Oui.
— Accepte mes condoléances. Je connaissais ton père et ton grand-père et j'avais une grande estime pour eux.
Puis il se tourna vers Paul Flamel, comme s'il quêtait son approbation. Celui-ci hocha la tête affirmativement. Rohan les contempla tous deux, intrigué. Que signifiait cette comédie ? Valentine posa sa main sur la sienne pour le rassurer.
— Il doit savoir, dit Flamel. Il peut nous aider.
Markus hocha la tête.
— Bien, dit-il.
Il se tourna vers les deux jeunes gens.
— C'est une histoire étrange, dit-il. Nous sommes en 1520. A cette époque, l'Inquisition fait des ravages en Allemagne, en Espagne, en France et en Italie. En revanche, elle n'est pas active en Suède, ni même au Danemark. Jamais les souverains du Nord n'ont accepté qu'elle s'implante chez eux. En Scandinavie, les sorciers, ou ceux que l'on appelait ainsi plus au sud, vivent sans inquiétude. La Finlande n'existe pas encore. Elle fait partie de la Suède. Après la Réforme, au seizième siècle, les choses évoluent. A partir de 1660, il y a quelques procès pour sorcellerie en Finlande. Mais les Finlandais ne sont guère impressionnés par le Diable. Les tribunaux ne prononcent que rarement des condamnations à mort.
« Avant cette période, il n'y a donc pas eu de procès. Sauf un seul. Un procès qui retrace la terrifiante histoire d'une jeune fille nommée Helka Paakinen… Il fut également le seul dans lequel intervint l'Ensis Dei, la terrible cellule secrète de l'Inquisition.
La prophetie des glaces
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