Lorsque Tanithkara revint à Marakha, escortée par
sa garde personnelle, toute la population était massée sur les
remparts, prête à en découdre. Le retour de leur reine saine et
sauve plongea les habitants dans une liesse sans nom. Tout le monde
voulait lui parler, la toucher. A elle seule, grâce à son
courage, elle avait évité une bataille incertaine. Une foule
délirante l'accompagna jusqu'à son palais, où elle put enfin
prendre un peu de repos, sous la surveillance farouche de Rod'Han.
Mais les hommes de ce dernier ne se lasseraient pas de conter son
exploit pendant les jours qui suivirent. Pahyren, plus mort que
vif, accueillit sa petite-fille avec un mélange de compliments et
de reproches.
— Tout de même, tu aurais pu mille fois te
faire tuer… Et sans toi, que serait devenu le peuple de
Marakha ?
— Il aurait combattu avec courage.
— Il leur faut un chef. Et ce chef, c'est
toi.
Elle le prit dans ses bras et le serra avec
affection.
— Cesse de grogner, veux-tu ? Je suis
là, n'est-ce pas ?
— S'il n'y avait pas eu ce maudit voile de
cendre, ils t'auraient massacrée.
— Je savais qu'il allait se passer quelque
chose. L'Esprit de la Terre m'avait envoyé un songe. Cela valait la
peine de tenter d'arrêter ces maudits Haaniens. J'ai ainsi pu
sauver un grand nombre des nôtres. Je me doutais aussi que Sherrès
ne pourrait pas me faire de mal.
— Lui non, mais les autres ? Ce prêtre,
là, ce Nehfyyr, il te hait.
— Il
est reparti pour Deïphrenos. A présent, il ne pourra plus rien
tenter. Ils vont avoir assez de mal à contenir la révolte qui
gronde dans leurs rangs. Et puis, nous allons bientôt partir.
— Que le Grand Esprit t'entende, mon
enfant.
Les préparatifs avaient repris de plus belle. On
acheva les moissons dans une atmosphère plus détendue. L'ennemi
était reparti, le roi du Mahdor était mort. D'après les quelques
voyageurs qui en revenaient, le royaume avait sombré dans le chaos.
Les prêtres devaient faire face à une guerre civile opposant les
Haaniens aux partisans du dieu Soleil. Les combats faisaient rage
avec la plus extrême férocité. Comme dans nombre d'autres pays, les
gens supportaient de moins en moins la tyrannie des religieux. Le
voile gris qui s'était étendu sur le monde avait engendré un
mélange de panique et de colère. Les prêtres haaniens avaient beau
tenter de faire croire qu'il s'agissait de la manifestation ultime
de la fureur de Haan, plus personne n'y croyait, hormis les
fanatiques qui avaient trouvé là un exutoire à leur propre
terreur.
La fin de l'été approchait. La flotte était
désormais prête à partir. Chaque navire avait été réparé, aménagé
pour accueillir un maximum de passagers et de vivres. Certains
avaient été transformés pour transporter les animaux, dont on
emmènerait le plus grand nombre possible. Les autres avaient été
relâchés dans la nature.
Après la mort de Sherrès, un flot de réfugiés
provenant de tous les royaumes n'avait cessé d'affluer à Marakha
pour fuir les combats. Parmi eux se trouvaient quelques Hosyrhiens
qui avaient réussi à échapper à leurs tortionnaires. D'autres
étaient de simples paysans, des ouvriers, des artisans ou des
prêtres d'Hyruun. D'autres encore avaient des origines plus
douteuses.
En raison de l'effervescence qui régnait dans la
cité, on n'accordait pas trop d'importance à ces nouveaux
arrivants. On savait désormais que la ville allait être abandonnée
et que ses richesses appartiendraient à ceux qui s'en empareraient
les premiers. Certains lorgnaient déjà sur les belles demeures
bientôt désertées, sur les
faïences magnifiques, les pièces de vaisselle somptueuses
fabriquées par les artisans de la Nauryah, réputés pour être les
plus habiles de l'empire.
Ces sacrifices représentaient un véritable
crève-cœur pour ceux qui devaient partir, mais la liberté et la vie
étaient à ce prix. Tous avaient pris conscience de la menace que le
voile de cendre faisait peser sur le continent. On n'avait plus
revu le soleil depuis que le nuage volcanique recouvrait la
Nauryah. Un ciel bas, uniformément gris, surplombait le monde.
Lorsqu'il pleuvait, l'eau était grise, chargée de poussières. Le
sol se maculait d'une boue gluante qui s'infiltrait partout et
déposait sur la végétation une pellicule collante. Les couleurs
semblaient avoir disparu à jamais. La température avait beaucoup
baissé. Bien que l'on fût en été, il arrivait souvent, le matin,
qu'une fine couche de givre noirâtre recouvre le pays. Elle fondait
au cours de la journée, mais elle était de retour le lendemain. Un
froid insidieux s'était emparé du monde, à tel point que l'on avait
été obligé de rallumer les grandes cheminées. Tous ces éléments
inquiétaient suffisamment les Marakhéens pour les décider à partir
en abandonnant leurs richesses derrière eux. Ce monde était
condamné et ils le savaient. Les groupes de pillards continuaient
peu à peu à investir la ville, guettant le moment où les demeures
seraient enfin abandonnées.
La Nauryah n'était pas seule à préparer un exode.
A Malhanga, les pentarques, acquis aux idées hosyrhiennes,
avaient organisé le départ de leur peuple vers le continent des
hommes à peau noire. Il restait là-bas d'immenses espaces vierges,
le climat y était doux et la végétation luxuriante. Déjà plusieurs
vaisseaux avaient quitté le royaume.
A Marakha, on attendait le retour de la
flotte partie l'année précédente. Elle revint vers la fin de l'été,
apportant des nouvelles rassurantes. Malgré quelques tempêtes, la
plupart des navires avaient atteint Avalon. Seuls sept d'entre eux
avaient sombré, emportant avec eux quelques centaines de personnes.
Une grande tristesse envahit Tanithkara, mais elle savait que
c'était le prix à payer pour
une telle expédition. Celle qui s'annonçait serait encore plus rude
du fait de la présence du voile de cendre.
A Avalon, on avait commencé à s'organiser. On
avait tracé les limites de la future cité, défriché quelques
champs, capturé des animaux pour les domestiquer. Le travail ne
manquait pas et l'on attendait avec impatience l'arrivée de la
seconde flotte. La plupart des familles avaient été séparées par le
premier voyage et le capitaine Madhyar et ses hommes, de retour de
l'île, eurent fort à faire pour donner des nouvelles des uns et des
autres.
Tout paraissait aller pour le mieux. Avec un peu
de chance, on pourrait partir dès le début de l'automne. Tanithkara
aurait dû se réjouir. Pourtant, elle sentait confusément qu'une
menace imprécise pesait sur elle. Parfois, il lui semblait deviner
la présence d'un ennemi sournois, tapi au cœur même de la cité.
C'était absurde. Les postes avancés n'avaient plus signalé la
moindre troupe ennemie depuis la dernière invasion, lorsque Sherrès
avait été tué. Les prêtres de Haan n'avaient plus les moyens de
lancer d'offensive. Alors, elle chassait ses pensées lugubres,
qu'elle mettait sur le compte des ténèbres grises qui s'étaient
abattues sur le monde.
Pourtant, une nuit, la menace se concrétisa dans
toute son horreur. Comme la plupart des Nauryens, elle aimait
dormir nue, pour sentir sur sa peau la fraîcheur rêche des draps de
lin. Soudain, un bruit insolite l'éveilla en sursaut.
Instantanément, tous ses sens furent en éveil. Il y avait quelqu'un
dans la chambre. Mais comment était-ce possible ? Le fidèle
Rod'Han veillait dans la pièce adjacente, et une demi-douzaine de
gardes se relayaient à l'étage inférieur.
Ce fut la rapidité de ses réflexes qui la sauva.
A la lueur de la lune, elle vit soudain luire l'éclat d'un
poignard. Projetant les draps en direction de l'agresseur, elle
roula sur elle-même et bondit vers un coffre où elle savait trouver
son glaive. Elle entendit une voix pester derrière elle. Elle hurla
pour attirer l'attention des soldats, puis réussit à s'emparer de
son arme et à se retourner juste à temps pour se défendre contre un
homme qui avait sauté par-dessus le lit pour la frapper
par-derrière. D'un geste sûr,
elle bloqua le bras qui voulait la frapper. Emporté par son élan,
l'homme vint s'empaler sur son épée jusqu'à la garde. Il laissa
échapper un gémissement de douleur et s'effondra sur le dallage.
Sans prendre le temps de savourer sa victoire, elle fit face aux
autres. Elle en dénombra quatre, qui avançaient vers elle dans le
plus grand silence.
Elle appela au secours, mais personne ne se
manifesta. Une onde glaciale lui parcourut l'échine. Le brave
Rod'Han aurait déjà dû répondre. Elle comprit que ces misérables
l'avaient tué. Elle poussa un cri de rage tout en maintenant ses
ennemis à distance à l'aide de son glaive.
Tout à coup, à la lumière bleutée de la lune, elle
reconnut le chef de ses agresseurs : Nehfyyr, le prêtre
haanien de Deïphrenos.
— Tuez-la ! rugit-il.
Un homme bondit sur elle. Mal lui en prit.
Tanithkara avait consacré un temps important au maniement des armes
lorsqu'elle était étudiante. Et elle avait poursuivi son
entraînement avec Rod'Han, ces derniers mois. Un mouvement vif du
glaive écarta la lame ennemie. L'instant d'après, l'homme sentit sa
gorge s'ouvrir. Il fit entendre un gargouillement puis s'effondra
sur son camarade qui se débattait encore entre la vie et la mort.
Les Haaniens ne s'attendaient certainement pas à une telle
résistance.
Les deux autres se rapprochèrent, l'arme haute.
Tanithkara se prépara à subir un ultime assaut. Elle avait peu de
chance de survivre à un combat aussi inégal, mais elle ne périrait
pas sans lutter.
Soudain, un vacarme se fit entendre dans
l'antichambre. Ses gardes arrivaient. Les autres comprirent
immédiatement qu'ils étaient perdus. Il y eut un moment
d'hésitation. Nehfyyr hurla et se rua sur la jeune femme, tentant
le tout pour le tout. Tanithkara fit un écart. Les fers se
croisèrent. Mais la jeune femme connaissait mieux le maniement du
glaive que son ennemi. D'un moulinet rapide, elle le désarma, puis
son arme fendit l'air à hauteur du visage du prêtre. Il émit un
terrible cri de douleur. L'acier lui avait déchiqueté l'œil.
Comprenant que leur tentative avait échoué, les deux autres
s'emparèrent de lui et l'entraînèrent par la porte dérobée par
laquelle ils étaient entrés.
Une escouade
de guerriers pénétra dans la chambre de la reine. Celle-ci se
tenait debout, dans le plus simple appareil, un glaive ensanglanté
dans la main, le corps couvert de sang.
— Madame ! Vous êtes blessée !
s'affola un homme.
— Non. Mais il faut poursuivre ces
criminels ! Ils ne peuvent pas être bien loin. Leur chef est
touché. Je lui ai crevé un œil. Je les veux vivants.
— Bien, madame.
Sans prendre le temps de passer une chemise, elle
écarta les soldats et se précipita dans la pièce attenante, pour
découvrir Rod'Han baignant dans son sang. Elle s'agenouilla près de
lui et constata avec bonheur qu'il respirait encore. Sans doute
n'avait-il pas eu la moindre chance de se défendre. Il avait reçu
plusieurs blessures à l'abdomen et saignait abondamment.
— Que l'on fasse venir un médecin, dit
Tanithkara. Et portez-le sur mon lit avec précaution.
Tandis que l'on s'occupait du blessé, un soldat
lui apporta enfin une robe de lin dans laquelle elle
s'enveloppa.
On ne retrouva pas les Haaniens. Ils avaient
préparé leur plan avec minutie. Ils avaient probablement trouvé
refuge au milieu des pillards. La seule chose qu'ils n'avaient pas
prévue était le fait que Tanithkara savait manier le glaive. On
fouilla tous les quartiers, sans succès. La confusion qui régnait
sur la cité favorisa la fuite des assassins.
Rod'Han resta plusieurs jours entre la vie et la
mort. Tanithkara avait refusé qu'il soit emmené à l'hôpital. Le
transporter eût été dangereux, car il avait perdu beaucoup de sang.
Alors, il resta dans la chambre de la reine, sur son lit. Elle
veilla sur lui pendant toute la durée des soins. Sherrès était mort
dans ses bras. Elle refusait de revivre une telle expérience.
Rod'Han était le plus fidèle, le plus dévoué de ses guerriers. Il
devait vivre. Heureusement, aucun organe vital n'avait été touché.
C'était un véritable miracle. Les autres l'avaient frappé à
plusieurs reprises, dans le ventre et dans la région du cœur.
L'incertitude venait du sang qu'il avait perdu, et qu'il fallait
reconstituer. Il fallait éviter également que l'infection ne se mît
dans les plaies. On trouvait à Marakha les meilleurs médecins de l'empire. Ce fut
sans doute ce qui sauva Rod'Han. Sa robuste constitution fit le
reste.
Un matin, après quinze jours d'un sommeil
comateux, il ouvrit les yeux. Pour découvrir le visage aimé de
Tanithkara penché sur lui.
— Ma reine ! Vous êtes sauve.
— On ne peut pas en dire autant de toi. Tu as
été grièvement blessé.
— Peu importe. Ma vie n'est rien.
— Ne parle pas. Tu es encore très
faible.
— Que s'est-il passé ?
— Ces misérables t'ont frappé par surprise et
t'ont empêché de me défendre.
Il pâlit.
— Les autres gardes sont venus…
— Oui. J'ai eu le temps d'en tuer deux et
j'ai éborgné le prêtre Nehfyyr. C'est lui qui a essayé de
m'assassiner. Il était présent quand Sherrès a été tué. C'est lui
qui a dû donner l'ordre de tirer sur moi ce jour-là.
— Le misérable !
— Malheureusement, il a réussi à s'enfuir.
Depuis, tes guerriers dorment dans les pièces adjacentes. Et leurs
ronflements m'empêchent de dormir, ajouta-t-elle avec un
sourire.
Rod'Han regarda autour de lui. Enfin, il se rendit
compte de l'endroit où il se trouvait.
— Ma reine ! Mais je suis… dans votre
lit !
— Bien sûr ! Il n'est pas assez
confortable ?
— Si, si. Mais… mais je ne devrais pas être
là. Que vont penser les autres ?
— Ils n'ont pas à penser à partir du moment
où j'ai décidé de veiller sur toi.
Il tenta de se redresser, poussa un gémissement de
souffrance. Les cicatrices étaient encore douloureuses.
— Tu vas te tenir tranquille,
oui ?
— Ma reine…
Elle lui prit la main.
— C'était mon devoir.
— Donc, le mien était de te soigner.
Elle lui sourit. Il lui répondit d'un sourire
maladroit, puis, sous l'effet de la fatigue, referma les yeux. Elle
le contempla silencieusement. Rod'Han était vraiment beau garçon.
Il était musclé et bien découplé, et surtout, il avait les plus
beaux yeux du monde. C'était aussi un homme courageux, dévoué, et
plein de sollicitude envers les autres. Ses guerriers l'adoraient
et lui vouaient une grande admiration. S'il était exigeant, il
savait aussi les écouter et ne les exposait pas au danger sans
véritable raison.
Doucement, elle resserra ses doigts sur sa main.
Une chaleur équivoque lui parcourut les reins. Depuis combien de
temps n'avait-elle pas connu l'étreinte d'un homme ? Plusieurs
mois, au moins, peut-être plus d'un an. Elle avait eu tellement de
choses à imaginer, à organiser. Le soir, après les multiples
réunions, les décisions à prendre, les doléances à écouter, elle
n'avait plus que la force de s'écrouler sur son lit et de dormir
pour réparer ses forces. Mais sa résistance exceptionnelle lui
redonnait vite des forces et, au matin, elle sentait souvent dans
son ventre des envies impérieuses. S'il lui arrivait parfois de se
calmer seule, cette méthode frustrante ne remplaçait pas un
homme.
Elle poussa un soupir. Elle aurait aimé faire
l'amour avec Rod'Han, là, tout de suite, qu'il la prenne avec
détermination. Mais c'était hors de question. Il était trop faible.
Elle poussa un second soupir. De plus, jamais il n'oserait prendre
la moindre initiative.
Les forces du jeune homme se reconstituèrent très
vite. Huit jours plus tard, il était sur pied.
— Je me sens beaucoup mieux, ma reine, dit-il
un matin. Je vais pouvoir regagner mon casernement…
— Non !
Il la regarda avec stupéfaction.
— Pour… pourquoi non ?
Pour toute
réponse, elle fit glisser la chemise de nuit de lin qu'elle portait
sur elle et se glissa près de lui dans le lit, entièrement
nue.
— J'ai dit non ! C'est un ordre,
ajouta-t-elle, la mine gourmande.
— Mais… madame…
— Et en voici un autre :
aime-moi !
— Mais, madame, je ne suis que…
Elle lui posa un doigt sur les lèvres.
— Chut, j'ai dit que c'était un ordre.
A moins qu'il ne te déplaise de lui obéir…
Puis, écartant son doigt, ce fut ses lèvres
qu'elle posa sur sa bouche. Alors, les bras de Rod'Han se
refermèrent sur elle.
Ce ne fut pas une performance éblouissante en
raison de l'état du blessé, mais leur étreinte fut pleine de
promesses. Rod'Han possédait une délicatesse rare chez les hommes.
Il était attentif au plaisir de sa partenaire, et l'amour qu'elle
lisait dans ses yeux compensait largement ses défaillances bien
compréhensibles.
Tandis qu'il reprenait difficilement son souffle,
elle se pencha sur lui.
— J'ai besoin de toi, Rod'Han. Je voudrais
que tu restes près de moi. Pas seulement comme chef de mes gardes,
mais comme compagnon.
Il se tourna vers elle.
— Comme compagnon ? Mais vous êtes la
reine, et je ne suis qu'un petit capitaine…
— Crois-tu que cela ait de l'importance à mes
yeux ? Je suis bien avec toi. J'aime ta voix, j'aime te sentir
près de moi. Bien sûr, tu n'es pas obligé d'accepter…
Il la regardait, partagé entre l'incrédulité et
une joie indicible.
— Comment pourrais-je refuser ? Ma vie
vous appartient. Et je vous aime plus que je ne saurais le
dire.
Elle lui prit la main.
— Dans le monde où nous allons, il faudra
tout recommencer. Il n'y aura plus ni riches ni pauvres, puisque
tous auront tout perdu. Il faudra travailler dur, rebâtir une
ville, défricher, reconstruire des usines. Tous s'appuient sur moi.
Mais je ne suis pas invulnérable. J'ai besoin, moi aussi, de me
reposer sur une épaule solide de temps à autre. Tu es l'homme en
qui j'ai le plus confiance.
Il lui prit les mains.
— Ma reine, vous venez de faire de moi
l'homme le plus heureux du monde.
Ainsi Rod'Han devint-il le compagnon officiel de
Tanithkara. Si certains de ses camarades étudiants firent un peu
grise mine de la voir leur préférer un simple guerrier, il leur
fallut faire contre mauvaise fortune bon cœur. Et puis, Tanithkara
resplendissait. L'amour lui allait à ravir et, bientôt, on appela
le jeune homme « prince Rod'Han », ce qui le remplissait
de confusion.
Mais le moment du départ approchait.