Immédiatement, Rohan se plaça devant Lara.
— Je vous interdis de la toucher !
Mais Paul Flamel leva la main d'un geste
apaisant.
— Calme-toi, mon garçon. Nous n'avons aucune
intention de vous faire du mal.
Puis il se produisit quelque chose de totalement
inattendu. Sous les yeux ébahis du jeune Américain, le vieil homme
posa un genou en terre face à une Lara éberluée et courba la tête,
imité par les hommes entrés avec lui.
— Que le Grand Esprit de la Terre soit
remercié, majesté. Nous avons enfin fini par vous retrouver.
Rohan avait l'impression de rêver. D'un ton
agressif, il demanda :
— Pourquoi l'appelez-vous
« majesté » ?
— Parce que Lara est la réincarnation d'une
grande reine d'un pays disparu depuis des milliers d'années,
l'empire d'Hedeen. Son nom, à l'époque, était Tanithkara. Comme tu
l'avais deviné.
Rohan se souvint effectivement d'avoir perçu ce
nom au cours d'un contact mental avec Lara. Quant à elle, il lui
sembla curieusement familier, et elle comprit qu'il s'agissait de
celui de la femme de ses rêves. La tension retomba quelque
peu.
Paul Flamel se releva avec un large sourire qui se
mua en grimace en raison de ses articulations malmenées.
— Ces révérences ne sont plus de mon âge,
dit-il.
— Si vous nous expliquiez… demanda
Rohan.
— C'est
une très longue histoire. Nous vous dirons tout plus tard. Mais
pour l'instant, nous devons agir vite pour vous mettre à
l'abri.
— A l'abri ?
Flamel se tourna vers Lara.
— Vous avez été enlevée par le père Paolini,
n'est-ce pas ?
— Enlevée… avec mon consentement. Il m'a
emmenée en Suisse, dans un monastère. Il m'a dit qu'il voulait me
protéger contre mes ennemis. Il les a appelés
« Hosyrhiens ». J'ignore ce que ça veut dire.
Paul Flamel blêmit.
— Il s'est montré aimable avec vous…
— Bien sûr. Malgré mon scepticisme envers la
religion, il m'a accueillie aussi bien que possible dans ce
monastère. Mais au bout de quelques jours j'en ai eu assez d'être
enfermée. Lorsque Rohan a pris contact avec moi, j'ai décidé de
fuir. Et nous sommes venus nous réfugier ici. Nous voulions
attendre que toute cette histoire soit un peu calmée.
— Elle ne le sera jamais, soupira le vieil
homme.
Il fit quelques pas nerveux et revint vers
Lara.
— Il ne vous a pas fait de mal…
— Pas du tout, répliqua Lara, étonnée par la
réaction du vieil homme. Pourquoi m'aurait-il fait du mal ? Il
s'est montré très hospitalier, au contraire.
Flamel se tourna alors vers ses hommes.
— Ça cache un piège ! Tenez-vous sur vos
gardes. Nous allons repartir tout de suite.
— Attendez, intervint Rohan. Pourquoi
voulez-vous que nous partions ? Et pourquoi dites-vous qu'il y
a un piège ? Et puis d'abord, comment avez-vous fait pour nous
retrouver ? Personne ne savait que nous étions ici.
— Il n'y a pas une minute à perdre.
Faites-moi confiance, de grâce. Prenez vos affaires et quittons les
lieux immédiatement. Vous êtes en danger.
— Pourquoi ? s'exclama Lara.
— Parce que votre ami le père Jean-Benoît
Paolini n'est autre que le chef occulte de l'organisation secrète
appelée Ensis Dei.
— Si tu étais resté avec nous, j'aurais
continué à t'enseigner ce que nous savons. Tu aurais fini par
apprendre ce que ton père aurait voulu te transmettre. C'est encore
plus extraordinaire que tout ce que vous pourriez imaginer. Le
temps viendra pour ça. Pour l'heure, il nous faut fuir. Et
vite !
— Et si nous refusons ? riposta
Rohan.
Paul Flamel n'eut pas le temps de répondre. L'un
des hommes entra en trombe dans la maison, trempé par le
déluge.
— Grand Maître ! Ils
arrivent !
— Qui arrive ? s'inquiéta Rohan.
— Les tueurs à la solde de Paolini, dit le
vieil homme, le visage marqué par l'anxiété. Heureusement, nous
sommes bien armés. Venez vite !
Il saisit le bras de Lara et l'entraîna à
l'extérieur, où stationnaient quatre véhicules tout-terrain. Il se
dirigea vers le plus gros. Désemparé, Rohan n'eut que le temps
d'attraper leurs sacs et de les suivre.
— Montez dans la voiture ! ordonna
Flamel. Et abritez-vous !
Lara avait l'impression que le monde avait sombré
dans la folie. Au loin retentissaient des bruits de moteur. Elle
s'engouffra dans la grosse voiture, suivie aussitôt par un Rohan
partagé entre la fureur et la peur. A travers le rideau de
pluie, il eut le temps d'entrevoir, sur le chemin menant vers le
chalet, trois 4 × 4 noirs, puis Paul Flamel le
poussa vivement à l'intérieur et lui ordonna de baisser la tête.
Sur le siège avant, Rohan aperçut Alain, le chauffeur, qui
affichait un calme imperturbable. Il avait mis le moteur en marche
et dégainé un pistolet, imité par un autre homme assis sur le siège
du passager.
— Ne vous inquiétez pas, cette voiture est
blindée, dit Paul Flamel.
Tout se passa très vite. Les véhicules des
agresseurs déboulèrent en trombe et tentèrent de couper la route
aux fuyards. Mais les hommes de main de Flamel lancèrent leurs
voitures en travers, ménageant un espace dans lequel le gros
tout-terrain s'engagea en faisant hurler son moteur. Les
assaillants voulurent réagir et faire demi-tour pour les
poursuivre, mais le sol détrempé ne leur facilita pas la tâche. L'instant d'après,
les fuyards jetèrent des grenades incendiaires sur les voitures de
leurs agresseurs. Les véhicules s'embrasèrent, puis explosèrent
dans un vacarme infernal. Des hommes parvinrent à s'en extraire,
les vêtements en flammes. Ils furent cueillis par un tir
nourri.
Dans le tout-terrain, le bruit des explosions
vrilla les oreilles des deux jeunes gens. Lara hurla de terreur.
Ils étaient secoués dans tous les sens, malmenés par les cahots de
la route forestière, parcourue à vive allure. Paul Flamel poussa un
soupir de soulagement.
— Vous pouvez vous relever. Nos compagnons
vont se débarrasser d'eux, dit-il pour les rassurer.
Lara se redressa en tremblant. Rohan la prit
contre lui. Elle éclata en sanglots. Par la vitre fumée, elle avait
eu le temps de voir un individu transformé en torche humaine sortir
d'un véhicule.
Le lourd 4 × 4 gagna une petite
route parallèle à celle qui longeait le lac et prit la direction de
Pontarlier. Pendant un long moment, ils restèrent silencieux. Rohan
ne savait plus que penser. Il avait supposé que Paul Flamel était
le chef d'une organisation satanique, et il s'était trompé. Mais
alors, qui était-il réellement ? De multiples questions se
bousculaient dans son esprit. Si ce n'était pas les Hosyrhiens, qui
voulait tuer Lara ? Et pourquoi ? Qui étaient les hommes
qui les avaient attaqués ? Comment une organisation secrète
datant du Moyen Age pouvait-elle encore exister au vingt et unième
siècle ?
Tout à coup, le portable de Paul Flamel sonna. Il
décrocha en activant le haut-parleur.
— C'est fait, monsieur. Nous les avons
éliminés. Nous avons trois blessés, dont un sérieux, de notre côté.
Les autres sont tous morts.
— Parfait. Mettez les blessés en lieu sûr et
rejoignez-nous à l'endroit convenu. Laissez les corps sur place.
Leurs amis se chargeront de les faire disparaître. Ils ne tiennent
certainement pas à ce que cette affaire soit connue des
médias.
Il raccrocha et se tourna vers Lara et
Rohan.
— C'est fini. Nous sommes débarrassés d'eux
pour un moment. Ils ne s'attendaient pas à tomber sur si forte
partie. Mais ils vont
revenir. Il nous faut absolument savoir comment ils ont réussi à
vous retrouver si vite.
— Et vous, répliqua Rohan, comment avez-vous
fait ?
— Depuis quelque temps, je sentais que tu ne
me faisais plus confiance. Je ne t'en veux pas. J'imagine que
j'aurais réagi de la même manière à ta place. Après tout,
l'obstination dont je faisais preuve pour retrouver Lara pouvait te
sembler suspecte. Mais il était hors de question de te laisser
partir seul à l'aventure sans savoir où tu étais, pour te protéger
le cas échéant. J'ai fait poser un émetteur GPS dans ton
bracelet-montre. Valentine te l'a subtilisé une nuit sans que tu
t'en aperçoives.
Rohan serra les mâchoires de colère.
— Valentine ! Elle a donc agi sur votre
ordre.
— Elle a agi à ma demande, et pour ton bien.
Et surtout pour le bien de notre… communauté. Elle connaît
l'importance des enjeux et elle n'hésite pas à payer de sa
personne. Tu devrais lui en être reconnaissant.
— J'ai surtout l'impression d'avoir été
manipulé…
— Tu l'as été. Mais ce n'était pas dans un
but néfaste. Et elle l'a fait tout en sachant que, dès l'instant où
tu ferais la connaissance de Lara, elle ne compterait plus pour
toi. Elle savait que tu aurais l'impression d'avoir été trahi. Mais
elle l'a accepté, en dépit des sentiments qu'elle ressent pour
toi.
— Des sentiments pour moi…
— Valentine t'est profondément attachée. Elle
me l'a confié. Ce n'est pas parce que nous pratiquons des mœurs
très libres que nous n'éprouvons pas de sentiments. Bien au
contraire. La liberté engendre la sincérité. Mais Valentine est
médium, tout comme toi, même si elle est moins douée. Elle avait
découvert le lien qui existait entre Lara et toi, ou plus
exactement entre les personnes que vous avez été il y a très
longtemps. Elle savait qu'elle souffrirait, mais elle l'a accepté,
parce que notre mission passe en priorité.
Rohan préféra ne pas répondre. Il restait trop de
zones d'ombre dans cette histoire. Mais l'impression d'avoir été
dupé le rendait maussade. Il en voulait encore à Paul Flamel, même
si celui-ci, de toute évidence, venait de leur sauver la vie.
— Deux de mes hommes te suivaient en
permanence, de loin, prêts à te venir en aide au besoin. Nous
espérions que tu renouerais le contact avec Lara.
— Vous espériez que je vous mènerais à
nouveau vers elle.
— Il ne pouvait en être autrement. Lara et
toi êtes attachés par des liens dont vous n'avez pas idée. Il était
inévitable que vous alliez l'un vers l'autre.
— Que s'est-il vraiment passé en
Bretagne ? Après le triple meurtre, j'ai cru que c'était vous
qui aviez assassiné ces gens.
— Nous n'avons rien à voir avec ce carnage.
Je voulais seulement prendre contact avec Lara et la convaincre de
venir avec nous. Malheureusement, nous sommes arrivés trop tard.
Elle avait déjà disparu. Il ne m'a pas été facile de comprendre
qu'elle avait été récupérée par Paolini. A ce moment-là, j'ai
cru que tout était perdu, car son but ultime est de l'éliminer.
Pendant plusieurs jours, tout contact avec Lara a été impossible,
et nous étions désespérés. Une fois de plus, l'Ensis Dei avait été
plus rapide que nous.
— Comme au seizième siècle, avec Helka
Paakinen…
— Exactement. Pourtant, au bout de quelques
jours, nos médiums ont découvert que Lara était toujours vivante.
Au début, nous n'avons pas compris pourquoi il l'avait épargnée.
Pour lui, elle représente l'Abomination absolue, l'Antéchrist. Et
puis son plan nous est apparu : il ne lui suffisait pas de la
tuer. Il voulait profiter de l'occasion pour nous démasquer et nous
anéantir tous. Et il comptait se servir de Lara comme appât. Je
pense qu'à l'origine il espérait que nous la localiserions dans le
monastère de San Frasco. Là-bas, il lui aurait été facile de nous
tendre un piège. Les moines que vous avez vus là-bas sont tous des
combattants fanatiques, comme ceux qui nous ont attaqués tout à
l'heure.
« Mais le temps passait et nous n'arrivions
pas. Et pour cause, nous n'avions plus Rohan pour nous aider. Au
bout de plusieurs jours, il a compris que nous ne parvenions pas à
vous retrouver et il vous a laissée partir, Lara. Peut-être a-t-il
pensé que la montagne nous
empêchait de vous localiser. Mais il savait que nous finirions par
le faire, grâce à nos médiums.
— Il disait que c'étaient les Hosyrhiens qui
voulaient ma mort, et que je ne serais en sécurité que près de
lui.
— Paolini est un excellent comédien. Et il
vous a tendu un piège.
— Un piège ?
— N'avez-vous pas eu l'impression de vous
être échappée plutôt facilement ?
Elle hésita. Elle devait admettre que le prêtre
n'avait pas émis d'objections à ce qu'elle s'absente, malgré la
frayeur qu'elle lui avait occasionnée la veille.
— C'est vrai, reconnut-elle. Je n'ai eu aucun
mal à quitter le monastère. J'avais pourtant l'impression qu'il me
surveillait, qu'il me gardait prisonnière…
— Il avait compris que vous étiez prête à
vous enfuir. Il a dû marquer une de vos affaires, ou bien votre
portable ou votre montre, comme je l'ai fait moi-même pour Rohan.
Mais ses motivations sont bien différentes des miennes. Il vous a
permis de vous échapper pour mieux nous tendre un guet-apens. Et
c'est ce qui s'est produit tout à l'heure. Le fait qu'ils aient pu
vous situer aussi vite prouve qu'ils utilisent le système GPS,
comme nous. Il va falloir vous débarrasser de tout ce que vous
possédez, sous-vêtements compris.
Elle le regarda avec effarement.
— Je ne vais tout de même pas me promener
toute nue !
— Bien sûr que non. Ne vous inquiétez pas,
nous allons renouveler complètement votre garde-robe.
A Pontarlier, ils s'arrêtèrent sur le parking
d'une grande surface. Une heure plus tard, Lara avait fait le plein
de vêtements de rechange.
— Et maintenant ? demanda-t-elle.
— Et maintenant, nous allons visiter la
grotte d'Osselle. Elle se trouve sur la route de Dole. C'est un
endroit que je connais bien et qui va nous permettre de semer notre
ami Paolini. Sous la terre, le système GPS ne fonctionne pas.
Peu avant
midi, le petit groupe pénétrait dans le décor insolite d'Osselle.
Laissant le flot de touristes prendre de l'avance, Paul Flamel se
laissa distancer. Puis il invita ses compagnons à s'engager dans
une galerie interdite au public. Avec un sourire malicieux, il
déclara :
— J'ai mené autrefois des recherches sur
cette grotte. Il y a plus de huit kilomètres de galeries, mais on
n'en visite que mille trois cents mètres. Je connais cette grotte
comme ma poche. Nous ne serons pas dérangés.
Ils allumèrent des lampes torches car, en dehors
du chemin cimenté des visiteurs, le reste n'était pas
éclairé.
— La température est de treize degrés toute
l'année. Osselle est l'une des plus anciennes grottes découvertes.
Elle se visite depuis le début du seizième siècle. Elle a servi de
refuge aux hommes préhistoriques, et à des prêtres réfractaires
sous la Révolution. On y trouve aussi quelques milliers de
squelettes d'ours des cavernes.
Ils débouchèrent bientôt dans une chambre
magnifique, ornée de stalactites et de stalagmites, sur lesquelles
la lumière bleutée des torches faisait jouer des ombres et des
couleurs irréelles.
— A présent, Lara, vous allez ôter tous
vos vêtements. Messieurs, éloignons-nous afin de ne pas gêner cette
demoiselle.
— Je veux que Rohan reste avec moi.
— Bien sûr.
Tandis que les trois hommes s'écartaient, Lara se
débarrassa de ses vêtements et passa très vite les neufs, autant en
raison de la présence des hommes qu'à cause du froid qui régnait
dans les lieux. Lorsqu'elle eut terminé, Paul Flamel revint.
Utilisant un appareil de détection, il passa toutes les affaires de
la jeune femme au crible. Sans succès.
— Il n'y a rien dans tout ça, déclara le
vieil homme.
— C'est peut-être qu'il n'y a rien, rétorqua
Rohan.
— Il y a quelque chose. Sinon, ils ne vous
auraient pas retrouvés aussi vite. Ce n'est pas dans ses vêtements
que Paolini a placé son mouchard. Ni dans sa montre.
Il regarda Lara.
— Est-ce qu'il ne vous est pas arrivé un
événement insolite, pendant votre séjour dans ce
monastère ?
Elle secoua la tête. Le vieil homme la fixa
longuement, puis déclara :
— Si vos affaires ne comportent rien, il est
possible que le mouchard soit… sur vous. Réfléchissez bien.
Soudain, Rohan dit :
— Enlève ton tee-shirt ! Cette nuit,
j'ai vu quelque chose sur ton dos.
Il revint alors à la jeune femme l'étrange
sensation de gueule de bois qu'elle avait ressentie le soir où
Paolini l'avait morigénée après sa trop longue escapade dans la
montagne. Elle se souvint d'une douleur inexplicable dans le dos,
qui s'était transformée très vite en une anodine sensation de
démangeaison à laquelle elle n'avait plus accordé d'importance.
Sans attendre que les hommes se fussent éloignés, elle ôta son
tee-shirt et montra son dos à Paul Flamel. Le vieil homme ne fut
pas long à repérer une petite marque rouge en voie de
cicatrisation.
— C'est bien ce que je craignais. Il vous a
implanté une puce informatique sous la peau. Ainsi, il était
certain de ne pas vous perdre.
— Le salaud ! s'exclama Lara. Et dire
que je lui ai fait confiance… Il faut m'enlever cette
cochonnerie !
Paul Flamel ordonna à Alain de retourner à la
voiture pour y récupérer la trousse de premiers soins, dans
laquelle ils trouvèrent bistouri et désinfectant.
— Cela risque de vous faire un peu mal, dit
Paul Flamel.
— Cela fera plus mal s'il me retrouve. Je
n'ai pas envie de finir crucifiée à l'envers par ces fumiers. Et
puis, j'en ai vu d'autres lors de mes fouilles archéologiques, avec
les ronces et les cailloux pointus.
Paul Flamel hocha la tête.
— Vous êtes courageuse, ma fille, dit-il.
C'est bon, je vais vous enlever ça.
L'autre homme, qui avait nom Ludovic, offrit à
Lara une solide rasade du whiskey irlandais qu'il gardait toujours
en réserve dans une fiasque de poche.
Après avoir
nettoyé la peau avec un peu d'alcool, Paul Flamel entailla la chair
d'un geste sûr et précis, à l'endroit même de la cicatrice. Lara
serra les dents. L'extraction de la puce ne se fit pas sans
difficulté, car l'objet était très petit. A l'aide de la pince
à épiler du couteau suisse du chauffeur, Flamel parvint à récupérer
la puce. Lara n'avait pas laissé échapper un cri. Mais elle se
promit, si Paolini se retrouvait un jour devant elle, de lui
demander des comptes. Après un pansement sommaire, ils regagnèrent
le chemin balisé.
— Nous allons donner à nos amis de l'Ensis
Dei de quoi s'amuser, dit Flamel.
Avisant une poubelle, il y récupéra une petite
bouteille en plastique et y glissa la puce. Plus tard, ils
s'arrêtèrent au bord du Doubs et y jetèrent la bouteille.
— Je pollue, mais c'est pour la bonne cause,
s'excusa le vieil homme avec un sourire amusé et contrit.
Maintenant, nous rentrons à la maison. J'ai beaucoup de choses à
vous dire.