Tharkaas hoss Nephen était un homme de belle
prestance, et le plus jeune des pentarques de Marakha puisqu'il
n'avait que cinquante et un ans. Chef de la famille Nephen, la plus
riche du royaume, il menait son monde avec une autorité à la fois
douce et ferme. Intelligent et juste, il bénéficiait d'une
excellente réputation auprès des gens qui travaillaient pour lui.
Ses manufactures étaient spécialisées dans les technologies les
plus avancées. On y construisait des moteurs électriques, des
lentilles destinées aux instruments optiques, microscopes,
longues-vues et autres télescopes. Mais son chantier de dirigeables
constituait le fleuron de son industrie. C'était à Marakha que l'on
trouvait les meilleurs navires volants.
Tanithkara s'était rendue dans son bureau
immédiatement après avoir quitté son grand-père. Leïlya l'avait
suivie. Issue d'une famille modeste, elle avait toujours été
impressionnée par la personnalité du pentarque. Tharkaas écouta
attentivement sa fille lui rapporter l'objet de sa visite à
l'observatoire. Puis il dit :
— J'étais déjà au courant. Mehranka m'a fait
parvenir un message. Je voudrais avoir ton avis sur tout
ceci.
— Lorsque j'étais étudiante, j'avais déjà
constaté quelques anomalies dans le positionnement de certaines
constellations. A l'époque, Mehranka m'avait dit que j'avais
commis des erreurs. Il a reconnu aujourd'hui que je ne m'étais pas
trompée. Ce qui signifie que notre continent glisse inexorablement
vers le sud. Il est condamné à être recouvert par les glaces.
Bientôt, la situation va devenir intenable. Nous devons donc
envisager de quitter l'Hedeen, père. Nous avons du temps devant
nous pour préparer cet exil.
Mais il faut y songer dès à présent, car il y a un autre
danger : la menace haanienne.
Tharkaas hocha la tête.
— Je vois que ton grand-père t'a fait part de
ses soupçons…
— En effet. Son raisonnement est juste et je
partage ses craintes. Tu dois en parler au Conseil des Cinq.
— Tu ferais un redoutable pentarque, ma
fille, dit Tharkaas avec un sourire amusé. Mais je suis d'accord
avec toi. Et je fais confiance à l'intuition de mon père. Il s'est
rarement trompé. Je vais aviser le Conseil de nos
conclusions.
Il laissa échapper un soupir.
— Cependant, il n'est pas certain que je sois
entendu. Mon ami Farahdan me suivra car il me fait confiance, et il
comprendra que la situation est grave. Mais les autres vont
renâcler. Ils sont confortablement installés dans leurs privilèges.
Ils vont opposer tous les arguments possibles, y compris de
mauvaise foi, pour démolir notre analyse. Ils s'accrocheront à
l'hypothèse que ce phénomène n'est que passager. Ils feront sans
doute intervenir d'autres experts, qui auront pour seule mission de
contester les conclusions de Mehranka.
— Il faudra bien qu'ils tiennent compte du
danger, pourtant ! s'exclama Tanithkara.
— Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut
pas voir, ma fille. Le plus inquiétant, c'est que les pentarques
des royaumes alliés risquent d'avoir la même réaction.
— Mais alors, que pouvons-nous faire ?
Nous n'allons tout de même pas attendre d'être transformés en
statues de glace pour réagir !
— Je sais, Tanith. La perspective de quitter
notre belle cité ne me réjouit pas, mais elle est inéluctable. Je
vais parler à mes pairs. S'ils m'écoutent, il nous sera plus facile
d'agir. Dans le cas contraire, nous ne devrons compter que sur
nous-mêmes, c'est-à-dire sur les ressources de notre seule famille.
Et je mettrai toute ma fortune au service de ce combat.
— Et moi, père, que puis-je
faire ?
— Toi, je vais te confier la mission
peut-être la plus importante : tu vas mener une expédition
pour rechercher une terre d'exil.
— Tu es parfaitement qualifiée pour ça. Tu
connais bien le maniement des grands dirigeables. Tu possèdes le
don du commandement et celui des responsabilités. Tu as le sens de
l'analyse. Depuis toujours notre famille finance des voyages
d'études dans les pays lointains, d'où nous avons ramené quantité
d'informations depuis des siècles. Notre bibliothèque est sans
doute la plus importante de l'empire. Nous possédons les cartes les
plus performantes. Je vais mettre à ta disposition le dernier
navire sorti de nos chantiers. Dès cet instant, tu peux commencer à
constituer ton équipage. Tous devront t'obéir… mais pour cela, je
te fais confiance, ajouta-t-il avec un sourire. Je te laisse le
soin de choisir les pays vers lesquels tu vas te diriger. Tu as
étudié la géographie de notre Terre. Tu la connais sans doute mieux
que moi.
Tanithkara ne sut que répondre. Elle était
partagée entre la fierté et l'angoisse. En général, ce genre
d'expédition était confié à des explorateurs aguerris. Bien sûr,
elle avait déjà effectué plusieurs voyages à bord des dirigeables.
Cela faisait partie de la formation que recevaient les étudiants de
haut rang. Elle avait déjà abordé sur plusieurs continents, pris
contact avec les populations locales dans certains, combattu sur
d'autres, où on les avait considérés comme des démons. Mais, à
l'époque, elle n'était qu'un simple membre du staff de
commandement. Le fait que son père lui confie une telle
responsabilité prouvait qu'il lui faisait totalement confiance. Et
c'était bien cela qui lui faisait peur. Car cette fois, il n'y
aurait personne au-dessus d'elle pour réparer ses erreurs. Il la
tranquillisa :
— J'ai étudié les rapports de tes précédents
voyages, Tanith. Lors des exercices que tu as effectués sous la
responsabilité du capitaine Madhyar en situation réelle de
commandement, tu t'en es sortie admirablement. Tu sais te remettre
en question lorsqu'il le faut, tu n'exposes pas tes hommes
inutilement, et il m'a dit avoir été impressionné par ta capacité à
manœuvrer sous le vent. Tu as fait preuve d'un sang-froid
remarquable à plusieurs reprises, quand vous avez traversé des
tempêtes, et aussi lorsque des indigènes vous ont attaqués, dans le
Grand Nord. Et il y a autre chose : tu es certainement le
meilleur médium que le monde
ait connu. C'est un atout essentiel. Je ne pourrais pas trouver de
capitaine plus qualifié pour cette mission.
— Merci, père.
— Ne me remercie pas, ma fille. Ce ne sera
pas un voyage d'agrément. Cette expédition peut se révéler
extrêmement dangereuse. Les conditions climatiques ne sont guère
favorables. Il va falloir faire appel à toute ta science de
navigatrice.
Il se tourna vers Leïlya.
— Quant à toi, je sais que tu es une
excellente cartographe. Accepterais-tu de seconder ma
fille ?
— Ce serait un grand honneur, seigneur
Tharkaas.
— Alors, tu vas l'aider à organiser cette
expédition.
Il signa quelques documents et les remit à
Tanithkara.
— Voilà les ordres que je donne. Nous
n'allons pas attendre l'accord du Conseil des Cinq pour agir. S'ils
m'approuvent, nous aurons leur caution. Mais s'ils tergiversent,
nous ne perdrons pas de temps à attendre qu'ils changent
d'avis.
Il prit les deux filles par les épaules.
— Ce n'est pas le basculement de la Terre qui
m'inquiète le plus, mes enfants. Au moins pour l'instant. J'ai reçu
de nouveaux rapports cet après-midi. Les Haaniens s'agitent de plus
en plus. Je crains que le conflit soupçonné par mon père ne se
concrétise bientôt.
« Vous voyagerez sous le couvert d'une
mission d'exploration. Il est hors de question d'alarmer les
populations pour l'instant. Si une telle nouvelle venait à se
répandre, cela déclencherait un mouvement de panique, et surtout,
cela donnerait encore plus de crédit aux Haaniens. Quant à moi, je
vais tenter de convaincre mes pairs de constituer une armée plus
puissante, afin de parer à toute éventualité. Je reçois demain mon
ami Hassyr, le roi de Deïphrenos. Il partage mon analyse. C'est un
homme influent. A nous deux, nous devrions nous faire
écouter.
Il se tourna vers Leïlya.
— A présent, je dois parler à ma fille
seul à seule.
La jeune fille se retira discrètement.
— Qu'y a-t-il, père ?
— Le fils de Hassyr sera présent. Il serait
bon que tu passes un peu de temps avec lui. Tu sais que je souhaite
te voir l'épouser.
— Qu'en penses-tu ?
— Il s'agit d'un mariage diplomatique. S'il
est nécessaire pour consolider l'alliance de la Nauryah avec
Deïphrenos, mon avis n'entre pas en ligne de compte. Je ferai en
sorte que ce mariage soit aussi un mariage d'amour. J'ai déjà
rencontré Sherrès. C'est un beau garçon. Un peu imbu de lui-même,
peut-être, mais il est jeune. Il a la réputation d'être courageux
et bon compagnon.
Tharkaas prit doucement sa fille dans ses
bras.
— Toi aussi, tu es jeune, ma belle Tanith.
Mais il y a déjà en toi une telle maturité. Je te fais confiance
pour mener ce chien fou à la baguette quand il le faudra.
Il recula, lui sourit et ajouta :
— C'est bien. Nous allons profiter de cette
visite pour officialiser vos fiançailles. Le mariage ne pourra
avoir lieu qu'après ton expédition.
Tanithkara prit les documents qui lui donnaient
tout pouvoir pour organiser l'expédition et alla rejoindre Leïlya,
qui l'attendait avec impatience.
— Alors ? demanda-t-elle, la mine
gourmande.
Tanithkara faillit éclater de rire devant sa
curiosité.
— Mon père veut que j'épouse Sherrès hoss
Mahdor, le prince de Deïphrenos.
— Waouh ! Il paraît que c'est un bel
homme.
— Ouais.
— Tu l'as déjà rencontré.
— Exact.
— Et alors ?
— Nous avons flirté un peu. Il a essayé de
m'éblouir. Il a deux ans de plus que moi, mais je trouve que c'est
un gamin. Il ne parle que de chasse au phoque-léopard. Il aime
raconter qu'il les affronte armé d'un seul glaive. Il m'a même
offert une mante taillée dans le cuir d'un phoque-léopard qu'il
avait abattu lui-même, m'a-t-il dit.
— Brr, ces monstres sont effrayants. On dit
que ce sont les plus dangereux prédateurs de l'Hedeen.
— Les garçons aiment bien se mettre en danger
inutilement. Ils ont toujours besoin de prouver quelque
chose.
— Non. Mais je ferai avec.
Hassyr et Sherrès arrivèrent le surlendemain, à
bord d'un dirigeable fabriqué par la compagnie Nephen, que Tharkaas
avait offert à son ami quelques années plus tôt. Parce qu'il
s'agissait d'une visite officielle, Hassyr fut reçu en premier lieu
par le roi Khaldyr hoss Henkyyd.
Depuis plusieurs siècles les rois n'exerçaient
plus le pouvoir, qui était assuré par les pentarques, élus par le
peuple. Cependant, il leur revenait de remplir un rôle diplomatique
en recevant les souverains ou les pentarques étrangers, ou encore
de représenter leur pays à l'extérieur. Le roi ou la reine, car on
trouvait également des femmes, avait souvent une autre fonction,
celle de juge-arbitre. Lorsque les pentarques ne parvenaient pas à
se mettre d'accord sur un dossier épineux, on faisait appel au
souverain, qui donnait son avis. Il n'avait pas pouvoir de
décision, mais souvent, son point de vue impartial permettait de
débloquer la situation.
Khaldyr avait été un grand roi. Mais il avait
désormais plus de quatre-vingt-dix ans et il n'était plus en
possession de toutes ses facultés. Cependant, le titre royal étant
acquis à vie, il fallait attendre son décès pour lui trouver un
remplaçant. Khaldyr bénéficiait de l'affection de son peuple, à qui
il avait toujours offert l'image d'un homme jovial, qui appréciait
la bonne chère et la bière d'orge, dont il faisait autrefois une
consommation abondante. Il ressemblait au peuple de Marakha :
bon enfant, aimant faire la fête plus souvent qu'à son tour. Il
faisait bon vivre dans la cité, où le climat restait doux en regard
des royaumes situés plus au sud. Parce qu'il éprouvait des
difficultés à parler, ce fut son chambellan qui s'adressa à
Hassyr :
— Au nom de notre roi, soyez le bienvenu, roi
Hassyr dat Mahdor.
Hassyr était un colosse qui devait dépasser les
deux mètres. Le visage encadré d'une épaisse crinière blonde tirant
sur le roux, il parlait haut et fort, conscient de la force qui se
dégageait de sa personne, de la puissance de son rang, des regards
que les femmes lui adressaient. Son fils Sherrès, quoique plus
mince, possédait la même
stature. Il était beau comme le dieu Mahytt, le dieu de l'Amour. Et
il le savait.
Tanithkara elle-même ne pouvait détacher ses yeux
du jeune homme, qui de son côté lui rendait ses regards. S'il
n'avait tenu qu'à lui, il aurait planté là les cérémonies
protocolaires et aurait couru rejoindre sa promise. Il n'avait pas
oublié leur première rencontre.
Il leur fallut attendre la fin de la réception
officielle pour se retrouver. La nuit était bien avancée, et une
lueur mauve et rose teintait déjà l'horizon oriental. En direction
du pôle Sud se déployait la draperie ondoyante d'une magnifique
aurore australe. Elles étaient plus nombreuses depuis quelque
temps. Sherrès prit familièrement Tanithkara par le bras et
l'entraîna dans les jardins du palais royal, qui multipliaient les
recoins discrets, les tonnelles, les bassins d'eau de mer, cernés
de rocailles et de massifs fleuris, dans lesquels nageaient des
poissons multicolores. Des torches éclairaient ce dédale de leur
lumière dorée.
— Dame Tanith, dit le jeune homme, cette nuit
a un parfum de magie. Comment vous exprimer la joie qui est la
mienne à l'idée que vous deviendrez bientôt mon épouse ? C'est
comme un rêve qui va se réaliser. Car depuis que nous nous sommes
rencontrés à Deïphrenos, il ne se passe pas une journée sans que je
pense à vous. Je vois que vous portez cette mante en cuir de
phoque-léopard que je vous ai offerte il y a deux ans.
— Elle est très confortable.
— Et vous la portez en l'honneur de ma venue.
Quelle délicate attention.
La verve et l'enthousiasme du jeune homme
amusaient Tanithkara. Bien qu'elle ne fût pas particulièrement
petite, il la dominait d'une bonne tête. Elle l'écouta parler, de
tout et de rien, surtout de lui, sujet sur lequel il était
intarissable. Elle ne s'était pas trompée. Sherrès avait toujours
besoin de prouver qu'il était un grand chasseur, qu'il réussissait
tout ce qu'il entreprenait. Et il aimait narrer ses exploits, pour
éblouir ses interlocuteurs, surtout les femmes. Cependant,
Tanithkara devinait que derrière cet étalage de prouesses se dissimulait un besoin
constant de se rassurer. Au fond, Sherrès doutait de lui. Elle
connaissait son point faible : il n'avait pas fait d'études
brillantes, et sans la position royale de son père, il n'aurait
jamais bénéficié du statut qui était le sien. Finalement, cette
fragilité cachée lui apparaissait plutôt attendrissante.
— Votre père m'a dit que vous deviez partir
en expédition, dit soudain Sherrès.
— Oui. Il compte sur moi pour un voyage de
reconnaissance le long des côtes de l'océan des Dieux,
l'Atl'Han.
— C'est ce qu'il m'a dit. Quel dommage, nous
aurions pu nous marier plus tôt.
La jeune femme poussa intérieurement un soupir de
soulagement. Il n'avait aucune idée du but de l'expédition et s'en
moquait probablement. Il ajouta :
— Lorsque nous serons mariés, j'aimerais que
vous m'accompagniez sur le continent hushéen, celui qui est au nord
de Malhanga, je crois. On y trouve les plus grands des tigres à
longues dents. Ils vous égorgent un tapir en quelques secondes.
J'aimerais vous offrir un manteau taillé dans leur fourrure.
— C'est d'accord, Sherrès, nous irons chasser
le tigre. Mais ne pourriez-vous pas vous arrêter de parler de
chasse ?
Pris au dépourvu, il resta bouche bée. Elle se
tourna vers lui et prit son visage entre ses mains fines. Puis elle
attira sa bouche et posa ses lèvres sur les siennes. Décontenancé,
il mit quelques secondes avant de réagir. Lorsqu'elle s'écarta de
lui, elle lui murmura à l'oreille :
— Je pense que si nous devons nous marier, il
serait… comment dire… prudent que nous passions une nuit ensemble.
Pour vérifier que nous nous entendons bien au lit.
Désarçonné par cette invite inattendue, il ne sut
que répondre. A Deïphrenos, il connaissait un certain succès
auprès des filles. Mais la personnalité de Tanithkara l'avait
toujours impressionné. Si la diplomatie ne l'avait destinée à
entrer dans sa couche, il n'aurait jamais eu l'audace de tenter de
la séduire. Elle était tellement instruite. Il se sentait maladroit
avec elle. Mais elle était aussi très belle, et très attirante. Il
n'avait pas menti. Il n'avait jamais oublié le flirt qui les avait
rapprochés à Deïphrenos. Depuis que son père, Hassyr, lui avait dit qu'il
devait l'épouser, il ne songeait qu'au moment où elle lui
appartiendrait. Et voilà qu'elle lui proposait de passer la nuit
– ou ce qu'il en restait – avec lui.
— Alors ? demanda Tanithkara en le
fixant dans les yeux.
Il avala sa salive et hocha la tête. Elle faillit
éclater de rire. Décidément, il était touchant de timidité. Elle
était rassurée. Tharkaas ne se trompait pas. Elle en ferait ce
qu'elle voudrait. Elle lui prit la main et l'entraîna. Quelques
instants plus tard, elle le faisait entrer dans ses appartements.
Une nouvelle fois, elle dut prendre l'initiative pour le
déshabiller.
Elle passa une nuit plutôt agitée, qui ne lui
apporta pas de déception, mais qui ne lui laisserait pas non plus
un souvenir impérissable. Les mœurs étaient très libres à Marakha,
car la sagesse hosyrhienne plaçait l'amour en tête des plaisirs de
la vie. Hommes et femmes étaient parfaitement égaux sur ce plan, et
les filles comme les garçons s'initiaient très tôt aux joies de la
chair. Tanithkara avait eu plusieurs amants et possédait une solide
science érotique, qui combla le jeune homme, le laissant encore
plus amoureux.
Lorsque enfin il céda au sommeil, la tête posée
sur les seins de Tanithkara, celle-ci ne s'endormit pas
immédiatement. Elle n'était pas déçue. Sherrès ferait sans doute un
bon mari. Mais elle devait reconnaître qu'il lui manquait cette
petite touche d'ivresse, cette sensation d'éternité qu'elle
attendait d'éprouver pour un homme dont elle serait vraiment
amoureuse. Un homme capable de lui faire perdre la tête. Elle
poussa un soupir de résignation. C'était une chose qu'elle ne
connaîtrait sans doute jamais.
Mais ce n'était peut-être pas un mal. Trop de
responsabilités pesaient sur ses épaules. Il était nécessaire
qu'elle garde la tête froide. Sherrès allait repartir dans deux
jours. Immédiatement après, elle commencerait à constituer son
équipage.