La voiture se dirigeait à vive allure vers la
Dordogne. A quelques kilomètres de Pontarlier, le
gros 4 × 4 avait été remplacé par la puissante
Mercedes noire, qui les attendait sur un parking de Dole.
« Afin de brouiller les pistes », avait
précisé Paul Flamel.
Lara ressentait encore une vive douleur à
l'endroit d'où le vieil homme avait extrait le mouchard. Elle
serrait les dents pour ne pas gémir. Cela passerait. Cette blessure
n'était rien en regard de ce qu'auraient pu lui faire subir les
moines tueurs. Les images du massacre chez le docteur Marchand la
hantaient. Elle avait glissé sa main dans celle de Rohan pour
quêter un peu de réconfort. Même si Paul Flamel lui apparaissait
désormais comme un sauveur, trop de points restaient en
suspens.
Rohan lui aussi demeurait sur le qui-vive. Bien
sûr, Paul Flamel leur avait évité d'être tués, mais la méfiance le
taraudait encore. Tant de questions lui brûlaient les lèvres qu'il
ne savait par laquelle commencer.
— Valentine m'a dit que ce sont ceux de
l'Ensis Dei qui ont tué mes parents ? dit-il.
— C'est exact, confirma le vieil homme.
— Si vous en êtes certain, pourquoi ne pas
les dénoncer ?
— Cela ne servirait à rien. Officiellement,
l'Ensis Dei n'existe pas. De plus, nous ne disposons d'aucune
preuve, et les membres de cette organisation bénéficient de
protections en haut lieu dans de nombreux pays.
Rohan sentit
la colère l'envahir. Ces criminels ne pouvaient tout de même pas
rester impunis ! Sa volonté de venger les siens resurgit, plus
forte que jamais. Il devait savoir.
— C'est quoi, l'Ensis Dei, aujourd'hui ?
insista-t-il d'un ton quelque peu agressif.
Paul Flamel laissa passer un temps.
Puis :
— Détends-toi, mon garçon ! Je t'ai dit
que nous n'étions pas vos ennemis. Bien au contraire.
Il les regarda et ajouta :
— Je donnerais ma vie sans hésitation pour
vous sauver.
La sincérité qu'ils lurent dans ses yeux les
désarçonna. Paul Flamel poursuivit :
— Pour en revenir à l'Ensis Dei, le nom a été
inspiré par l'ancienne branche secrète de l'Inquisition. Mais sa
structure actuelle a considérablement évolué. Aujourd'hui, l'Ensis
Dei est devenue une organisation intégriste occulte dont le but est
de traquer et de combattre ce qu'elle considère comme l'hérésie
sous toutes ses formes, souvent de la manière la plus brutale. Son
ombre est présente derrière différentes religions. Car elle a la
particularité de rassembler des fondamentalistes appartenant à
diverses familles chrétiennes – catholiques ou
protestantes –, mais elle bénéficie également de l'appui
financier de certains groupes islamiques extrémistes. Cela pourrait
paraître paradoxal, mais ces gens, malgré leurs divergences
théologiques, sont rassemblés autour de l'idée qu'il faut
absolument préserver des religions puissantes. C'est une forme
singulière d'œcuménisme, mais elle a son explication : de tout
temps, la religion a été l'un des moyens essentiels de contrôler
les peuples en les entretenant dans une dépendance spirituelle
totale. Les intégristes entendent maintenir cette dépendance par
tous les moyens. Mais ils doivent faire face à un grave problème.
Chaque jour, les progrès scientifiques remettent les fondements des
religions en cause. Les dogmes sont mis à mal et la démocratisation
de la connaissance a amené un nombre de plus en plus important de
gens à cesser de croire aveuglément aux légendes colportées par les
livres saints. Le temps où les prêtres étaient les maîtres à penser
du peuple est terminé.
« Les
réactions des différentes familles religieuses ont été diverses.
L'Eglise catholique, tout au moins à haut niveau, se montre
incapable de s'adapter au monde moderne. Elle campe sur des
positions surannées avec la plus extrême fermeté, ce qui déroute
complètement les croyants. Et plutôt que de se remettre en
question, elle tente à toute force de revenir à des valeurs
dépassées comme l'abstinence sexuelle, la virginité avant le
mariage, ou encore elle préconise le retour à la messe en latin. Un
grand nombre de catholiques ne se reconnaissent plus dans les
prises de position intransigeantes du pape actuel. Les
désaffections des fidèles sont de plus en plus importantes,
certains se font débaptiser, les églises sont désertées, les
vocations à la prêtrise se raréfient et la religion catholique perd
chaque jour un peu plus de son influence. En revanche, d'autres
Eglises, et particulièrement les évangélistes américains, agissent
avec efficacité pour promouvoir leurs idées par un prosélytisme
acharné. De même pour certains groupes islamiques.
« Malgré tout, irrémédiablement, les peuples
s'affranchissent de la tutelle spirituelle des religieux. Les
responsables de cette désaffection, aux yeux des intégristes, sont
la démocratisation du savoir et la liberté de pensée qui en
résulte. Il faut donc contrôler ce savoir et réduire les libertés.
Dans cet objectif, un mouvement est apparu au sein des systèmes
religieux les plus rétrogrades, pour redonner de l'éclat à
certaines croyances. Ainsi assiste-t-on, depuis une vingtaine
d'années, à une résurgence de la théorie créationniste, qui affirme
que le monde a été créé par Dieu il y a sept mille ans. Cela
pourrait paraître grotesque et farfelu au vingt et unième siècle et
après les travaux de Darwin, mais le créationnisme est hélas bien
réel. Aux Etats-Unis, les évangélistes ont demandé qu'il soit
enseigné dans les écoles. Devant le refus des autorités, ils ont
créé leurs propres écoles, où l'on enseigne que la théorie de
l'évolution de Darwin est une dangereuse hérésie. L'aspect obsolète
de ce mouvement a d'abord amusé les Américains lorsqu'il est
apparu, puis on s'est aperçu que ces idées faisaient leur chemin,
et trouvaient même un écho chez certains musulmans. Aujourd'hui, le
mouvement créationniste se développe de manière inquiétante. Il
commence à arriver en Europe, par le biais de la Grande-Bretagne.
Les sites se multiplient sur
Internet, où des illuminés défendent bec et ongles le fait que Dieu
a créé le monde en six jours il y a environ sept mille ans.
— J'ai été contacté par des étudiants qui se
réclamaient de ce mouvement, confirma Rohan. Ils disaient vouloir
sauver mon âme. Je les ai remis à leur place. Ils m'ont alors voué
aux gémonies et ne m'ont plus adressé la parole. Je les ai trouvés
inquiétants. C'étaient des fanatiques.
— Oui, et il est possible qu'ils t'aient
dénoncé auprès des hautes autorités de leur mouvement.
— Comment ça ?
— Nous soupçonnons ces étudiants de traquer
les opposants à leurs idées afin d'en établir un fichier
secret.
— Dans quel but ?
— Identifier leurs ennemis potentiels. Ceux
qu'il conviendra d'éliminer s'ils se révèlent dangereux. Car
derrière ce fatras de croyances d'un autre âge, le but, pour ceux
qui dirigent le monde, est de garder leur domination et leur
influence occulte sur l'esprit des hommes. Derrière l'Ensis Dei
existe un groupe d'hommes puissants qui se considèrent comme
l'élite de la civilisation. L'Amérique compte nombre de sociétés
secrètes remontant au dix-neuvième siècle, comme les Skull and
Bones, ou encore les Scroll and Key. Leurs membres sont choisis
parmi les familles les plus riches, qui entendent conserver leurs
privilèges. Initiés lors de leur passage dans les universités, ils
demeurent par la suite liés par une fraternité qui les oblige à
s'offrir mutuellement aide et assistance.
« Parmi ces gens, certains, les plus
réactionnaires, se sont regroupés au sein de l'Ensis Dei, société
secrète à l'intérieur des sociétés secrètes. Ils apportent l'appui
de leur puissance financière, car ils ont tout intérêt à maintenir
la population dans un état de dépendance et de soumission par
rapport à la religion. Ils sont infiltrés partout, jusqu'aux plus
hautes sphères du pouvoir, qu'ils influencent de manière occulte.
Ils sont en relation avec le Vatican et quelques penseurs
islamistes. Le retour de la messe en latin, la réintégration
d'évêques fondamentalistes, le développement du mouvement
créationniste sont autant de signes de cette influence.
L'obscurantisme est loin d'avoir disparu, hélas. Mais derrière se dissimulent les
intérêts privés d'une nébuleuse de financiers.
« L'Ensis Dei est le bras armé de ce
mouvement secret. Les religieux qui en font partie sont des
fanatiques appartenant aux branches les plus dures. Ils sont
regroupés par un même idéal : le rejet de l'athéisme et de la
liberté de pensée, qui sont à leurs yeux autant d'hérésies. Le père
Jean-Benoît Paolini est le chef de cette phalange secrète.
— Si l'Ensis Dei est aussi secrète, comment
en savez-vous autant sur elle ? rétorqua Rohan.
— Nous possédons nous-mêmes notre propre
réseau d'information, répondit Flamel. C'est par ce réseau que nous
avons appris que Paolini avait enlevé Lara.
— Mais qu'ai-je à voir avec ces fous
furieux ? demanda la jeune femme. Pourquoi veulent-ils me
tuer ?
— A cause de la Prophétie des
Glaces.
— Paolini m'en a parlé. Il disait qu'il
s'agissait d'une abomination annonçant le retour de
l'Antéchrist.
— De leur point de vue, c'est assez vrai.
Mais la vérité est bien différente.
— Qu'est-ce que c'est, la Prophétie des
Glaces ?
— Je vais vous l'expliquer. Il faut remonter
à son origine pour comprendre.
Il regarda la jeune femme.
— Tout d'abord, sachez que vous portez cette
prophétie en vous, Lara. Car c'est vous qui l'avez émise.
— Moi ?
— Plus exactement la reine Tanithkara, la
femme dont vous conservez les souvenirs dans votre mémoire
profonde.
— Qui était Tanithkara ?
— Une reine d'un empire très ancien, qui
avait nom l'Hedeen.
Il se tourna vers Rohan.
— Tu possèdes un document sur le sujet, celui
que tu as récupéré dans la chambre de sûreté de Silverton…
Le jeune homme le contempla avec
stupéfaction.
— Vous saviez que j'avais ce
dossier ?
— Bien sûr. J'ai vérifié que tu l'avais bien
emporté. Dans le cas contraire, j'aurais demandé à maître Monroe de
le récupérer. Il est très
important qu'il ne tombe pas entre des mains malintentionnées. Ce
dossier est rédigé dans l'écriture hedeenienne. Tu as pu constater
qu'elle comporte des points communs avec celle de Glozel.
— C'est vrai. Cela m'a étonné.
Rohan marqua un silence. La dernière phrase de
Paul Flamel amenait une nouvelle vague de questions.
— Vous voulez dire… que les tablettes de
Glozel ont pu être inspirées par l'écriture de l'Hedeen ? On a
retrouvé des signes sur des ossements datant de douze à quinze
mille ans. Est-ce que cela signifie que cette civilisation daterait
de cette époque ?
— Parfaitement.
— C'est donc l'Hedeen que je vois dans mes
cauchemars ? demanda la jeune femme.
— Oui. Tanithkara était un personnage
important. D'après ce que nous savons, elle était la fille d'un
riche entrepreneur. Elle faisait partie de l'aristocratie.
— Un entrepreneur ? Vous voulez dire
qu'il y avait des usines en Hedeen ? !
— L'Hedeen avait atteint un certain niveau
technologique. On y connaissait l'électricité, on y fabriquait des
navires volants, avec lesquels les Hedeeniens exploraient le monde.
C'étaient aussi des marins hors pair.
— Mes rêves me montrent un pays en plein
effondrement, ravagé par le froid et le feu. Si cet empire était si
puissant, que s'est-il passé ?
— C'est une question à laquelle je ne peux
pas répondre, malheureusement. La seule chose que l'on sache, c'est
qu'il s'est produit, à l'époque de Tanithkara, un cataclysme
terrifiant qui a amené la disparition de l'Hedeen. Certains signes
évoquent des lumières dans le ciel, mais on n'en sait pas
plus.
— Cela ressemble beaucoup à la légende de
l'Atlantide ! s'exclama Rohan.
— L'Hedeen a contribué à établir le mythe
atlante, mais ce n'est pas l'Atlantide, même s'il existe un rapport
entre les deux.
— Où était situé cet empire ? demanda
Rohan.
Paul Flamel marqua un temps. Puis il
déclara :
Rohan écarta les mains en signe
d'incrédulité.
— Vous vous moquez de nous. C'est
impossible ! L'Antarctique est recouvert par les glaces depuis
des millions d'années…
— C'est ce que prétend l'Histoire officielle.
Mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, l'Hedeen était
situé sur le sixième continent. Je ne vous en dirai pas plus pour
l'instant. Lorsque nous serons rentrés, je vous confierai un autre
dossier. Nous en reparlerons lorsque vous l'aurez étudié. Sachez
cependant que les éléments qui le constituent sont aux mains des
historiens. Ils sont incapables d'expliquer ces éléments, qui les
perturbent profondément. Certains tentent de démontrer qu'ils sont
faux, ou mal interprétés, mais leurs explications ne sont guère
convaincantes et il est très facile de les réfuter. La plupart
préfèrent les ignorer, car ils remettent complètement en cause
l'histoire de la Terre telle qu'ils la décrivent.
« Cette localisation en Antarctique est à
l'origine du nom de la Prophétie des Glaces. Après le mystérieux
cataclysme qui provoqua l'effondrement de l'Hedeen, la population
migra vers des régions plus hospitalières. D'après les documents en
notre possession, cette migration se fit dans des conditions
épouvantables. Beaucoup périrent au cours de cet exode. D'autres,
pour des raisons que nous ignorons, s'obstinèrent à rester sur
place. Mais ils étaient condamnés à disparaître. Les survivants
oublièrent à peu près tout de la technologie qu'avaient élaborée
leurs ancêtres, et retournèrent inexorablement à l'âge de pierre.
Ils conservèrent seulement quelques connaissances au niveau de
l'agriculture et de l'élevage. Ceci explique pourquoi on vit
apparaître, au cours des millénaires qui suivirent la fin de la
glaciation de Würm, et en différents endroits du monde, des petits
groupes de pasteurs sédentaires qui utilisaient des outils inconnus
auparavant. De là datent également les différents courants de
pensées religieuses. Ils trouvent leurs racines en Hedeen, dont le
nom inspira celui du légendaire jardin d'Eden de la Bible. Il en
est de même pour l'écriture. Son principe a été importé par les
descendants des Hedeeniens. Mais ils n'en conservèrent que des
bribes, qu'ils étaient bien incapables d'utiliser. Seule resta
l'idée de faire correspondre
des signes avec des mots et des objets. Voilà pourquoi l'Hedeen
peut être considérée comme le berceau de nombre d'autres
civilisations qui ont suivi. Ainsi s'explique sans doute la
concordance entre l'écriture de l'Hedeen et les signes de
Glozel.
« Toutefois, cette richesse technologique ne
disparut pas totalement. Une petite fraction de la population
hedeenienne parvint à conserver la Connaissance. On les appelait
les Hosyrhiens, nom formé à partir de deux principes, Hosyr et
Hysis, que l'on retrouve bien plus tard sous la forme d'Osiris et
d'Isis, le couple divin égyptien. Dans la cosmogonie hedeenienne,
Hosyr et Hysis symbolisaient la dualité de toutes choses, le
Masculin et le Féminin, le Bien et le Mal, l'Amour et la Haine, le
Jour et la Nuit, la Vie et la Mort, l'Harmonie et la Discorde,
chacun étant l'un et l'autre, et chacun contenant l'autre en
devenir.
— C'est le symbole du mandala, remarqua
Lara.
— Exactement. Le Yin et le Yang. Le plus
vieux symbole du monde. Les Hosyrhiens étaient les savants du monde
hedeenien. Leurs connaissances n'avaient pas atteint le niveau
technologique du monde actuel, bien sûr, mais leurs recherches
s'étaient exercées dans des domaines différents, qui leur avaient
apporté un degré de sagesse tel qu'ils parvinrent à traverser les
siècles, puis les millénaires sans disparaître, contrairement à
nombre d'autres civilisations. Après leur départ d'Hedeen, ils
s'installèrent sur une île de l'Atlantique aujourd'hui disparue.
Elle était située non loin de deux îlots qui existent encore,
Saint-Pierre et Saint-Paul, et qui se trouvent près de l'équateur.
C'est cette île, appelée Avalon, qui a donné en partie naissance au
mythe de l'Atlantide. Mais on croise aussi son nom dans la légende
arthurienne. Elle fut engloutie sous les eaux il y a plusieurs
milliers d'années.
— Un nouveau cataclysme ?
— Pas exactement. La fin de la glaciation de
Würm a provoqué une élévation importante du niveau des océans et
l'île d'Avalon, qui ne comportait pas de sommets élevés, a disparu,
tout comme certaines îles de l'océan Indien risquent de disparaître
de nos jours si les glaces des pôles continuent à fondre.
Heureusement, les Hosyrhiens ont eu le temps de préparer leur
départ. Ils se sont installés
alors en Amérique du Sud, dans une ville aujourd'hui appelée
Tiahuanaco, sur les rives du lac Titicaca. Cette installation a
d'ailleurs donné lieu à une controverse, puisque Tiahuanaco est
considérée par certains chercheurs comme la plus vieille cité du
monde. Mais cette hypothèse est bien sûr rejetée par les
historiens.
— J'ai étudié l'énigme de Tiahuanaco,
intervint Lara. J'avais déjà remarqué dans mes rêves certaines
ressemblances entre les ruines de ce site et les architectures de
l'Hedeen.
— Et pour cause. Cependant, les constructions
qui subsistent sont beaucoup plus récentes. A l'origine, le
lac Titicaca était plus vaste et la cité hosyrhienne était située
loin des rives actuelles. Mais les chercheurs ont trouvé dans ces
ruines des dessins d'animaux disparus depuis huit à douze mille
ans. Ces animaux existaient encore lorsque les Hosyrhiens
s'établirent là-bas.
« L'isolement total de Tiahuanaco leur permit
de vivre en paix. Cependant, tout comme à l'époque de l'Hedeen et
d'Avalon, ils continuèrent à explorer le monde, nouant parfois de
brefs contacts avec les populations indigènes. Ils n'étaient pas
des conquérants, mais des chercheurs, des sages épris de
connaissance. Ils partaient souvent pour plusieurs années. Ils
voyageaient à bord de nefs volantes qui ressemblaient à des
dirigeables, mues par des moteurs électriques et gonflées à l'air
chaud. Au cours de leur histoire, ils furent à l'origine de
différentes légendes, comme celle des Magonians ou celle des
Nephilim que l'on retrouve dans la Bible. Ils étaient les voyageurs
du ciel, les Géants, les Héros de l'Ancien Temps…
Rohan secoua la tête.
— Mais comment pouvez-vous savoir tout ça sur
cet empire dont l'Histoire officielle ignore tout ?
— Ces informations sont contenues dans le
dossier Hedeen.
— Vous avez donc su déchiffrer cette
écriture ?
— Non. Le secret s'en est perdu au fil des
millénaires. Mais nous disposons de documents établis par les
Hosyrhiens et conservés précieusement depuis. Malheureusement,
nombre d'entre eux ont été détruits au cours du temps, et nous ne
possédons plus que des bribes de l'histoire de l'Hedeen, bien
insuffisantes pour savoir ce
qui s'est réellement passé là-bas il y a quinze mille ans.
Paul Flamel laissa passer un silence. Puis il
ajouta :
— Il est cependant une chose que vous devez
savoir tous les deux. Les Hosyrhiens avaient développé leurs études
dans des domaines bien particuliers, notamment ceux qui touchent à
la dimension spirituelle, mais vus sous un angle différent de la
religion. Ils avaient formé une caste d'individus capables d'entrer
en contact avec l'univers de l'Esprit. Les Hosyrhiens avaient la
particularité d'établir des relations avec les morts.
Lara et Rohan accusèrent le coup.
— Comme nous ? s'exclama Rohan.
— Comme vous. Pour Lara, l'explication réside
dans le fait qu'elle est la « réincarnation » de la reine
Tanithkara. Quant à toi, quant à ton père Douglas et nombre
d'autres tels que Valentine, Fiona ou moi-même, la raison est la
suivante : nous sommes des Hosyrhiens. Plus exactement, nous
sommes les descendants de ce peuple de savants. Un peuple dirigé, à
l'origine, par la reine Tanithkara elle-même. C'est elle qui a
décidé de fuir l'Hedeen pour mener les habitants de son petit
royaume vers une terre d'accueil plus clémente. Elle avait anticipé
ce qui allait se passer et savait que l'Hedeen était voué à
l'anéantissement. Pendant près de quinze mille ans, nous avons
œuvré pour conserver le savoir et la philosophie de nos ancêtres.
Nous avons traversé le temps et les épreuves grâce à l'esprit de
solidarité qui existe entre nous depuis le début, grâce également à
notre manière de penser.
— Nous sommes donc des Hosyrhiens… dit Rohan,
stupéfait.
Il laissa passer un silence, le temps de digérer
l'information.
— Et ce sont les Hosyrhiens qui sont à
l'origine de cette mystérieuse Prophétie des Glaces ?
demanda-t-il.
— La première d'entre eux, la reine
Tanithkara.
— Que dit cette prophétie ?