CONCLUSION
remettent pas en cause fondamentalement l'œuvre accomplie, reconnaissant en quelque sorte le bien-fondé des mesures prises sous Napoléon. Il est vrai que ce dernier avait su d'emblée rassembler les hommes et fédérer les idées. Il est assurément l'homme de la synthèse, parvenant à rallier à lui, dès le 18-Brumaire, une grande partie des révolutionnaires auxquels viennent se joindre, au fil des ans, les fidèles de l'Ancien Régime. Certes, une opposition demeure, mais Napoléon a su utiliser les talents, militaires et politiques, qui s'offraient à lui. C'est d'ailleurs pour reconstituer ce vivier qu'il met tant d'ardeur à créer des lieux de formation pour les futures élites. La très grande stabilité de c� personnel politique, que ce soit au gouvernement ou au Conseil d'Etat, explique pour partie l'œuvre entreprise. Napoléon est loin d'être isolé. Qui plus est, il a su tisser des liens durables avec les hommes de son entourage, gage de continuité dans l'action politique. Il a su aussi récupérer tout un personnel formé sous la Révolution et qui trouve à s'employer dans les nouvelles fonctions définies sous le Consulat. Se constitue ainsi un groupe de hauts fonctionnaires, d'administrateurs, de parlementaires qui forment une classe politique dont le destin est durable.
L'Empire lègue ses hommes au XIX" siècle, la monarchie restaurée puisant à plein tonneau dans ce personnel napoléonien. Par ce biais, l'Empire impose un style, une méthode de travail, une conception même de l'Etat qui sont l'un des traits majeurs de la fonction publique et du monde politique au XIX· siècle.
Pourtant, l'œuvre accomplie l'a été au prix des libertés conquises en 1789. Si la liberté de conscience n'est pas fondamentalement remise en question, en revanche, la liberté individuelle et la liberté d'expression sont bafouées. La police a vu ses pouvoirs renforcés, les activités politiques sont interdites, les groupes et les associations sont surveillés, la presse est censurée. Quant aux droits des assemblées, ils sont fortement limités par un mode d'élection qui permet de contrôler leur composition et par une pratique qui réduit presque à néant tout débat parlementaire. Cette privation des libertés est partiellement consentie, par les notables en premier lieu qui, en se ralliant au régime, assoient sa légitimité, par le peuple ensuite qui se satisfait apparemment de la stabilité politique retrouvée et de la paix civile. Le monde rural surtout qui forme encore l'essentiel de la population sait gré au régime de rester assez lointain. Tant que la guerre reste éloignée, que la pression fiscale et militaire demeure modérée, les campagnes n'ont aucun motif de se soulever. Les droits obtenus en 1789 ont été respectés, les biens acquis ont été garantis, le commerce intérieur n'est plus entravé, la liberté de mouvement elle-même, si elle est contrôlée, reste grande. Malgré le renforcement des structures de l'État, les communautés rurales, reposant sur une exploitation paysanne stabilisée, conservent une très large autonomie ; elles ont même obtenu un droit de vote qu'il leur importe davantage d'exercer quand leurs intérêts propres sont en jeu que 440