LE CHANT DU CYGNE

territoire. Une autre partie est stationnée dans la région de Lyon, sous le commandement du maréchal Suchet, enfin vingtcinq mille hommes, commandés par le général Rapp défendent la frontière du Rhin en Alsace. Les autres frontières sont également gardées, si bien que l'armée dont peut disposer Napoléon est relativement réduite. Cette armée du Nord, que l'Empereur, parti de Paris le 12 juin, commande en personne, comprend environ cent vingtcinq mille soldats et trois cent soixantedix pièces d'artillerie. Napoléon a choisi une stratégie offensive. Il désire se porter au-devant des armées anglaise et prussienne, alors stationnées dans le royaume des Pays-Bas, pour empêcher leur concentration et les vaincre l'une après l'autre. Elles sont en effet très supérieures en nombre, puisque l'armée anglo-hollandaise, placée sous les ordres de Wellington, rassemble cent vingtquatre mille hommes et l'armée prussienne de Blücher près de quatrevingt-quinze mille. La disproportion est flagrante, mais Napoléon espère qu'une victoire rapide dissuadera Russes et Autrichiens de poursuivre le combat. Le 15 juin, l'armée française franchit la Sambre, du côté de Charleroi, et bouscule l'armée de Blücher, mais une suite de mésententes et de maladresses empêchent les Français de tirer pleinement profit de cette situation. Le lendemain, 16 juin, ils sont encore vainqueurs à Ligny sur Blücher, mais la poursuite de ce dernier tarde à intervenir.

Ce n'est que le 17 que Napoléon donne l'ordre au maréchal Grouchy de poursuivre l'armée prussienne, tandis qu'il se porte, avec le gros des troupes, soit soixante-quinze mille hommes, contre Wellington. La bataille peut commencer. Elle se déroule dans la plaine de Waterloo, le 18 juin 1815. Les pluies torrentielles de la nuit ont détrempé le terrain. Napoléon attend donc la fin de la matinée pour lancer la charge. Il espère le renfort des troupes de Grouchy, rappelé en catastrophe, mais qui reçoit l'ordre trop tardivement. En revanche, l'armée voit débouler sur sa droite, le corps prussien de Bülow, commandé par le maréchal Blücher en personne. La supériorité numérique des Anglo-Prussiens est alors telle que l'issue ne fait aucun doute. Les charges désespérées de la cavalerie commandée par le maréchal Ney, tout comme la résistance de la Garde, placée sous les ordres de Cambronne, n'y font rien.

L'armée française doit battre en retraite, en laissant trente mille hommes sur le champ de bataille. La défaite est consommée. Elle annonce l'agonie de l'Empire.

Pourtant, Napoléon n'a pas encore renoncé au pouvoir. Il rapatrie le reste de son armée vers Paris où se concentrent les troupes placées sous le commandement du maréchal Soult. Plusieurs éléments contraires se liguent contre lui. Fouché, qui a eu connaissance de la défaite dès le 19 juin, s'emploie à convaincre ministres et députés que Napoléon doit abandonner le pouvoir. Il songe alors à favoriser le retour des Bourbons, solution que la majorité libérale de la Chambre des députés n'est pas prête à accepter. Il use donc 433

 

L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)

d'artifice en mettant en avant les chances de préserver la dynastie par une abdication en faveur du roi de Rome. Les partisans d'un sursaut national, à l'image de Carnot, sont débordés. Lorsque Napoléon revient à Paris, le 21 juin, la Chambre des députés est acquise à l'idée de sa destitution. Elle se déclare alors en permanence, signifiant par là qu'elle est la seule détentrice du pouvoir, et vote une motion de défiance envers Napoléon. Malgré le soutien d'une partie, de la population parisienne, venue manifester aux abords de l'Elysée, Napoléon refuse le combat contre l'assemblée ; il ne veut pas être le « roi de la jacquerie ». Le 22 juin, il signe donc l'acte d'abdication en faveur de son fils. Au même moment, la Chambre des députés désigne une « Commission de gouvernement », composée de cinq membres et présidée par Fouché. Le ministre de la Police joue en la circonstance le rôle qu'avait rempli Talleyrand un an plus tôt. Comme alors, la chute de Napoléon est précipitée par les assemblées. Napoléon reste encore quelque temps aux abords de la capitale, comme s'il espérait qu'en un dernier sursaut les Français le rappelleraient. Il s'installe à Malmaison où, le 29 juin, il apprend l'arrivée de Blücher devant Paris. Sa proposition de reprendre les armes est cependant repoussée par le gouvernement. Car la France est toujours en guerre contre les alliés. L'assemblée libérale refuse de reconnaître Louis XVIII, comme l'avait fait le Sénat en avril 1814. Elle poursuit la lutte, avant de capituler le 3 juillet. Louis XVIII rentre dans sa capitale le 8. Mais le gouvernement qui se forme, avec à sa tête Talleyrand et Fouché, conserve une allure très napoléonienne.

L'Empereur déchu a pour sa part quitté les environs de Paris le 29 juin, à l'arrivée des troupes prussiennes. Il se dirige vers l'Atlantique où ses partisans l'engagent à poursuivre la lutte. Il s'y refuse, espérant pouvoir s'embarquer vers les États-Unis. C'est dans ce but que, confiant dans les traditions d'hospitalité des Anglais, il monte sur le Bellerophon, navire anglais croisant au large de l'île d'Aix.

Quelques fidèles l'entourent encore, tels Savary, Bertrand, Las Cases, Montholon ou Gourgaud, ainsi que son valet Marchand. Ces derniers, sauf Savary, sont autorisés à l'accompagner dans son exil sur l'île de Sainte-Hélène. Parti en août, le Northumberland arrive en vue de Sainte-Hélène deux mois plus tard ; le 16 octobre 1815, Napoléon débarque sur cette île située au cœur de l'Atlantique, entre le Brésil et l'Afrique du Sud. Son exil commence ; il devait durer cinq ans et demi jusqu'à ce que la mort vienne le frapper, le 5 mai 1821.

3. VENTRÉE DANS LA LÉGENDE

Ni l'exil à Sainte-Hélène ni la mort de Napoléon ne provoquent l'oubli de celui qui fut pendant quinze ans le maître de la France, 434

Histoire du Consulat et de l'Empire
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