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LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
L'affaire n'est pas aussi aisée qu'il y paraît, car l'armée a conservé de fortes attaches jacobines, à l'instar de plusieurs de ses généraux.
Elle est par ailleurs divisée en corps, pour ne pas dire en castes, ce qui rend incertain le soutien des troupes qui n'ont pas servi sous Bonaparte. C'est pourquoi ce dernier s'emploie à convaincre les généraux du bien-fondé de ses projets. Il rencontre notamment Moreau qui l'assure de sa bienveillance, ainsi que Bernadotte qui, bien que très engagé dans le camp jacobin, promet sa neutralité.
Quant à Jourdan et Augereau, ils sont laissés en dehors d'un complot qu'ils désapprouvent. La constitution de ce réseau de généraux est complétée par des contacts directs entretenus avec des officiers subalternes, invités à venir rue Victoire, chez Bonaparte qui ne néglige donc aucun moyen pour s'assurer du soutien des troupes de la capitale.
La police est également passée sous le contrôle de Bonaparte qui s'est acquis la bienveillance de Fouché, mais aussi le soutien de Réal, ancien jacobin, membre de la Commune de Paris. Réal s'était lié avec Barras à la fin de la Convention et avait alors fait la connaissance de Joséphine. Il rencontre le général Bonaparte après la campagne d'Italie et contribue, par l'entremise de sa compagnie de fournitures militaires, à équiper l'armée d'Égypte. Or, en juillet 1799, Réal est devenu commissaire exécutif du Directoire auprès du département de la Seine, fonction que Bonaparte remplacera par celle de préfet de la Seine. Elle confère à Réal un grand pouvoir sur le contrôle des esprits et de l'administration de ce département hautement stratégique. Réal est l'un des premiers à se rendre auprès de Bonaparte après son retour d'Égypte ; il devient ainsi l'un des principaux animateurs du complot, participant à toutes les réunions qui sont organisées, soit chez Bonaparte, soit dans ses propres bureaux de l'administration de la Seine. C'est là, par exemple, que se réunissent, le 17 brumaire, le,s conjurés pour mettre au point les derniers détails de l'opération. A la tête de l'administration parisienne, Réal décide de fermer les barrières de la capitale et joue un rôle décisif pour empêcher que les douze municipalités de Paris ne se concertent en vue de faire échouer le complot. C'est enfin Réal qui recommande d'avancer la date du coup d'État au 18 brumaire, afin d'éviter toute tentative de réaction.
Le coup d'État prévu par Bonaparte apparaît en effet comme un secret de polichinelle. Une grande partie du monde politique est au courant, ce qui ne signifie pas que la date en soit connue, non plus que les modalités précises. De même, les conjurés n'ont aucune assurance quant au résultat de leur plan. Tant de péripéties ont marqué la vie politique depuis dix ans qu'une grande modestie s'impose aux conjurés. La peur leur est du reste une compagne familière.
Talleyrand a ainsi raconté comment, alors qu'il complotait chez lui avec Bonaparte, l'arrêt d'une voiture devant sa porte, à une heure du matin, les a fortement inquiétés. « Nous rîmes beaucoup, le géné-