1. LE CHOC DES DEUX EMPEREURS
L'affrontement entre Napoléon et le tsar Alexandre commence en 181 1, même si ses racines sont plus anciennes. Ce revirement est marqué par le renvoi de Nompère de Champagny qui doit abandonner la direction de la diplomatie française : « C'est en avril 181 1 que je fus congédié du ministère des Relations extérieures, raconte-t-il dans ses Mémoires [ ... ] Je n'étais pas d'accord avec l'Empereur sur les affaires de Russie, ce qui était la grande affaire du moment 1. »
Napoléon reproche à Champagny d'avoir méconnu les projets russes. On évoque à cette date des bruits de réarmement. La rumeur d'une attaque russe contre la Pologne se propage. Elle se précise le 15 avril, lorsque Napoléon prend connaissance du rapport que lui a adressé Davout pour l'informer des mouvements de troupes à l'ouest de la Russie. Or, le grandduché de Varsovie n'est alors défendu que par cinquante mille hommes. L'Empereur s'empresse d'en renforcer les défenses. Il envoie des troupes à Davout. L'inquiétude de Napoléon n'est donc pas feinte. Il va surtout utiliser ces bruits de guerre pour justifier, aux yeux de ses proches, sinon de l'opinion, la préparation d'une offensive contre la Russie. En fait, Alexandre abandonne vite ses projets 359
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d'attaque contre la Pologne et la Prusse-Orientale pour leur préférer une attitude défensive.
Napoléon veut en découdre avec la Russie. Il est déçu d�s faibles résultats de l'alliance russe, sur le plan économique. A cause des difficultés des liaisons maritimes entre les deux pays, les échanges commerciaux sont très faibles et menacent de s'amenuiser encore lorsque la Russie décide, en janvier 181 1 , d'instaurer un nouveau tarif douanier visant les produits de luxe importés de France, c'est-à-dire l'essentiel des marchandises venant de ce pays.
Cette mesure irrite Napoléon. Mais l'Empereur reproche surtout à la Russie de ne pas jouer le jeu du Blocus continental et d'accueillir des navires de marchandises anglais. Grand comédien, il met en scène une colère dont il a le secret pour menacer la Russie, en la personne de son ambassadeur à Paris, Kourakine.
« Je ne suis pas assez bête, tonne-t-il devant un parterre de diplomates, pour croire que ce soit l'Oldenburg qui vous occupe ; je vois clairement qu'il s'agit de la Pologne ; moi, je commence à croire que c'est vous qui voulez vous en emparer. Je vous déclare que je ne veux pas la guerre et que je ne vous la ferai pas cette année, à moins que vous ne m'attaquiez. » Cet usage de l'apostrophe publique signe la détérioration des relations entre les deux États. Napoléon a alors en vue la rupture.
Mais il lui faut gagner du temps pour rassembler les hommes nécessaires à ses entreprises. Il use dans ce but de l'entregent de son ambassadeur à Saint-Pétersbourg, Lauriston, pour faire traîner les négociations avec le tsar. Dès le mois de décembre 1811, il fait pré
.l?arer la levée du contingent de 1812, fixé à cent vingt mille hommes.
A partir de janvier, il commence à acheminer vers l'Allemagne des troupes venues des quatre coins de l'Europe. L'armée d'Italie, conduite par Eugène de Beauharnais, se porte vers les Alpes. Il prélève des troupes sur l'armée d'Espagne et donne l'ordre à la Jeune Garde de prendre la direction de l'est. Elle est bientôt rejointe par des troupes stationnées dans les environs de Paris. À l'occasion de ces préparatifs apparaît en pleine lumière le maréchal Davout, véritable gardien de la frontière. Le prince d'Eckmühl est alors une des plus imposantes figures de l'armée française. Cet ancien officier de l'armée de Louis XVI, né dans une famille de la noblesse bourguignonne, mais acquis très tôt aux idées de la Révolution, a participé aux principaux combats des vingt dernières années. Il était en Égypte avec Bonaparte, en Autriche en 1805. Il s'est surtout illustré en 1806 contre les Prussiens, à la bataille d'Auerstaedt, dont il adoptera le nom en devenant duc. Il joua également un rôle décisif lors de la bataille de Wagram, avant de prendre en 1810 le commandement en chef de l'armée d'Allemagne. Avant la concentration des troupes en vue de la campagne de Russie, il est à la tête d'une armée de cent cinquante mille hommes, destinée à contrer tout 360
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projet d'offensive des Russes. C'est lui ensuite qui organise la concentration des forces françaises nécessaires à l'invasion.
Pendant que les préparatifs militaires se développent, les deux Empires se livrent à un intense ballet diplomatique, pour obtenir des soutiens en Europe. La Prusse demeure alors l'un des enjeux essentiels de cet affrontement diplomatique. Elle avait, dans un premier temps, hésité à lier son sort à celui de la Russie, puis espéré pouvoir entraîner l'Autriche dans la dissidence, mais ses efforts furent vains. La Prusse de Frédéric-Guillaume III ne se sent pas encore prête à affronter la colère de Napoléon et de ses armées.
Pourtant, depuis Tilsit, ce pays s'est considérablement transformé.
La réduction territoriale que lui a fait subir Napoléon, en même temps que l'électrochoc provoqué par la défaite rapide de ses troupes, l'ont poussé à une série de réformes qui répondent à un véritable effort de régénération. Les artisans de ces réformes sont notamment Stein, Hardenberg et Scharnhorst. Le premier reste associé à la réforme de l'État et de l'administration dont le but fut de mieux faire participer la nation, représentée par les notables, à la vie du pays. Il fut également à l'origine de la disparition du servage et de la possibilité offerte aux paysans des domaines royaux de devenir propriétaires. Cette volonté d'ouverture sociale se retrouve dans le recrutement militaire ; les roturiers peuvent désormais devenir officiers. Néanmoins, tous les privilèges ne sont pas remis en cause et la société prussienne demeure une société d'ordres. Obligé de quitter le pouvoir en novembre 1808, sous la pression française, Stein cède sa place à deux ministres conservateurs, von Altenstein et Dohna, qui poursuivent son œuvre, avant que Hardenberg ne revienne aux affaires en juin 1810. Il fut alors à l'origine de réformes écon9miques et financières qui permirent l'amélioration du budget de l'Etat. La Prusse avait en effet besoin d'argent pour financer ses réformes, réorganiser son armée et payer l'indemnité due chaque année à la France. Sur le plan militaire, les réformes de Stein sont complétées par Scharnhorst qui étudie les possibilités d'un soulèvement de la population pour appuyer les efforts de l'armée, ce qui le conduit à créer une armée de réserve, composée de soldats formés à la hâte mais susceptibles, en cas de guerre, d'épauler l'armée régulière. L'idée d'associer plus étroitement la population à la défense du territoire est au cœur de cette réforme. Elle explique aussi l'effort consenti par Guillaume de Humboldt en faveur de l'enseignement. Le fleuron de sa réforme fut la création de l'université de Berlin, dont la direction fut confiée à Fichte, l'un des principaux théoriciens du réveil national allemand. Ainsi, une conscience nationale se forge en Prusse, pendant ces années de repli. Ces efforts porteront leurs fruits lors de la campagne de 1813.
Mais, pour l'heure, privée d'autres ressources, la Prusse accepte les conditions que lui proposait Napoléon depuis plusieurs semaines. Le 24 février 1812, son ambassadeur à Paris signe un 361
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accord que l'Empereur souhaiterait garder secret ; le roi de Prusse le ratifie le 3 mars. La Prusse s'engage à laisser passer la Grande Armée sur son sol et à fournir vingt mille hommes à Napoléon, soit à peu près la moitié des effectifs de l'armée prussienne, fixés à quarante-deux mille soldats au moment de Tilsit. Sans attendre la ratification royale, le 2 mars, une division française, commandée par le général Gudin, passe la frontière prussienne. La France en profite aussi pour consolider son alliance avec l'Autriche. Cette dernière accepte de fournir un contingent de trente mille hommes et espère profiter de la guerre contre la Russie pour pousser son implantation dans les Balkans où Napoléon lui promet les provinces roumaines.
Elle récupérerait également l'Illyrie, en échange de la Galicie promise à la Prusse. Ce partage des dépouilles rappelle fort les mœurs d'Ancien Régime.
Napoléon perd en revanche le soutien suédois, si tant est qu'il ait espéré le gagner. En effet, malgré la présence de Bernadotte à la tête du pays, les sentiments de l'aristocratie suédoise étaient hostiles à la France. Le traité signé en 1810, aux termes duquel la Suède avait recouvré la Poméranie, n'avait été qu'une alliance de circonstance et la désignation du maréchal Bernadotte comme prince héritier ne dut rien à l'influence napoléonienne. Sans rompre avec la France, il s'empressa du reste de rassurer la Russie sur ses intentions. Par ailleurs, la Suède appliquait toujours avec peu de rigueur le Blocus continental, ce qui provoqua l'ire de Napoléon, relayé à Stockholm par l'ambassadeur français, Alquier. L'occupation par la France de la Poméranie suédoise, en 181 1 , achève de rompre les ponts entre les deux États. La Suède va rejoindre le camp russe. Le tsar peut aussi compter sur la neutralité des Turcs. Le long conflit qui l'opposait à l'Empire ottoman s'est en effet achevé, au début de 1812, après que Koutouzov a remporté une victoire suffisamment décisive pour convaincre les Turcs de négocier. Étant donné l'urgence, le tsar se montre moins exigeant que prévu, à la grande satisfaction de la Porte. La Russie voit ainsi se refermer un front qui aurait pu l'embarrasser. Elle peut enfin compter sur le soutien de l'Angleterre, même si les deux pays continuent d'entretenir une rivalité en Orient.
À la veille de l'entrée en Russie de la Grande Armée, le tsar Alexandre Jer règne depuis onze ans. Il est encore jeune ; il n'a que trente-cinq ans, huit de moins que Napoléon. Il a aussi acquis une certaine expérience des campagnes militaires. Les échecs successifs de 1805 et 1807 ont mûri son caractère. L'empereur fougueux qui avait
ses troupes en Autriche en 1805 a laissé la place à un chef
plus mesuré qui a refusé de porter le conflit
en Prusse et en Pologne, et a choisi une solution défensive, quitte à sacrifier une partie de son territoire. Alexandre entend opposer à la vélocité des armées françaises la lenteur de l'hiver russe. Il sait pouvoir compter sur le soutien d'un peuple dévoué au tsar comme à un 362
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père. La paysannerie russe, attachée à la terre par les liens du servage, garde foi en son chef, véritable dieu vivant aux yeux de ses sujets. Le charisme d'Alexandre est d'autant plus fort qu'il a su jouer de son image de tsar ouvert à la modernité. Souverain éclairé, il s'est entouré d'une équipe de collaborateurs désireux d'engager des réformes dans le fonctionnement de l'État. Un nom reste associé à cet effort, celui de Michel Speransky, qui incarne la phase libérale du règne d'Alexandre. Ses réformes de l'administration et des finances, ses recherches en faveur d'une codification des lois russes ont durablement marqué le pays. Mais Speransky fut remercié au début de 1812 et exilé en Sibérie, vraisemblablement victime des adversaires de tout changement. Pourtant ses projets ne remettaient pas en cause les structures fondamentales de la société russe ni le caractère autocratique de son gouvernement.
Au printemps de 1812, la Russie peut compter sur une armée aguerrie au combat, sur le pied de guerre depuis plusieurs années.
Mais elle ne connaît pas la conscription générale. Les levées de troupes sont tributaires de la bonne volonté des communautés rurales (le mir) chargées de désigner les recrues pour l'armée, ce qui tend à ralentir la mobilisation des troupes. De fait, en juin 1812, Alexandre, pourtant averti de l'imminence du conflit, ne peut aligner face à Napoléon que deux armées, l'une commandée par Barclay de Tolly, forte de cent vingt mille hommes, l'autre placée sous les ordres de Bagration et qui comprend quarante mille soldats.
Mais les Russes peuvent aussi compter sur le prochain renfort des troupes rapatriées du front balkanique. Enfin, ils disposent, dans l'intérieur du pays, de trois cent mille à quatre cent mille hommes, prêts à ralentir l'avance des troupes françaises. Alexandre qui a étudié les précédentes campagnes napoléoniennes s'est bien gardé d'offrir à sa gourmandise l'ensemble de ses forces. La dispersion de ses troupes est un des éléments du dispositif défensif qu'il met en place, à l'aube de cette campagne.
Le cours des événements s'accélère en avril. Le 8 de ce mois, le tsar adresse à Napoléon un ultimatum, le sommant d'évacuer son armée de Prusse, mais aussi de la Poméranie suédoise. Il exige comme préalable à toute négociation le retrait des troupes fran
çaises en deçà de l'Elbe. Le lendemain, les Russes signent avec les Suédois le traité d'Abo qui scelle leur alliance. Deux semaines plus tard, Alexandre quitte Saint-Pétersbourg pour prendre le commandement de son armée à Vilna. Le tsar n'a donc pas attendu la réponse de Napoléon à son ultimatum pour se mettre en état de défense. Ce n'est que le 27 avril que Napoléon prend connaissance des exigences russes ; la réponse qu'il fait parvenir à Alexandre quelques jours plus tard élude la question centrale. Sa décision d'entrer en guerre contre la Russie est irrévocable. Son armée est prête. Il reste à donner l'ordre de marche. Napoléon, comme à son habitude, prend personnellement la direction des opérations. Parti 363
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de Saint-Cloud le 9 mai, il arrive à Dresde le 16. C'est l'occasion d'une imposante réunion des princes allemands, associés dans la lutte contre la Russie. L'empereur d'Autriche François, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume, le roi de Bavière attestent par leur présence aux côtés de Napoléon la force de la coalition réunie contre la Russie. Ce parterre de rois illustre aussi le tour définitive�
ment monarchique pris par le régime napoléonien.
La campagne peut s'engager. Les troupes réunies depuis le début de l'année se mettent en marche. Elles commencent à franchir le Niémen, qui marque la frontière entre la Prusse-Orientale et la Russie, le 22 juin 1812. Par rapport aux précédents conflits, Napoléon a quelque peu modifié l'organisation de ses troupes. Aux corps d'armée autonomes des campagnes de 1805-1807, il a préféré la concentration de ses hommes en une armée principale, qu'il commande, épaulée par deux armées secondaires disposées sur ses flancs. L'armée principale comprend près de deux cent cinquante mille hommes, en majorité français. L'une des deux armées auxiliaires a été confiée à son beau-fils Eugène de Beauharnais ; elle est composée de quatrevingt mille hommes, venant l'Italie et du sud de l'Allemagne. La troisième armée, placée sous les ordres de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, rassemble soixantedix mille hommes, recrutés en Allemagne et en Pologne. La Grande Armée est désormais plurinationale. Elle est devenue l'armée des « vingt nations », au détriment de sa cohésion d'antan. Les soldats français ne sont plus majoritaires. Ils ne peuvent donc plus imprimer, comme par le passé, un tour idéologique à leur lutte. L'armée qui entre en Russie n'est plus vraiment l'armée de la « Grande Nation », portant hors de France les principes de la Révolution.
Après avoir passé le Niémen, les soldats de la Grande Armée poursuivent leur avancée vers l'est. Le 28 juin, ils s'emparent de Vilna, mais à aucun moment Napoléon ne parvient à se saisir de l'ennemi qui se dérobe à chaque avancée. Un retard d'exécution de Jérôme permet ainsi à Bagration de s'échapper. Cette mésentente provoque le premier différend entre les généraux de Napoléon et le départ inopiné de Jérôme qui regagne la Westphalie.
Fin juillet, la campagne apparaît donc mal engagée. Certes, Napoléon est victorieux sur le terrain, lorsqu'il parvient à affronter son adversaire, certes, il progresse vers l'intérieur de la Russie - il entre à Vitebsk le 28 juillet, avant de s'emparer de Smolensk le 18 août - mais il se heurte déjà à l'étendue russe et aux difficultés de communication avec ses arrières. C'est précisément parce que son armée est affaiblie que les Russes se décident à passer à l'offensive à la fin août. Le maréchal Koutouzov a alors remplacé Barclay de Tolly à la tête de l'armée russe ; il a la mission d'empêcher Napoléon d'entrer dans Moscou. Les troupes françaises poursuivent leur progression, mais elles sont déjà fortement diminuées. La bataille la plus importante depuis le début de la campagne de 364
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Russie se prépare. Elle a lieu aux abords de la ville de Borodino, le 7 septembre 1812. Bataille frontale, elle est extrêmement meurtrière. Les Russes abandonnent sur le terrain cinquante mille hommes, les Français vingtcinq mille. À l'issue de cette bataille dite aussi de la Moskowa, la Grande Armée est réduite à un peu plus de cent mille hommes. Ce combat n'a pas anéanti l'armée russe qui est parvenue à se replier en bon ordre, mais il a ouvert à Napoléon les portes de Moscou. L'Empereur y fait son entrée le 14 septembre. Le succès n'est qu'apparent. La ville a été abandonnée par une partie de ses habitants. Le lendemain, elle est livrée aux flammes. Spectacle de désolation, mais aussi menace de jours difficiles, bien que le problème du ravitaillement soit moins criant à Moscou que dans le reste de la Russie. L'armée impériale aurait pu y passer l'hiver, mais elle pâtit de ses mauvaises liaisons avec l'arrière. C'est l'une des clefs de l'insuccès de Napoléon. En outre, l'Empereur ne se résout pas à annoncer la suppression du servage qui aurait pu lui attirer les faveurs de la population. Encore aurait-il fallu que cet affranchissement s'accompagnât d'une redistribution des terres, mesure révolutionnaire qu'il ne pouvait envisager.
Napoléon craint d'être prisonnier dans Moscou. Il est l'homme des victoires rapides. Moscou ne l'intéresse que comme monnaie d'échange. Il l'a conquise comme il avait conquis Vienne en 1809, espérant que l'adversaire consentirait à négocier pour recouvrer sa capitale. Alexandre s'y refuse.
Dès lors, Napoléon se décide à la retraite, faisant reprendre à ses troupes le chemin de l'aller, alors qu'il a été dévasté par les pillages et la pratique de la terre brûlée. Le calvaire des survivants de la Grande Armée commence. Dans le froid, la neige et la boue, des dizaines de milliers d'hommes tentent désespérément de regagner le Niémen, sans cesse harcelés par les troupes russes ou des cohortes d'habitants affamés par leur premier passage. Le thermomètre tombe à moins 25 degrés lorsque Napoléon , quitte Smolensk où ses troupes étaient parvenues péniblement. A Krasnoé, à la minovembre, les Français parviennent encore à contenir les assauts russes, comme quelques jours plus tard, lors du passage de la Bérésina. Mais à chaque nouvelle offensive russe, les forces fran
çaises sont réduites. Le froid et la faim continuent leur œuvre.
Napoléon prend alors la décision de quitter son armée et de rentrer à Paris où il espère lever des troupes fraîches. Mais ce départ prive l'armée de chef, Murat, chargé du commandement se révélant incapable de diriger ses hommes. Parvenus à Vilna le 8 décembre, les débris de la Grande Armée en sont chassés, dans la panique, par une nouvelle offensive de Koutouzov. Six jours plus tard, les survivants repassent le Niémen, sous la protection du maréchal Ney. Ils parviennent à Kônigsberg le 20 décembre. L'abandon du territoire russe ne met pourtant pas un terme à la guerre. Le tsar entend au contraire pousser son avantage, d'autant que, le 31 décembre, il a obtenu que 365
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les Prussiens quittent la Grande Armée. Napoléon n'est pas au bout de ses peines. Il voit peu à peu s'effriter l'édifice patiemment élaboré depuis des années. Mais, il découvre aussi, en rentrant en France, combien son pouvoir est fragile et son trône chancelant.