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L'ÉCHEC DU SURSAUT DYNASTIQUE (1810-1815)
Fouché a informé, dès le 5 mars, le général Lallemand du retour de Napoléon. Deux jours plus tard, plusieurs régiments se mettent en mouvement, mais l'affaire tourne court, le général Lallemand et son frère, Dominique, sont arrêtés, de même que Drouet d'Erlon.
L'annonce de cette conjuration entraîne le remplacement du maréchal Soult par le général Clarke à la tête du ministère de la Guerre, tandis que le gouvernement prépare l'arrestation des chefs bonapartistes. Ces mesures se révèlent vaines. Le danger se rapproche.
Napoléon a repris sa route par la vallée de la Saône ; le 14 au soir, il couche à Chalon, le 15 à Autun, puis il parvient à Auxerre, où il est rejoint par le maréchal Ney. Envoyé au-devant de Napoléon pour lui barrer la route, le maréchal Ney a finalement décidé, la veille, de rallier l'Empereur, malgré la désapprobation des généraux de son état-major, Lecourbe et Marmont. Oubliant la promesse faite à Louis XVIII de ramener Napoléon dans une cage de fer, il fait marcher ses troupes de Besançon vers la Bourgogne pour les placer sous les ordres de l'Empereur. La rencontre entre les deux hommes a lieu le 18 mars ; elle scelle la réconciliation de deux guerriers, appelés à sombrer ensemble. La progression des armées ne se ralentit pas. Par terre et par eau, les troupes ralliées à Napoléon se hâtent vers Paris. Parvenu à Fontainebleau dans la matinée du 20 mars, Napoléon apprend que le roi a quitté Paris dans la nuit. Il presse alors le mouvement pour faire son entrée dans la capitale à 9 heures du soir. A cette heure, le pouvoir est déjà aux mains des partisans de Napoléon qui se sont emparés des principaux lieux stratégiques, hissant partout le drapeau tricolore. Lavalette, par exemple, a repris la direction des Postes. Il s'empresse d'annoncer à l'Empereur le départ du roi et bloque l'envoi vers la province des journaux et des correspondances. La ville est restée calme. Seuls les bonapartistes sont venus manifester aux abords des Tuileries. Des officiers se pressent dans la cour, les anciens membres de la Maison .de l'Empereur ont réinvesti le palais. Lorsque Napoléon arrive, une partie de l'ancien personnel de la Cour est déjà présente pour lui faire ses offres de service.
Napoléon est entré dans Paris sans tirer un coup de feu. Les départements qu'il a traversés au cours de sa remontée vers la capitale sont ainsi passés sous son autorité. Mais il ne contrôle qu'un cinquième de la France. L'annonce de son retour à Paris entraîne la majeure partie du pays à le soutenir. Vers le 25 mars, les deux tiers des régions se sont rangées sous sa bannière, mais quelques-unes tentent encore de résister. Dès l'annonce du débarquement de Napoléon, outre le comte d'Artois et le duc d'Orléans, d'autres princes de la famille royale s'étaient mis à la tête de ce mouvement de résistance. Le duc d'Ang..oulême avait pris le commandement d'une armée dans le Sud. A Bordeaux, sa femme, la duchesse d'Angoulême, tente d'organiser la résistance royaliste, mais la défection de la plupart des troupes la contraint à renoncer à son 424
LE CHANT DU CYGNE
action le 3 avril ; elle s'embarque alors sur un navire anglais, laissant Bordeaux aux mains des impériaux. En Vendée, le duc de Bourbon essaie de raviver le souvenir de 1793, mais sa tentative est également vouée à l'échec. Seul le duc d'Angoulême parvient à inquiéter un instant Napoléon, en faisant progresser ses troupes dans la vallée du Rhône où le sentiment royaliste s'exprime à nouveau. Mais l'envoi contre cette armée royale du général Grouchy dans un premier temps, puis du maréchal Suchet, contraint le duc d'Angoulême à capituler. En outre, une forte mobilisation populaire s'était dressée contre lui. Fait prisonnier, il est finalement exilé vers l'Espagne le 16 avril. À cette date, le pays est à peu près pacifié. Le roi et la Cour se sont réfugiés à Gand en Belgique, la plupart des émigrés rentrés en 1814 ont repris le chemin de l'exil. La guerre civile a été évitée, en grande partie à cause de l'armée qui a montré sa cohésion en ralliant très majoritairement Napoléon, d'abord par fidélité à son ancien chef, ensuite pour éviter un conflit fratricide entre soldats formés sur les mêmes champs de bataille. Toute résistance n'est pas éteinte, Napoléon peut néanmoins reprendre la direction du pays avec une certaine sérénité.