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La méthode Copé

« Mieux vaut supporter son héritier que d'avoir à en chercher un. »

Publilius Syrus

Le chef de l'État n'a pas vu arriver le fiasco des élections régionales. Une défaite historique, qui a laissé la droite à terre. Jusqu'au dernier moment, il a annoncé à tous ses visiteurs que l'UMP reprendrait des régions à la gauche. Quatre, cinq ou davantage, faites vos jeux. En adepte de la méthode Coué, il n'a jamais su préparer ou accepter les échecs.

Quelques jours avant le scrutin, quand Jean-François Copé émet des doutes sur ses prévisions, le président lui répond :

« Tu n'y es pas. Vous êtes tous conditionnés par les médias. »

Jean-François Copé est un des rares chefs de file de la droite qui ose faire la nique au président. Il l'observe avec un mélange d'amusement et de condescendance, comme on regarderait un colibri qui se prendrait pour une navette spatiale. Pour lui, c'est une incongruité. Une sorte de tutu-pampan.

Depuis toujours, Sarkozy divise l'humanité en dominés et dominants. Il a affaire, là, à un représentant de la seconde catégorie, qui, au surplus, a l'œil moqueur. Le chef de l'État n'a encore rien à craindre de lui, les deux hommes n'ont pas le même âge ni le même calendrier, mais il ne fait aucun doute qu'il sera à Sarkozy ce que Sarkozy fut à Chirac : jamais il ne chantera la gloire de l'épopée sarkozyenne ; au contraire, s'il arrive un jour à la fonction suprême, il exercera sans pitié son droit d'inventaire.

En ce printemps 2010, Copé fait au système sarkozyste plusieurs griefs, dont le moindre n'est pas sa propension à détruire tous les talents. « Pour que personne ne pèse, dira-t-il, tous les grands ministères ont été coupés en deux. L'Intérieur n'a pas l'Aménagement du territoire. On a retiré l'Emploi aux Affaires sociales pour le donner à Bercy qui a lui-même été scindé, j'allais dire dynamité. Comme ça, c'est simple, le président est tranquille, il n'a pas de grands ministres, des gens qui pourraient lui tenir tête. »

Le président, en effet, ne partage rien. Ni les succès qu'il s'arroge pour lui seul, ni les échecs qui seront toujours imputés aux autres, voire à ses alliés.

Le lendemain du second tour des régionales, Jean-François Copé exhorte le chef de l'État :

« Il faut que tu parles.

— J'ai prévu de faire une communication après-demain au Conseil des ministres et Fillon ira, ce soir, sur TF1.

— Non, c'est à toi d'y aller. Il faut quelque chose de grave et de solennel à vingt heures, dans le genre : “On a perdu. J'en tire les conséquences.” »

La préconisation de Copé à Sarkozy peut se résumer ainsi : « Il est temps de revenir aux fondamentaux. Le phénomène FN n'existe qu'à partir du moment où la droite ne fait pas son travail. Dans notre électorat, personne n'a voté FN par plaisir. D'ailleurs, personne n'assume. Pour retrouver la droite populaire et la droite bourgeoise, tu dois donc revenir à nos valeurs. La réforme, avec l'allongement de l'âge légal de la retraite. La compétitivité pour laquelle nous devons nous battre davantage. La République qu'il faut défendre avec la loi sur la burqa. La droite attend du président un discours de courage, de rassemblement, d'identité et d'ouverture au monde. »

Telle est la méthode Copé : franche et brutale. Le président du groupe parlementaire UMP au Palais-Bourbon a été entendu par le chef de l'État. Le tournant de l'été 2010 en forme de repositionnement, il en est l'un des principaux inspirateurs. Encore qu'il n'assume pas, il va de soi, les dérapages sarkozystes en matière de sécurité. Si ce recentrage n'a pas convaincu, c'est sans doute parce que sa réalisation n'a pas été à la hauteur.

Aussi brillant soit-il, Sarkozy ne trouve jamais les mots qu'il faut quand il s'adresse aux Français. François Mitterrand citait volontiers la formule d'Édouard Herriot : « La politique, c'est parler aux gens. » Le président fait son show, mais il ne leur parle pas.

Depuis son élection, Nicolas Sarkozy ne s'est pas encore construit un rapport particulier avec les Français. Il en est resté à une conception matérialiste de la politique, celle qu'il définissait, un jour de décembre 1990, à un jeune énarque qu'il rencontrait pour la première fois : Jean-François Copé.

« La politique, c'est des partis et des mandats, disait-il. Il ne faut pas les demander, il faut les prendre. »

Une conception qui l'a mené à l'Élysée, mais pas dans le cœur des Français.