XLVII

Ils passaient parfois leurs soirées au Ritz, chez lui. Elle aimait aller le voir, être l'attendue, n'avoir pas à craindre des retards de son méchant. Dans le taxi qui la menait vers lui, elle se plaisait à rêvasser qu'elle était le Chaperon Rouge qui allait voir le loup, en faisant bien attention de ne pas rencontrer sa mère-grand.

Au petit matin, elle se rhabillait, s'agenouillait au pied du lit où il somnolait d'amoureuse fatigue, et elle l'enchantait, comme elle disait, l'enchantait par de chastes caresses, aux pieds nus le plus souvent, caresses patientes, régulières, et elle s'émouvait d'être une esclave agenouillée devant la couche de son roi. Elle ne partait jamais avant d'être sûre qu'il s'était endormi, et toujours elle lui laissait un billet de quelques lignes qu'il trouverait à son réveil. Ces messages d'une écriture incertaine, tracés qu'ils étaient dans l'obscurité, elle les laissait sur la table de chevet, pour son réveil.

«Je suis attendrie et fière comme une mère lorsque tu te laisses enchanter, comme tout à l'heure quand j'ai fait les petites passes libellules dans le dos. Aimé, je me retenais de te couvrir de baisers. Je crois quelquefois que tu ne sais pas combien je t'aime. Dors bien, mon amour. »

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«Pour l'amour du ciel, mon chéri, fumez moins demain. Pas plus de vingt, je vous prie. Tourmentez un de vos chapelets à la place. Et ne soyez pas fâché si je vous recommande de déjeuner à midi. Mais pas uniquement des hors-d'œuvre, de grâce. La chevrette donne des coups de front dans le vide, mais que peut-elle faire pour que l'aimé soit raisonnable ? Dors bien, mon amour. »

«Aimé, j'ai besoin de te dire que l'amour que tu me donnes est un ciel profond, profond, où je trouve des étoiles nouvelles chaque fois que je regarde. Jamais je ne cesserai d'en découvrir, et cela va si loin, si loin. Dors bien, mon amour. »

«Aimé, tu as fait de moi une vraie femme. Tant de choses inutiles et qui n'avaient pas de racines sont tombées de moi, et je suis devant toi toute simple et toute unie. Crois-moi, une paysanne roumaine, tresses pendantes et pieds nus, ne regarderait pas son homme avec plus de confiante adoration. Ô Sol, Sol, si tu savais quelle tendre folie il y a pour toi dans le cœur de ta petite paysanne, de ton enfant. Dors bien, mon amour. »