CHAPITRE 1
Tourments « A toi je peux le dire, c’était le jour le plus triste de ma vie. » Cet aveu, lâché un soir de septembre 2007 devant une amie très chère dans un moment d’abandon, Nicolas Sarkozy ne le fera plus jamais à personne.
Il disait vrai pourtant. Mais qui aurait pu le croire ? Ce triste jour étant, figurez-vous, le 6 mai 2007. Celui de son élection à la présidence de la République. Le jour du couronnement de son ambition. Et quel couronnement ! Il en rêvait depuis ses vingt ans. Sans même oser imaginer un tel triomphe.
François Mitterrand et Jacques Chirac avaient dû s’y reprendre par trois fois avant d’accéder à l’Elysée, lui est élu dès le premier essai. Valéry Giscard d’Estaing avait dû se contenter d’une chiche victoire : 424 000 voix d’avance sur François Mitterrand. Plus de deux millions de voix le séparent, lui, de Ségolène Royal.
Un tel score aurait dû le rendre euphorique, ce jour-là au moins.
Tous les grands chefs de guerre ont connu, c’est vrai, le goût amer des lendemains de victoire. Mais en ce 6 mai 2007, ce n’est pas le poids des responsabilités à venir qui assaille et inquiète le nouveau Président. C’est le désastre de sa vie privée.
Les militants qui l’applaudissent à son arrivée, en fin d’après-midi, à son quartier général de campagne de la rue d’Enghien, vous en parlent encore. La famille, les amis, arrivés par grappes, ne l’ont pas davantage oublié. Tous sont sidérés. Ça n’est pas un vainqueur jubilant qu’ils applaudissent ou embrassent, mais un homme au sourire contraint, au front crispé. Ils sont venus à la fête, ils découvrent un héros cafardeux, comme perdu au milieu de leur liesse dévote. Cécilia ne se trouve pas à ses côtés. Le vainqueur du 6 mai est un vaincu de l’amour.
Depuis des mois, contre toute raison, il avait voulu s’en persuader : s’il était élu – et il le serait, il le savait – Cécilia ne pourrait plus partir. Elle lui avait pourtant dit en mars sa volonté de divorcer, au moment même où il quittait le ministère de l’Intérieur pour se lancer dans la campagne présidentielle : « Dès que tu seras élu, je me tire » et, afin de rendre plus évidente sa détermination, elle avait aussitôt confié l’affaire à une avocate, Me Michèle Cahen.
Mieux, joignant le geste à la parole, elle l’avait chassé du domicile conjugal. En y mettant les formes, il est vrai.
Quelques semaines plus tôt, ils avaient vendu leur appartement de l’île de la Jatte et loué un meublé, toujours à Neuilly, rue Deleau. Depuis le début de l’année, Cécilia y vivait avec sa fille Jeanne-Marie et leur fils Louis. Durant toute la campagne, Nicolas Sarkozy fut donc hébergé Villa Montmorency (XVIe arrondissement de Paris) chez un ami du couple : Dominique Desseigne, le patron du groupe Barrière (palaces, casinos, et… le célèbre Fouquet’s). Elle avait tout arrangé, expliquant à celui-ci : « Rends-nous ce service, Nicolas doit se concentrer, la famille le perturbe ; chez toi, il sera au calme, protégé. » Elle avait même pris soin de visiter sa future chambre, apporté ensuite, sur la suggestion de l’hôte, des photos des jours heureux. Et même, comme une épouse attentionnée, donné quelques conseils sur le régime alimentaire nécessaire à son mari. Lequel, bientôt arrivé là, ne laissait rien deviner de ses soucis conjugaux. Le matin au petit déjeuner, il évoquait le rôle qu’il aimerait voir jouer à Cécilia et parlait de sa famille comme de son « entourage prioritaire ».
Parfois, au retour de ses harassantes journées, Cécilia venait dîner là en compagnie du jeune Louis. Mais pas une fois elle ne l’avait accompagné dans son périple provincial. Restait, c’est vrai, le téléphone. Ils se parlaient plusieurs fois par jour : « Quand je voulais envoyer un message à Nicolas, je passais par Cécilia », raconte Michèle Alliot-Marie.
C’est qu’il ne disait mot, à personne, de cette séparation. Pas même à sa mère, ni à ses fils : « Mon frère et moi ignorions où il habitait pendant la campagne », témoigne Jean Sarkozy1 ; pas même à ses amis, ni à ses plus proches collaborateurs : Claude Guéant, qui dirigeait sa campagne, Franck Louvrier, chargé de sa communication, qui ne le quittait pas d’un pouce. Lesquels pourtant n’étaient pas dupes.
Comment l’être en le voyant arriver le matin, l’œil éteint et les traits tirés ? Il avait d’évidence peu dormi, sans doute parce qu’il bataillait au téléphone avec Cécilia.
Ils s’interrogeaient : allait-il tenir le coup ? Ils s’émerveillaient chaque jour de le voir reprendre souffle et couleurs devant micros et caméras, comme lors des réunions de travail, quand le taux d’adrénaline remontait. Pourtant, Claude Guéant l’affirme sans détour : « Il a fait une campagne en dessous de ses capacités ; il n’était pas toujours aussi présent qu’il eût été normal qu’il fût. » Et Franck Louvrier de renchérir : « La campagne la plus difficile était celle qu’il cachait, celle que personne ne pouvait deviner. » Personne ? Des députés et des élus locaux UMP, étonnés et vexés, notaient qu’à la fin des meetings, sitôt descendu de la tribune, leur candidat s’isolait au téléphone et quittait les lieux, l’air morose et parfois hagard, sans même leur dire un merci ou un adieu.
Cécilia avait choisi son QG du 18 de la rue d’Enghien. Un grand loft Arts-Déco, jadis propriété du couturier Paco Rabanne. Un grand bureau avait été aménagé pour elle tout près du sien. Mais elle n’y était apparue que trois ou quatre fois à peine, laissant l’usage du lieu à ses protégés : José Frèches, ex-conseiller de Jacques Chirac2 ; Roger Karoutchi, le fidèle des Hauts-de-Seine ; François de La Brosse, le mari de Conrada, l’amie intime des jours anciens, revenue dans ses bonnes grâces après dix années de boycott ; Jérôme Peyrat enfin, un autre chiraquien qui l’avait bien accueillie à l’UMP lorsqu’elle y travaillait aux côtés de son mari.
Ces quatre-là non plus ne pouvaient s’y tromper : le couple se désintégrait : « Cécilia ? Mais elle est passée hier », répondaient-ils pour décourager la curiosité des journalistes. Lors du meeting de fin de campagne du 29 avril à Bercy, elle n’avait pas daigné se montrer non plus, évoquant des obligations familiales : la préparation de l’anniversaire de Louis.
Restait à sauver les apparences.
Pour masquer leur séparation, le dimanche du premier tour, Nicolas Sarkozy doit imaginer un stratagème : se cacher dans une voiture banalisée pour entrer dans le garage de la rue Deleau afin de pouvoir sortir avec sa femme par la grande porte devant laquelle attendaient son chauffeur et un essaim de paparazzi et de caméras. Bien joué. Ni vu ni connu : le couple arrive tout sourire au bureau de vote.
Le 6 mai en revanche, elle refuse tout net de se prêter à ce triste jeu. Non, elle ne veut pas l’accompagner, elle ne veut pas d’image. Non et non ! Est-ce clair ? Il se rend donc aux urnes en compagnie de Judith et Jeanne-Marie, les deux filles qu’elle avait eues de Jacques Martin et que, devant les tiers, il appelait toujours « nos filles ».
Maintes fois, lors de ses allées et venues entre New York et Paris, de juillet 2005 à avril 2006, Cécilia lui avait reproché de ne pas les avoir traitées comme des Sarkozy. Il lui avait alors proposé de les adopter, même si leur père vivait encore… Ce que ses fils à lui n’avaient guère apprécié.
En le voyant le 6 mai aller voter avec elles, Jean Sarkozy crut que cette fois, cela se ferait. Qu’il allait les légitimer. Son père, il est vrai, n’avait cessé de multiplier les gestes envers elles. Il avait acheté un appartement à Judith, l’aînée, avec les droits d’auteur de son livre Témoignage3. « C’est Cécilia qui a trouvé le titre », expliquait-il dans les rédactions pour la valoriser. Une éclatante déclaration d’amour, publiée quand elle revint de New York avec leur jeune fils. Il était lui-même allé les rechercher – un aller-retour vite fait – pour les ramener Place Beauvau, au ministère de l’Intérieur que Jacques Chirac avait dû se résoudre à lui laisser après le désastre du référendum sur la Constitution européenne. Et si Nicolas Sarkozy avait accepté d’y revenir – contre l’avis de ses amis – c’était avec l’espoir d’y retrouver le bonheur des années passées où ils avaient donné l’image – vraie à l’époque – d’un couple fusionnel.
Pour mieux dire ce bonheur, il confessait d’abord son malheur. L’amour l’emportait sur l’amour-propre : « Jamais, écrivait-il, je n’avais connu une telle épreuve. Jamais, je n’avais imaginé en être aussi profondément bouleversé. L’épreuve, c’est l’absence et non la blessure de vanité. » Voilà pour le passé. Et voici pour l’avenir : « Aujourd’hui Cécilia et moi nous nous sommes retrouvés pour de vrai, sans doute pour toujours. Si j’en parle, c’est parce que Cécilia m’a demandé d’en parler pour nous deux. » Des paroles d’amoureux.
Jamais homme politique d’une telle stature n’avait ainsi ouvert son cœur au public. Jamais homme politique rompu aux acrobaties verbales et sachant le poids des mots ne s’était montré aussi impudique.
Comment, ce dimanche 6 mai, n’aurait-il pas repensé jusqu’à l’obsession à ses propos et à leurs risques ? Comment n’aurait-il pas reçu comme un soufflet le refus de Cécilia d’aller voter avec lui et, bien pire, de s’abstenir ? Une catastrophe : il connaissait trop le monde médiatique pour savoir que cette abstention serait bien vite connue. Elle le fut.
Il suffisait à quiconque d’aller consulter les registres électoraux. Un rédacteur du Journal du Dimanche, soupçonneux comme on doit l’être dans ce métier, le fit et l’écrivit. Mais à la dernière minute, le directeur de la rédaction, Jacques Espérandieu, décida de ne point publier l’information, au motif que ses journalistes n’avaient pu – ultime vérification – joindre l’intéressée.
Quand la rumeur est lancée, elle court. Surtout lorsque Internet s’en mêle. Dès le lendemain, le site Rue89 racontait toute l’histoire. En ajoutant que le silence du JDD avait été exigé par Arnaud Lagardère, le propriétaire du journal. Le soir même, Jacques Espérandieu, interrogé par l’AFP, expliquait qu’il avait pris cette décision « en son âme et conscience », soulignant qu’il s’agissait d’une affaire privée. Mais il avouait aussi avoir reçu « quelques coups de téléphone ». Alors ? Autocensure ou censure ?
L’affaire suffit, quoi qu’il en soit, à créer des remous dans la presse. Dès le 15 mai, Le Monde tranchait en titrant : « Nicolas Sarkozy inquiète les médias. » Première polémique du quinquennat. Plusieurs quotidiens soulignant aussitôt les troublantes relations d’amitié entre le nouveau Président et certains propriétaires de journaux, radios ou chaînes de télévision : Arnaud Lagardère, mais aussi Martin Bouygues, Serge Dassault, Vincent Bolloré, Bernard Arnault. Allez donc lutter contre un tel soupçon !
Avant que l’abstention de Cécilia soit par tous confirmée, les proches du Président eux-mêmes refusaient d’y croire. C’était trop énorme. Près de dix-neuf millions de Français s’étaient déplacés pour le porter au pouvoir, mais non celle qui avait gravi avec lui chaque marche de son ascension – les dernières il est vrai, avec quelque discrétion. Quand même, il fallait oser !
Un acte d’incivisme sans précédent, à ce niveau, allait prêter dans le petit monde parisien à de multiples interprétations : crise d’angoisse ? Désinvolture ? Egoïsme ? Désarroi ? Message adressé à l’amant Richard Attias qui avait mal accepté d’être plaqué ? Une explication s’imposait, qui fit le tour des chancelleries : c’était un acte de rupture. Une de ces surprenantes situations dont les Français, paraît-il, ont le secret.
Surpris, certains n’auraient pas dû l’être. « First Lady, je ne m’y vois pas, ça me rase », avait-elle confié deux ans plus tôt. Mais ses confidents ne l’avaient crue qu’à demi. Surtout depuis son retour à Paris, avec cette allure de « revenez-y » que son mari avait voulu transformer en succès. Devant des tiers, il l’inondait de mots tendres et de compliments, il la couvrait de cadeaux. Il ne s’imaginait pas sans elle à l’Elysée. Elle serait sa Jackie Kennedy.
Las ! Elle ne changeait pas d’avis. Surtout, elle en aimait un autre. Elle voulait partir. Et sur le chemin de sa liberté, elle n’allait cesser de semer des cailloux, parfois aussi gros que son abstention du 6 mai.
Quatre jours avant la victoire, elle lui avait encore imposé une rebuffade. Peu avant le débat télévisé qui allait l’opposer à Ségolène Royal – rituel de fin de campagne que l’on croit désormais décisif – elle lui avait promis d’y assister. Mais se faisait attendre. Cinq minutes avant l’entrée sur le plateau de l’émission, son portable à la main et devant ses amis désolés, il la suppliait de venir, tempêtait, rageait même. Mais non, c’était non. Toujours non.
Quelques proches de Nicolas Sarkozy jugent que ce coup de colère-là eut néanmoins un effet bénéfique. Son agressivité ayant été déchargée et son stress évacué, le candidat était apparu plus détendu que d’ordinaire. Morne presque. « Ce soir, tu dois chercher le match nul, si tu agresses Ségolène ou si tu l’écrases, tu feras peur », lui avaient-ils conseillé. Son calme les avait donc rassurés. Les militants UMP, en revanche, ne l’avaient pas reconnu. Le jugeant ramolli, ils bombardaient le siège de SMS inquiets ou déçus.
Après le débat, Nicolas Sarkozy avait invité son entourage à dîner au restaurant Caviar Kaspia, place de la Madeleine et, bien sûr, Cécilia ne les avait pas rejoints.
Au lendemain du premier tour encore, elle avait répété à Isabelle Balkany, l’amie de toujours : « Je veux me tirer. » A quoi celle-ci, interloquée, avait rétorqué : « Es-tu bien sûre d’être attendue ? »
Bonne question. A l’époque, Richard Attias se montrait beaucoup en compagnie de l’actrice Mathilda May. Mais, allez donc comprendre : le dimanche de l’élection, après ce refus d’accompagner son mari au bureau de vote, elle était apparue au déjeuner organisé à Neuilly par leurs amis Cromback. Ils étaient tous là : Dadue, la mère, Pal le père, ses fils à lui, ses filles à elle, ses deux frères, leurs femmes, leurs enfants, les vieux copains. Tous euphoriques bien sûr. Mais lui, arrivé le premier, restait tendu, le regard éteint. Cécilia, affable certes, mais l’esprit visiblement ailleurs, ne le rassura qu’à demi. Il la couvait du regard et d’une voix humide de tendresse, lui faisait mille grâces. Elle ne réagissait guère. Il réussit quand même à tromper son monde. « Nous ne pouvions imaginer combien il souffrait, nous pensions à la chance de Cécilia, à laquelle il offrait un destin hors du commun », dit leur hôtesse Agnès Cromback, directrice générale de Tiffany. Un destin dont Cécilia voulait moins que jamais. La suite de cette extravagante journée allait le montrer.
Premier accroc salle Gaveau, où les militants attendent leur idole depuis des heures. Il arrive enfin, accompagné des deux filles de Cécilia, décidément vouées à jouer depuis le matin les remplaçantes. Alors que les caméras filment son parcours depuis le QG, les téléspectateurs s’étonnent de ne pas apercevoir Cécilia dans sa voiture mais deux jeunes blondes inconnues qui gesticulent, cigarette à la main et portable à l’oreille. A l’arrivée, devant son auditoire qui l’acclame, il parle comme il sait le faire, l’envoûte presque, lui promet la rupture avec les idées, les habitudes et les comportements du passé : « Je vais réhabiliter le travail, l’autorité, la morale, le respect. » Mais c’est une autre rupture, bien sûr, qui le hante.
Deuxième accroc : le soir même, cette réception privée du Fouquet’s restée dans les annales comme le péché originel du sarkozysme4. C’est elle, Cécilia, qui avait choisi l’endroit, au cœur du Triangle d’Or du luxe parisien, le village où elle avait grandi. Elle avait tout organisé. Voulait-elle ainsi honorer le propriétaire du célèbre palace qui avait hébergé son mari pendant la campagne5 ? Peut-être, sans doute. Mais les vraies raisons étaient ailleurs. Absorbé par la campagne, le candidat lui avait laissé carte blanche. Et c’est elle seule qui avait dressé la liste des invitations. Et quel panel ! Une centaine de personnes. La famille au grand complet bien sûr, dont Rachida « sa sœur de cœur », les vieux amis, plus une poignée de politiques : Jean-Pierre Raffarin, François Fillon, mais aussi des amis du show-biz : Johnny Hallyday et Laeticia, Christian Clavier, Marie-Anne Chazel, Jean Reno, Arthur. Des sportifs comme Basile Boli et Richard Virenque. Et surtout une brochette de patrons pesant leurs milliards d’euros : Bernard Arnault (LVMH), Antoine Bernheim (Assurances Generali), Patrick Kron (Alstom), Vincent Bolloré (président du groupe éponyme), Martin Bouygues (idem), Henri Proglio (Veolia), Stéphane Courbit (ex-président d’Endemol), Serge Dassault, Jean-Claude Decaux et ses fils, le milliardaire canadien Paul Desmarais, le milliardaire belge Albert Frère… Les Français peuvent parfois absoudre les hommes politiques de mettre les doigts dans la confiture. Ils ne leur pardonnent jamais d’être du côté de ceux qui mènent la danse.
On notait, en revanche, quelques absents de marque. Les collaborateurs les plus proches du nouveau Président n’avaient pas reçu de carton d’invitation : Brice Hortefeux, Laurent Solly, Franck Louvrier, Frédéric Lefebvre, Pierre Charon. Une équipe d’hommes prêts à tout pour aider leur mentor et baptisé « la Firme » par la presse, par référence au roman de l’Américain John Grisham qui met en scène un groupe de personnages de cette trempe. Lors de la fugue new-yorkaise de Cécilia, ils avaient été présents, disponibles jour et nuit. Ils avaient entouré, occupé, diverti, rassuré, dorloté leur chef (Pierre Charon encore plus que les autres). « Ce soir-là, nous n’avons même pas eu droit à une coupe de champagne », déplore l’un d’eux.
Car Cécilia les détestait. Ils le lui rendaient bien, toute révérence gardée. Leurs propos, acerbes le plus souvent, lui avaient été répétés durant ses absences et avec excès par quelques bonnes langues : à commencer, racontaient-ils en la fustigeant, par Rachida Dati, qu’ils désignaient comme leur ennemie prioritaire.
Cécilia leur en voulait donc. Elle avait d’ailleurs de longue date dénoncé ce qu’elle jugeait être leur mauvaise influence sur son mari. Toujours jalouse, très jalouse même, elle les soupçonnait d’avoir organisé pour lui – qui ne savait rester seul – ce que l’on appelle gentiment des « incartades ».
Après son retour à Paris, ses rapports avec eux s’étaient dégradés davantage encore. Elle se sentait jugée, jaugée, lisait l’opprobre et même l’absence de respect dans leurs yeux. Et leur chef les morigénait : « C’est dur pour Cécilia d’affronter vos regards. » Elle ne supportait pas qu’ils aient si vite fait le deuil de son départ pour New York. Et pis, qu’ils s’en soient si ouvertement réjouis. La terre avait tourné sans elle. Nicolas ne s’était pas effondré. N’ayant pas retrouvé toute sa place, elle n’avait plus qu’un but : évincer, punir ceux qui avaient – jugeait-elle – tiré profit de son absence. Aussi, pour célébrer la victoire, avait-elle préféré le Fouquet’s au QG de son mari, d’où elle n’aurait pu les évincer. La vengeance froide d’une femme blessée. Un mobile intime, aux effets politiques dévastateurs.
Demeure une question : pourquoi donc était-elle rentrée au bercail ? Avec la volonté sincère, semble-t-il, d’y rester. Au moins dans les premiers temps. Son départ pour New York ? « Un pétage de plombs, une erreur », avait-elle affirmé à une amie.
Lui, Nicolas, voulait absolument croire définitives leurs retrouvailles. Ils avaient l’un et l’autre – lui plus qu’elle bien sûr – souffert de leur séparation. Mais ils n’avaient jamais cessé de se parler. Plusieurs fois par jour même. Elle lui adressait des SMS qui étaient des déclarations d’amour. Il les montrait aux amis : « Vous voyez, elle m’aime, elle s’ennuie à New York. » Il évoquait d’un ton navré et compréhensif ses angoisses et son devoir de la protéger.
Il allait donc mettre toute son énergie à la reconquérir, ignorant cette règle élémentaire du jeu de l’amour : suis-la, elle te fuit ; fuis-la, elle te suit. Quand elle repartait rejoindre Attias à New York, il enjoignait au consul de France de lui envoyer une voiture à l’aéroport. Quand elle revenait à Paris, il l’emmenait faire du shopping faubourg Saint-Honoré. « Il en fait trop, beaucoup trop », déplorait la famille. Mais tel est Nicolas Sarkozy.
Seulement voilà : l’absence vous change. Cécilia n’était plus la femme des premières années, celle qui, du matin au soir, l’accompagnait, s’occupait de lui, remplissait son agenda, organisait les dîners, choisissait ses costumes, l’encourageait, le conseillait. Celle qu’il interrogeait à tout bout de champ, en guettant son approbation : « Tu es d’accord Cécilia ? », « Qu’en penses-tu Cécilia ? ». Celle dont le jugement lui importait avant tout autre. « Va voir Cécilia », suggérait-il à ses visiteurs. Celle aussi qui le tempérait, qui « corrigeait ses trop pour que ne subsistent que les très », comme l’écrit joliment Anna Bitton6. Celle enfin qui l’isolait de l’entourage et se faisait craindre.
Retour à Paris, elle était autre. Elle avait goûté à la liberté, elle ne voulait plus être « la femme de ». Une simple potiche aux yeux du public, pensait-elle. Elle ne partageait plus son ambition. « Tout ce qu’elle aimait avant New York elle ne l’aimait plus après », avouait son mari. Elle voulait juste être libre. « Vous entendez ? Libre ! », disait-elle à ses amies, libre d’aller et de venir, avec l’envie de prendre un travail, de gagner sa vie – corollaire de la liberté –, d’acquérir un nouveau statut. Oui, être une femme comme une autre, qui « fait ses courses avec son caddie ». Ah ! Le caddie ! Les bonnes amies y décelaient en pouffant le caprice enfantin d’une femme qui avait toujours vécu avec la carte de crédit de ses maris.
Elle avait été tentée, c’est vrai, de mener une carrière personnelle. De se faire élire sur une liste aux régionales en Ile-de-France comme la proposition lui en avait été faite par Jean-François Copé en 2004. Ou, pourquoi pas, conquérir la mairie de Neuilly ? Elle y avait vraiment songé. Et avait même organisé des réunions. Mais son mari s’y opposait, craignant, disait-il, qu’à travers lui, elle ne devienne une cible désignée. Et surtout, réflexe machiste, il la voulait pour lui tout seul. Et c’est lui qui en avait fait l’annonce à la presse7 : non, elle ne se lancerait pas dans une carrière politique. Cécilia en avait souffert. Atteinte, confiait-elle d’un ton grave, « d’une meurtrissure à l’âme ». Elle s’en était plainte : « Moi, on ne m’a pas aidée. »
« Ma priorité, ce sont mes enfants », expliquait-elle désormais. Comprenez : pas lui. Ou, plus rude encore : « Avec Nicolas, j’ai toujours mis un oreiller sur une partie de moi-même. » Si elle était revenue, c’était seulement – laissait-elle entendre – pour qu’on ne lui impute pas la responsabilité d’un éventuel échec électoral. Jalouse, elle n’aurait pas supporté non plus que durant son absence, une autre femme prenne sa place. Et, pis encore, que Nicolas menace de l’épouser. Et prenne déjà ses dispositions pour le faire. Il avait même osé lui fixer une date limite : « Reviens, sinon je l’épouse… » Mais aussi : « Si tu reviens, j’annule tout. » Elle était donc rentrée. L’amour-propre dure plus longtemps que l’amour.
A son retour, elle avait fait le vide autour d’eux. Banni les fils, les frères, la sœur, la mère : « Elle a cassé la famille », déplorait Dadue. Même traitement pour les amis de toujours, ceux qui avaient été les témoins de la liaison de son mari ou, pire, qui avaient reçu le couple. Et lui, espérant encore des jours meilleurs, l’acceptait sans murmure. « Pour qu’elle reste, je suis prêt à sacrifier tout le monde », avouait-il à Pierre Charon. Il connaissait le caractère de sa femme, sa façon de détester le lendemain ce qu’elle adorait encore la veille. Ses bouderies avec les amis qui pouvaient durer des mois, voire des années et qui un jour cessaient. Elle les rappelait et la relation reprenait. Sans explication. De cette cyclothymie, les propres frères de Cécilia avouaient avoir souffert, la jugeant « irrationnelle dans ses sentiments ». Mais pour que Cécilia demeure auprès de lui, Nicolas acceptait tout. Ses caprices devenaient des ordres. Le mâle dominant validait toutes les fatwas de « la part non négociable de moi-même », ainsi qu’il l’avait qualifiée jadis.
Le plus étonnant restait à venir : ce jour de l’élection, elle avait décidé de ne pas participer à la soirée du Fouquet’s, dont elle avait pourtant réglé tous les détails. Elle l’en avait averti le matin même : « Je ne viendrai pas, je n’ai plus rien à y faire. » Il s’était emporté : « Tu ne peux pas me faire ça. » Eh bien si, elle comptait le faire. Et elle faillit tenir parole. En cette soirée glorieuse où tout l’aréopage qu’elle avait sélectionné s’abîmait en courbettes, elle n’arrivait pas. Et lui évidemment n’avait qu’une obsession : qu’elle soit à ses côtés. Il harcelait les amies, les filles de Cécilia : « Appelez-la, dites-lui de venir. » Toutes la bombardaient donc de SMS. Une folle soirée, où l’on attendait la reine. Qui finit par arriver. Mais sans couronne, beauté sans maquillage, au moment même où le Président, ne l’espérant plus, partait à la rencontre de la foule impatiente (35 000 personnes) qui l’attendait place de la Concorde depuis plus de trois heures.
Cette fête avait été organisée par Pierre Charon et Frédéric Lefebvre. Les téléspectateurs, qui s’interrogeaient sur l’absence de Cécilia, finirent par l’apercevoir sur la tribune, un peu en retrait, amaigrie, pâle, les yeux embués de larmes qui ne semblaient pas être de joie, vêtue d’un pantalon et d’un pull vagues qui n’étaient pas de circonstance. Etrange spectacle pour un triomphe.
Michèle Alliot-Marie avait joint et levé leurs mains, façon de mimer un amour dont la journée avait sans doute scellé la mort.
De retour à la soirée du Fouquet’s, Cécilia pleurait encore. Ce qui restait d’invités comprit qu’ils dormiraient là. Ils s’éclipsèrent, saisis de doutes et de questions.
Ils ignoraient bien sûr que le couple ne vivait plus ensemble depuis des mois et que le nouveau Président, organisant une fois encore les apparences, avait fait apporter à l’hôtel bagages et vêtements collectés dans deux lieux distincts avant leur départ prévu pour le lendemain. Tard dans la nuit en effet, Cécilia avait consenti à l’accompagner dans une croisière que leur offrait Vincent Bolloré au large de l’île de Malte. Croisière de luxe qui apparaîtrait comme la deuxième erreur du quinquennat.
Pourquoi Malte ? Dans les derniers jours de la campagne, Nicolas Sarkozy avait laissé entendre à des journalistes qu’après le scrutin, il aimerait se recueillir au monastère de Lérins, sur l’île Saint-Honorat. Il avait même employé le mot « retraite », au risque de susciter les plaisanteries de ceux qui ne l’imaginaient pas prostré dans la prière et le jeûne. « Parce qu’il dégage beaucoup d’énergie, on le croit superficiel. Mais c’est faux, il était sincère », témoigne Nathalie Kosciusko-Morizet. Il irait ensuite, ajoutait-il, se reposer quelques jours en famille. Il songeait à la Corse, une île qu’il a toujours aimée. Il avait même fait retenir des chambres à la Cala Rossa (4 étoiles, Relais et Châteaux, étoilé Michelin, proche de Porto Vecchio). Mais la Corse est le pays de Marie-Dominique, sa première épouse. Et puis, il y avait passé un week-end avec son amie journaliste, pendant le séjour new-yorkais de Cécilia. Elle ne voulait donc pas aller en Corse. Ce soir-là, d’ailleurs, elle n’avait envie de rien.
Malte, proposé au débotté par Vincent Bolloré, lui plut. D’autant qu’un bateau naviguant en pleine mer ne serait pas une cible facile pour les paparazzi, qu’elle redoutait. Et le jeune Louis, dit-on, en rêvait. Dans la nuit donc, branle-bas de combat pour les filles de Cécilia et aussi les fils de Nicolas, qui n’avaient pas vu leur père durant toute la campagne. Pour assurer l’ambiance, on mobilisa même, à 2 heures du matin, un couple d’amis : Mathilde Agostinelli, patronne de la communication chez Prada et son époux Roberto. Rendez-vous au Bourget en fin de matinée.
La surprise est le succès de ce projet de dernière heure. Tous ceux qui en furent parlent de « retrouvailles familiales », de « parenthèse magique » et même de « bonheur ». Il y avait le bateau blanc, la mer toute bleue, un grand soleil et surtout la gaieté partagée. Nicolas et Cécilia composaient en riant le gouvernement. Echangeaient des noms, en écartaient d’autres. Cécilia poussait Rachida Dati à la Justice. Et aussi Roger Karoutchi, Christine Lagarde, Xavier Bertrand, Xavier Darcos, David Martinon qui avait toujours gardé le lien avec elle. « C’est la dernière fois où j’ai vu Nicolas heureux avec Cécilia », note Mathilde Agostinelli. Cécilia de son côté adressait des SMS à une amie journaliste qui laissaient croire à une réconciliation. « On a le droit au bonheur », ou « Je vais essayer ».
Et au retour, elle essaya, c’est vrai. « Elle a vraiment voulu donner une chance à leur couple », atteste une de ses amies. Jusqu’à la cérémonie d’investiture, elle continua même à peser sur la composition du gouvernement. François Fillon se souvient d’une réunion à la Lanterne au cours de laquelle elle opposa un « Il n’en est pas question » sans appel à la nomination de Brice Hortefeux à la Défense.
Elle intervient aussi dans la composition du cabinet présidentiel. Ecartant Laurent Solly, Frédéric Lefebvre, Pierre Charon. Et faisant entrer ses protégés : François de La Brosse, Jérôme Peyrat. Choisissant d’y ajouter Catherine Pégard, rédactrice en chef au Point qui venait pourtant d’accepter de travailler avec François Fillon. Cécilia comptait aussi évincer Franck Louvrier, collaborateur de longue date, chargé de la communication de son mari. « S’il n’accepte pas d’être sous les ordres de David Martinon, il ira ailleurs. » Son critère de choix était toujours l’attitude des uns et des autres envers elle lorsqu’elle était à New York. Ainsi pour Emmanuelle Mignon, qui deviendrait directeur de cabinet : « Comment s’est-elle comportée, celle-là, quand je n’étais pas là ? » Et pour Claude Guéant : « Il s’est toujours bien conduit avec moi. » Henri Guaino ? « Lui au moins, il ne fait pas partie de la bande. » Pour s’occuper de sa communication personnelle, elle avait fait engager Carina Alfonso Martin, une jeune attachée de presse de Disneyland qui l’y avait toujours reçue avec beaucoup d’égards. Un lieu dont Cécilia raffolait et où elle avait emmené maintes fois Louis et… Nicolas.
C’est elle enfin qui voulut mettre en scène la cérémonie d’intronisation officielle du 16 mai. En écartant une fois encore les collaborateurs honnis. Brice Hortefeux, l’ami de trente ans, fut le seul à être repêché et invité in extremis par un coup de fil du Président. Les collaborateurs agréés par la Première dame reprirent soudain espoir. Surtout lorsqu’ils apprirent qu’à sa demande, la garde républicaine jouerait Asturias, en hommage à son arrière-grand-père, le compositeur espagnol Isaac Albéniz. Ils crurent y voir le signe qu’elle demeurerait auprès de son mari.
Le jour venu, ils admirèrent la mise en scène : l’arrivée de la Première dame dans la cour de l’Elysée, superbe dans sa robe Prada en satin ivoire, tenant la main du jeune Louis, entourée de ses deux filles à elle et de ses deux fils à lui, du même âge, quatre blonds qui se ressemblaient comme frères et sœurs. Un côté Grimaldi Casiraghi à l’Elysée.
Il avait été prévu que Pierre et Jean se rendraient à l’Elysée en compagnie de leur grand-mère Dadue. Changement de programme de dernière heure : « Cécilia nous a appelés la veille pour nous dire qu’elle viendrait nous chercher », raconte Jean Sarkozy. C’est qu’elle avait écrit le scénario d’une fête de famille recomposée. Elle l’interpréta avec talent, prenant la pose sur le tapis rouge, s’y attardant, offrant au monde une image qui ravit le Président. « J’ai mis vingt ans pour que ces quatre-là s’aiment », confiait-il le soir même à un ami. Beau spectacle. Le quinquennat commençait comme une série télévisée.
Certains détails auraient pourtant dû les éclairer. Ils auraient notamment dû noter qu’au déjeuner presque intime qui suivit la cérémonie, pour lequel elle avait une fois encore dressé la liste des invités et fait les tables, elle avait placé à la droite de son mari Son Excellence, l’ambassadrice de Jordanie, une amie de Richard Attias. La bonne manière qui lui était faite devait rappeler à celui-ci leur escapade à Pétra deux ans plus tôt.
Rien n’était donc oublié, mais elle attendit encore. Non parce qu’elle avait découvert les commodités du pouvoir, mais parce qu’elle devait encore fléchir l’homme qu’elle aimait. Celui-ci avait en effet pris ses distances, affirmant aux journalistes que son aventure avec Cécilia « appartenait au passé », qu’elle lui avait valu trop de problèmes. Il ne voulait plus, assurait-il, « se brûler avec des êtres de feu ». Non, il n’y reviendrait pas. Etait-ce clair ?
Elle, Cécilia, chantait de son côté sa petite chanson. Si elle voulait partir, plaidait-elle, c’était seulement en raison d’un autre amour, celui de la liberté.
La vérité est tout autre. Elle avait essayé de reprendre la vie commune, mais ça n’avait pas marché. La porcelaine était trop fêlée. Elle n’aspirait plus qu’à reconquérir son amant, recouvrer sa confiance. Lequel s’estimait trahi depuis qu’elle avait déserté New York d’où elle était partie « comme une voleuse ». Voulait-il des preuves de son amour toujours ardent ? Eh bien, elle allait lui en offrir. Non pas des petits gestes comme l’honneur fait à l’ambassadrice de Jordanie, mais des preuves « planétaires », confia-t-elle alors.
Elle tint promesse.
Première preuve : le 6 juin, un mois seulement après l’élection. Nicolas Sarkozy doit participer à un sommet du G8 en Allemagne, à Heiligendamm. Il va y rencontrer pour la première fois Vladimir Poutine. Elle consent à l’accompagner et fait sensation en descendant de l’avion en tailleur pantalon blanc signé Saint Laurent. Quelle allure ! Mais, petit indice chargé de sens : elle retire prestement sa main quand, sur la passerelle, son mari tente de la saisir. Le soir, au dîner officiel, elle fait plus. Très remarquée dans une robe noire à bretelles de chez Alaïa, bras nus et ballerines plates, elle ne porte pour tous bijoux qu’un bracelet et une petite chaîne en or du joaillier Dinh Van sur lesquels figurent deux cœurs enlacés : des cadeaux de Richard Attias ! Et voici que le lendemain matin, elle abrège les mondanités, et tire sa révérence sous un prétexte qui ne trompe personne : la préparation de l’anniversaire – les vingt ans – de sa fille Jeanne-Marie. Comme si elle devait aller confectionner elle-même les pâtisseries. Pour ce retour impromptu à Paris, elle utilise un avion de la République, l’appareil de réserve qui accompagne tout déplacement présidentiel. Rien que pour elle et son garde du corps. La France profonde s’étonne de cette nouvelle entorse aux bonnes règles. Et de cette humiliation infligée au Président en pareille occasion. Le soir, au journal de 20 heures, les télévisions montrent Nicolas Sarkozy cheminant aux côtés de Vladimir Poutine, portable à l’oreille et en grande conversation, tendre soudain son téléphone au président russe : « Je lui ai passé Cécilia », expliquera-t-il plus tard aux journalistes. Tout faire pour sauvegarder les apparences.
Un mois plus tôt, il présidait au Havre une réunion organisée par l’UMP pour les très prochaines législatives (sa seule contribution à la campagne, tant une belle victoire est assurée). Il a demandé à Isabelle Balkany de l’accompagner. Elle raconte : « Quand l’hélicoptère amorçait sa descente, j’étais éblouie par le spectacle de la foule qui l’attendait, le déploiement des forces, les officiels au garde-à-vous, je lui ai dit : “Tu te rends compte, Nicolas, ça y est, tu es Président.” Et il m’a répondu : “Oh, tu sais, c’est tellement dur avec Cécilia.” J’ai senti qu’il était en grande souffrance et qu’il avait beaucoup de mal à se projeter dans son nouveau rôle. »
Que Cécilia reste auprès de lui tourne à l’obsession. Les ministres en témoignent : « Il était dans l’action, mais on le sentait l’esprit complètement tourneboulé par ses tourments intimes et surtout toujours prêt à mordre. » Ce qui éclaire d’un autre jour ce curieux propos, ressassé, telle une antienne, devant tous ses visiteurs à l’Elysée : « Je ne ferai qu’un quinquennat, je veux réformer la France et ensuite je gagnerai beaucoup d’argent. » Comme si le pouvoir était son purgatoire avant le paradis ? Après la soirée du Fouquet’s et la croisière à Malte, ces propos en choquent plus d’un. Entre la ville et la Cour, les commentaires vont bon train : « C’est son côté bling-bling8, show off, vulgaire », tranchent les uns. Quand d’autres glosent sur ses blessures d’enfance : « Il a souffert du manque de moyens. » Mais tous s’accordent pour trancher : ces choses-là ne se disent pas. Ce ne sont pas des paroles d’homme d’Etat.
Ses plus anciens amis en portent témoignage : « Nicolas a toujours eu peur de manquer », d’où, parfois, des achats compulsifs « jusqu’à dix chemises Lacoste ! ». Mais l’argent n’a jamais été sa motivation, il a choisi la politique en sachant très bien que l’on n’y fait pas fortune. Ce qui ne l’empêchait pas, c’est vrai, de déplorer souvent devant des tiers que les ministres soient moins bien payés que les présentateurs de télé. Pas suffisant, de toute manière, pour devenir riche. « Dans le privé, comme avocat, je gagnerais dix fois plus », lançait-il aussi. Après l’acquisition de leur appartement sur l’île de la Jatte, il confiait à des journalistes : « Je n’ai plus un sou pour le meubler. »
Alors, l’argent… Dans son panthéon personnel figurent, c’est vrai, ceux qui ont fait fortune en partant de rien. Ayant accompli la performance d’être élu Président à la première tentative, il ne doutait pas de ses capacités à faire aussi bien qu’eux, s’il le décidait.
« L’argent représente pour lui la liberté », résume Franck Louvrier. Une liberté qu’il allait perdre pendant cinq ans ?
En réalité, en se laissant ainsi aller devant ses visiteurs, le Président s’adressait moins à eux qu’à sa femme. Quand un couple se défait, celui qui est quitté se bâtit toujours un roman pour justifier son échec. Et lui, il voulait s’en convaincre : s’il avait eu les moyens d’offrir à Cécilia la maison de campagne dont elle rêvait depuis si longtemps, elle n’aurait pas eu envie de partir. Des maisons ? Elle en avait visité un peu partout en France9. « Nicolas n’a jamais eu la frappe financière pour répondre à ses désirs », note une de leurs amies devant laquelle Cécilia souvent s’était plainte. « Nous n’avons jamais eu une maison à nous pour ranger nos bottes. » « Nicolas, qui n’a jamais su ce qu’était l’argent, croyait qu’Attias était milliardaire », renchérit un proche. Question : une maison, si fastueuse soit-elle, aurait-elle empêché leur séparation ? Voire ! Devenu Président, Nicolas Sarkozy offrait à celle qui était encore son épouse la jouissance de trois lieux de rêve pour cinq ans : le palais de l’Elysée et son service cinq étoiles, la résidence de la Lanterne, dans le parc de Versailles. Car c’était pour elle qu’à peine élu il en avait évincé illico presto le Premier ministre, jusque-là toujours bénéficiaire du lieu10. Et pour l’été, enfin, le fort de Brégançon sur la Méditerranée. Ensuite ? Eh bien il gagnerait de l’argent, « promis, juré, je serai riche. Cécilia attends-moi, sois patiente ! Je ne ferai qu’un quinquennat ».
Mais la belle allait s’éloigner chaque jour davantage.
Le 14 Juillet, elle fait encore son devoir. Elle apparaît à la tribune officielle, en robe Dior sans manches, imprimée grisouille, à l’unisson de son humeur sans doute. D’une main, elle tient celle du jeune Louis et de l’autre son BlackBerry qu’elle regarde presque davantage que le défilé. A l’évidence, elle attend des messages.
Dans la joyeuse cohue de la réception qui suit à l’Elysée, elle se montre distante et marque un mouvement de recul lorsque son mari rend un hommage appuyé à sa beauté. « Ce n’est pas la peine », lâche-t-elle. La veille et ce matin-là encore, elle lui a redit sa volonté de divorcer. Il confie alors à des journalistes : « Je n’ai qu’un problème : Cécilia. » Mais il ajoute, comme rêvant encore le résoudre : « Nous nous installerons à l’Elysée en septembre. »
Le même soir, nouvel accroc. C’est elle qui a organisé avec Jean-Claude Camus, l’imprésario des stars, le concert de Michel Polnareff au Champ-de-Mars. Offert officiellement par l’Elysée et en réalité payé par le ministère de la Culture. Or, elle refuse d’y apparaître aux côtés de son mari, qui s’y rend donc accompagné de… Judith, la fille de Cécilia. Comment s’y tromperait-il ? Ne lui a-t-elle pas répété jour après jour sa volonté de divorcer ? Il persiste pourtant à faire le sourd et le dos rond. Il mène jour après jour un combat désespéré pour la retenir et l’impliquer. José Manuel Barroso, qui reçoit sa visite à Bruxelles, raconte : « Comme je félicitais Nicolas d’avoir mis le drapeau européen à côté du drapeau français pour la photo officielle, il m’a répondu : “C’est une idée de Cécilia, tiens je vais l’appeler et te la passer pour que tu la félicites.” »
Tout faire donc pour l’associer.
Et puisqu’il avait avancé durant la campagne l’idée qu’elle pourrait le représenter à l’étranger, être sa messagère, il tient à lui offrir des rôles plus spectaculaires. Il veut lui éviter de se morfondre dans le rôle classique de la Première dame vouée aux bonnes œuvres et aux visites d’écoles. C’est ainsi qu’il évoque, lors du passage à Paris du président mexicain Calderon, au début du mois de juin, la possibilité que Cécilia, qui parle l’espagnol, aille en personne préparer sa visite à Mexico. Or, voilà qu’une autre occasion se présente. Aussi surprenante que remarquable. Il s’agit en effet de libérer des femmes qui vivent un calvaire en Libye. Un rôle à la mesure de Cécilia, veut croire le Président.
L’intermède libyen Lors de son discours d’intronisation comme candidat officiel de l’UMP, le 14 janvier 2007, Nicolas Sarkozy l’annonçait sans détour : « Si les Français me choisissent comme Président, la France sera aux côtés des infirmières bulgares condamnées à mort en Libye11. » Il l’avait répété le soir même de son élection.
Elles sont cinq. Cinq infirmières ainsi qu’un médecin palestinien accusés d’avoir ensemble sciemment inoculé le virus du sida à plus de quatre cents enfants libyens. Ils croupissent depuis huit ans dans les geôles de Kadhafi. On leur a extorqué sous la torture des aveux écrits en arabe sans qu’ils puissent être assistés d’un traducteur indépendant ni d’un avocat. Les infirmières et le médecin ont été battus et violés. Ils vivent un cauchemar. Et tous ont été par deux fois condamnés à mort. Mais les exécutions n’ont pas suivi. Le dictateur libyen préfère garder ses otages comme monnaie d’échange. Or, il est maintenant décidé à y procéder. La chute de Saddam Hussein l’a impressionné. Il ne voudrait pas avoir à subir le même sort que lui. Surtout, il se sent trop isolé dans le jeu international. Il ambitionne de retrouver un rôle à sa mesure.
Durant l’été 2003, Kadhafi a multiplié les gestes. D’abord en annonçant qu’il renonce aux armes de destruction massive. Puis, dans la foulée, au terrorisme en reconnaissant la responsabilité de son pays – jusque-là niée malgré l’irréfutabilité des preuves – dans l’attentat de Lockerbie : le 21 décembre 1988, un Boeing 745 de la Pan Am avait explosé au-dessus de ce petit village écossais. On avait dénombré 270 victimes. L’année suivante, un DC-10 de la compagnie française UTA avait subi le même sort au-dessus du désert du Ténéré (Niger) : 170 morts. Pour cet attentat aussi, Kadhafi a fini par passer aux aveux.
Des gestes auxquels les pays occidentaux se montrent sensibles.
Après vingt-quatre années de rupture, les Etats-Unis rétablissent une relation diplomatique avec la visite du Secrétaire d’Etat adjoint William Burns.
L’Union européenne, au nom du « droit à la rédemption », décide de lever l’embargo commercial qui frappait la Libye depuis quinze ans. Et bientôt celui sur les ventes d’armes. Pas mécontente, il est vrai, d’y faire des affaires. Tous les chefs d’Etat et de gouvernement s’y bousculent presque. Dans l’ordre : l’Espagnol José Maria Aznar, l’Anglais Tony Blair, l’Italien Silvio Berlusconi, l’Allemand Gerhard Schröder. Jacques Chirac, qui ne veut pas être en reste, s’envole le dernier fin novembre 2004 pour Tripoli en expliquant : « La Libye est un marché prometteur, il faut y investir. » (La France ne se classe qu’au 6e rang des partenaires commerciaux de la Libye.) Mais Kadhafi, qui a déjà été reçu à Bruxelles, rêve d’être invité à Paris. Quelques mois après la visite du président français, ses services en avaient fait la demande au Quai d’Orsay. « Libérez d’abord les infirmières », leur avait-il été répondu.
« J’ai rencontré Kadhafi quatre fois en tête à tête, il ne comprenait rien au sida. Mais il voulait donner les infirmières à la France. Il me l’a dit plusieurs fois. J’avais transmis le message à Jacques Chirac qui m’avait répondu : “Je laisse cela à mon successeur” », révèle Patrick Ollier, le président de l’amicale parlementaire franco-libyenne qui ajoute : « J’en ai parlé à Nicolas le jour de son investiture. »
Dans un discours prononcé à Alger en mars 2005, celui qui se fait appeler « le Guide », ébauche les termes d’un échange possible : « Chaque officiel qui vient me voir, dit-il, demande à repartir avec le personnel médical, mais personne ne se préoccupe de nos enfants. »
Traduction évidente : les enfants libyens d’abord.
A Bruxelles, Benita Ferrero-Waldner, ex-ministre des Affaires étrangères d’Autriche, devenue commissaire européenne aux Relations extérieures, reçoit le message cinq sur cinq. Et décide d’agir vite, d’autant que la Bulgarie vient d’entrer dans l’Europe. La voilà partie quelques semaines plus tard pour la Libye, en faisant d’abord étape à Benghazi.
C’est en effet dans cette ville, très disputée pendant la guerre entre Anglais et Italiens, que sont soignés les enfants. Et Kadhafi choie d’autant plus leurs familles que la région lui est hostile12 (elle sera la première à se rebeller en février 2011). Chaque famille a reçu un logement – leurs voisins les rejettent comme des pestiférés –, une voiture et un salaire pour le père. Mais on leur répète que les infirmières travaillaient pour la CIA et le Mossad. Toujours l’accusation d’empoisonnement volontaire. Quarante-sept des enfants sont hélas décédés. Le sort des autres n’est pas brillant. Ils sont expulsés des écoles. Les médecins de la ville refusent de les opérer par peur de la contagion. A l’hôpital, les conditions d’hygiène sont déplorables et les équipements sanitaires indigents, alors que le pays regorge de dollars.
Mme Ferrero-Waldner s’engage à remettre l’hôpital aux normes occidentales et à former du personnel. Mais les familles, qui ont compris les jeux et les enjeux, veulent que leurs enfants soient soignés en Europe. Les parents sont en effet autorisés à les accompagner. Les ambassades prenant en charge tous leurs frais (autour de 5 000 euros par mois). Un pactole dans un pays où le salaire mensuel d’un professeur d’université ne dépasse pas 800 euros.
La commissaire européenne assure aux familles que les nouvelles thérapies permettront aux enfants de mener une vie normale. Et pour démontrer qu’elle ne craint pas la contagion, elle en prend un sur ses genoux alors que les mères n’osent plus toucher leurs enfants malades. Effet symbolique garanti.
Après quoi, accompagnée de l’ambassadeur Marc Pierini, représentant de l’Union européenne auprès de la Libye, lui aussi très actif sur le dossier, elle s’envole pour Tripoli. Mais Kadhafi n’est pas encore disposé à libérer les infirmières. Prétexte invoqué : les condamnations à mort décidées par la Cour suprême. Pour « restaurer l’honneur des familles », cette cour réclame en effet la « Diyya » : le prix du sang, qui, selon le droit coranique, peut être compensé par un versement d’argent. Dix millions de dollars par victime. Voilà ce que réclament alors les Libyens. Le chiffre n’a pas été fixé au hasard. Il est exactement celui que la Libye a versé à chaque famille des morts de l’attentat de Lockerbie.
Mais aucun des Etats européens ne veut entendre parler du montant de cette indemnité, ni même d’indemnité tout court. Ce qui serait reconnaître une culpabilité alors que la faute a été commise par l’Etat libyen.
En novembre 2005, un groupe de négociateurs britanniques, américains, bulgares et libyens réunis à Londres décide de contourner l’obstacle en créant un fonds international dit « de Benghazi » (en réalité une ONG de droit libyen), chargé de collecter des dons publics ou privés en faveur des familles. Ce fonds est présidé par Marc Pierini. Mais en décembre 2006, jugeant que les promesses de dons (autour de 200 000 euros) sont trop faibles, le colonel Kadhafi s’emporte. La négociation est bloquée. Et le restera jusqu’en février 2007… Alors que la France est en pleine campagne présidentielle. Quoi qu’il en soit, un premier geste libyen est adressé à l’Union européenne. Le fils du Guide, Saïf al-Islam Kadhafi, président de la fondation Kadhafi pour le développement, adresse à Benita Ferrero-Waldner une nouvelle demande. Il attend des Européens une aide sur le plan clinique pour les enfants, la création d’une logistique hospitalière moderne à Benghazi et surtout – condition expresse mais voilée du règlement final – le retour de la Libye sur la scène internationale.
Le voilà invité à Bruxelles, où il se voit offrir neuf millions d’euros pour la coopération médicale. L’Allemagne, qui préside l’Union européenne, y ajoute un million d’euros. Le fonds international de Benghazi promet, lui, deux cent soixante mille euros à chaque famille. La question de l’indemnisation n’est pas résolue pour autant. Mais les affaires sont les affaires, sept accords commerciaux sont alors signés.
Un mois après l’élection de Nicolas Sarkozy, les 11 et 12 juin 2007, Benita Ferrero-Waldner et Frank-Walter Steinmeier, le ministre des Affaires étrangères allemand (qui s’est lui aussi beaucoup investi dans le dossier des infirmières), retournent en Libye, confiants dans une issue heureuse qu’ils espèrent imminente. Ils ont invité Bernard Kouchner à se joindre à eux. Mais le ministre a décliné leur offre : il se trouve à Khartoum, trop occupé, leur explique-t-il, par l’organisation de la conférence sur le Darfour. Seulement Kadhafi n’a pas l’intention de faire une fleur à l’Allemagne, qui ne vend des armes qu’aux pays de l’OTAN. Le ministre et la commissaire repartiront en ayant rencontré le fils Saïf al-Islam, mais sans avoir vu le père, dont dépend le dénouement de l’affaire.
Les choses progressent néanmoins. La fondation Kadhafi annonce qu’elle a décidé de faire son affaire de l’indemnisation des familles. En clair, les Libyens acceptent de payer, car Kadhafi veut se réinsérer dans le concert des nations.
C’est à ce moment que Nicolas Sarkozy va entrer dans le jeu. C’est bien ce qu’attend le Libyen.
Lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, le nouveau Président avait noué un dialogue avec les Libyens sur les questions de lutte contre le terrorisme. Claude Guéant, son directeur de cabinet, était chargé de cultiver ses contacts. Et voilà que quatre jours seulement après le deuxième tour, le chef des renseignements libyens, Moussa Koussa13, rend visite à celui-ci pour lui signifier la volonté de Kadhafi d’ouvrir des relations nouvelles avec son Président. Et il ajoute, mine de rien, que la France pourrait jouer un rôle dans la libération des infirmières. Une offre qui ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Nicolas Sarkozy et le colonel Kadhafi se téléphonent dès le 28 mai. Ils évoquent les problèmes du Darfour, les perspectives de l’Union méditerranéenne et bien sûr le sort des infirmières.
Le 10 juillet, Claude Guéant reçoit du colonel libyen une invitation en bonne et due forme. Pas question de tarder. « Ce serait une bonne idée que Cécilia vous accompagne », lui glisse Nicolas Sarkozy. Voilà donc l’occasion rêvée de lui offrir un beau rôle. Envoyer sa femme en émissaire, c’est utiliser la coutume arabe selon laquelle on adresse à celui que l’on veut honorer la personne qui vous est la plus chère. En dépêchant son épouse comme émissaire personnel, le président apportait aux discussions franco-libyennes le lustre espéré par Kadhafi.
Le 12 juillet, l’équipe française s’envole donc pour Tripoli. A bord, Claude Guéant, Cécilia et le jeune Boris Boillon, conseiller technique à l’Elysée chargé de l’Afrique du Nord et bon connaisseur du Moyen-Orient14 ainsi que leurs gardes du corps.
Dès leur arrivée, Kadhafi les reçoit sous sa tente plantée devant les ruines de ce qui fut son palais avant les bombardements américains de 1986. Le sort des infirmières est bien sûr évoqué d’emblée. Le chef de l’Etat libyen repousse froidement les arguments des Français sur l’origine de l’infection des enfants. Toutes les expertises médicales occidentales ont démontré que c’est l’utilisation d’aiguilles souillées qui a provoqué la contamination des enfants. Il ne veut rien entendre. C’est que la veille encore, et comme par hasard, la Cour suprême, lors d’un nouveau procès en appel, a confirmé une fois de plus le verdict de mort. Les Français insistent pour que la sentence soit commuée en prison à vie, le Guide rétorque qu’il n’y peut rien, la sensibilité de son opinion publique, leur assure-t-il, est trop à vif.
Après quoi la délégation se rend à la prison pour visiter les infirmières, avant de s’envoler pour Benghazi afin de rencontrer les enfants malades et leurs familles. Retour à Tripoli. Cécilia Sarkozy obtient un nouvel entretien avec le colonel Kadhafi. En tête à tête cette fois, dans son bunker. On serait impressionné en si petit comité. Plus tard, elle racontera : « Kadhafi, je l’ai pris au collet, je ne l’ai plus lâché15. » Et encore : « Très vite, j’ai eu la mainmise sur Kadhafi, j’ai senti que j’avais un pouvoir sur lui16. » Seul résultat : Kadhafi invite Cécilia à rencontrer sa fille Aïcha. « Tu es une femme courageuse, je voudrais qu’elle te ressemble17. » Mais celle-ci, comme son père, se borne à insister sur la sensibilité de l’opinion libyenne. Les Français regagnent Paris pour la fête nationale.
Bredouilles ? En apparence, oui. En réalité, les Libyens bougent. Et vite ! Ils ont déjà précisé aux familles le montant de l’indemnisation : un million de dollars par victime. L’argent – soit 460 millions de dollars – est emprunté le 15 juillet par le Fonds international de Benghazi au Fonds de développement économique sur lequel la Libye dépose ses avoirs liés aux recettes pétrolières. Les Européens n’auront donc pas à verser le moindre centime d’euro. Les familles sont indemnisées dès le lendemain, le 16 juillet. Dès lors, elles n’exigent plus l’application de la peine de mort. Le 17 juillet, le Haut Conseil de justice libyen commue la peine de mort en réclusion à perpétuité. Contrepartie : les prisonniers doivent s’engager à ne pas poursuivre l’Etat libyen. C’est-à-dire à renoncer à leur droit légitime de réclamer une vraie justice. Une nouvelle humiliation ! Mais tous signent, bien sûr. Car ils l’ont compris : on s’achemine vers une libération. Quand ? Bientôt ! Prudent, Marc Pierini s’est assuré que leurs passeports sont prêts. Le 18, la demande d’extradition des infirmières et du médecin (qui a pris leur nationalité) est transmise aux autorités libyennes. Manque seulement la signature du procureur de Tripoli et… bien entendu l’accord du Guide.
Parce qu’il s’agissait d’une invitation personnelle de Kadhafi, l’Elysée n’avait pas jugé bon d’avertir, ni d’associer, les représentants de l’Union européenne. Du coup, le déplacement de Cécilia Sarkozy et de Claude Guéant suscite un vif agacement à Bruxelles. On y voit un coup des Français pour récupérer sans effort particulier le patient travail accompli depuis trois ans. Benita Ferrero-Waldner se montre la plus vexée de ne pas avoir été tenue au courant. Cécilia lui téléphone pour la rassurer. « Pourquoi ne travaillerions-nous pas ensemble ? », suggère la commissaire. De son côté, Nicolas Sarkozy appelle le colonel Kadhafi. Il veut le remercier et surtout l’inviter à franchir le dernier pas : la libération. Il reçoit aussi la commissaire européenne qui l’encourage : « Tout ce qui peut débloquer la situation est bienvenu. » Elle lui rappelle toutefois « le travail d’équipe depuis longtemps entamé ».
La religion du Président est faite. Il faut repartir pour Tripoli, et vite, le fruit est mûr. Sans y avoir été invités « mais en les prévenant », selon l’expression de Claude Guéant18. Voilà les Français en route pour la Libye accompagnés cette fois de Benita Ferrero-Waldner.
Ils disposent d’un nouvel atout, capital : Nicolas Sarkozy a programmé un voyage en Afrique. Or, le colonel Kadhafi, qui le lui a fait savoir, aimerait que Tripoli soit sa première escale. Façon d’illustrer son retour sur la scène internationale. La réponse de l’Elysée est catégorique : pas question tant que les infirmières n’auront pas été libérées.
Commence alors un long film aux péripéties multiples. A son arrivée, au début de l’après-midi du 22 juillet, Cécilia – pantalon et blouse blanche, son éternel BlackBerry à la main – est accueillie au pied de l’avion par la femme du Guide, Madame Kadhafi en personne. C’est un signe de bon augure, bien sûr. Suivent un passage à l’hôtel et une heure d’attente. Puis une invitation à la libyenne : une visite touristique du superbe site archéologique de Sabrata, à 60 kilomètres de la capitale. Une façon de montrer qui est maître du jeu et du calendrier. Benita Ferrero-Waldner raconte : « Dans la voiture, Cécilia était très nerveuse. Elle avait cru que la libération des infirmières se ferait dans l’après-midi et qu’elle pourrait rentrer aussitôt à Paris. Je lui ai dit que nous étions entre leurs mains, que c’était leur tactique habituelle et qu’il fallait se montrer patients19. »
De retour à Tripoli, les négociations commencent enfin entre la délégation française et, côté libyen, le ministre des Affaires étrangères Chalgam20, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes et le directeur de la fondation Kadhafi. Elles seront ponctuées de nombreux apartés. « Ils voulaient rouvrir tous les dossiers des relations entre l’Europe et la Libye », soupire l’envoyée de Bruxelles. Vers 2 heures du matin, les conversations tournent court. Fin du premier acte.
Quelques heures plus tard, Nicolas Sarkozy relance Kadhafi et joue son atout maître : il ne viendra pas en Libye tant que les infirmières n’auront pas été libérées. L’ayant dit, il se munit d’une autre carte : il demande au Premier ministre du Qatar d’entrer dans le jeu. La Libye ne pouvant être insensible à l’intervention d’un Etat qui dispose de relais considérables dans le monde arabe. Notamment via la chaîne Al Jazira, devenue le média de référence au Moyen-Orient.
Le lundi matin, la délégation attend toujours. Les Libyens voulant ainsi notifier qu’ils ont, et eux seuls, la solution. L’après-midi, Cécilia est enfin invitée à rencontrer Kadhafi. Nouveau tête-à-tête sans interprète ! Elle a raconté s’être présentée à lui comme une mère qui veut le bien des enfants. Elle lui redit aussi tout le bénéfice qu’un tel geste lui vaudrait dans la communauté internationale. Que son image s’en trouverait améliorée dans le monde.
Il s’agit en réalité d’un grand jeu de rôles. Ne prêche-t-elle pas un homme déjà convaincu, qui lui aurait néanmoins assuré : « Tu es la clé, je te le jure, tu vas repartir avec elles21. »
Dès lors, Cécilia peut se prévaloir de lui avoir soutiré son accord. Ouf ! Mission accomplie. « J’ai fait le grand casse du siècle, Kadhafi n’avait aucune intention de libérer ces filles. C’est moi qui ai mené les négociations22. »
La partie paraît alors terminée, le succès assuré ? Pas encore. Si l’accord du Guide est indispensable, il n’est pas suffisant. Il faut y mettre les formes. Et que chaque administration procède aux formalités nécessaires. Or, il y a des réticences à vaincre, dans l’entourage même de Kadhafi. Les négociations reprennent dans la soirée – cette fois au restaurant marocain de l’hôtel Corinthia – et avec de nouveaux interlocuteurs : le Premier ministre Baghdadi et le chef du protocole… qui traînent les pieds. « Nous avons alors soupçonné qu’ils souhaitaient libérer les infirmières, mais seulement à l’occasion de l’escale du Président à Tripoli », indique Claude Guéant. Bientôt en effet, prétextant la fatigue de tous, les Libyens demandent que les négociations soient reportées au lendemain matin 8 heures. Les infirmières, ajoutent-ils, pourraient être libérées vers 10 heures. Ces changements fréquents de position, assortis d’un long délai, sont un grand classique des négociations libyennes. Quand même, trop c’est trop ! La délégation, qui craint d’être menée en bateau, refuse le report au lendemain. On est au bord de la rupture.
« Vous ne respectez pas la parole de votre Guide, vous ne respectez pas mon mari, insiste alors Cécilia. Si vous ne voulez pas faire ce que le Guide vous a dit de faire, eh bien nous allons repartir et votre problème – car c’est votre intérêt que l’on sorte les infirmières – ne sera pas résolu. » Le Premier ministre Baghdadi accepte alors de faire rédiger dans la nuit les décrets d’extradition. Et il fait appeler les fonctionnaires du ministère de la Justice et des Affaires étrangères.
Fin de la partie ? Trop simple. Pas encore.
Vers 2 heures du matin, rien n’a bougé. Il manque toujours un papier. « Nous sentions une réelle mauvaise volonté en dépit de la promesse de Kadhafi », dit Claude Guéant. Alors avec Cécilia, ils vont tenter un coup de poker sous forme d’ultimatum : « Si dans deux heures le problème n’est pas réglé, nous partons. » Bien plus, joignant le geste à la parole, la délégation décide de quitter l’hôtel pour l’aéroport suivie par le Premier ministre libyen et le chef du protocole. Pendant ce temps, Marc Pierini se rend à la prison dont il connaît le directeur de longue date. Celui-ci lui affirme n’avoir reçu aucune instruction mais ajoute, prudent : « Vous pouvez attendre dans la cour jusqu’à 4 ou 6 heures du matin. » Plus tard, devant la commission d’enquête parlementaire française, Marc Pierini notera : « Sur le moment, je n’ai prêté aucune attention au détail de cet horaire, or le personnel médical sera justement réveillé à 4 heures et arrivera à l’aéroport à 6 heures. »
L’attente se poursuit. Claude Guéant décide d’envoyer l’ambassadeur de France Jean-Luc Sibiude et les deux policiers qui accompagnent la délégation en reconnaissance à la prison. « Cécilia dévoile son plan à ses hommes et leur lance sur le ton du défi : “C’est le moment de prouver que vous en avez.” Il ne faudra pas le leur dire deux fois. Les bodygards font sauter les verrous des cellules de Djoudeida avec leurs armes de poing23. »
La réalité est moins rocambolesque. Les trois hommes se forgent sur place une certitude : les choses bougent, mais traînent encore. Cécilia Sarkozy et Benita Ferrero-Waldner, aussi nerveuses l’une que l’autre, multiplient les allers et retours entre le salon VIP de l’aéroport et leur avion. Cécilia est en permanence au téléphone avec son mari qui de son côté passe de multiples coups de fil, notamment à l’émir du Qatar24. « Quand Cécilia parlait du Président elle disait toujours “mon mari, mon mari”. On sentait entre eux un accord profond, physique même, comme des équipiers engagés dans une partie capitale », témoigne Boris Boillon.
Ils vont l’emporter. L’équipe envoyée à la prison leur apprend que des véhicules 4 × 4 viennent d’arriver devant la porte. Tous commencent à respirer, enfin !
A 5 h 30, les infirmières et le médecin sont en effet libérés. Exactement après la prière de l’aurore, qui pour bien des musulmans, ponctue le début de l’activité du jour. Mais c’est une libération grincheuse. Quand, à 6 heures, les Bulgares arrivent sur le tarmac pour monter dans l’avion, le Premier ministre libyen a déjà quitté les lieux, comme s’il ne voulait pas assister à leur départ. Boris Boillon, qui voulait prendre des photos, est ceinturé par des militaires qui entourent l’avion armes au poing. La caméra d’un collaborateur de Benita Ferrero-Waldner lui est arrachée et confisquée. « Jusqu’au dernier moment, la situation pouvait dégénérer. C’était du romanesque puissance vingt », commente Boris Boillon.
On embarque enfin. L’Airbus A319 de l’armée de l’air française est autorisé à décoller. C’est seulement quand le pilote annonce qu’il est sorti de l’espace aérien libyen que les applaudissements éclatent. Tout le monde pleure. « Voilà qui donne un sens à l’existence », lâche Cécilia. « L’émotion l’avait complètement lessivée », dit Claude Guéant.
Un beau résultat. Jean-Luc Sibiude le dit tout net : « Avec un pouvoir atypique et aussi déroutant, nous étions à la merci d’imprévus, un échec de dernière minute était possible25. » Avec cette libération très spectaculaire, Nicolas Sarkozy replaçait la France dans le jeu libyen au nez et à la barbe de ceux qui s’étaient le plus investis dans le dossier. « Pourquoi la France devrait-elle s’interdire d’avoir une relation forte et globale avec la Libye ? Les Américains n’ont-ils pas signé avec elle un accord de coopération nucléaire ? Et les Britanniques n’y envoient-ils pas leurs industriels de l’armement ? », s’interroge-t-il le 25 juillet devant la presse.
Mais il offrait surtout à Kadhafi un retour dans le jeu international « avec le meilleur deal », reconnaît Benita Ferrero-Waldner26.
Comme promis en effet, le lendemain, Nicolas Sarkozy, accompagné des ministres Bernard Kouchner, Jean-Marie Bockel et Rama Yade, fait escale à Tripoli avant de se rendre au Sénégal puis au Gabon. Les entretiens avec Kadhafi ouvrent la voie à des accords commerciaux. (On en compte une demi-douzaine, l’un d’eux concernant des installations nucléaires civiles.) Ils sont signés, pour l’image, devant le Mémorial des bombardements américains de 1986 : la villa en ruine qu’occupait la famille du Colonel, devant laquelle une sculpture en tôle soudée représente une main de fer – symbole de la révolution populaire libyenne – qui écrase un avion de guerre de l’agresseur américain27.
En contrepartie, le Guide libyen obtient de Nicolas Sarkozy ce que Jacques Chirac lui avait refusé en 2005 : une visite d’Etat en France. « Après le dîner avec Kadhafi, le Président est venu nous voir. Il exultait. Il nous vantait le rôle de Cécilia. Il en faisait des tonnes. Il était heureux », raconte Bruno Jeudy, envoyé du Figaro.
Le lendemain matin, les Français s’envolent pour Dakar. Nicolas Sarkozy doit prononcer un discours devant les étudiants de l’université Cheikh Anta Diop.
Comme toujours ou presque, c’est Henri Guaino qui doit écrire le texte. En l’occurrence, plutôt le réécrire. Le premier projet de discours, élaboré par la cellule diplomatique de l’Elysée, n’a pas plu au Président. Comme toujours ou presque, il écrit sous la pression de l’urgence. Le discours n’était pas achevé au départ de Paris. Il ne l’est toujours pas le lendemain matin. Il arrive feuille par feuille, par fax, dans l’avion durant le trajet Tripoli-Dakar.
Le thème général en a, bien sûr, été fixé auparavant avec le Président. Il s’agit d’inciter les jeunes africains à regarder en face la réalité, dresser un vrai bilan des relations franco-africaines. En reconnaissant les fautes et les crimes de la colonisation, bien sûr, mais en soulignant aussi ses aspects positifs et en refusant de s’attarder sur le passé. « Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères. »
Le texte, par ailleurs, exalte les richesses de la culture africaine, en la sublimant même : « L’art moderne doit presque tout à l’Afrique. » Mais il ajoute : « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire, le paysan africain ne connaît que l’éternel recommencement du temps, rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a place ni pour l’ouverture humaine ni pour l’idée du progrès. »
Ces phrases, d’une insigne maladresse, condescendantes, offensantes même, ont bien sûr attiré l’attention du staff élyséen chargé de relire le discours. (Jean-David Levitte, le sherpa, Bruno Joubert, chargé des questions africaines, Cédric Goubet, le chef de cabinet). Seulement, une heure avant l’arrivée à Dakar, aucun d’eux ne veut se risquer à alerter le Président. Et surtout pas celui dont la prose avait été retoquée. Encore marqué par l’interminable suspense de la négociation libyenne, ils le savent tendu et surtout ils craignent ses emportements. « Notre rôle n’était pas de l’insécuriser », dit l’un d’eux. Ils ne tiennent pas non plus à provoquer le courroux d’Henri Guaino, toujours prompt à menacer de démissionner quand on met en cause ses écrits. « A se mettre en congé de sa grandeur », moque l’un d’eux. C’est donc motus et inch’Allah ! Si ça n’est pas une faute professionnelle, c’est, pour le moins, une grosse erreur…
Comme ils le craignaient, la phrase commence par blesser l’auditoire. La presse africaine réagit au canon. Bientôt, l’onde de choc va parcourir le continent. Quelques intellectuels africains lancent l’accusation habituelle de néocolonialisme et relèvent que ces phrases s’inspirent de l’ouvrage La Raison dans l’Histoire, dans lequel le philosophe allemand Hegel évoquant l’Afrique au début du XIXe siècle écrivait : « L’Afrique est le pays de la substance immobile et du désordre éblouissant, joyeux et tragique de la création. »
En France, la presse : « En infériorisant la jeunesse africaine, il s’est aliéné l’élite de demain », lit-on dans Libération. Les intellectuels prennent le relais. Honte au Président. Bernard-Henri Lévy, qui dénonce un « discours raciste ignoble », se voit en retour traité de « petit con prétentieux » par Henri Guaino. Quelques mois plus tard, Ségolène Royal ira demander pardon aux Africains, au nom de la France, pour « ces paroles humiliantes ». Martine Aubry lui apporte bien sûr son appui. Mais dans un article publié par Le Monde, Jean Daniel, conscience morale du Nouvel Observateur, reprochera à Mme Royal d’avoir omis de lire la première partie du discours, qu’il a, lui, fort appréciée. Il la qualifie de « profession de foi anticolonialiste, comme on n’en avait jamais entendu dans la bouche d’un homme d’Etat français ». Beau compliment ; venant d’une plume d’ordinaire critique envers Nicolas Sarkozy.
Le président sénégalais Abdoulaye Wade, qui qualifie d’« inacceptable » la phrase sur l’homme africain, veut bien considérer que « Nicolas Sarkozy est un ami de l’Afrique », mais… qu’il a été « victime de son nègre ». Lui seul pouvait le dire. Une manière de clore le débat qui ne manque pas d’humour. Le président sud-africain Thabo Mbeki écrit à Nicolas Sarkozy pour le féliciter de la teneur de son discours. Il sera bien le seul28.
Quand, deux ans plus tard, le 11 juillet 2009, Barack Obama s’adressera aux Africains à Accra, Nicolas Sarkozy retrouvera avec bonheur dans ses propos – petite phrase sur l’homme africain exceptée – l’exact écho de son discours de Dakar : « L’Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. La colonisation n’est pas responsable des guerres sanglantes que se livrent les Africains entre eux, ni du fanatisme, ni de la corruption. » Les deux Présidents proclament le même souci d’intégrer l’Afrique au monde.
Finalement, la libération des infirmières bulgares sera très peu mise au crédit du Président. L’opinion française est plus encline à s’émouvoir sur le sort d’une autre prisonnière, la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, retenue par les FARC depuis six ans29.
Demeurait pour Nicolas Sarkozy l’espoir d’un autre bénéfice, celui-là bien plus capital à ses yeux : que Cécilia prenne goût à son rôle de Première dame de la République. Raté.
Le divorce Que la Première dame ait été très satisfaite de son intervention auprès de Kadhafi, elle le proclame volontiers. Allant jusqu’à la qualifier de « moment le plus dur et le plus intense qu’il m’ait jamais été donné de vivre30 ». Ou encore : « J’ai sauvé seule six vies humaines, il n’y a pas beaucoup de gens qui peuvent en dire autant31. » « Cécilia a vécu cet épisode avec un enthousiasme mystique », note une de ses amies. Nicolas Sarkozy s’en réjouit et le crie haut et fort : « Elle a été formidable, exceptionnelle. » Devant les caméras de télévision, il loue « son courage », « son travail remarquable ». Il insiste sur son rôle décisif. C’est qu’il espère encore la retenir. Et puis, comme le souligne un familier : « Nicolas a besoin d’avoir auprès de lui une femme qu’on admire et qu’il admire. »
Pourtant, à l’arrivée de l’avion qui ramène les infirmières à Sofia, Cécilia semble se cacher. Sur une image du groupe, on l’aperçoit au troisième rang, moulée dans un polo blanc, le visage chiffonné par l’absence de sommeil et les larmes. Elle refuse de s’exprimer devant les caméras et les micros, nombreux bien sûr, qui se tendent vers elle. « Elle était très fatiguée. Elle trouvait que cette histoire avait trop duré. Elle n’avait aucune intention de jouer les bienfaitrices et de rouler des mécaniques. Je n’ai pas senti chez elle une vocation de grande dame de l’humanitaire, comme avait pu souhaiter l’être Danielle Mitterrand32 », constate Benita Ferrero-Waldner qui se trouvait à ses côtés.
« Cécilia n’a pas joué le jeu. Elle n’a pas voulu assumer, faire ce cadeau à Nicolas », déplore un conseiller de l’Elysée.
Le Financial Times lui consacre néanmoins sa Une. Et son mari s’en émerveille : « C’est formidable, non ? », répète-t-il en boucle. Le Time Magazine souligne avec quelque ironie que « vouloir reconquérir un amour perdu en envoyant sa femme chez Kadhafi est une tentative unique dans les annales de l’amour courtois ». Dans son ensemble, la presse française applaudit, mais sans enthousiasme. Elle est surtout intéressée par le rôle politique ainsi attribué à une femme qui n’est pas élue et qui n’appartient pas au corps des serviteurs de l’Etat. Elle parle de « confusion des genres », s’interroge davantage sur le flou juridique du statut nouveau qui lui est conféré.
Bref, c’est la légitimité de son intervention en politique qu’elle met en cause comme auparavant à Neuilly, à Bercy ou à Beauvau. Toujours le même refrain. Cécilia, qui jadis se plaignait tant de ne pas figurer sur les photos, ne supporte plus désormais la lumière.
« Quoi que je fasse, on me critique », lâche-t-elle. Non décidément, le statut dont rêvait pour elle Nicolas ne l’intéresse pas. Elle répète à qui veut l’entendre que ce n’est pas « la vraie vie ».
L’opposition martèle que la diplomatie doit rester l’affaire des diplomates. Et demande aussitôt la formation d’une commission d’enquête parlementaire – à laquelle l’Elysée donne son feu vert illico – afin de mesurer ce qu’a obtenu la Libye dans cette affaire. En clair, si la France a payé et combien. Au nom de la « séparation des pouvoirs », Nicolas Sarkozy refuse que son épouse y soit auditionnée. « Elle a fait un travail remarquable. Si quelqu’un a à rendre compte, c’est moi, qui l’ait envoyée », explique-t-il à la télévision.
« On ne m’empêchera jamais d’essayer de soulager la misère du monde dans quelque pays que ce soit », déclare en écho Cécilia Sarkozy33. Comprenez : elle entend poursuivre sa mission. Mais ce sera seule, et à son initiative, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Elle estime avoir fait son devoir. En cette fin juillet, elle juge que sa tâche est terminée.
Un mois plus tôt, une polémique l’a définitivement convaincue qu’elle n’a décidément rien à faire à l’Elysée. Fin juin, Le Canard enchaîné révélait que Cécilia Sarkozy possédait une carte bleue dont les dépenses seraient prélevées sur le compte du Trésor public ouvert à la Présidence. Le député apparenté PS, René Dosière, spécialiste du budget de l’Elysée, avait aussitôt écrit à François Fillon pour s’étonner de cette pratique. « Ces sommes n’étant soumises à aucun contrôle, ne peuvent que susciter l’inquiétude de ceux qui se préoccupent de la bonne gestion des fonds publics. »
Les épouses des anciens Présidents faisaient régler leurs frais de représentations et dépenses personnelles par l’aide de camp du Président, le seul à disposer d’une carte bleue. Dépenses qui n’étaient jamais quantifiées ni justifiées publiquement. En donnant l’usage de cette carte à sa femme, le Président cherchait-il à l’enrôler auprès de lui ? « Non, c’était pour avoir une traçabilité des dépenses », assure Franck Louvrier. Le journal L’Humanité dénonce sur-le-champ une pratique qui « réintroduit la confusion entre le patrimoine de l’Etat et celui qui le préside ». On apprenait que depuis le 16 mai, Cécilia avait utilisé cette carte deux fois : deux déjeuners pour des montants de 129 et 272 euros. Le 4 juillet, Cécilia avait rendu sa carte. Afin de clore la polémique, Nicolas Sarkozy demandait à Philippe Séguin que les fonds alloués à la présidence de la République soient désormais soumis à des règles de transparence. Une première dans l’Histoire. Jusque-là, ce budget – qui s’élevait à 32 millions d’euros pour l’année 2007 – ne faisait l’objet d’aucun contrôle. A l’instar du budget du Parlement ou du Conseil constitutionnel, en raison de la séparation des pouvoirs34 (lesquels ne sont toujours pas contrôlés).
Retour de Libye, Cécilia ne remet plus les pieds à l’Elysée. Elle exige même que son nom disparaisse de l’organigramme. Elle ne veut plus rien. Nada. Nicolas Sarkozy, que la fin heureuse de l’affaire des infirmières avait fait rêver, s’en montre d’autant plus déçu. Il vit désormais un calvaire au quotidien.
« Une femme n’est puissante que par le degré de malheur dont elle peut punir son mari », a écrit Stendhal. A ce compte, on peut estimer que Cécilia se trouve alors au zénith de sa puissance. Ce que va prouver, en août, un nouvel incident. L’acmé du malheur sera alors atteinte.
Les rumeurs de divorce commencent à circuler dans Paris. Rumeurs que David Martinon, porte-parole de la Présidence, fait mine d’ignorer chaque mercredi à l’issue du Conseil des ministres. Et voilà que le couple présidentiel, comme pour les démentir, a accepté une invitation de leurs amis Cromback et Agostinelli. Il s’agit de passer les vacances aux Etats-Unis. Une innovation qui choque quelque peu l’opinion. Nicolas Sarkozy, qui aurait préféré la Méditerranée, veut une fois de plus offrir une satisfaction à Cécilia. Tous – Rachida Dati comprise, qu’elle a fait inviter – gardent un bon souvenir du séjour. Même si tous reconnaissent que les rapports souvent tendus entre Nicolas et Cécilia « plombaient l’ambiance ». Mais chacun faisait mine de ne rien voir. Surjouant la gaieté au besoin pour alléger l’atmosphère. La météo du couple variant d’ailleurs, selon les heures. Certains jours, disent-ils, Cécilia se montrait très tendre, « amoureuse même de son mari ». Mais le lendemain, ils la voyaient lointaine, mutique, presque hostile. Parfois, prétextant la fatigue, elle quittait la table sitôt le dîner fini. Nicolas donnait le change, en parlant beaucoup. « Il s’enivrait de mots. » Le groupe regarde des DVD. « Le matin au petit déjeuner, nous mesurions à leurs mines les tensions de la nuit », raconte Mathilde Agostinelli qui ajoute : « En réalité, nous avons sous-estimé son vrai chagrin. »
Or, comme on le sait, ces étranges vacances se situent à Wolfeboro, dans le New Hampshire, à quelque 82 kilomètres de la résidence d’été des Bush. Lesquels, ayant été informés de leur venue bien avant leur arrivée, ont invité le couple présidentiel à déjeuner.
La veille du jour convenu, Nicolas Sarkozy a fait un aller et retour imprévu à Paris pour assister aux obsèques du cardinal Lustiger. Et depuis quarante-huit heures, le petit Louis, souffrant d’une angine, garde la chambre. Au matin de l’invitation, Cécilia apparaît la première au petit déjeuner avec un gros foulard noué autour du cou. « Je n’irai pas chez les Bush aujourd’hui, j’ai très mal à la gorge, une angine blanche », lance-t-elle à la cantonade. Un ange passe. Nicolas arrive, la mine sombre, Cécilia s’empresse de lui apporter son jus de fruits préféré.
Les amis comprennent qu’elle lui a fait part de sa décision, qu’il a tenté de la faire changer d’avis et qu’elle n’a rien voulu entendre.
« Pour qu’elle vienne, ils voulaient tous nous amener chez les Bush », dit l’une d’elles. Ce qui, semble-t-il, déplaît à Cécilia. Rien à faire donc. N’ayant pu réussir à la fléchir, le Président se rend seul au déjeuner où il arrive avec 45 minutes de retard… Une méchante entorse au protocole américain ! Accueilli par les Bush au grand complet, il doit leur expliquer les raisons de l’absence de son épouse : l’angine. « Nous comprenons, mais nous sommes déçus. Nous l’attendions avec les enfants, c’est une femme très dynamique », répond le président américain. Une accolade à son homologue. Une poignée de main à Bush Sr. (deux hommes que Nicolas a en grande estime : « Le père et le fils trois fois présidents des Etats-Unis à eux deux, ça n’est pas rien »). La bise à Laura. Un baisemain à Madame Mère. Nicolas Sarkozy se prête de bonne grâce au programme prévu par ses hôtes. Promenade en mer, pique nique à la bonne franquette avec hot-dog et tarte aux myrtilles.
Les télévisions, qui guettaient cette rencontre, sont aussi déçues que la famille Bush. L’affront fait à celle-ci est commenté all around the world. Richard Attias vient de recevoir une éclatante « preuve planétaire » de l’amour de Cécilia.
N’ayant pas encore tout à fait mesuré les effets dévastateurs de cette affaire, Nicolas Sarkozy, après avoir pris congé des Bush, téléphone aux amis pour la minimiser et sans doute se consoler. A Isabelle Balkany et à Pierre Charon, il sert le même baratin : « Je souffrais d’une angine la semaine dernière, je l’ai passée à Louis et Cécilia. »
Or, dès le lendemain, les paparazzi peuvent zoomer sur une Cécilia flânant, très décontractée, dans les rues de Wolfeboro pour y faire son shopping. Foulard et mal de gorge oubliés.
Bien entendu, les jugements sévères du type « irresponsable » ou « manque d’éducation » se multiplient en France. Et, bien entendu, ils atteignent également le Président.
« Avec le Fouquet’s, le yacht de Bolloré, les vacances américaines, Nicolas a complètement raté son entrée en scène », reconnaît alors l’un de ses proches qui ajoute : « Ses actes ne correspondaient guère aux discours de campagne dans lesquels il promettait un style de présidence irréprochable. »
Nicolas Sarkozy rentre donc à Paris déconfit, plus irritable que jamais, morose et… résigné au divorce.
Ce qu’explique Alain Minc : « Nicolas avait accepté ces vacances pour faire plaisir à Cécilia, il espérait qu’elle jouerait le jeu. Elle l’a au contraire humilié. Ce sont tous ces chocs successifs qui l’ont peu à peu amené à l’idée de l’inacceptable. »
Fin août, devant les journalistes, le Président laisse deviner sa souffrance : « J’aime pas cette vie, j’ai peu d’amis, je reçois trop de compliments ou trop d’injures. Maintenant que je suis élu, je suis, c’est vrai, libéré d’un poids, je n’ai plus ce creux que j’avais à l’estomac. Je vais faire le boulot, me donner à fond, mais je vous le dis : je ne finirai pas ma vie dans la politique. »
De son côté, Cécilia prend chaque jour davantage ses distances, pour couper peu à peu tous les ponts. On la redoutait régente, faisant et défaisant les carrières, on la découvre indifférente. On la disait femme de pouvoir, elle ne veut plus « être dans le film ». On ne la voit plus. Ni à l’Elysée, ni à la Lanterne où vit son mari. Convoqués par le Président chaque week-end pour travailler, les ministres et ses collaborateurs l’y rencontrent toujours seul. Tandis qu’elle, on la signale à Londres, à Genève ou dans le Midi. Et parfois aussi à Paris.
Qu’y fait-elle ? Du shopping, assurément. Dans les boutiques chic de la capitale. Les magazines la montrent les bras toujours encombrés de paquets. On l’aperçoit aussi au volant de sa Mini noire, souvent en compagnie de sa fille Jeanne-Marie, dont elle prépare les fiançailles. Ou bien déjeunant dans les restaurants branchés ou encore prenant le thé avec ses amies au bar du Bristol, à quelques dizaines de mètres de l’Elysée. Bref, donnant l’image d’une vie désœuvrée et facile, au gré de ses envies et de ses humeurs. Elle aurait pu fuir tous ces lieux à la mode, hantés par les paparazzi dont elle dit pourtant avoir horreur. Mais non : la vérité n’est jamais simple.
Se serait-elle mise tout à fait hors circuit, on l’eût vite déclarée trop fragile pour assumer son devoir. Et qui sait ? Malade. En se montrant au contraire altière, paisible, d’une minceur idéale – beaucoup trop même –, elle entend faire savoir urbi et orbi qu’elle maîtrise la situation et a pris sa décision. Un nouveau message clair à l’adresse de son amant : « Je t’attends. »
Harcelés, les collaborateurs du Président s’épuisent à prendre l’air dégagé pour assurer qu’il ne se passe rien d’étrange à l’Elysée. Le Président, affirment-ils, est parfaitement calme, zen, accaparé par son travail… Ils ne notent aucune altération de son physique ni de son caractère. Et s’il s’emporte très souvent contre eux le matin, comme la rumeur le propage dans le microcosme, c’est seulement, répètent-ils à l’envi, parce qu’il s’impatiente de la lenteur des réformes. Rien que de très ordinaire en somme.
Qui peut les croire ? Chacun sait que son humeur, sa météo psychologique, dépend de la présence ou de l’absence de Cécilia. Or, elle n’est plus là. Du tout. Le Président compense ce vide par un emploi du temps « surbooké ». Les incertitudes économiques d’ailleurs le servent. Chaque jour, les Français peuvent l’entendre : « C’est l’offensive permanente, explique le philosophe Marcel Gauchet dans L’Express du 23 août : il submerge ses contradicteurs par une occupation constante de la scène médiatique, si bien que sa parole prend le dessus… Dans cette logique, le sujet qui passe mal un jour est compensé par celui qui arrive le lendemain. » Une logique de désespoir aussi. 4 septembre : le Président s’adresse aux enseignants dans une longue lettre aux éducateurs. Le 11 à Rennes, il promet aux agriculteurs de construire une agriculture de premier plan en France. Le 18, il s’exprime sur la politique sociale devant les partenaires sociaux réunis au Sénat. Le 19, il lance la refonte du service public : « Je veux des fonctionnaires moins nombreux mais plus payés. » Le 20, interview sur TF1. Et ainsi de suite. Un tourbillon.
Le 24 septembre, Nicolas Sarkozy se rend à l’Assemblée générale de l’ONU pour y prononcer sa première intervention. Un baptême du feu. On l’entend alors plaider pour un « new deal économique et écologique à l’échelle planétaire ». Il s’agit d’une mise en garde contre la spéculation financière. Il est très applaudi. Mais en réponse, George Bush qui le félicite, salue… son action au Darfour. Car ce discours-là est reçu dans l’indifférence par le monde anglo-saxon. Toutefois, la crise aidant, il sera mieux entendu et fera même figure de précurseur.
A sa demi-sœur Caroline – longtemps sa confidente – qu’il ramène à Paris dans l’avion présidentiel, il ne dit pas un mot de ses tourments conjugaux. « Il était, au contraire, très joyeux », note-t-elle.
C’est pourtant à la mi-septembre que Cécilia révèle ses intentions aux amies : « Je veux divorcer », sans jamais citer le nom de Richard Attias. Elle reprend juste son habituel refrain sur les ennuyeux « ors de la République », dont elle n’a pas besoin.
Le 20 septembre, on l’aperçoit à Lyon aux obsèques de Jacques Martin, son ex-mari et le père de ses filles. Elle a demandé à Rachida Dati de l’accompagner, ce que Nicolas n’apprécie guère. La garde des Sceaux est vivement sermonnée.
Toujours prêt à parler de Cécilia lors de sa fugue new-yorkaise en 2005, le Président garde désormais le silence à son propos. Il ne se donne plus la peine de faire semblant. Trop douloureux. Il est dans l’indicible.
Car Cécilia persiste à l’éviter. Ainsi le 1er octobre, elle est absente lorsqu’il remet à l’Elysée les insignes de la Légion d’honneur à David Lynch. Mais on l’aperçoit quelques heures plus tard au Bristol, où le cinéaste américain offre une réception. Mieux encore : elle ne l’accompagne même pas en Bulgarie, où elle est pourtant attendue comme une héroïne. C’est sûrement « le » voyage où elle aurait dû être à ses côtés. Et lui il est obligé de chercher des excuses qui ne trompent personne : « Ma femme a été blessée par les polémiques. » Une occasion de la complimenter à nouveau : « Elle a fait un travail absolument remarquable, avec beaucoup de courage, de sincérité, d’humanité. » Les infirmières sont très déçues. La présence de Sylvie Vartan, née en Bulgarie et invitée personnelle du Président, ne les console pas. Car c’est elle, Cécilia, et personne d’autre, qu’elles voulaient revoir. Tout comme la population, qui se promettait de lui faire la fête. Au nom de la Bulgarie tout entière et pour remercier la France, le Président Parvanov remet à son homologue français les grands insignes de la Stara Planina. Lors de la cérémonie organisée à l’ambassade de France, chacun peut mesurer combien le Président est perturbé. Il expédie son discours, remercie à peine les infirmières qui lui ont remis des cadeaux pour sa femme. Et décide de repartir au plus vite, en dépit de toute bienséance. « Il avait très mauvaise mine. On le sentait très malheureux, il était très mal », témoignent les journalistes.
La rumeur du divorce enfle chaque jour davantage. Elle est bientôt confirmée. Le 15 octobre, Cécilia se rend au tribunal de Nanterre pour signer la première étape de leur séparation. Dans la soirée, la présidente des juges aux affaires familiales, Nicole Choubrac, vient à l’Elysée afin d’obtenir la signature de son mari. La veille encore, il l’avait suppliée de réfléchir. En vain. Ce matin-là, il a reçu à l’Elysée des associations de lutte contre la misère et l’après-midi, Jacques Attali est venu lui remettre son rapport sur la croissance. Le lendemain mardi, il se rend à Bordeaux sans que son entourage – la version officielle – ne décèle chez lui le moindre signe de faiblesse. Ce jour-là, cependant, David Martinon annonce – nouvel indice – que le Président se rendra seul la semaine suivante en voyage officiel au Maroc.
Le mercredi, l’information fuite : le divorce est révélé par Le Nouvel Observateur. A la table du Conseil des ministres, le Président écoute imperturbable l’exposé de Christine Lagarde sur le rapport Attali. Il conclut par un commentaire enthousiaste : « C’est un travail formidable. Vous vous rendez compte : Attali travaillait avec Mitterrand, il a fait un rapport digne de celui de Rueff et Armand35. » Et les ministres d’admirer cette capacité à s’enflammer pour un rapport alors que sa vie va basculer.
L’après-midi, il est reçu par le Conseil économique et social où il prononce un discours sur la pauvreté et la solitude qu’elle engendre. Deux phrases font dresser l’oreille : « Il y a sans doute la bonne solitude, dit-il, celle de la réflexion, celle qui offre le silence, la sérénité, la liberté. » Passe encore. La seconde sonne en revanche comme l’aveu d’un homme en détresse : « Il y a la solitude poisseuse, celle qui oppresse, celle qui naît de la privation de l’écoute, du soutien du regard de l’autre, celle qui fait oublier le sentiment d’aimer et d’être aimé. »
Il fixe alors Pierre Charon, son fidèle qu’il vient de faire entrer dans cette institution, comme s’il ressentait le besoin d’un appui, d’un réconfort amical.
Mais dans la soirée, endossant sa grande armure de comédie, il continue à jouer les bravaches devant les dirigeants de l’UMP. On lui présente un point sur la grève du lendemain. Les gros bataillons du service public doivent (déjà !) manifester contre la réforme des régimes spéciaux des retraites. Par trois fois, ils le voient quitter la réunion pour téléphoner et remarquent à son retour que son visage est marbré de plaques rouges, comme toujours quand il est stressé.
C’est vers 13 h 20 le lendemain, 18 octobre, que tombe sur l’AFP un communiqué de l’Elysée : « Cécilia et Nicolas Sarkozy se sont séparés par consentement mutuel. » On ne saurait imaginer phrase plus courte s’agissant d’un tel couple. Le microcosme parisien est sous le choc. Claude Guéant jure avoir appris la chose à cet instant seulement. Cécilia, qui déjeune avec Isabelle Balkany, fulmine quand elle en prend connaissance : c’est que le mot divorce n’est pas écrit noir sur blanc ! Elle téléphone aussitôt à l’Elysée pour que le texte soit rectifié d’urgence ! Deux heures plus tard, un nouveau communiqué précise donc que, par séparation, il faut comprendre divorce. Et David Martinon qui, pressé de questions le matin même par les journalistes, avait gardé bouche cousue, est autorisé à préciser que les époux Sarkozy ont divorcé « par consentement mutuel ».
Tout comme Claude Guéant, la mère de Nicolas Sarkozy, ses fils, ses frères, sa sœur, son père, apprennent, eux aussi, la nouvelle… par la presse. Il n’avait fait la confidence de son divorce à aucun de ses proches. Franck Louvrier, qui l’accompagne depuis des années, explique : « Nicolas n’est jamais négatif à son propos. C’est un adepte de la confession positive. Je ne l’ai jamais entendu dire : “Je suis malheureux, je suis fatigué.” Il ne se lamente pas, il a horreur que les gens se plaignent. Il garde pour lui ses cauchemars, c’est sa part de mystère. »
Le Président n’ouvre jamais son âme. « Plus les choses le touchent, plus il est secret. S’il parle d’abondance, c’est souvent pour détourner l’attention », analyse Catherine Pégard.
Comique involontaire ou maladresse, la porte-parole du Parti socialiste Annick Lepetit veut voir dans cette annonce une manœuvre politique : « Choisir ce jeudi, jour de forte mobilisation sociale contre la réforme des régimes spéciaux des retraites, pour officialiser un divorce, est-ce vraiment une coïncidence ? » Elle n’est pas seule à tenir ce langage : « C’est une opération de com, une manœuvre de diversion délibérée », ironise Jean-Claude Mailly, le patron du syndicat Force ouvrière. Et le très psychologue Noël Mamère : « Quand on connaît le cynisme du Président, on voit bien que derrière ces événements domestiques se cache de la manipulation. » Au moment où paraît le communiqué, Nicolas Sarkozy a quitté la France pour Lisbonne où se tient le sommet européen avec un ordre du jour important : les Vingt-Sept doivent conclure un accord sur un nouveau traité simplifié. Un texte qui remplace la défunte Constitution européenne. C’était son idée pour relancer l’Europe.
C’est à coup sûr, pour lui, une victoire, il s’est beaucoup battu pour le faire adopter, avec le concours d’Angela Merkel. Ses homologues l’en félicitent, bien sûr, mais lui, ce qui n’est pas son genre, demeure muet, le teint blême. Les caméras filment une scène qui en dit long. On voit la Chancelière l’attirer à l’écart du groupe pour lui manifester sa sollicitude. La presse, et pas seulement française, accorde à l’événement plus d’importance qu’au traité.
Aux journalistes qui l’interrogent, il répond sur un ton rageur : « J’ai été élu pour apporter des solutions aux problèmes des Français, pas pour commenter ma vie privée. Eux (les participants au sommet), ils ont plus de pudeur que vous et l’élégance en plus. »
C’est qu’il est à cran. Il rembarre même violemment devant témoin Jean-David Levitte qui vient lui chuchoter des informations à l’oreille.
Le lendemain, dans un entretien donné à son interlocuteur habituel Yves Derai (un ami de Richard Attias), pour L’Est républicain, Cécilia explique avoir tout essayé pour relancer son couple mais que « ça n’a pas été possible ». Elle confesse aussi avoir rencontré « quelqu’un » en 2005. « Je suis tombée amoureuse, dit-elle. Ce qui m’arrive est arrivé à des millions de gens. Un jour, vous n’avez plus votre place dans le couple. Le couple n’est plus la chose essentielle de votre vie. Ça ne fonctionne plus. Les raisons sont inexplicables. » Et d’ajouter : « La page se tourne, je ne regrette jamais mes décisions. »
Exit Nicolas.
Les amis sont navrés : « C’est beaucoup de chagrin pour nous tous. Mais eux seuls connaissent l’énigme de leur couple. » Il n’y a rien d’autre à dire.
Sauf que dans l’histoire de la Ve République, pour la première fois, un Président en exercice divorce. Napoléon avait répudié Joséphine. En ce cas précis, c’est Cécilia qui a voulu partir. Joséphine répudie Napoléon… Mais le bon peuple s’en moque.
Le psychanalyste Serge Hefez explique dans Le Point : « Voilà un homme, Sarkozy, qui a une image de mâle dominant, triomphant, autoritaire, rien ne lui résiste, sauf sa femme. Mais il n’est pas ridicule. Ce que révèle l’épisode Cécilia, c’est combien l’image de l’homme a évolué. A l’heure où la conjugalité est en crise, Sarkozy trompé n’est pas ridicule. Que Cécilia le trompe, le quitte ne ternit pas son image virile. On l’imagine blessé dans son amour, on le plaint éventuellement, mais on ne se moque pas. »
En reprenant sa liberté, Cécilia espère surtout fléchir enfin son amant. Or, celui-ci, interrogé par les journalistes, ne paraît toujours pas décidé à revenir vers elle. A-t-elle conscience de prendre un risque ? « Cécilia a toujours pensé que les hommes finissent par faire ce qu’elle veut », tranche une amie du couple.
Puisqu’il faut encore donner des preuves planétaires à l’amant indécis, elle a élaboré un plan médiatique de star. La veille de l’annonce de son divorce, elle fait comme par hasard la Une de Match : un beau portrait qui met en valeur son regard de chatte égyptienne. « Les images d’une femme sereine, à la veille des fiançailles de sa fille Jeanne-Marie », annonce l’hebdomadaire qui écrit aussi : « Cécilia s’impose comme une redoutable guerrière de l’ombre. Du modèle franc-tireur. »
Deux jours plus tard, c’est l’hebdomadaire Elle36, qui lui consacre sa couverture avec quatorze pages de texte relatant ses vingt ans de vie avec Nicolas. Avec article, interview et illustrations évidemment préparés longtemps à l’avance. Dont une série de photos plus superbes les unes que les autres. Sublimées. L’une d’elles en pied la montre debout appuyée contre un mur, vêtue d’une robe grise chic et sobre. Elle est chaussée de talons de 12 centimètres… Façon de souligner que, désormais, elle ne s’interdit plus rien.
La voilà libre. Enfin.
Et que dit-elle37 ? « J’ai un respect immense pour Nicolas, pendant vingt ans, je me suis dévouée dans l’ombre pour lui, je me suis mise entre parenthèses. Nous étions un couple ordinaire, dans une fonction extraordinaire, avec une pression extraordinaire et nous n’y avons pas résisté. Je suis une femme qui n’était pas faite pour vivre dans la lumière, les ors, les palais. Tout cela me faisait peur. Ce qui me manque par-dessus tout, c’est d’aller faire des courses au supermarché (encore le caddie !), avec mon fils Louis… Je pars pour rien ni personne » (Ouais !). Et d’affirmer comme une vérité – la sienne en tout cas – « Aujourd’hui, Nicolas n’a plus besoin de moi, je lui souhaite de trouver la sérénité. Il a droit au bonheur, il le mérite, et moi je ne peux pas le rendre heureux si je ne vais pas bien personnellement. »
La décision de Cécilia, téméraire à coup sûr, lui vaut l’admiration de bien des femmes et de beaucoup d’hommes : « Elle a du cran », admire Philippe Séguin. Les mœurs ont évolué. Le divorce est fréquent, presque toujours admis et souvent approuvé. Mais s’il s’agit d’une attitude moderne aux yeux des uns, d’autres la critiquent, « compte tenu des circonstances et de ses responsabilités ». Cependant l’époque est révolue où l’on se sacrifiait au nom du devoir. Danielle Mitterrand, dont le mari vivait dès qu’il le pouvait en compagnie de Mazarine et de sa mère Anne Pingeot, Bernadette Chirac, qui n’a jamais caché son agacement devant les succès féminins de son époux, n’ont pas divorcé.
Lorsqu’il se présentait comme le candidat de la « rupture », Nicolas Sarkozy pouvait-il imaginer que Cécilia, sans laquelle, à ce qu’il disait, « la victoire n’était pas possible », en ferait une réalité ?
Il n’a consenti qu’à grand-peine à ce divorce (il gardera d’ailleurs son alliance jusqu’à la fin des formalités juridiques, en décembre). Sa santé même en pâtit. A peine rentré de Lisbonne, cet homme qui n’est jamais malade doit passer quelques heures au Val-de-Grâce, pour faire soigner un mauvais phlegmon à la gorge. Simple coup de froid ? Voire ! Sa vie partait en vrille. Sous le choc, ses défenses immunitaires l’ont lâché.
Il trouve quand même la force le lendemain, dans la soirée, de s’adresser à l’état-major de l’UMP. C’est Jean-Pierre Raffarin qui a eu l’idée de cette réunion pour célébrer l’adoption du mini-traité européen à Lisbonne. Une victoire pour la France et son Président lequel, le visage chamboulé, s’efforce de parler de bonheur : « Je suis heureux, mes amis. C’est de l’UMP que tout est parti. Je n’ai pas fait le traité pour cela, mais si cela me permet de revenir ici devant vous, cela en valait la peine. » Et de se lancer dans un plaidoyer sur l’Europe que ses auditeurs jugent brillantissime. Et très vite, il s’éclipse38.
Mais il n’attend pas la fin de leurs applaudissements. Qui pourrait imaginer qu’il a un cathéter posé sur son poignet ? On doit lui administrer des antibiotiques à haute dose. Il le porte encore le lundi matin en s’envolant pour le voyage officiel au Maroc. Un trajet durant lequel, contrairement à ses habitudes, il n’invite pas les ministres à le rejoindre à l’avant de l’appareil. Tous sont frappés par sa très mauvaise mine, ses traits tirés, une lassitude qu’il ne parvient pas à masquer. « C’était un homme brisé », disent-ils. Tout juste arrivé, il fait repousser son rendez-vous avec le Premier ministre et annuler le dîner prévu avec des artistes marocains. Il préfère passer la soirée en compagnie de ses fils.
Accompagné de son épouse, le Roi vient lui témoigner son affection. Cécilia absente, c’est Rachida Dati qui, le lendemain, est invitée à la table royale lors du dîner d’Etat. Elle joue, de fait, les Premières dames remplaçantes. « De quoi lui donner des idées », commentent quelques ministres jaloux, voire perplexes…
Cent cinquante-six jours après son entrée en fonctions, après onze ans de mariage et vingt ans de vie commune, Nicolas Sarkozy, 52 ans, se retrouve seul. Six ans plus tôt, dans son livre Libre, il écrivait : « Je reste convaincu que réussir sa vie c’est d’abord réussir sa vie de famille. C’est sans doute la plus belle ambition, le grand rêve que l’on peut souhaiter à chaque jeune. » Comment cet homme qui ne se vit bien qu’en couple, n’aurait-il pas un grand sentiment d’échec ? Cécilia s’en est allée, emmenant avec elle Louis et les filles. C’est tout son îlot affectif qui sombre.
Lors de la première réunion du matin qui suit le divorce, il déclare aux membres de son cabinet : « Mes états d’âme sont sans importance, la vie continue, je suis chef d’Etat, je me dois aux Français. » Alors, pour noyer son chagrin, il ne va plus arrêter. Autrement dit, il va continuer. On va l’entendre tous les jours. Le 25 octobre, il lance le Grenelle de l’environnement – préparé par Jean-Louis Borloo, une réussite. Il promet à la tribune que la France sera leader en matière d’énergies renouvelables. « Elle sera exemplaire. » L’ex-vice-président des Etats-Unis, Al Gore, invité à la réunion, saisi par l’euphorie, s’exclame : « Il faut un Grenelle mondial. »
Une nouvelle vie commence.
Comme pour tirer un trait sur le passé, Nicolas Sarkozy lâche en confidence à Claude Guéant : « Qu’est-ce qu’elle m’en a fait voir Cécilia, qu’est-ce que j’ai enduré avec elle ! » « Il me l’a répété plusieurs fois », précise même celui-ci.
Le Président demande à tous ses collaborateurs de ne plus avoir aucun contact téléphonique avec son ex-femme.
Pour le staff élyséen, ce divorce est une délivrance. C’est la fin d’un cauchemar. « Il était temps, l’atmosphère devenait irrespirable à l’Elysée », confie l’un d’eux.
Dans la majorité, quelques élus compatissent à son malheur. Ainsi le très chiraquien François Baroin : « Ce que Cécilia lui a fait subir, je ne le souhaiterais pas à mon pire ennemi. » D’autres se réjouissent, ainsi Lionnel Luca : « Le départ de Cécilia a été une bonne nouvelle pour nous tous. »

1. Qui avait pris ses distances avec son père depuis plusieurs mois : venu vivre avec lui au ministère de l’Intérieur quand Cécilia était à New York, il n’avait pas apprécié, lorsqu’elle était revenue, qu’on lui demande sans trop de formes de partir et de laisser la chambre à Jeanne-Marie, la fille de Cécilia.
2. Nommé commissaire de l’Exposition universelle de Shanghai.
3. Editions XO, 2006.
4. Interrogé sur le sujet en juillet 2009 par Denis Olivennes pour Le Nouvel Obs, Nicolas Sarkozy explique : « Je n’avais pas mes habitudes au Fouquet’s… Cela correspondait à une époque de ma vie personnelle qui n’était pas facile, où j’avais à me battre sur plusieurs fronts. Je n’avais pas attaché à cette soirée une importance considérable. J’ai eu tort. »Quatre ans plus tard, le 28 avril 2011, Le Point enquête à la Une : « Les amis du Fouquet’s ». Ceux qui en ont profité et les autres… « Décidément, ils ne me lâcheront pas », soupire Sarkozy.
5. « Le cocktail a été payé par l’UMP », assure Eric Woerth, le trésorier.
6. In Cécilia, Editions Flammarion, 2008.
7. Interview de Bruno Jeudy au Parisien.
8. Mot popularisé par le titre Bling Bling du rappeur B.G. des Cash Money Millionaires. Plusieurs journaux s’en disputent la paternité dès mai 2007 : Marianne, Le Point et Libération.
9. Après la vente de leur appartement de l’île de la Jatte, Cécilia était allée visiter la maison de Jean Drucker dans les Alpilles, à Mollégès du côté de Saint-Rémy-de-Provence. Et c’est finalement Jean-Michel Goudard, conseiller en communication de son mari, qui en a fait l’acquisition.
10. Avec l’accord de Dominique de Villepin, Premier ministre jusqu’à l’intronisation officielle du Président.
11. Depuis juin 2005, lors des réunions du Conseil des ministres européens, la France soulignait l’importance de cette affaire alors que le sujet était rarement à l’ordre du jour. En décembre 2005, Philippe Douste-Blazy avait été le premier ministre européen à rendre visite aux infirmières. Et en mars 2006, trente-cinq enfants et leurs familles avaient été accueillis pour être soignés en France.
12. Au début des années 90, il avait écrasé dans le sang une rébellion islamiste.
13. Nommé quelques mois plus tard ministre des Affaires étrangères. Il sera l’un des premiers à abandonner le navire. Depuis mars 2011, il réside à Londres.
14. Il sera nommé ambassadeur en Irak. Puis en Tunisie après la chute de Ben Ali, où il connaîtra des débuts difficiles : chahuté par les journalistes, ses réponses seront jugées pour le moins fort peu diplomatiques.
15. In Ruptures, Yves Derai et Michaël Darmon, Editions du Moment, 2008.
16. In Cécilia, op. cit.
17. Idem.
18. Témoignage devant la commission d’enquête parlementaire. Elle sera présidée par le socialiste Pierre Moscovici avec pour rapporteur l’UMP Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères. Rapport qui sera publié en janvier 2008.
19. Conversation avec l’auteure.
20. Nommé quelque temps après ambassadeur à l’ONU par Kadhafi, il sera le premier en février 2011 à réclamer à l’ONU des sanctions contre lui.
21. In Ruptures, op. cit.
22. Idem.
23. In Ruptures, op. cit.
24. Invité officiel de Nicolas Sarkozy le 14 Juillet.
25. Déclaration à la commission d’enquête parlementaire.
26. Entretien avec l’auteure.
27. Sculpture détruite et piétinée par la foule quatre ans plus tard.
28. Nicolas Sarkozy, accompagné de Carla, lui rendra visite en février 2008.
29. Le soir de son élection, Nicolas Sarkozy lançait : « La France n’abandonnera pas Ingrid Betancourt. » Les 17 et 25 mai 2007, il s’entretenait de son sort avec le président colombien Alvaro Uribe.
30. Interview de Valérie Toranian pour Elle, 19 octobre 2007.
31. In Cécilia, op. cit.
32. Conversation avec l’auteure.
33. Interview d’Yves Derai, L’Est républicain, 4 septembre 2007.
34. Il l’annonçait le 12 juillet à Epinal : « Je prendrai des initiatives pour que le budget de l’Elysée obéisse à des conditions de transparence indispensables. » Depuis 2008, les comptables de la Cour des comptes passent plus de six mois par an à l’Elysée. Ils épluchent tous les comptes. « Ce ne sont pas des rigolos », selon le mot de Didier Migaud, successeur de Philippe Séguin qui veut bien louer les efforts de l’Elysée. Nicolas Sarkozy acquitte de sa poche toutes ses dépenses personnelles : invitations de sa famille ou de ses amis, achats divers jusqu’au dentifrice. Les collaborateurs payent désormais leurs repas à la cantine. Et ceux de leurs amis lorsqu’ils font des invitations. Le nombre des voitures mises à la disposition du personnel de l’Elysée a été réduit de moitié. La garden-party du 14 Juillet a été supprimée.
35. Le rapport émanant d’un comité présidé par l’économiste Jacques Rueff et l’ingénieur Louis Armand avait été commandé par le général de Gaulle au début de la Ve République pour définir les obstacles à l’expansion économique. Il était devenu une référence dans le débat politique français.
36. Qui réalise là sa plus grosse vente depuis trente ans. 600 000 numéros vendus, les kiosques étaient en rupture de stock au bout de deux jours.
37. Interview de Valérie Toranian pour Elle, 19 octobre 2007.
38. La visite de Nicolas Sarkozy au siège de l’UMP constitue une première. Jacques Chirac Président n’est jamais revenu au siège du RPR, et François Mitterrand n’est retourné rue de Solférino qu’après avoir quitté l’Elysée.