Les municipales Les observateurs l’avaient prévu
: les Français profiteraient de la première occasion venue pour
infliger au Président un bon coup de semonce. D’autant que c’est
une tradition de la Ve République : un
succès à l’élection présidentielle est toujours contredit par un
échec aux élections locales qui suivent. Le général de Gaulle
lui-même n’y avait pas échappé après son triomphe aux consultations
de 1958. Ça n’a pas raté : les municipales et les cantonales de
mars font figure de Bérézina.
La gauche reprend trente-six communes de plus de
trente mille habitants, elle détient désormais deux villes sur
trois de plus de cent mille habitants. Et ainsi de suite. La
majorité obtient quand même quelques beaux lots de consolation : le
plus évident est le net succès d’Alain Juppé à Bordeaux. Battu aux
législatives un an plus tôt, il est réélu dès le premier tour avec
56,6 % des suffrages. Un vrai baume sur ses meurtrissures. Deux
jeunes ministres confirment leur talent : Laurent Wauquiez,
porte-parole du gouvernement, enlève à 32 ans la mairie du
Puy-en-Velay : 56 % dès le premier tour. Un an plus tôt151, la ville
avait voté en majorité pour Ségolène Royal. Luc Chatel, le
secrétaire d’Etat à la Consommation, enlève, lui aussi à la gauche,
dès le premier tour, la mairie de Chaumont en Haute-Marne. Mais ces
deux victoires ne suffisent pas à faire un printemps pour la
droite. Certes, Eric Woerth, le ministre du Budget, est lui aussi
réélu à Chantilly, et Hubert Falco à Toulon, avec 65,2 % des voix.
La droite conserve à Paris ses trois mairies d’arrondissement. Une
déception pour Bertrand Delanoë, qui en guignait au moins
une.
« Sur 184 députés UMP qui se présentaient, 43
sont restés sur le carreau », veut relativiser Jean-François
Copé.
Pas de quoi pavoiser quand même : désormais,
trois Français sur cinq vont vivre dans des villes administrées par
la gauche.
La faute à qui ? « Au Président ! » répondent
les battus. Ainsi Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale,
auquel il a manqué 39 voix pour conserver la mairie de Périgueux.
Or, Nicolas Sarkozy était venu le soutenir en personne une semaine
plus tôt. La circulation bloquée dans la ville le temps de sa
visite avait irrité les Périgourdins. Tous les battus le disent :
se référer à lui les a fait perdre. Ça n’est pas sa politique qui
est en cause. L’analyse des résultats est explicite : ça n’est pas
tellement la gauche qui a gagné que la droite qui a perdu, ses
électeurs l’ont boudée. Leur champion les a déçus : la dispersion
de ses interventions, ses transgressions, ses incartades. Ils ne
saisissent pas toujours où il veut en venir. Quelques députés –
rares – osent même mettre en cause sa vie privée. Ainsi Yves Nicolin, battu à
Roanne : « S’il n’y avait pas eu le divorce suivi du remariage,
j’aurais été réélu. Il y avait 16 % de chômeurs en 2002, 7 %
aujourd’hui, et je me suis fait virer. »
Beaucoup, sans l’exprimer, pensent comme lui.
Leurs électeurs avaient cru porter au pouvoir un magicien, ils ont
eu droit à un épisode de la série télévisée Les Feux de l’Amour. Mais le reproche va beaucoup
plus loin. C’est tout un style qui est contesté. Au soir même de la
défaite, Nicolas Sarkozy a eu sous les yeux un très explicite
sondage du CSA : 58 % des Français – près de deux sur trois –
estiment qu’il doit adopter un style plus présidentiel. Ce qui
exige distance et gravité. « Il s’agit moins de réformer les
réformes que de réformer le réformateur », avance Alain Duhamel
dans Libération. Dans L’Express, Christophe Barbier ordonne : « Changez,
Monsieur le Président ! » Jusqu’au New York
Times, qui joue les professeurs de maintien : « Lorsque la
conduite d’un homme politique interfère avec sa mission, il est
temps d’appliquer une dose de discipline. » Alain Juppé fait chorus
: « Il faudrait que le Président préside, admet-il, c’est le seul
réglage à faire. Il lui faut prendre du recul. Il a suffisamment de
finesse politique et de capacité d’adaptation. »
Juppé-le-Sage, qui savoure son succès, fait mine
de ne pas trop s’émouvoir de la donne politique actuelle. « Cela
passera, il y a eu la “sarkolâtrie”, il y a maintenant la
“sarkophobie”. Et un jour on arrivera à la “sarko-sérénité”.
»
Changer ? Qu’en pense l’intéressé ? Le peut-il ?
Le veut-il ? Au petit déjeuner où il a rassemblé les élus de la
majorité, il tente de relativiser la portée de l’échec de « ces
élections de voisinage ». Il n’a pas apprécié l’usage du mot «
défaite » par Jean-François Copé le soir du second tour sur les plateaux de télévision.
Mais il ajoute qu’il tiendra compte des résultats. Sans convaincre
tout à fait. Bien sûr, il change quelques postes
ministériels152, les ministres battus ne sont pas
évincés. Pour l’heure, la colonne vertébrale gouvernementale n’est
pas modifiée.
Il réorganise aussi son cabinet de l’Elysée.
David Martinon, le porte-parole, est limogé. C’est la fin des
points de presse hebdomadaires qui, souvent, faisaient doublon avec
ceux du porte-parole du gouvernement. Le journaliste Georges-Marc
Bénamou, dont les sympathies affichées sont plutôt à gauche, lui
aussi s’en va – à sa demande. L’efficace Franck Louvrier est promu
: il prend en charge le pôle de communication et Catherine Pégard
le pôle politique, assistée de Jérôme Peyrat et d’un jeune préfet,
Olivier Biancarelli. Cette réorganisation vise à mieux écouter et
prendre en compte les impatiences des députés. « Messieurs les
dépités », comme les a appelés leur président de groupe
Jean-François Copé dans un beau lapsus. Et ils ne se gênent plus
pour les exprimer. Il n’y a pas que l’étalage de la vie privée qui
les indispose. L’ouverture à gauche leur donne de l’urticaire. Elle
a, disent nombre d’entre eux, Claude Goasguen et Bernard Debré en
tête, « désarçonné l’électorat de droite sans rien nous rapporter à
gauche ». Ils ne manquent pas d’arguments : Bernard Kouchner
n’avait-il pas déclaré que la réélection de Delanoë à Paris ne lui déplairait pas ? Et
Jean-Pierre Jouyet avait fait de même. Quant à Fadela Amara,
n’avait-elle pas annoncé dans Le Point,
qu’en 2012, elle ne voterait pas Sarkozy ? Leur verdict est clair :
à vouloir être le président de tous les Français, Nicolas Sarkozy a
oublié d’être d’abord le président de ceux qui l’avaient élu.
L’ouverture est un échec. Les grognards de l’UMP mettent aussi en
cause le rapport Attali. Nicolas Sarkozy avait en effet chargé
l’ancien conseiller de François Mitterrand, une de ses vieilles
connaissances, de rassembler des propositions pour libérer la
croissance. Il lui avait laissé toute liberté pour définir le champ
de ses investigations et aussi sur la composition de la commission
qui l’assisterait. Un rare privilège. Travaillant jour et nuit
pendant trois mois et pressant ses quarante-deux acolytes, Attali
avait remis au Président en janvier 316 propositions d’inspiration
« sociale-libérale », selon son auteur. Pour construire une société
de plein emploi, il proposait pêle-mêle de supprimer les
départements, de moduler les prestations familiales, d’abroger les
lois Galland, Royer et Raffarin qui restreignent l’installation des
grandes surfaces. Mais c’est l’ouverture très large à la
concurrence des professions réglementées (les notaires, les
coiffeurs, les vétérinaires, les pharmaciens et les chauffeurs de
taxi) qui avait suscité un vif mécontentement, à commencer par ces
derniers : le 6 février, les taxis avaient bloqués les deux
aéroports franciliens. Reçus par le Premier ministre, ils
obtenaient l’assurance que leur statut ne serait pas modifié : «
Touche pas à ma plaque ! »
Interrogé sur RTL, l’ancien Premier ministre
Raffarin estimait que « la moitié des propositions sont bonnes,
mais l’autre moitié très faibles ». Et surtout, que la commission
Attali est le reflet d’une partie de la France mais pas de toute la France. « J’attendais de
la créativité, dit-il, et au fond, j’ai vu ressurgir toutes les
vieilles lunes. » Raffarin donne quand même la moyenne au rapport.
Certaines propositions étant déjà l’objet de projets de loi ou de
négociations sociales. Une note que Jacques Attali juge infâmante.
Il rétorque sur Europe1 : « Monsieur Raffarin est le symbole du
conservatisme de ce pays. Sa façon de gouverner fut un désastre. »
Pas aimable…
Claude Goasguen, libéral revendiqué, ayant eu
l’audace de taxer ce rapport de « République des experts », Attali
réplique furibard : « Je comprends très bien que Monsieur Goasguen
soit contre la République des experts, il préfère la République des
imbéciles où il a sûrement toute sa place. »
Quelle arrogance ! La majorité suffoque de
colère. Non mais, pour qui se prend Attali ? Il a baptisé «
décisions » ses mesures, comme s’il détenait la légitimité
politique pour les imposer. Dans sa chronique de L’Express, il a opposé avec morgue la couardise de
l’UMP à sa propre intrépidité. Les députés acceptent encore moins
que Nicolas Sarkozy les dessaisissent de leur rôle de proposition.
Certaines mesures ont mis vent debout des Français à la veille des
municipales, était-ce bien utile ?
« C’est le rapport Attali qui nous a plombés »,
se lamentent les militants, qui reprochent en sourdine au Président
d’avoir déclaré « adhérer pour l’essentiel aux conclusions de ce
rapport » (même s’il a d’emblée repoussé la suppression des
départements).
Si, du côté de l’UMP, on rejette la
responsabilité de l’échec sur l’Elysée, du côté de l’Elysée, on
juge que le parti a mené campagne de façon bien molle. La critique
vise en priorité Patrick Devedjian, son secrétaire général. On va donc l’encadrer en nommant deux
secrétaires généraux adjoints153, Xavier Bertrand le
ministre du Travail et des Affaires sociales, et Nathalie
Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’Ecologie qui franchit
ainsi une nouvelle étape dans une carrière prometteuse. Tous deux
ont pour mission d’encadrer le secrétaire général. Mais la
promotion de la jeune secrétaire d’Etat fait d’autant plus de bruit
qu’à ce moment précis François Fillon envisageait de la virer pour
non-respect des consignes gouvernementales. De quoi s’agit-il ? De
dissensions au sein de la majorité sur la délicate question des
OGM. Il faut transposer en droit français les directives
européennes sur les plantes génétiquement modifiées et définir leur
coexistence avec les exploitations traditionnelles. Une affaire qui
traînait depuis sept ans et qui contraint la France à payer chaque
année 38 millions d’euros de pénalités à Bruxelles.
Parlez d’OGM à des élus et vous verrez aussitôt
les divisions apparaître, les esprits s’enflammer. La secrétaire
d’Etat à l’Ecologie, NKM, comme on va bientôt l’appeler, a le
malheur de laisser adopter dans la nuit par l’Assemblée un
amendement déjà repoussé du communiste André Chassaigne, très
suspicieux à l’égard des OGM. La ministre a laissé faire. A
Matignon, à l’UMP, on crie haro sur celle qui « a trahi l’arbitrage
interministériel ». Sans se démonter, elle dénonce dans
Le Monde : « Un concours de lâcheté et
d’inélégance entre Jean-François Copé qui essaie de détourner
l’attention pour masquer ses propres difficultés au sein du groupe
et Jean-Louis Borloo (son ministre) qui se contente d’assurer le minimum. » Manque pas
d’air ! NKM tentera par la suite d’atténuer la portée de cette
phrase. François Fillon exige des excuses publiques, en envisageant
à défaut d’en tirer toutes les conséquences. Ça chauffe !
Bien entendu, la secrétaire d’Etat se soumet en
utilisant les ficelles habituelles : « Ces propos, assure-t-elle,
ont été déformés par la presse. » Il n’empêche : elle se voit
infliger quelques punitions protocolaires. Elle est privée de
voyage au Japon où elle devait accompagner le Premier ministre. Ce
qui ne suffit pas à satisfaire les pro-OGM, d’autant qu’elle s’est
laissé photographier embrassant José Bové, se montrant à tu et à
toi avec lui alors que la loi qu’elle défend renforce les sanctions
contre les arracheurs de plantes transgéniques. C’est un baiser à
un hors-la-loi. Pas sérieux. Bien des élus s’emportent, dont le
président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, pourtant
paisible d’ordinaire : « Pendant que Bové fait du fauchage, on
oublie ce que la recherche peut apporter avec les cultures
expérimentales des OGM : la lutte contre le cancer dépend des
modifications génétiques. En 1997, il y avait 115 cultures
expérimentales autorisées en plein champ ; en 2008, il n’y en a
plus une seule, notre recherche biomoléculaire, qui était leader il
y a dix ans, est en train de mourir en France. Les chercheurs s’en
vont. »
« Elle nous fait passer pour des ringards en
Europe » déplore Michel Barnier, son collègue de
l’Agriculture.
Une ministre qui critique le gouvernement a
toujours les faveurs de la presse. « Cela suffit pour devenir une
icône médiatique », remarque Claude Goasguen, député UMP de
Paris.
Pas seulement. Ses prises de position sur les
OGM sont plébiscitées. Selon un sondage IFOP publié dans
Le Journal du Dimanche, 78 % des sondés lui
donnent raison. Plus étonnant : le Président la couvre d’éloges. Il
la juge courageuse. Ce qui fait désordre, bien sûr.
C’est pour les députés une nouvelle occasion de
déplorer que Nicolas Sarkozy soit aussi faible avec les femmes
ministres rebelles. Les ingérables Rama Yade, Fadela Amara, NKM,
qu’il vient de promouvoir à l’UMP. « Elles le prennent en otage. Ça
n’est pas juste », grogne la troupe disciplinée qui avale des
couleuvres en silence.
Après des mois de gouvernance qualifiée de «
baroque », Nicolas Sarkozy doit se ressaisir pour conforter son
camp et ses fidèles.
« Il savait qu’il était responsable de cette
baisse de popularité. Il nous en voulait, à nous, ses
collaborateurs », raconte Emmanuelle Mignon.
« Il faut que je fasse Président ? Je vais faire
du Mitterrand », leur annonce-t-il un matin.
Aidé par un calendrier pourtant établi depuis
plusieurs mois, il débute cette mue en s’illustrant dans des
domaines régaliens.
On le voit dans la cour des Invalides rendre un
hommage solennel au dernier poilu Lazare Ponticelli qui vient de
s’éteindre à l’âge de 110 ans, puis à la Résistance le 18 mars sur
le plateau des Glières (Haute-Savoie), où sont morts cent cinq
maquisards en mars 1944. Comme François Mitterrand allait en
pèlerinage à la Roche de Solutré, Nicolas Sarkozy y reviendra
chaque année. Ce jour-là, il avait songé à se faire accompagner de
sa garde rapprochée (à l’instar de l’ex-Président). Brice Hortefeux
et Pierre Charon devaient être du voyage. Le Président y renonce,
jugeant qu’une telle image apparaîtrait trop clanique.
Le 21
mars, il prononce à Cherbourg son premier discours sur la défense,
lors de la présentation du Terrible,
dernier-né des sous-marins nucléaires français. Il dit son
attachement à la dissuasion, qu’il qualifie d’« assurance-vie de la
Nation ». Et s’en prend en termes vifs à « tous ceux qui
menaceraient de s’en prendre aux intérêts vitaux de la France,
s’exposeraient à une riposte nucléaire sévère, entraînant des
dommages inacceptables pour eux, hors de proportion avec leurs
objectifs ». Se rangeant ainsi dans la lignée de ses
prédécesseurs.
Cette fois c’est du de Gaulle. « Vous voyez, il
est redevenu Président » constatent, ravis, ses fidèles. Un
discours que le général Georgelin, chef d’état-major des armées,
qualifie de « sacre militaire du Président ».
Tout n’est pas réglé pour autant. A preuve : les
sondages, examinés à la loupe, sont toujours déprimants. Seulement
33 % des Français l’approuvent, alors que 55 % jugent que l’action
de François Fillon va dans le bon sens. Des chiffres qui irritent
Nicolas Sarkozy au plus haut point. Et l’amènent à considérer le
Premier ministre presque comme un rival. « Fillon est loyal mais
pas courageux », dit-il à ses visiteurs. Et puisque le Premier
ministre le défend mal, il forme autour de lui un petit cabinet
pour se protéger. Choisissant parmi les ministres ceux qu’il juge
être les meilleurs communicants. Ils sont sept. Son G7 à lui :
Nadine Morano, devenue ministre après son échec aux municipales
mais dont il apprécie la combativité (« de petite chèvre de
Monsieur Seguin »), Xavier Bertrand (son porte-parole durant la
campagne présidentielle), dont il loue le courage et la loyauté –
lequel, se sentant encouragé par l’Elysée, se pose aussitôt en
rival de François Fillon –, le sérieux Eric Woerth, le « très
plaisant » Xavier Darcos, Luc
Chatel et Laurent Wauquiez, les deux jeunes qui « ne lui donnent
que des satisfactions », et… Brice Hortefeux. Pour ce fidèle
d’entre les fidèles, c’est un retour en grâce bien mérité. Au début
du quinquennat – pour ne pas déplaire à Cécilia – le Président
gratifiait tout juste ce disciple de trente ans d’une poignée de
main presque indifférente. Avec l’arrivée de Carla154, Brice Hortefeux retrouve son statut
d’antan. Ses collègues le constatent, le Président l’accueille
désormais avec chaleur, lui glisse quelques mots à l’oreille et
l’emmène souvent dans ses appartements privés après le Conseil des
ministres. La disgrâce avait été injuste, Hortefeux en avait
beaucoup souffert, mais sans jamais se plaindre. La grâce est
évidemment exquise. Il se garde bien de le claironner.
Il en va toujours ainsi avec Nicolas Sarkozy.
Jamais une position n’est solidement acquise, même pour les plus
fidèles compagnons. Il suffit parfois d’un rien, d’une tocade,
d’une sentence négative de sa femme (jadis Cécilia, aujourd’hui
Carla). Ou bien d’une maladresse dans les médias, d’un propos
malheureux ou ambigu, pour passer d’un statut à l’autre. « Ma
force, c’est que j’ai tenu comme si de rien n’était », explique
Brice Hortefeux. A sa grande satisfaction, Rachida Dati ne fait pas
partie du « G7 ». Sa disgrâce a commencé.
Les autres ministres ne cachent pas tout le mal
qu’ils pensent de la création de cette « task force ». Ils se ruent
à Matignon pour dire à François Fillon « Ton autorité est bafouée
». Ils sont vexés, se sentent méprisés, mal récompensés de leurs
efforts. Et ils craignent pour leur avenir. Mauvaise ambiance. Ils
voudraient que le Premier
ministre soit moins passif. Qui leur répond : « N’oubliez pas que
lui, il est élu et moi, je suis nommé. »
Sans doute donnent-ils trop d’importance à cette
réunion qui est avant tout, pour le Président, une opportunité pour
tester ses idées devant un auditoire restreint. Car il parle plus
qu’il ne les consulte. Ce dont témoigne Xavier Bertrand : « Devant
nous, il se précisait à lui-même sa pensée. A nous ensuite d’aller
l’expliquer. »
« Nicolas est quelqu’un qui écoute avec les
yeux. Il voit, il sent aux réactions muettes s’il convainc ou pas »
analyse Eric Besson, qui ne fait pas partie du club.
Reste que les rapports entre les ministres
exclus et les sept bénéficiaires de cette distinction ne s’en
trouvent pas simplifiés. L’esprit d’équipe que leur recommandait
justement le Président en prend un grand coup.
Selon les aveux mêmes de François Fillon, ce
moment du quinquennat est l’un des plus difficiles pour lui.
Il est vrai que les tensions entre les
Présidents et leurs Premiers ministres ont été fréquentes sous la
Ve République. Même au temps du général
de Gaulle, qui confiait à Alain Peyrefitte : « Je suis le vrai chef
du gouvernement. » Au début des années 60, il ne supportait plus le
pessimisme, l’activisme, les emportements de Michel Debré.
Stakhanoviste infatigable, qui gémissait chaque jour sur le déclin
de la France, le Général l’avait remplacé par son exacte antithèse
: Georges Pompidou, un homme égal d’humeur, optimiste, qui avançait
ses pions lentement mais sûrement, qui savait comme nul autre
analyser puis démolir, avec talent, les projets de tel ou tel
ministre. Si bien que le Général se plaignait devant des tiers de
ses prudences. « Pompidou, il ne bouscule pas les pots de fleurs.
»
« Mais
vous savez bien que de Gaulle est un être chimérique », avait
rétorqué devant André Malraux Georges Pompidou, qui est resté plus
de six ans à Matignon. Un record sous la Ve République.
Les sondages n’avaient pas, à l’époque, acquis
leur statut d’aujourd’hui et leur capacité à aiguiser la
compétition entre les hommes politiques.
Nicolas Sarkozy ne supporte pas que son Premier
ministre le devance. Il y voit comme une injustice : n’est-ce pas
lui qui impulse, qui donne les directions, bref qui fait
l’essentiel ? Il ne peut donc s’empêcher de tancer Fillon devant
tous ses visiteurs : « Il faut que je lui demande les choses
plusieurs fois. Sans cela rien ne bouge, je ne suis pas aidé. » Et
ses propos sont évidemment répétés à l’intéressé. Sans compter
qu’ils sont parfois contradictoires, parce que le Président a des
sautes d’humeur.
Ainsi, le 6 mai 2008, Nicolas Sarkozy et Carla
ont invité les ministres et leurs épouses à dîner à l’Elysée pour
célébrer le premier anniversaire de l’élection. Chaque épouse a
reçu un bouquet. Un moment de chaleur et de convivialité partagés.
Et que dit le Président ? : « Ne croyez pas la presse, ce que les
journalistes disent sur nos rapports. François et moi sommes liés,
nous partageons la même vision des choses, nous allons faire un
long chemin ensemble. » En réponse, François Fillon se lève pour
remercier le Président et lui dire combien il est fier de
travailler à ses côtés. Deux âmes qui vibrent à l’unisson. Tout
baigne ? Voire ! Quelques jours plus tard, le même Président reçoit
à déjeuner Nicolas Domenach et Maurice Szafran du journal
Marianne et se plaint devant eux de son
Premier ministre pendant tout le repas. Même numéro le lendemain devant la rédaction du
Parisien. Qui ne serait pas blessé par
une telle attitude ?
François Fillon est invité sur France 2 le 12
juin à l’émission politique d’Arlette Chabot. C’est sa première
grande apparition à la télévision depuis un an. Bien entendu, la
moitié du gouvernement occupe les premiers rangs, à commencer par
Xavier Bertrand, auto-désigné comme son successeur. Ils voient et
entendent un Premier ministre calme, maître de lui, connaissant à
fond ses dossiers. Pas démago. Très pédago. Donc, rassurant. Un
Premier ministre aussi qui, deux heures durant, s’attache à balayer
les rumeurs de mésentente avec Nicolas Sarkozy : « Depuis un an,
jure-t-il, il n’y a pas eu un seul sujet de fond sur lequel nous
n’étions pas d’accord. » Et d’ajouter : « Les réformes, c’est
l’œuvre de ma vie, je n’ai aucun autre horizon que de mettre mon
nom à côté de celui du président de la République sur la
transformation la plus profonde que j’ai connue depuis vingt-cinq
ans. » Et d’ajouter : « Quand je vois ce que racontent les médias
de notre relation (référence au « Ils se détestent » lu dans
L’Express et qu’il n’a pas digéré), je
me dis que tout ça est irréel. »
Certes, il veut bien reconnaître qu’existent
parfois des tensions mais sur un ton qui signifie clairement : «
c’est normal, c’est la vie, comment pourrait-il en aller autrement
? » « Plus loyal que moi, tu meurs » est le message du Premier
ministre. Sa façon de suggérer : « Je veux rester à Matignon.
»
Cette émission connaît un grand succès
d’audience. François Fillon ayant multiplié les compliments envers
Nicolas Sarkozy, cela méritait au moins un coup de fil
présidentiel. Mais non. Rien. Le silence. Pis encore : le lendemain
même, Nicolas Sarkozy confie à des journalistes qu’il pourrait bien
changer de Premier ministre à la fin de la présidence française de l’Union
européenne, qu’il assure à partir du 1er
juillet jusqu’au 1er janvier 2009. La
presse juge bien faibles ses chances de rester à Matignon. Le
Président pousse toujours de l’avant Xavier Bertrand. Que François
Fillon a fini par détester, bien sûr. Quand Bertrand révèle qu’il
appartient à la franc-maçonnerie, Fillon plaisante avec aigreur : «
Maçon, il l’est sûrement. Mais franc… »
Et bien pis encore : le lendemain, Nicolas
Sarkozy et Carla offrent un grand dîner en l’honneur du président
américain George Bush et de son épouse Laura. Il y a là une
centaine d’invités. François Fillon et son épouse en sont, bien
sûr. Mais le Premier ministre a la désagréable surprise de ne pas
se trouver à la table d’honneur où figurent, entre autres, Bernard
Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, son épouse Christine
Ockrent, et Laurence Parisot, la présidente du MEDEF. Cette fois,
il enrage. Et songe même à quitter la table. C’est Penelope, sa
femme, qui le retient par la manche : « Non François, tu ne peux
pas partir. »
Cela ne peut plus durer : « J’ai dit à Nicolas
que je voulais le voir en tête à tête », c’est-à-dire sans Claude
Guéant, raconte le Premier ministre.
Un sondage CSA vient de tomber, qui attribue 67
% de popularité au Premier ministre. Du gros sel sur les plaies
présidentielles. Les deux hommes s’expliquent néanmoins : « Il a vu
que ça n’allait pas et comme toujours dans ces cas-là, il a fait du
charme, il a voulu me désarmer, dans le style : “Ecoute, j’ai gagné
grâce à toi, on va faire un long bout de chemin ensemble. Et puis,
l’on se verra désormais toutes les semaines” », témoigne le Premier
ministre. Mais Nicolas Sarkozy ne répond pas lorsque François
Fillon évoque les ravages du « G7 » sur la cohésion
gouvernementale. « Le Président a estimé qu’il n’avait pas à plier devant
l’agacement de son Premier ministre », explique-t-on à
l’Elysée.
Les réunions autour de Nicolas Sarkozy cesseront
quelques mois plus tard. Elles se feront désormais autour de Claude
Guéant.
Les sept ministres étant jugés trop bavards par
l’Elysée : « Tout ce que le Président leur disait se retrouvait
dans les journaux. »
Résultat immédiat : un changement de climat au
sommet. Le Président et son Premier ministre se voient désormais en
tête à tête, chaque mercredi avant le Conseil des ministres, au
cours duquel le Président s’applique à dire « François et moi »
pour que le gouvernement soit bien avisé de leur bonne entente. Ça
va mieux. Pourtant, dans cette période d’embellie, François Fillon
est assailli de douleurs. Il ne peut plus bouger. Ce qui l’oblige à
rester alité plusieurs jours. « Il en avait plein le dos », résume
un de ses proches.
Les leçons des municipales Nicolas Sarkozy
va-t-il se décider à changer de style ? Tout l’y pousse : ses
fidèles, sa majorité et surtout des sondages de plus en plus
catastrophiques. Le voilà donc reparti à l’offensive. Il va parler.
C’est son grand talent. Celui qui lui a permis d’être élu. Il le
sait. C’est bientôt la période anniversaire de sa victoire. Une
bonne occasion de dresser son bilan. Devant quelques journalistes
qu’il reçoit à l’Elysée. Sans modestie excessive, il se flatte
d’avoir mené « une action réformatrice telle que le pays n’en avait
pas connu depuis de Gaulle ». Il n’a dû retirer aucun texte. Il n’a
pas subi de défaite semblable à celle de Villepin dans l’affaire du CPE. Aucun
scandale n’a éclaboussé le pouvoir. Il n’a subi que neuf jours de
grèves… En revanche, il a mis en œuvre des réformes réputées
impossibles à faire : celle des régimes spéciaux, des contrats de
travail, la fusion des ASSEDIC et de l’UNEDIC, la représentativité
des syndicats, le statut de la fonction publique, la réforme de la
carte judiciaire, l’unification de la direction des Impôts et de la
Comptabilité publique, l’autonomie des universités. Et ainsi de
suite…
Et de s’étonner que la presse et les Français ne
lui en sachent pas gré.
Puisque c’est ainsi, il va s’adresser
directement à eux. A la télévision bien sûr. Le 24 avril. Mea-culpa
pour commencer, il veut bien changer de ton : « Je comprends les
déceptions, la France était endormie depuis vingt-cinq ans. Elle ne
s’est pas adaptée. La mondialisation a transformé le monde en
village… La place n’est plus garantie pour personne », etc.
Mea-culpa encore : « Sans doute ai-je fait des
erreurs, si les Français sont déconcertés, j’y ai ma part de
responsabilité. » Le mot erreur – nouveauté ! – revient même
plusieurs fois à propos de la loi TEPA, dit « paquet fiscal ». «
Une erreur de communication », précise-t-il. Le projet a été mal
présenté et mal expliqué.
Pour finir, le satisfecit : malgré la crise qui
se profile, l’envolée du prix du pétrole et des matières premières,
malgré le niveau de l’euro qui atteint des sommets, dans ce
contexte difficile, « nous avons créé trois cent mille emplois »,
dit-il. Et de conclure : « Depuis que je suis élu, j’ai lancé
cinquante-cinq réformes. Tous ceux qui dans leur pays ont réformé
ont connu des épreuves. Mais je garderai le cap (…) Mon rendez-vous
avec les Français, ce sera la fin de mon quinquennat. Mais l’idée
d’une réélection est très
éloignée aujourd’hui de mon esprit. Ce soir, je suis venu parler de
la France. » Et de fustiger une fois de plus « ce capitalisme
financier qui marche sur la tête et les agences de notation qui
devraient être sanctionnées ».
Près de 12 millions de téléspectateurs ont
écouté ses propos pendant 90 minutes. Un record. Un évident signe
d’intérêt. « Une preuve que les Français sont toujours en attente à
l’égard du Président », commente Claude Guéant.
Restent les députés. Qui doutent toujours de
leur chef. Il les reçoit le 8 mai à l’Elysée. Devant eux aussi, il
veut bien battre sa coulpe sur « ses erreurs », notamment
l’exposition de sa vie privée « qui est maintenant en ordre »,
promet-il. Avant de se livrer à une attaque contre les médias : «
Aucun Président n’a jamais été traité comme moi. » Et de citer
Marianne, Libération, Le
Monde155. Pour illustrer son propos, il
évoque le cas de Ségolène Royal, qui semble l’avoir beaucoup frappé
: « Elle a été condamnée par la justice dans un conflit avec deux
salariées qu’elle avait refusé de payer. Or, la presse en a très
peu parlé. » Deux poids, deux mesures donc.
Après les médias, il s’en prend à ses
prédécesseurs qui ont tous reculé devant les difficultés. Une
longue liste qui commence par le projet Devaquet (du temps de
Jacques Chirac en 1986), et celle du CIP sous Edouard Balladur : «
Quand tout va bien on ne réforme pas : exemple Jospin à Matignon.
Et quand tout va mal, on ne réforme pas non plus : voir Chirac. Il
a été élu en 1995, a tenté de réformer pendant quelques mois, puis
ce fut la dissolution en
1997. Et la cohabitation. Réélu en 2002, Jacques Chirac a laissé
Fillon réformer les retraites. Et après, plus rien, il s’est
arrêté. »
Ce discours, qui se voulait mobilisateur, passe
mal auprès des parlementaires. Une fois de plus, les chiraquiens
tordent le nez.
Les résultats de cette opération reconquête sont
donc mitigés. Il va la relancer autrement.
L’atout Carla Au lendemain du premier tour des
municipales, Shimon Peres est reçu à Paris, en visite d’Etat.
Nicolas Sarkozy donne à l’Elysée un très grand dîner. Mais la
vedette de la soirée n’est pas le président israélien. C’est vers
Carla, la nouvelle Première dame, que tous les regards et les
caméras se tournent. Elle apparaît superbe dans une longue robe
violette. Les Français pourront l’admirer dans la quasi-totalité
des magazines.
Coïncidence ? Trois jours plus tôt, Cécilia a
épousé Richard Attias à New York. En grand tralala : trois jours de
festivités au 65e étage du Rockefeller
Center. Le nouveau couple est en couverture de Gala et VSD.
Mais l’Elysée compte sur la visite du couple
présidentiel à Londres pour imprimer un ton nouveau au quinquennat.
Vous voulez un Président plus Président ? Eh bien, vous allez voir
!
La tâche s’annonce rude. La veille du voyage,
Le Parisien a publié « dix conseils
pour bien se tenir devant Elisabeth II » et sur LCI, un journaliste
talentueux et réputé pour son sérieux ose dire, sans rire, qu’il
espère que « le Président se tiendra bien et qu’il ne se mouchera
pas dans les rideaux ». No
comment.
Nicolas
Sarkozy n’a pas besoin de tels conseils pour savoir qu’il est
attendu au tournant. « Si la seule chose que l’on me reproche,
c’est le style, cela signifie que sur le fond, il n’y a rien à me
reprocher. J’ai mené toutes les réformes que j’avais promises. Cela
fait un an que je suis président de la République, je n’ai reculé
sur aucun sujet, et s’il y a un problème de style, j’espère que
vous apprécierez l’habit que je me suis fait faire pour la soirée
royale », dit-il lors d’un entretien à la BBC.
Le jour de son arrivée à Londres, dans un
éditorial intitulé « Président bling-bling », le New York Times raille « ses bouffonneries
médiatisées ». « Pour un homme qui a travaillé si longtemps et si
dur pour arriver à l’Elysée, Monsieur Sarkozy démontre de curieuses
notions sur la manière de se conduire une fois installé dans la
place. »
Une charge qui ne peut laisser ses
collaborateurs indifférents.
Mais l’atmosphère va vite changer. « The winner
is Carla. »
La partie n’était pas non plus jouée d’avance
pour elle. La veille encore, la presse tabloïd anglaise avait
publié une ancienne photo d’elle entièrement nue (1993) qui devait
être vendue aux enchères à New York le 10 avril.
Or, elle va franchir l’obstacle, faire oublier
toutes les critiques en administrant une belle leçon de maintien
dans l’un des lieux les plus stricts et les plus exigeants de la
planète en matière de protocole.
Il a suffi d’une révérence devant la Reine. Et
d’un sourire charmant. Carla porte une tenue classique, d’une rare
sobriété. Un manteau gris ajusté à la silhouette, descendant sous
le genou, ceinturé de noir, comme ses gants. Elle est coiffée d’un
adorable petit bibi en tissu assorti. Le tout signé Dior. Elle est chaussée de
ballerines plates. La grâce personnifiée.
La presse britannique, aussitôt séduite,
s’emballe, en la comparant à Jackie Kennedy ou à Audrey Hepburn.
C’est la « Carlamania ».
Du coup, les propos de son mari impressionnent
moins. Pourtant, devant les deux Chambres réunies dans la fastueuse
galerie royale de Westminster, il multiplie les protestations
d’amitié et les appels à la collaboration franco-britannique. Il
annonce que les troupes françaises resteront en Afghanistan « avec
nos alliés, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la
stabilité dans ce pays ».
Mais pendant son discours, c’est sur Carla que
les caméras sont le plus souvent braquées. On ne voit qu’elle.
Assise dans un fauteuil les genoux joints, rien ne bouge, pas un
cil. Parfaite ! On admire son maintien de reine. Elisabeth II,
justement, est tombée sous le charme. Le couple présidentiel ayant
été invité à passer la nuit à Windsor, la Reine vient elle-même
vérifier que tout est en ordre dans leur appartement, y compris le
fonctionnement des robinets dans la salle de bains, qu’elle
actionne elle-même devant ses invités ébahis. Un grand
souvenir.
Mais le voyage aurait pu mal se terminer. Le
staff élyséen va connaître une vraie grande frayeur. Car outre le
grand dîner du premier soir avec la famille royale, à Buckingham
autour d’une table longue de trente mètres, le programme prévoit le
lendemain un déjeuner avec le Premier ministre Gordon Brown, quand
Nicolas Sarkozy réalise qu’il doit assister à un autre dîner,
celui-là offert par le lord-maire de Londres. Et qui exige qu’il
remette son habit. Le Président exècre, on le sait, ces grands
dîners qui n’en finissent pas. Il refuse d’y participer, il veut
rentrer. « Pour alléger la pression sur Carla », explique-t-il. Ses conseillers, Jean-David
Levitte le premier, le supplient : « Vous ne pouvez pas partir
puisque vous devez porter un toast à la Reine. » Le Président finit
quand même par se laisser convaincre, mais il arrive – shocking ! –
avec une heure de retard. Il veut bien participer au dîner,
prononcer le toast à la Reine, mais il refuse de passer une seconde
nuit à Windsor, comme il était prévu – au grand étonnement de la
Reine – et exige de lever le camp alors que le dessert est à peine
entamé, sous le regard médusé de ses hôtes. Du pur Sarkozy. Voyage
réussi tout de même. L’Angleterre est sous le charme de Carla et la
presse dithyrambique.
En France, c’est pareil. « Les Français aiment
déjà Carla » titre Le Parisien le 5
avril. Sceptique avant le voyage, le quotidien livre un commentaire
élogieux : « Deux mois après son mariage, Carla Bruni-Sarkozy
impose son style : élégante, moderne, intelligente et sympathique.
Son allure séduit à droite, son côté aristo-bobo attire des
sympathies à gauche. Carla atout maître pour un Président dont la
fougue brouillonne déroute les Français. » Ce que confirment les
sondages : plus de deux tiers des Français se disent satisfaits de
la Première dame. Mais 64 % des sondés jugent qu’elle ne
contribuera pas à améliorer l’image de son mari : lui c’est lui,
elle c’est elle. Quelques jours plus tard, elle accompagne le
Président au marché de Rungis. Elle s’est pour cela levée à 4
heures du matin. « C’est l’Italienne qui a eu cette idée », dit
Nicolas Sarkozy à Jean-Pierre Raffarin. Sur place, elle prend
volontiers la pose avec qui sollicite une photo avec elle. Un beau
succès.
« Carlamania ou sarkopub ? » s’interroge
L’Express. Le 21 juin, Libération lui consacre sa couverture. Elle est
l’invitée du journal. Mais la rédaction lui a refusé le titre de « rédacteur en chef » dont
sont gratifiées pour un jour des personnalités qui, d’ordinaire,
interviennent sur tous les sujets d’actualité. Fait-elle la
promotion de son album ou la communication de son mari ? Bilan :
des centaines de mails de protestation, mais… 47 % de ventes en
plus !
« Ma vie privée est en ordre », assurait Nicolas
Sarkozy quelques jours plus tôt. Carla a réussi son entrée. Mieux
même. Elle l’a réconcilié avec sa famille. La mère, les frères,
mais aussi le père sont régulièrement invités à l’Elysée et – chose
impensable du temps de Cécilia – Marie-Dominique, la première
épouse du Président, la mère de Pierre et Jean, est elle aussi
conviée à déjeuner le dimanche. Les amis écartés par Cécilia
reviennent aussi. « Carla est douce, elle met du liant dans les
rapports », dit Jean Sarkozy. Ce qui le change, dit-il, des années
passées. « Avec Cécilia, tout était très compliqué. Elle était
jalouse de tout. Du lien qui existait entre mon père et nous. Elle
ne voulait jamais que l’on prenne Louis. Parfois elle pouvait être
gentille, mais ça ne durait pas longtemps. Mon père ne se rendait
compte de rien. »
Les amis eux aussi le confirment : Carla lui a
apporté la sérénité. « Elle l’a réparé. »
151. Il a battu la socialiste sortante qui est
aussi la mère de Bruno Julliard, le leader de l’UNEF, toujours en
première ligne dans les manifs contre le gouvernement.
152. Six nouvelles personnalités font leur
entrée. Anne-Marie Idrac, ex-patronne de la SNCF, fait son retour
en politique comme secrétaire d’Etat au Commerce extérieur. Nadine
Morano, battue à Toul, hérite de la Famille. Hubert Falco et Alain
Joyandet, élus dans leurs villes, sont nommés respectivement
secrétaires d’Etat à l’Aménagement du territoire et à la
Coopération. Yves Jégo, sarkozyste historique, succède à Christian
Estrosi (élu à la mairie de Nice) à l’Outre-mer et Christian Blanc,
ex-rocardien, député du Nouveau Centre, s’occupera du Grand
Paris.
153. Le pôle communication du mouvement est
également remanié. Dominique Paillé, Frédéric Lefebvre, député des
Hauts-de-Seine et Chantal Brunel, députée de Seine-et-Marne, sont
promus porte-parole.
154. « Comme personnalité, j’aime beaucoup
Monsieur Hortefeux », déclare-t-elle au Monde.
155. François Mitterrand se plaignait lui
aussi d’être maltraité par la presse Hersant.