Victime des victimes ?
« Moi, je suis toujours du côté des victimes. »
Ce n’est pas un successeur de l’abbé Pierre ni une nouvelle mère
Teresa qui fait cette déclaration à la mi-juin 2009, mais le
président de la République française.
Son entourage, ses ministres, la plupart des
députés de la majorité ne peuvent être surpris par cette profession
de foi. Ils l’ont tous remarqué : sa compassion pour les victimes,
quelles qu’elles soient – victimes de crimes, de viols, otages,
soldats morts au combat –, suscite chez lui des élans
irrépressibles qui les interrogent toujours par leur
intensité.
« Ce qui m’étonne le plus chez lui, c’est son
hypersensibilité. Son émotion totale devant le malheur des gens,
tout l’atteint », témoigne Franck Louvrier.
Même écho chez Christian Frémont, son directeur
de cabinet : « Quand il reçoit les familles des victimes, il
établit avec elles un lien presque charnel, il sait trouver les
mots pour les apaiser. Il se montre en totale empathie. Et ce n’est
pas pour le spectacle. Ces rencontres ont lieu sans les médias.
J’ai connu beaucoup de politiques, mais aucun capable comme lui
d’autant de chaleur humaine. »
« Les
rencontres avec les familles des victimes sont pour moi des moments
que je conserverai toute ma vie en mémoire », confie le
Président.
Ce trait de caractère peu souligné aide à mieux
expliquer l’homme Sarkozy. « La politique se fait avec la tête,
mais il est très certain qu’elle ne se fait pas avec la tête
seulement363. » Car il n’en reste pas là. Ensuite, il
passe à l’action (réflexe d’avocat que révulse l’erreur judiciaire
?). Il secoue tous les services intéressés. Clama sa colère au
risque de se faire des ennemis en parlant sans fard, trop vite et
trop fort parfois. Bref en sur-réagissant.
Et si la compassion faisait de lui une victime
des victimes ? « C’est un élément transversal du quinquennat »,
admet un diplomate. En cette année 2011, trois exemples
l’illustrent : le drame de Pornic, qui achève de le brouiller avec
le monde judiciaire ; l’affaire Florence Cassez ; et la loi sur la
négation du génocide arménien qui vont mettre à mal les relations
de la France avec deux grands pays : le Mexique et la
Turquie.
363. Max Weber, in Le
savant et le politique, 1959.