Une idée me vint alors. Puisque Manon ne souhaitait plus me parler – elle ne me rappelait pas – je lui dirais mon amour à travers un parfum sur mesure.

Avec fièvre, je me lançai dans la composition de cette fragrance singulière. Connaissant les senteurs que dégageait sa peau, je m’efforçai de créer un parfum en accord avec sa féminité si particulière ; je savais très exactement quels effets produiraient les essences que je choisissais lorsqu’elles s’amalgameraient aux acides de son épiderme.

Je rêvais de lui offrir un effluve susceptible de mettre son éclat à l’abri des atteintes du temps, une illusion olfactive qui lui permettrait d’être toujours vue telle que dans la beauté de ses trente-deux ans, même lorsque les rides commenceraient à ruiner son visage.

Le résultat fut une réussite.

Humer ce parfum qui se dégageait lentement et subtilement dans l’air donnait le sentiment de respirer un synonyme odorant du mot beauté, suscitait une irrésistible inclination. Cette odeur était celle d’une femme de trente ans, pour l’éternité. J’en remplis un petit flacon que je glissai dans une enveloppe, avec une lettre dans laquelle j’expliquai à Manon que mon nez s’était éveillé ; puis j’écrivis de la main gauche son adresse sur l’enveloppe et la postai.

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A mes yeux, elle serait toujours une Tonnerre.