23
Jean-Denis Moran, debout devant son bureau, lit le Sud-Ouest qui y est grand ouvert. Il rit de bon cœur quand Magali Miller entre pour lui apporter le courrier du jour qu'elle vient de dépouiller.
– Ils racontent l'arrestation de cette cruche de Lataste sous nos fenêtres, hier après-midi. Il paraît qu'y a des témoins qui ont cru au tournage d'un film !
Magali est venue poser familièrement la main gauche sur son épaule droite et lit avec lui. Amusé par sa lecture, il incline la tête pour caresser de la joue les longs doigts bagués de pierres précieuses.
– Ils ne se mouillent pas, ils ne citent aucun nom. Ils ne font que rapporter l'incident, sans s'étendre sur les causes… T'as vu ? Ils parlent juste d'une « possible compromission dans une tentative d'escroquerie dont a été victime une banque d'affaires bordelaise qui, grâce au sang-froid de son équipe dirigeante, a su déjouer les manœuvres d'un Arsène Lupin au petit pied » !
Il s'esclaffe.
– J'adore !
– T'as lu, en dessous, l'interview de son avocate ?
– Où ça ?!
Panique à bord. Elle tapote avec délice un ongle acéré laqué de carmin sur la photo de Carole Aubertin. Il s'est plongé dans le déchiffrage du texte encadrant le portrait.
– « Complot. » Tu peux chercher, connasse ! Elle a tout dit, en disant ça ! C'est facile de parler de complot, encore faut-il prouver ! Elle n'est pas connue, cette nana, elle ne fera pas le poids.
– Tu es dans ce coup-là ?
– Hein !?
Ses yeux se sont affolés, son éternel sourire l'a fui un instant… Une fraction de seconde… Il est revenu, éblouissant.
– Quel coup ? De quoi tu parles ?
– Je trouve qu'il arrive bien des désagréments aux gens de ton entourage et à leurs proches, ces temps-ci. Les pauvres Dubreuil
Il la prend par la nuque.
– L'essentiel, c'est qu'il ne t'arrive rien à toi, ma chatte.
Il me menace, l'enfoiré ! Les yeux cobalt la fixent, entre réverbérations du ciel sur la banquise et flammes de chalumeaux oxyacétyléniques. Combien de gens il a ruinés, poussés au suicide, tués ? Elle grimace, tellement les griffes se sont insérées dans sa chair. Tant bien que mal, elle parvient à façonner un sourire.
– À toi aussi… je… j'espère qu'il… qu'il n'arrivera rien…
Le prédateur relâche un peu sa préhension.
– T'es gentille.
– Crève ! Je tiens à toi… je… je te dois tant.
L'étreinte devient effleurement, puis flatterie sur l'encolure d'une brave bête soumise.


Siméon Bensoussan n'a eu aucune peine à obtenir l'accord écrit de Louis Dubreuil pour saisir la comptabilité de Laurent en possession de Raphaël Monjot, son expert, qui s'est déclaré disposé à aider la police à faire la lumière sur un suicide lui semblant parfaitement inconcevable.
– D'autant que je connaissais Laurent depuis des années, on a fait notre primaire et notre collège ensemble à Floirac. Nos parents habitaient la cité Maupéou. Je le connais comme moi-même. Ça nous est arrivé plusieurs fois de parler du suicide. Il condamnait. Il traitait de lâches ceux qui se défilaient en laissant les leurs dans les pires tourments… Non, c'est impossible. Laurent ne s'est pas suicidé. Il aimait trop sa femme et ses enfants.
Bensoussan a demandé à ses agents de charger à bord de sa voiture tous les éléments mis à disposition. L'affaire n'a pas traîné. Un quart d'heure plus tard, le lieutenant Gaétan Berthier vient annoncer qu'ils sont prêts à repartir.
En arrivant à sa Mégane Scénic, le commissaire est étonné de ne rien voir ni sur les banquettes ni à l'arrière.
– Vous avez fait quoi du matos ?
– Le capitaine Fourrier l'a embarqué.
– J'avais dit de mettre les cartons ici ! Il a fait pareil lors de la perquise à la BGD !
L'ours, barbe et sourcils en pétard, est frappé par la révélation. Pour lui, c'est l'équivalent de la conversion de Claudel à l'entrée du chœur de Notre-Dame ! L'ordinateur de Lataste ! Je le revois l'emballer !
Berthier, qui n'en mène pas large, tente une conciliation.
– Il a dit que ce serait plus pratique, vu que vous, vous portez aucun paquet.
La médiation se perd. Il détourne les preuves ! Déjà Bensoussan s'est éjecté du véhicule. C'est lui qui a piqué le disque dur du foutu Patouche ! Il se jette presque sous les roues du break 306 de l'adjoint qui allait le dépasser.
– Arrêtez !
L'esquimau pile. C'est quoi ce cirque ? L'espace d'un freinage, sous l'effet de la surprise, ses yeux se sont débridés. Y a un bug ! Il se doute !
Bensoussan s'est précipité sur la portière. Il l'ouvre.
– Quand je donne une consigne, c'est un ordre ! Je veux transporter moi-même ces archives ! Descendez ! Prenez ma voiture, je prends la vôtre !
Le capitaine s'exécute, en grognant.
– Bordel ! ça merdoie, là ! Qu'est-ce qui vous arrive ? Je vais pas la paumer, votre paperasse !
Bensoussan n'a pas écouté. Lataste accusait des agents doubles… Il est monté et a claqué la portière. Fourrier en est un ! Mon blair me trompe jamais ! La Peugeot démarre avec un crissement de pneus, sirène deux tons hurlant. Faudra que je vérifie si, par hasard, il serait pas membre du syndicat facho de Jeannot Gourdon.
Fourrier s'assied dans la Scénic. Le lieutenant Berthier ne comprend rien à la pièce qui se joue.
– Le vieux mâle défend son territoire. Qu'est-ce qui lui prend ?
– Il a ses ragnagnas. Jeannot va m'en chier une pendule !


Quand Jacques Collin reconnaît la BMW 530 grise de Vérane qui roule dans l'allée du parc, alors que le visiteur n'est ni attendu ni annoncé, il réalise que quelque chose de grave vient de se passer.
Dix minutes plus tard, il connaît l'alarmant échec de Fourrier.
Incontinent, Vérane a droit à sa volée de cloches au bronze tonnant carillonnée sur une douce pente herbue de « ma petite vallée suisse » où, bien que la nuit précédente les températures soient passées au-dessous de zéro, le maître des lieux, chaudement couvert d'un long manteau en mouton retourné, l'a contraint à s'exiler en costume deux pièces à l'écart des oreilles de Louise-Marie.
– Mais, putain de merde ! Tu aurais pu y penser au comptable !… Et le proc, il peut pas empêcher sa sous-fifre de faire du zèle ?!
– Je n'ai pas le contrôle direct de Fuentès, Monsieur. C'est votre ami Moran son… sa relation… Je n'ai aucun moyen de pression.
Indéniablement, la voix du directeur adjoint départemental de la police nationale tremble. Il a une trouille bleue, ce con. On fait rien de bon avec des lopettes. Vautrin le dévisage, sans prendre la peine de masquer le mépris qui lui distord les lèvres.
– Tu me chies dans les bottes, Thierry, tu me chies dans les bottes.
– Je suis désolé. Je suis allé au-delà de toutes limites, vous savez.
– Mais non ! Bensoussan, tu pouvais le coller sur une autre mission ! C'était de ton ressort, ça ! Lui foutre un emploi du temps qui le paralyse trente heures sur vingt-quatre !
– Je ne pensais pas que…
– Ah ! tu penses pas, tu penses pas ! Putain, ça se voit que tu penses pas ! T'as pas besoin de le dire !
Je te pisse à la raie, ordure ! Vérane ne parvient plus qu'à regarder le sol. Une puissance non raisonnée, touchant à l'instinct de conservation, éteint en lui jusqu'à la moindre velléité.
– Maintenant, tu vas voir ce qui va nous dégringoler sur la gueule ! Je te parie que l'autre connasse de négresse va pas tarder à se retrouver en charge de l'extension du dossier, et on sera pas dans la merde !
Le réprimandé émet un soupir peiné. Sans aller jusqu'à oser lever ses petits yeux étroits.
– C'est parce que je voudrais nous éviter cela, et qu'il y a urgence à agir, que je suis venu. Pas pour te donner le plaisir de me traiter comme un clébard. Il était impensable que je me confie à un téléphone. Dambo doit impérativement être dessaisie. Je sais que vous pouvez compter sur quelqu'un de très haut placé dont nul n'ignore qu'il vous doit énormément, c'est vous qui l'avez fait ce qu'il est. J'en fais trop là !
Il risque un coup d'œil furtif vers les iris marron foncé où flamboient des prunelles incendiaires.
Tendu, fermé, Collin torture la pointe de sa barbe. C'est vrai qu'il me doit tout, le grand. C'est peut-être l'heure de le lui rappeler.
– Dégage. T'es jamais venu ici. Y a des années qu'on s'est pas parlé. Des années !
Vérane hoche la tête et s'éloigne sans un mot. Compte là-dessus ! Si je plonge, je te coule, fumier !


Vers 11 heures, Reine a soudain émergé de ses angoisses religieuses pour se jeter dans une autre épouvante.
– Les obsèques ! Où on va mettre tous mes morts ? T'as pensé à t'en occuper ?
– Pas pour l'instant… On n'a pas les corps.
– Mais il faut le faire, il faut le faire ! Occupe-t'en, bon Dieu !
Sa femme rejetant résolument tout enterrement au rabais, Louis téléphone donc aux Pompes funèbres générales, le leader français qui, deux mois plus tard, témoignage de son dynamisme, va passer sous le contrôle du fonds d'investissement américain Vestar Capital Partners.
Aussi, après le déjeuner, une demoiselle de noir vêtu vient-elle se mettre à l'écoute du couple pour déterminer ses besoins et les estimer.
D'un inventaire précis, enrichi de photos, qu'elle a dressé : « Toilette mortuaire, soins de conservation ; cercueil avec poignées, garniture étanche, capiton, emblèmes religieux ou civil et plaque d'identification ; convoi avec porteurs en tenue, assistant pour l'ordonnancement de la cérémonie comprenant une table avec registre à signatures, un corbillard, un ou des véhicules d'accompagnement, avec personnalisation du service ; coordination des moyens humains et logistiques internes et/ou externes pour l'organisation des obsèques et l'accomplissement des démarches ; inhumation, frais de sépulture, creusement d'une fosse (200 × 100 cm) ou dépose et repose d'un monument », il ressort que les devoirs rendus aux défunts devraient coûter entre 2 191 et 11 676 euros par personne, selon que l'on optera pour la standardisation ou la qualité supérieure.
– Naturellement, ces coûts seront dégressifs puisque certains postes, tels que la table avec registre à signatures ou l'assistant ordonnateur, ne seront facturés qu'une fois et non pas quatre. En revanche, ils n'incluent pas les autres frais comme un éventuel salon funéraire, le transport dans une autre commune, les avis dans la presse, les faire-part, les offrandes au culte, les fleurs, les taxes et les vacations annexes… Vous-mêmes et votre famille pourrez effectuer votre choix dans le recueillement parmi une large collection d'articles funéraires floraux et artistiques présentée à notre agence à des prix variant de 9 à 1 000 euros. Vous imaginez la vaste gamme.
– Ah, j'imagine très bien.
Louis Dubreuil est atterré. Avec la folie des grandeurs de Reine, tout ça va nous coûter au bas mot dans les 300 000 francs.
– Qu'est-ce que tu en penses, Nanou ?
La consultée semble égarée.
– Où vous allez me le mettre, mon Lolo ? Et mes petits bouts de chou ? Je veux que ce soit quelque chose de beau, vous savez. Je ne veux pas qu'ils aillent dans la terre comme des chiens.
La prévenante conseillère compatit.
– Je vous comprends parfaitement, madame. Puisque vous n'avez pas de caveau, peut-être le moment est-il venu d'en construire un…
Louis a la tête qui tourne.


Cernée de grillages renforcés et de béton au-dessus desquels un ciel nuageux a élevé la température de la veille, Valérie fait les cent pas. Une déambulation d'une heure – une le matin, une l'après-midi –, qui s'appelle ici « la promenade », accomplie sous les larges mailles irrégulières du filet antiévasion aérienne. Mort de Joël… Et de Dubreuil ! De sa femme, de ses enfants ! L'horreur ! Le traumatisme est si frais, si dévastateur… Elle a dormi moins de deux heures cette nuit à cause du bruit, des cris cauchemardesques, de la lumière qui s'est allumée quatre fois dans la cellule quand la gardienne a fait sa ronde.
Au lever, elle avait un mal terrible à l'arrière du crâne. Il lui a fallu attendre une heure vingt-trois – montre en main – l'aspirine qui l'a à peine soulagée. Elle a demandé à être reçue par le directeur, un travailleur social et le médecin, comme le Guide du détenu arrivant affirme qu'elle en a le droit. Il lui a été répondu que compte tenu des ponts des fêtes de fin d'année, de la surpopulation carcérale et du manque d'effectifs, « faudra être patiente ».
– Mais je dois les voir dans les vingt-quatre heures ! C'est la loi, bon sang !
– Si vous l'aviez respectée, la loi, vous seriez pas ici !
– Qu'est-ce que vous faites de ma présomption d'innocence ?!
La surveillante, une grande quinqua fringante, carrée et droite comme un i, n'a pu se retenir de pouffer.
Valérie est épuisée, et le mauvais café du matin ne l'a pas remontée. Elle ne parvient pas à communiquer avec les femmes de tous âges qui vont et viennent sans but comme elle. Pour décrocher son esprit de ses tourments devenus obsessionnels, elle se force à pratiquer l'étude de ce qu'elle voit et subit. Elle s'est persuadée que cette activité cérébrale la sauverait de la dégénérescence, tant physique qu'intellectuelle, qu'elle redoute. Un travail qu'elle connaît, l'étude ! Fichu boulot qui lui vaut d'être ici ! J'ai lu quelque part que cette prison est du type linéaire offrant les conditions de sécurité maximales pour un coût de maintenance minimal. Très facile à surveiller. C'est le modèle de Sing-Sing, le seul moyen d'évasion est le suicide… Les murs d'enceinte font combien ? Douze, quinze mètres de haut ? Et le mirador ? Trois sur trois ? Non, plutôt deux quatre-vingts au carré… Je le voyais pas comme ça, je l'imaginais plus « camp de concentration »… Il a son frère jumeau à l'autre angle, même béton, même grisaille, même projecteur halogène, même caméra, mêmes vitres réfléchissantes pour voir sans être vu, même toit blanc sale en pente légère, comme pour leur donner un air de fête qu'ils n'ont pas. Je les imaginais plus haut perchés, moins cubiques, pas juste plantés en débord des angles de l'enceinte… Les trois quarts des promeneuses ont moins de quarante ans… Y en a moins que je croyais. Combien on est ? Vingt-cinq, vingt-sept ?… Six ne sont sûrement pas majeures. Non, plutôt cinq… Légalement, elles ne devraient pas être mêlées aux adultes… Y en a qui ont l'air complètement camées, elles chancellent d'avant en arrière, c'est impressionnant… On dirait qu'elles n'ont pas toute leur tête… Je me rappelle, dans son article de L'Express, Delphine Saubaber disait que 30 % des détenus français souffrent de troubles mentaux. Elle parlait d'un type qu'on gardait nu parce qu'il mangeait ses vêtements, et d'un autre qui griffait l'acier de sa porte… À peu près un quart sont étrangères ; pour la plupart, leur seul crime est d'être dépourvues de papiers. Depuis combien de temps sont-elles là toutes ces femmes ? Et, immanquablement, sa tentative de diversion la ramène aux rivages qu'elle veut fuir. Combien sont aussi coupables que moi ? D'après les statistiques, 3 % des prévenus, qui représentent 35 % de la population carcérale, sont innocentés après des mois de prison ! 3 % ! T'imagines ? Ça veut dire que sur les 59 000 personnes incarcérées actuellement en France, environ 20 000 sont présumées innocentes, et près de 600 le sont vraiment ! 600 ! C'est énorme ! De l'erreur judiciaire au quotidien ! Et, en plus, selon les mêmes sources officielles, pour couper court aux revendications de dédommagements et par solidarité entre les juges, beaucoup d'autres prisonniers sont condamnés à une peine couvrant comme par hasard la durée de leur préventive ! Dégueulasse ! Quel sabotage de la vie d'autrui ! Je te promets que je les ferai payer à la sortie !… Est-ce que tu sortiras ? T'es optimiste… Carole Aubertin dit qu'y a une chance avec son fameux référé-liberté. Elles sont odieuses, toutes leurs subtilités chicaneuses… Est-ce qu'elle a pu joindre papa ? J'espère que la juge l'autorisera à me voir pour qu'il m'apporte des vêtements propres, j'ai l'impression de sentir mauvais dans ces fringues… Pourvu qu'il oublie pas mes tampons. Ça me fait drôle de lui demander ça. Ça va devenir urgent. Il a dû être autant gêné que moi… À moins que ça l'ait amusé… Faut aussi que je change de culotte. Je ne vais pas en réclamer une à l'administration. Si ça se trouve, ils n'en ont même pas, tout est si minable, si défraîchi, si sale, ils ont l'air si fauchés… Si papa ne vient pas, je demanderai qu'ils m'en achètent une. Non ! Plusieurs ! De quoi ça aura l'air ?! Et y aura pas que ça, il me faut un vrai trousseau… Papa viendra… Pourquoi je compte sur lui ? J'ai été si distante, ces dernières années ! Même l'autre soir ! Je l'ai planté sans la moindre explication. Il a dû être très contrarié. Je suis une mauvaise fille… Sûrement parce qu'il n'a pas été un père à la hauteur… Est-ce qu'un parent qui vit une passion peut être un parent à la hauteur ?… Pourquoi je ne compte plus du tout sur Hugo ? Il a été si absent. Peut-être que je suis injuste. Il a un emploi du temps serré… J'ai une nature injuste. Faudra que je change quand je sortirai. Errant, l'esprit en déroute, elle est brutalement heurtée dans le dos. Une poussée qui la propulse contre le mur de l'immeuble. Elle veut faire face mais une bourrade l'en empêche.
– Tu vois, ça t'a servi à rien de jouer les Jeanne d'Arc. Si tu tiens à sauver ta peau, reste dans ton trou. Si tu ouvres ta gueule, on l'éclate.
Moran m'a appelée la Pucelle ! Une forte tape à l'arrière du crâne lui envoie le front et le nez cogner durement le mur. Le choc lui emplit la cervelle d'étoiles. Elle ne perd pas entièrement conscience, mais juste assez pour que, quand elle parvient enfin à se retourner, son assaillante ait disparu.
Dans la cour, les mises à l'écart de la société vont et viennent.
Impossible de mettre un visage sur la voix gutturale qui a parlé vite, se hâtant pour ne pas être repérée. À l'évidence, les gardiennes n'ont rien remarqué d'anormal. Ils ont des alliés jusque dans ce rebut du monde !… Je suis idiote ! Puisque la corruption règne en maîtresse à l'extérieur, par quel miracle serait-elle absente ici ? Elle coule un regard torve sur l'ensemble des « promeneuses », dont aucune ne s'intéresse à son nez d'où s'écoule un filet de sang. Combien d'entre elles sont vendues à Moran ? Combien sont prêtes à me tuer ?