Un essaim de touristes est agglutiné devant la réception et finit les dernières modalités d’enregistrement. Ils s’ébrouent et disparaissent. Reste, sur de petits chariots, une montagne de valises qui attendent d’être montées. Il regarde autour de lui et retrouve le Gramercy Park Hotel. Derrière le haut meuble de bois de la réception, des employés s’agitent, rangent des clefs, sourient, échangent des passeports et comptent des billets. Tout le monde s’affaire dans une agitation fébrile, tout n’est que sonneries de téléphone et ronrons de fax.

 

Il s’approche des guichets, demande, doucement, une chambre pour la nuit. L’employé, qui n’a pas fait attention, lui demande combien de temps il restera. Il répète. Une nuit. “Des bagages, monsieur ?” Non. Pas de bagages. “Carte de crédit ou espèces ? Il tend un billet, on lui tend une clef. Il pénètre dans le grand salon vide, marche lentement, jouant du bout des doigts avec son trousseau. Mais il ne va pas jusqu’aux portes des ascenseurs. Entre les cabines téléphoniques et les ascenseurs, il s’assoit dans un gros fauteuil de cuir qui pousse, sous son poids, un soupir d’aise et de gratitude.

 

À gauche en entrant, lorsqu’on laisse derrière soi la réception, s’ouvre une vaste salle aux dimensions infinies. Tout y est calme et reculé. Sur un côté, il y a une petite boutique qui vend des boissons, des chewing-gums, des barres chocolatées et quelques cartes postales. La salle se prolonge dans un silence glacé. Par-ci, par-là, de lourds fauteuils en cuir s’étalent nonchalamment. C’est là qu’il est assis. Tout au fond de la pièce se trouvent les ascenseurs qui montent aux chambres. En traversant cette pièce, on se rend compte de l’âge de l’hôtel. Il y règne un calme de retraité. On y parle à voix basse. Rien n’y est tout à fait délabré mais tout y est déjà un peu usé. C’est là aussi, tout au bout de ce grand hall feutré, dans un petit renfoncement, que se trouvent quatre cabines téléphoniques.

Pour monter aux étages, il faut traverser cette grande pièce silencieuse. Rares sont ceux qui s’y arrêtent. On ne fait qu’y passer. Quelques-uns, parfois, viennent pour téléphoner, mais leurs voix résonnent dans tout le salon et cela intimide les plus timorés.

 

Il regarde devant lui. Des hommes et des femmes ne cessent d’aller et venir. Ils montent et descendent, les uns fatigués d’avoir marché, les autres impatients d’arpenter la ville et de découvrir sa fièvre.

Lui, reste là. Il est bien. Il sourit de loin. Une paix nouvelle semble l’habiter.

 

Un homme s’approche de lui et lui demande poliment s’il veut boire quelque chose. Il met du temps à répondre mais finit par commander un jus d’oranges pressées.

 

L’homme revient, pose sur la petite table le jus d’orange et lui demande sur quelle chambre il doit mettre la note. Il ne répond pas et lui tend un billet.