Il a dormi pendant le trajet du retour. L’infirmière l’a réveillé lorsqu’ils sont arrivés en bas de chez lui. Elle l’a aidé à sortir de la voiture et à monter précautionneusement les escaliers.
Elle ouvre maintenant la porte d’entrée de son appartement, cherche en tâtonnant un interrupteur. Lorsque la lumière se fait, il plisse les yeux et reste, un temps, aveuglé par la violence de la lumière électrique. Elle se dépêche d’entrer, ouvre une fenêtre, branche la télévision. Elle revient le chercher. Il est toujours sur le pas de la porte. Elle rit de le voir ainsi, bras ballants, timide sur le seuil de son propre appartement. Elle le prend par la main et lui répète qu’il est chez lui. Elle l’assoit dans le grand canapé, en face de la télévision. Il se laisse tomber. Elle parle encore, court à droite, à gauche, écrit le numéro de l’hôpital à côté du téléphone, fait le lit dans la chambre d’à côté, puis elle revient lui dire au revoir et claque la porte d’entrée.
Il fait nuit dehors. La fenêtre est ouverte. Il entend les bruits de conversations des appartements d’à côté. Il a laissé la télévision allumée mais ne la regarde pas. Il observe les murs qui l’entourent, la table sur laquelle sont jetées des affaires de toutes sortes. Il y a des livres partout. Un nom est là, sur ses lèvres. Un nom qu’il ne cesse de répéter : “Ella… Ella…” Il se met à pleurer.
Lentement, il se lève de son fauteuil et va chercher son vieil imperméable. Il claque derrière lui la porte d’entrée et commence avec prudence la descente de l’escalier. Après quelques instants d’attente sur le trottoir, un taxi s’arrête à son niveau. Le chauffeur baisse sa vitre. Il dit : “Gramercy Park Hotel.” Le chauffeur acquiesce et l’invite à monter. Il s’assoit à l’arrière et pose son front contre la vitre, avec une sorte de quiétude et de soulagement.