CHAPITRE II

Lucas Davenport exhiba son insigne à la vitre de sa Porsche. Le flic banlieusard au visage constellé de taches de rousseur leva la bande en plastique jaune qui délimitait le lieu du crime, et lui fit signe d’avancer. Il dépassa les camions de pompiers, roula sur un tuyau d’incendie aplati, et s’arrêta sur une parcelle de terrain carbonisé qui, quelques heures plus tôt, avait été une pelouse. Deux pompiers en train de boire du café se retournèrent, pour regarder la voiture de plus près.

Le téléphone sonna tandis qu’il sortait du véhicule, et il se baissa pour le décrocher. Quand il se releva, la puanteur de l’incendie vint frapper ses narines : du plâtre brûlé, de l’isolant, de la peinture, et du bois vermoulu.

– Ouais ? Davenport à l’appareil.

Lucas était un homme de haute taille avec de lourdes épaules, un teint foncé, un visage carré, et l’amorce de pattes-d’oie au coin des yeux. Le gris commençait tout juste à pointer dans ses cheveux bruns ; ses yeux étaient d’un bleu stupéfiant. Une mince cicatrice blanche barrait son front et son arcade sourcilière droite, pour descendre jusqu’à la commissure des lèvres. Il ressemblait à un athlète vieillissant, un joueur de base-ball, ou un défenseur de hockey sur glace, à la retraite depuis peu.

Il avait aussi une cicatrice rose, plus récente celle-là, au-dessus du nœud de cravate.

– C’est Sloan. Le standard m’a dit que tu étais sur les lieux de l’incendie.

La voix de Sloan avait un son rauque, comme s’il avait une angine.

– Je viens d’arriver, dit Lucas, en regardant les restes noircis du baraquement Quonset.

– Attends-moi, je viens.

– Qu’est-ce qui se passe ?

– On a un nouvel ennui pas prévu au programme, dit Sloan. Je t’en parlerai tout à l’heure.

Lucas raccrocha, claqua la portière, et fit face au bâtiment qui avait brûlé. Le hangar était un grand baraquement couleur vert clair de type Quonset, utilisé par l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale, en acier galvanisé. La chaleur dégagée par les flammes avait été si intense que les feuilles d’acier qui le composaient pour l’essentiel s’étaient tordues, gondolées, et repliées sur elles-mêmes, comme des tacos métalliques géants.

À la viande de porc.

Lucas passa ses doigts sur sa gorge, là où l’enfant lui avait tiré dessus juste avant d’être déchiquetée par le M-16. Cette affaire-là aussi avait commencé par un incendie, avec la même puanteur, une odeur de cochon grillé émanant de la carcasse du bâtiment qui avait flambé comme une torche. Mais ce n’était pas du porc.

Il toucha de nouveau la cicatrice et s’approcha de l’enchevêtrement de poutres noircies. Un flic était mort là-dedans, avait-on précisé au premier appel, les mains liées derrière le dos. Del avait ensuite passé un coup de fil pour dire que le flic était l’un de ses contacts. Lucas ferait mieux d’aller voir, bien que l’endroit soit en dehors de la juridiction de Minneapolis. Les flics de banlieue avaient une expression sinistre, du genre « l’un d’entre nous y a eu droit ». Lucas avait vu mourir suffisamment de flics au cours de sa carrière pour ne plus faire de distinction entre ceux-ci et des civils, tant qu’il ne s’agissait pas d’amis à lui.

Del marchait avec précaution à l’intérieur du bâtiment carbonisé. Vêtu d’un sweat-shirt gris anthracite, d’un jean et de bottes de cow-boy, il n’était pas rasé, comme d’habitude. Il aperçut Lucas et lui fit signe d’entrer.

– Il était déjà mort avant que le feu ne le touche.

Lucas hocha la tête.

– Comment ça s’est passé ?

– On lui a attaché les poignets avec du fil de fer avant de lui tirer disons trois, quatre balles dans sa putain de denture, pour autant qu’on ait compris quelque chose à ce bon Dieu de cauchemar, dit Del en faisant inconsciemment le geste de se laver les mains. Il aurait dû savoir que ça allait arriver.

– Ouais, bon Dieu, mec, je suis désolé, dit Lucas.

Le flic mort était un agent du Hennepin County. Au début de l’année, il avait passé un mois avec Del, à essayer d’apprendre comment s’en sortir dans la rue. Lui et Del étaient presque devenus des amis.

– Je l’avais prévenu, pour ses dents : aucun lascar n’affiche ces grandes dents saines et blanches payées par la mutuelle, dans la rue, dit Del en se logeant une cigarette dans le bec. (Ses dents à lui étaient des bâtonnets jaunis par la nicotine.) Je lui ai conseillé de prendre une autre couverture. Tout valait mieux que celle-là. Il pouvait choisir de se faire passer pour un vendeur de pièces détachées auto, un barman, n’importe quoi. Mais il a fallu qu’il joue le rôle d’un mec des rues, pas moyen d’en sortir.

– Ouais… Qu’est-ce que tu voulais, au fait ?

– T’as du feu ?

– Du feu, c’est ça que tu voulais ?

Del grimaça un sourire derrière la cigarette non allumée, et dit :

– Viens voir à l’intérieur. Je voudrais te montrer quelque chose.

Lucas suivit Del dans le hangar, le long d’un chemin étroit à travers les trous des cloisons à moitié brûlées, et les piles de palettes de bois carbonisées. À l’arrière du bâtiment, il vit la feuille de plastique noir qui recouvrait le corps, et l’odeur de cochon grillé se fit plus vive. Del l’emmena jusqu’à un mur de placoplâtre effondré, où, dans les débris d’une boîte en bois, se trouvaient trois cylindres d’un diamètre modeste, d’un mètre cinquante de long environ.

– Est-ce qu’il s’agit bien de ce que je crois ? demanda Del.

Lucas s’accroupit près de la boîte, s’empara d’un des tubes métalliques, examina le pas de vis à une extrémité, avant de le retourner pour jeter un coup d’œil aux rayures internes de l’autre côté.

– Ouais, c’est bien ça – si tu crois qu’il s’agit de canons de rechange pour des fusils de calibre cinquante.

Il lâcha le cylindre sur les autres, marcha en canard sur cinquante centimètres vers une autre boîte aplatie, prit une autre pièce détachée.

– C’est un percuteur. Automatique, un seul coup, calibre cinquante. Cassé. On dirait qu’il y a une fissure, l’acier doit être de mauvaise qualité… Qu’est-ce qu’il y avait ici, avant ?

– Un atelier. Confection de pièces détachées.

– Ouais, un atelier. Ils fabriquaient des percuteurs, je parie. Les canons venaient d’ailleurs – en principe, on n’en voit jamais des comme ça sur des armes à un coup. Trop lourds. Il faut que les types de la balistique y jettent un coup d’œil pour voir si on ne pourrait pas déterminer d’où ils viennent, et qui, ici, les a achetés.

Il lâcha le percuteur défectueux, se leva, et désigna le corps d’un signe de tête.

– Dans quoi est-ce qu’il grenouillait ?

– Le gang des Bouseux, d’après ses amis.

Lucas, exaspéré, secoua la tête.

– Il manquait plus que ces trous-du-cul.

– Ils font de la politique. Ils ont décidé de flinguer du nègre.

– Ouais. Ça t’intéresse ?

– C’est pour ça que je t’ai fait venir, expliqua Del, en hochant la tête. Tu as vu les flingues, senti l’odeur de cochon grillé, tu ne peux plus dire non.

– D’accord. Mais tu me fais un rapport tous les quarts d’heure, répliqua Lucas en lui tapant sur la poitrine. Je veux être au courant de tout ce que tu fais. Tous les noms que tu découvres, toutes les gueules que tu repères. À la moindre alerte, tu te planques dans un coin et tu en discutes avec moi. Ils sont complètement tarés, mais ça ne les empêcherait pas de te descendre.

Del hocha la tête, puis :

– Tu es sûr que tu n’as pas de feu ?

– Je ne plaisante pas, Del. Si tu fais le malin avec moi, tu vas te retrouver en uniforme à diriger la circulation à l’entrée d’un parking. Ta bourgeoise est en cloque, et c’est pas moi qui vais élever ton gamin.

– Il me faut du feu, merde !

Les Bouseux : la mafia des Ploucs, les Mauvaises Graines, moto club. Cinquante ou soixante braqueurs, voleurs de voitures, trafiquants, pirates de la route spécialisés dans le détournement de camions, tous dingues de Harley-Davidson, la plupart originaires du nord-ouest du Wisconsin, apparentés par le sang, le mariage, ou la promiscuité des cellules, en prison. Des péquenots à la tignasse couleur paille, au visage poupin : armés et nomades. Ils avaient récemment été contaminés par un germe virulent de démence antinoire, et étaient soupçonnés d’avoir tué un petit voyou noir mineur devant une salle de billard de Minneapolis.

– Pourquoi est-ce qu’ils auraient des calibres cinquante ? demanda Del.

– Peut-être qu’ils sont en train de se construire un Waco quelconque dans les bois.

– C’est une idée qui m’a traversé l’esprit.

Quand ils ressortirent, une voiture de patrouille de la police de Minneapolis se faufilait entre les rangées de camions de pompiers, des voitures de flics autochtones, et des véhicules appartenant au bureau du shérif. Elle s’arrêta presque à leurs pieds, et Sloan en sortit. Il se pencha vers le chauffeur, un sergent en uniforme :

– Gardez la monnaie.

– Suce-moi, répliqua le chauffeur cordialement, avant de s’éloigner en douceur.

Sloan était un homme plutôt menu, au visage en lame de couteau. Il portait un costume d’été beige, des chaussures marron tirant un peu trop sur le jaune, et un feutre couleur viandox.

– Comment va, Lucas ? (Ses yeux se posèrent sur Del.) Del, mon vieux, tu fais une tronche de déterré.

– Tu l’as trouvé où, le chapeau ? demanda Lucas. C’est trop tard, pour le rendre ?

– C’est ma femme qui l’a acheté, répondit Sloan, en passant son doigt sur le bord. Elle dit que c’est un complément idéal à mon exubérante personnalité.

– Elle a toujours la tête dans le cul, hein ? dit Del.

– Doucement les basses, fit Sloan, vexé. C’est de mon chapeau que tu parles. (Il regarda Lucas.) Il faut qu’on aille faire un tour.

– Où ça ?

– Dans le Wisconsin. (Il se balança sur la pointe de ses chaussures un poil trop jaunes.) À Hudson. Pour voir un cadavre.

– Quelqu’un que je connais ?

Sloan haussa les épaules.

– Tu connais une fille nommée Harriet Wannemaker ?

– Je ne crois pas, dit Lucas.

– C’est probablement d’elle qu’il s’agit.

– Pourquoi est-ce que j’irais voir cette fille ?

– Parce que c’est moi qui te le demande et que tu as confiance en mon jugement ?

Sloan avait tourné ça comme une question.

Lucas sourit.

– D’accord, j’y vais.

Sloan lança un regard vers la Porsche de Lucas.

– Je peux conduire ?

 

 

– C’était moche, là-dedans ? demanda Sloan.

Il jeta son chapeau à l’arrière et rétrograda en arrivant devant un stop au carrefour de l’autoroute 280.

– Ils l’ont exécuté. Lui ont tiré dans les dents, répondit Lucas. Probablement les Bouseux.

– Saloperies d’enfoirés, commenta Sloan sans trop de conviction.

Il accéléra en direction de l’autoroute.

– Et comment s’appelle-t-elle, déjà, qu’est-ce qui lui est arrivé ? demanda Lucas. Wannabe ?

– Wannemaker. Elle avait disparu depuis trois jours. Ses amis disent qu’elle devait se rendre dans une librairie vendredi soir, ils ne savent pas laquelle, et elle a manqué son rendez-vous chez le coiffeur samedi. On a lancé un avis de recherche, et ça n’a rien donné jusqu’à ce matin, quand Hudson a appelé. On leur a envoyé un polaroïd, il était pas excellent, mais ils pensent que c’est elle.

– Abattue d’une balle ?

– Poignardée. La technique employée, c’est l’éventration – planter la lame dans le bas-ventre et remonter vers le haut. Pratiquée avec une force maximale. C’est pour ça que je m’y intéresse.

– Quelque chose à voir avec, comment s’appelle-t-elle, déjà, la nana qui bosse pour l’administration de l’État ?

– Meagan Connell. Ouais.

– On m’a dit qu’elle était casse-pieds.

– Ouais. Celle-là, faudrait lui faire une greffe de personnalité, dit Sloan.

Il doubla une Lexus SC, la frôlant au passage, et s’autorisa un mince sourire. Le conducteur de la Lexus portait des lunettes à verres teintés et des gants de pilote de course.

– Mais quand tu lis le dossier, les informations qu’elle a rassemblées – elle tient quelque chose, Lucas. Mais, bon Dieu, j’espère que c’est pas lui qui a fait le coup. On dirait bien, mais c’est trop tôt. Si c’est lui, il accélère la cadence.

– Ça arrive à la plupart d’entre eux, dit Lucas. Ils deviennent accros.

Sloan marqua un temps d’arrêt à un feu, puis brûla le rouge et remonta le toboggan en direction de l’autoroute 36. Passant à la vitesse supérieure, il poussa la Porsche jusqu’à cent vingt, et s’y maintint, fendant le trafic comme un requin fend les flots.

– Ce type avait des habitudes régulières. S’il existe, bien sûr. Il commettait un meurtre par an environ. Là, il s’agit d’un intervalle d’à peine quatre mois. La dernière fois qu’il a tué, c’était à peu près quand tu t’es fait tirer dessus. Il l’avait levée à Duluth, et avait abandonné le corps à la réserve naturelle Carlos Avery.

– Aucune piste ?

Lucas toucha la cicatrice rose qui lui barrait la gorge.

– Très peu d’indices. Meagan a tout un dossier.

Ils mirent vingt minutes à rejoindre le Wisconsin, s’extraire du labyrinthe des Interstates, et atteindre la campagne qui s’étendait à l’est de Saint Paul. Le paysage était vert et la végétation dense, après un printemps très humide.

– On se sent mieux ici, à la campagne, dit Sloan. Bon Dieu, les médias vont être intenables avec ce flic qui s’est fait descendre !

– Ça sent le roussi, renchérit Lucas. Au moins, c’est pas un flic de chez nous.

– Quatre assassinats en cinq jours, continua Sloan. Avec Wannemaker, ça va faire cinq en une semaine. En fait, peut-être six. On fouine autour d’une vieille dame qui vient de claquer dans son lit. Deux de mes gars pensent qu’on l’a peut-être aidée. Pour l’instant, c’est encore une mort naturelle.

– Tu as résolu l’affaire du domestique de chez Dupont ?

– Ouais, celle au marteau et au burin.

– Ça me fait mal rien que d’y penser.

Lucas grimaça un sourire.

– Planté entre les deux yeux, dit Sloan, impressionné.

Il n’avait jamais eu à s’occuper d’un assassinat commis avec un marteau et un burin auparavant, et l’originalité n’était pas si courante en matière de meurtre. La plupart du temps, il s’agissait d’un type à moitié cuit, qui se grattait le cul en se disant : Bon Dieu, cette fois elle m’avait vraiment fait sortir de mes gonds, vous voyez ? Sloan poursuivit :

– Elle avait attendu qu’il dorme, et pan ! En fait, d’ailleurs, pan, pan, pan ! Le burin a traversé le matelas. Elle l’a arraché, elle l’a mis dans le lave-vaisselle, et elle a appelé la police. Maintenant, j’y réfléchis à deux fois, avant de m’endormir. Quand tu vois ta bourgeoise te regarder un peu fixement…

– Des circonstances atténuantes, femme battue ?

– Pour l’instant non. Elle se contente de dire qu’il faisait chaud, et qu’elle en avait marre de l’entendre ronfler et péter. Tu connais Donovan, au bureau du procureur ? Il dit qu’il aurait accepté de ne l’accuser que de meurtre au second degré, s’il n’y avait eu qu’un seul coup porté. Avec trois, c’est un meurtre au premier degré.

Un camion déboucha brusquement devant eux, et Sloan jura, freina, braqua à droite et le dépassa.

– Et l’affaire Louis Capp ?

– On l’a eu, répondit Sloan avec satisfaction. Deux témoins, dont un qui le connaissait. Il a tiré trois fois sur le type, il a ramassé cent cinquante dollars.

– Je l’ai traqué pendant dix ans, et j’ai jamais réussi à le coincer, dit Lucas, avec une pointe de regret dans la voix.

Sloan le regarda et sourit.

– C’est quoi, sa défense ?

– Deux mecs sur le coup. Le coupable, c’est un autre mec. Cette fois, il ne s’en tirera pas comme ça.

– Ça a toujours été un abruti, déclara Lucas, en se remémorant Louis Capp.

Un type colossal, des bras comme des troncs d’arbres, une bedaine imposante. Ses pantalons étaient toujours fermés sous le ventre, et l’entrejambe lui descendait presque jusqu’aux genoux.

– Le truc, c’est qu’il était tellement abruti, ses agressions étaient si simples que le seul moyen pour l’avoir c’était de le prendre en flagrant délit. S’approcher d’un quidam par-derrière, lui taper sur la tête, lui prendre son portefeuille. Ce mec a bien dû amocher deux cents personnes dans toute sa carrière.

– Il est aussi méchant qu’abruti.

– Au moins, acquiesça Lucas. Qu’est-ce qui reste ? Le membre du gang des Hmong et la serveuse qui a sauté, qui est tombée, ou qu’on a poussée par la fenêtre.

– Je ne crois pas qu’on réussira à coincer le Hmong. La serveuse avait des lambeaux de peau sous les ongles.

– Ah !…

Lucas hocha la tête. Ça lui plaisait. Des échantillons de peau, c’était toujours de bon augure.

Lucas avait quitté le service deux ans plus tôt, à la suite de pressions, après une bagarre avec un maquereau. Il avait créé une entreprise de conception de jeux, qui l’occupait à plein temps. Les mômes fous d’informatique avec lesquels il travaillait l’avaient orienté dans une autre direction : concevoir des exercices de simulation pour les ordinateurs de la police. Il était en train de faire fortune quand le nouveau chef de la police de Minneapolis lui avait demandé de revenir.

Il ne pouvait le faire en tant que fonctionnaire, on lui avait assigné un poste de chef adjoint. Il travaillerait dans le service des renseignements, comme avant, avec deux objectifs principaux : boucler les criminels les plus dangereux et les plus actifs, et servir de bouclier au service dans les crimes bizarres qui attiraient l’attention des médias.

– Essaie de ne pas te faire prendre au collet par les psychopathes qui traînent, avait dit le chef.

Lucas s’était fait prier un petit moment, mais les affaires l’ennuyaient, et il avait fini par accepter. Il avait embauché un gérant pour diriger la compagnie, et l’avait laissé s’en occuper.

Ça faisait un mois qu’il était de retour dans la rue, essayant de reconstruire son réseau, mais c’était plus difficile qu’il ne l’avait imaginé. Les choses avaient changé en deux ans. Beaucoup changé.

– Ça m’étonne que Louis ait eu un flingue, dit Lucas. Il travaillait toujours avec une matraque, ou un tuyau de plomb.

– Ils ont tous des flingues, maintenant, expliqua Sloan. Tous. Et ils s’en servent pour un oui pour un non.

 

 

St. Croix était une étendue d’eau bleu acier, sous le pont Hudson. Des bateaux, à moteur ou à voile, étaient disséminés à la surface de la rivière, comme autant de confettis blancs.

– Tu devrais acheter un port de plaisance, dit Sloan. Je pourrais m’occuper de la distribution du carburant. Je veux dire : c’est pas magnifique, ça ?

– Est-ce qu’on s’arrête ici, ou est-ce qu’on continue jusqu’à Chicago ?

Sloan cessa de bayer aux corneilles et freina, fit une queue de poisson à un break, s’engagea dans la première sortie pour le Wisconsin, et prit la direction du nord pour rejoindre Hudson. Une demi-douzaine de véhicules de secours étaient groupés autour d’une rampe d’ancrage pour les bateaux, et des hommes en uniforme de la police routière d’Hudson déviaient la circulation. Deux flics étaient debout près d’une benne à ordures, les pouces passés dans la ceinture de leur arme réglementaire. Sur le côté, une femme blonde au dos large faisait face à un troisième flic. Ils n’avaient pas l’air d’accord.

– Ah, merde ! s’exclama Sloan pendant qu’ils s’approchaient, avant de baisser sa vitre et de crier : « Police de Minneapolis ! » au flic qui faisait la circulation.

Celui-ci leur fit signe d’entrer sur le parking.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

– Des ennuis en perspective. (Il ouvrit la portière.) C’est Connell.

Un shérif adjoint osseux au visage sombre et buriné parlait à un flic municipal près de la benne. Quand la Porsche s’arrêta, il eut un bref sourire, cria quelque chose à celui qui discutait avec la femme blonde, et vint vers eux.

– Helstrom, dit Lucas après s’être creusé la tête un instant pour retrouver son nom. D. T. Helstrom. Tu te souviens du professeur que Carlo Druze avait tué ?

– Ouais ?

– C’est Helstrom qui avait trouvé le corps. C’est un type régulier.

Quand ils descendirent de voiture, Helstrom s’approchait de Lucas en lui tendant la main.

– Davenport. J’avais entendu dire que vous étiez de retour au boulot. Chef adjoint, hein ? Félicitations.

– D. T., comment ça va ? fit Lucas. Je ne vous ai pas revu depuis que vous aviez exhumé le cadavre du professeur.

– Ouais, eh bien, cette fois, ça m’a l’air encore pire, prévint Helstrom, en jetant un coup d’œil à la benne pardessus son épaule.

Il se frotta le nez.

La femme blonde cria :

– Hé, Sloan !

Celui-ci marmonna quelque chose dans sa barbe, avant d’élever la voix :

– Hé, Meagan.

– La dame travaille avec vous ? demanda Helstrom à Sloan, en levant le pouce en direction de la femme.

Sloan hocha la tête :

– Plus ou moins.

Lucas désigna son ami d’un signe de tête :

– Je vous présente Sloan. Brigade criminelle de Minneapolis.

– Sloan ! cria la femme. Hé, Sloan ! Viens voir !

– Votre amie est une emmerdeuse, dit Helstrom à Sloan.

– Vous avez raison sur toute la ligne, mis à part le fait que ce n’est pas mon amie, répliqua Sloan, avant de se diriger vers elle. Je reviens tout de suite.

 

 

Ils se tenaient sur un quai d’ancrage recouvert de bitume, avec des bandes indiquant les places de parking pour les voitures et les remorques, un parcmètre, et une benne à ordures.

– De quoi s’agit-il ? demanda Lucas à Helstrom quand ils s’avancèrent vers la benne.

– Un cinglé… Il l’a tuée sur votre territoire, je crois, de l’autre côté du pont. À part celui qu’elle a sur elle, il n’y a pas de sang, ici. Elle avait cessé de saigner avant d’être jetée dans la benne, aucune trace sur le sol. Et il y a sûrement eu beaucoup de sang… Bon Dieu, regardez-moi ça !

Sur la partie ouest du pont, une camionnette avec des gyrophares jaunes était arrêtée près de la rambarde, et un homme portant une caméra de télévision les filmait.

– C’est légal ?

– Je n’en ai pas la moindre idée, répondit Helstrom.

Sloan s’approcha, la femme à son côté. Elle était jeune, la trentaine sans doute, corpulente. Malgré sa colère, son visage était pâle comme un cierge ; ses cheveux blonds étaient coupés si court que Lucas pouvait distinguer le cuir chevelu.

– Je ne suis pas satisfaite de la façon dont on me traite ici, se plaignit-elle.

– Vous n’êtes pas dans votre juridiction. Vous pouvez ou la boucler ou retourner de l’autre côté du pont, rétorqua Helstrom. Je commence à vous avoir assez vue.

Lucas la regarda avec curiosité.

– Vous êtes Meagan O’Connell ?

– Connell tout court. Pas de O’. Je suis enquêteur au BCA. Qui êtes-vous ?

– Lucas Davenport.

– Hum, grogna-t-elle. J’ai entendu parler de vous.

– Ah bon ?

– Ouais. Un enfoiré de macho.

Lucas rit du bout des lèvres, ne sachant pas si elle était sérieuse. Il jeta un coup d’œil à Sloan, qui haussa les épaules. Elle l’était. Elle regarda Helstrom qui s’était permis un sourire quand elle s’en était prise à Lucas.

– Alors, je peux la voir ou quoi ?

– Si vous travaillez avec la brigade criminelle de Minneapolis… (Il regarda Sloan qui fit un signe d’assentiment.) Je vous en prie. Ne touchez à rien, c’est tout.

– Bon Dieu ! marmonna-t-elle avant de se diriger vers la benne d’un pas raide.

Elle lui arrivait aux épaules, et elle dut se mettre sur la pointe des pieds pour jeter un coup d’œil. Elle resta dans cette position un moment, le regard plongeant, puis elle s’éloigna, retournant vers la rivière, et se mit à vomir.

– Tout le putain de plaisir est pour moi, murmura Helstrom.

– Qu’est-ce qu’elle a fait ? s’enquit Lucas.

– Elle a débarqué comme si elle avait le feu aux trousses, et elle s’est mise à hurler après tout le monde. Comme si on avait de la merde sur les pompes et qu’on l’avait pas vu, répondit Helstrom.

Sloan, inquiet, fit quelques pas en direction de Connell, puis s’arrêta, se gratta la tête, marcha jusqu’à la benne et jeta un coup d’œil à son tour.

– Ouah ! (Il se détourna et ajouta :) Nom de Dieu !, puis, à l’adresse de Lucas : Retiens ton souffle.

Lucas respirait par la bouche quand il regarda dans la benne. Le corps était nu et avait été emballé dans un sac poubelle vert. Le plastique s’était déchiré lors de la chute, ou bien quelqu’un s’en était chargé.

La femme avait été éviscérée, les intestins débordaient de la blessure comme sur une image porno obscène. Et la description qu’en avait faite Sloan était exacte : elle n’avait pas été poignardée, mais ouverte comme une boîte à sardines, une longue entaille courait de l’os pubien jusqu’au sternum. Il pensa tout d’abord que les vers étaient déjà au travail sur le cadavre, mais se rendit compte ensuite que les taches blanches qu’il voyait sur le cadavre étaient des grains de riz tombés d’une autre poubelle.

La femme avait la tête tournée et son profil se découpait à travers le plastique vert. Le sac se nouait avec un fil rouge, serré juste au-dessus de l’oreille comme un ruban sur un cadeau de Noël. Les mouches grouillaient sur le corps comme de minuscules Mig noirs de l’Armée rouge… Au-dessus de ses reins, à environ cinq centimètres de la blessure, il y avait deux coupures de dimensions plus réduites, peut-être des lettres. Lucas les observa pendant environ cinq secondes, puis recula, et attendit d’être à plus de six pas de la benne pour recommencer à respirer par le nez.

– Le type qui l’a balancée là doit être sacrément costaud, dit-il à Helstrom. Il a fallu ou qu’il la jette dedans, ou qu’il la soulève assez haut pour pouvoir la lâcher sans répandre les tripes aux alentours.

Connell, blanche comme un linge, revint en chancelant.

– Qu’est-ce que vous venez de dire ?

Lucas répéta, et Helstrom approuva du chef.

– Ouais, et d’après la description qu’on nous en a faite, elle n’était pas si légère que ça. Elle devait peser dans les soixante kilos. S’il s’agit bien de Wannemaker.

– C’est elle, dit Sloan.

Il était passé de l’autre côté de la benne et en examinait à nouveau le contenu. De l’endroit où se trouvait Lucas, avec les yeux, le nez et les oreilles penchés par-dessus le bord, il ressemblait à Kilroy.

– Et je vais vous dire une bonne chose : j’ai vu une bande vidéo sur le cadavre qu’ils ont retrouvé dans la réserve Carlos Avery. Si ce n’est pas le même type qui s’est occupé de celui-ci, alors ils ont tous les deux appris la boucherie au même endroit.

– Exactement la même technique ?

– Identique, dit Connell.

– Pas tout à fait, rectifia Sloan en reculant de quelques pas. Celui de Carlos Avery n’avait pas les gribouillis sur les ni… les seins.

– Les gribouillis ? demanda Connell.

– Ouais. Jetez-y un coup d’œil.

Elle s’exécuta. Au bout d’un moment, elle dit :

– Ça ressemble à un S et un J majuscule.

– C’est bien ce que je pensais, fît Lucas.

– Qu’est-ce que ça veut dire ? voulut savoir Connell.

– Je ne sais pas lire dans les pensées, répondit Lucas. Et encore moins quand il s’agit de cadavres. (Il tourna la tête vers Helstrom.) Impossible de relever des traces de quoi que ce soit sur les rebords de la benne, c’est ça ?

– J’en doute. Il a plu depuis vendredi, et les gens ont balancé des trucs là-dedans tout le week-end… Pourquoi ?

– Simplement pour ne rien laisser au hasard.

Lucas retourna à la Porsche, ouvrit le coffre, en sortit un petit imperméable qu’il gardait là en cas d’urgence, un morceau de plastique plié dans un sac pas beaucoup plus grand que la main. Il en tira l’imperméable, retourna à la benne et dit :

– Tiens-moi les jambes, que je ne tombe pas dedans, s’il te plaît, D. T.

– Bien sûr…

Lucas étala soigneusement le plastique sur le rebord de la benne, et se hissa jusqu’à ce que son estomac soit posé dessus. La partie supérieure de son buste était maintenant plongée à l’intérieur, son visage n’était qu’à une trentaine de centimètres de la femme assassinée.

– Elle a, euh…

– Quoi ?

– Elle a quelque chose dans la main… Je n’arrive pas à voir. Peut-être une cigarette.

– Ne touche à rien.

– J’en ai pas l’intention. (Il se rapprocha du corps.) Elle a quelque chose sur la poitrine. Je pense que c’est du tabac… collé à la peau.

– On lui a balancé des ordures sur le corps.

Lucas se redressa, retomba les deux pieds sur le bitume, et recommença à respirer normalement.

– Il y a du sang dessus. Comme si elle s’était elle-même écrasé une cigarette sur la poitrine.

– Qu’est-ce que vous en pensez ? demanda Helstrom.

– Que le mec fumait quand il l’a tuée, répondit Lucas. Qu’elle lui a arraché la cigarette des lèvres. Je veux dire qu’il n’est pas possible qu’elle ait été en train de fumer quand elle a été attaquée.

– Sauf si ça n’est pas vraiment d’une agression qu’il s’agit, rectifia Sloan. Elle était peut-être consentante, il lui a réglé son compte pendant qu’ils se détendaient après l’amour.

– Foutaises ! grogna Connell.

Lucas hocha la tête dans sa direction.

– Trop de violence, expliqua-t-il. Il n’aurait jamais pu se déchaîner comme ça après un orgasme. Ce qu’on voit là, c’est de l’excitation sexuelle.

Helstrom regarda successivement Lucas, puis Connell, puis Sloan. La femme parut bizarrement satisfaite, après le commentaire de Lucas.

– Il fumait quand il a fait ça ?

– Arrangez-vous pour qu’ils analysent la cigarette, si c’est bien de ça qu’il s’agit. J’ai pu distinguer le papier, précisa Lucas à l’intention d’Helstrom. Fouillez le parking, pour voir s’il y a des recoupements possibles avec ça.

– On a ramassé tout ce qui pourrait avoir un rapport – papiers de bonbons, cigarettes, capsules de bouteilles, tout ça.

– C’est peut-être de la marijuana, dit Connell d’un ton plein d’espoir. Ça serait un point de départ.

– Les fumeurs d’herbe ne font pas ce genre de saloperies, pas en grillant un joint, répliqua Lucas. (Il regarda Helstrom.) Quand est-ce que la benne a été nettoyée pour la dernière fois ?

– Vendredi. Ils la vident le jeudi et le vendredi.

– Elle a disparu vendredi soir, dit Sloan. Probablement tuée le jour même, ramenée ici dans la nuit. Comme il faut se dresser sur la pointe des pieds pour voir le fond de la benne, il a dû se contenter de la larguer et de la recouvrir d’un ou deux sacs poubelle.

Helstrom hocha la tête.

– C’est comme ça qu’on voit la chose, nous aussi. Les gens ont commencé à se plaindre de l’odeur ce matin, et un mec du port de plaisance est venu regarder ça de plus près. Il a vu un genou dépasser et nous a appelés.

– Il y a un petit sac blanc sous elle, comme si elle avait atterri dessus. Il faudrait voir s’il y a quoi que ce soit dedans qui permette d’identifier celui qui l’a jeté, suggéra Lucas. Si vous arrivez à retrouver qui c’est, on pourra peut-être savoir à quelle heure ça s’est passé.

– On va s’en occuper, répondit Helstrom.

Lucas retourna jeter un dernier coup d’œil, mais il n’y avait rien d’autre à voir, juste la peau d’un blanc grisâtre, les mouches, et les cheveux teints avec application, souillés d’une traînée de gelée blanche. Elle prenait soin de sa coiffure, pensa Lucas ; elle aimait ses cheveux, et il ne restait plus rien de cet amour, maintenant évaporé comme de l’essence.

– Rien d’autre ? questionna Sloan.

– Non. On peut y aller.

– Il faut qu’on discute, déclara Connell à Sloan.

Elle lui faisait face, la posture belliqueuse, les poings sur les hanches.

– Pas de problèmes, dit Sloan, d’un ton résigné.

Lucas se dirigea vers la voiture, puis s’arrêta si brusquement que Sloan se heurta à lui.

– Désolé, fit Lucas en rebroussant chemin, pour examiner la benne encore une fois.

– Qu’est-ce qu’il y a ? le questionna Sloan.

Connell le regardait avec curiosité.

– Tu te souviens de Junky Doog ? demanda Lucas à Sloan.

Sloan détourna la tête, cherchant le nom dans sa mémoire, puis claqua des doigts, et regarda Lucas, une lueur d’excitation dans les yeux.

– Junky ! s’exclama-t-il.

– Qui est-ce ? interrogea Connell.

– Un psychopathe obsédé par les couteaux, répondit Lucas. Il avait grandi dans une décharge, jamais eu de parents. Les types de la décharge s’étaient occupés de lui. Il aimait sculpter des bas-reliefs sur les femmes. Son gibier, c’était les mannequins professionnels. Il découpait dans la chair des formes élaborées, puis les signait. (Son regard se tourna une fois de plus vers la benne.) C’est presque trop grossier, ça, comme travail, pour Junky.

– Sans compter que Junky est enfermé à St. Peter, précisa Sloan. Pas vrai ?

Lucas secoua la tête.

– On a vieilli, Sloan. Junky, c’était il y a une éternité, ça doit faire dix ou douze ans… (Sa voix s’éteignit, et ses yeux se perdirent dans le vague, en direction de la rivière, avant de revenir vers Sloan.) Mon Dieu, ça fait dix-sept ans ! Ma deuxième année sous l’uniforme. Combien de temps est-ce qu’on les garde à St. Peter, en moyenne ? Cinq ou six ans ? Et rappelle-toi, il y a quelques années, quand ils ont trouvé cette nouvelle théorie sur la réinsertion et qu’ils ont libéré tout le monde, dans les institutions psychiatriques de l’État. Ça s’est passé au milieu des années quatre-vingt.

– Le premier meurtre dans ce genre dont je me suis occupée a eu lieu en 84, et le dossier n’est toujours pas classé, dit Connell.

– Il faut explorer la piste Junky, approuva Sloan.

– Si c’était lui, dit Lucas, ça serait un coup de pot, mais il était vraiment dingue, cet enfoiré. Tu te souviens de ce qu’il avait fait au mannequin qu’il avait suivi après l’avoir repéré au défilé de mode de Dayton ?

– Ouais, répondit Sloan. (Il se frotta le visage tout en réfléchissant.) Il faut demander à Anderson de s’en occuper.

– Je ferai des vérifications de mon côté, indiqua Connell. Je vous verrai là-bas, Sloan ?

Cette idée n’eut pas l’air de remplir celui-ci d’allégresse.

– Ouais. À tout à l’heure, Meagan.

 

 

Une fois dans la voiture, Sloan boucla sa ceinture, mit le contact et dit :

– Euh… le chef voudrait te parler.

– Ah bon ? Au sujet de cette affaire ?

– Je crois.

Sloan quitta le quai et prit la direction du pont.

– Sloan, qu’est-ce que tu as fait ? demanda Lucas d’un ton soupçonneux.

Sloan rit, un grincement coupable.

– Lucas, il y a deux personnes dans ce service susceptibles de prendre ce type au collet. Toi et moi. Je m’occupe en ce moment de trois affaires importantes. Je me fais engueuler toutes les cinq minutes. Les casse-couilles de la télé campent devant mon bureau.

– Ce n’est pas ce qui était convenu quand je suis revenu, dit Lucas.

– Ne te fais pas prier, répliqua Sloan. Ce taré tue des gens.

– Si c’est toujours le même. S’il existe.

– Il existe.

Il y eut un moment de silence, rompu par Lucas :

– La Société de Jésus.

– Quoi ?

– La Société de Jésus. L’organisation des jésuites, en d’autres termes. Ils mettent les initiales après leurs noms, par exemple, le père John Smith, SJ. Comme le SJ gravé sur la poitrine de Wannemaker.

– Trouve autre chose, lui conseilla Sloan. La brigade criminelle de Minneapolis ne se lance pas aux trousses de putains de jésuites.

 

 

Quand ils traversèrent le pont, Lucas jeta un regard vers la benne, et vit Connell toujours en train de discuter avec Helstrom.

– C’est quoi, le fin mot de l’histoire, pour Connell ?

– Le chef t’en parlera, répondit Sloan. Elle est chiante, mais, sans elle, cette affaire n’existerait pas. Je ne l’avais pas vue depuis un mois, quelque chose comme ça. Bon Dieu, elle a pas perdu de temps, pour venir ici.

Lucas regarda le quai encore une fois.

– Elle est à cran, remarqua-t-il.

– Elle est pressée de coincer ce type, dit Sloan. Il faut qu’elle l’ait dans le mois qui vient.

– Ah bon ? Qu’est-ce qui la rend si impatiente ?

– Elle est en train de mourir.