30  Ce passage, littéralement traduit de la version dite cistercienne, est assez révélateur. La plupart des traductions ou des adaptations l’omettent pudiquement ou en pervertissent le sens. Il n’y a aucune ambiguïté possible : l’amitié entre Lancelot et Galehot est de nature homosexuelle, ce qui est vérifié par la suite des événements. Mais cela est conforme à la tradition guerrière des sociétés dites primitives. Le cas n’est pas isolé, et l’archétype irlandais de Lancelot, le héros Cûchulainn, a les mêmes rapports avec son frère d’armes Ferdéadh (voir J. Markale, l’Épopée celtique d’Irlande, nouvelle édition, Paris, Payot, 1993) ; et les repères historiques ne manquent pas à propos des Gaulois qui se livrent à l’amour viril, selon les Grecs (qui s’y connaissaient un peu !), et même, si on lit entre les lignes, à propos de Vercingétorix (voir J. Markale, Vercingétorix, Paris, Hachette, 1981). La relation entre Lancelot et Galehot, qui débouche sur le sauvetage du royaume d’Arthur et sur la concrétisation de l’amour de Lancelot et de Guenièvre, est certainement le plus étrange épisode des romans arthuriens. Et c’est la version la plus christianisée qui en rend compte, preuve qu’au XIIIe siècle, les valeurs morales habituelles n’avaient plus cours lorsqu’il s’agissait de décrire des situations mythologiques et nécessairement symboliques.