XXXIII
MENOTTES, barreaux du lit, si fins sont les poignets de Laure.
Burberrys, culotte et bas noirs. C’était convenu ainsi. Pour l’instant je regardais son corps occuper le lit. J’étais à genoux, à côté d’elle, nu. J’écrasais ses cheveux dans l’un de mes poings fermés.
J’appartiens à l’ordre de Laure. Je sais lire son souffle.
Je la déshabillerai plus tard. J’observais ses mains prisonnières, ses bras tendus de chaque côté de sa tête et, sous l’imperméable à peine soulevé, la naissance des clavicules. Je fis jouer mon index entre ses dents. Laure m’appartient. Elle goûtait la lenteur de mes gestes.
Je suis l’amant Carnivore de Laure. Ceci est son corps. Je me signe. Je prends. Je mange.
Je défis un à un les boutons de son Burberrys. Laure ferma les yeux. Elle savait que j’observais minutieusement, à mesure que je les découvrais, chaque parcelle de son corps. J’affectai la froideur médicale. Mes doigts sur sa poitrine, comme un stéthoscope. Laure visible et vue.
Je suis le porte-voix de Laure. Il m’est donné de dire ce qu’elle détient.
La culotte noire et brodée maintenant. Je la retirai lentement et la portai à ma narine. Pour la sniffer. Intime coke et rail de l’Univers, le suc des forêts, les moisissures de la terre, dans ma cervelle. Triangle noir, fibres, Bermudes où Laure a déposé l’opium du ciel.
J’invitai Laure à ouvrir ses cuisses. Je me levai pour ouvrir rideaux et fenêtres. Je voulais que le mobilier précieux de l’hôtel la regarde, que son corps harmonieux s’imbibe de la lumière du jour, que le silence la pare de sa propre haleine. Le soleil était sur elle.
Je m’allongeai entre ses cuisses, posai ma tête sur son ventre et fis jouer sous mes doigts les pointes têtues et nettes de ses seins. Ma tête disparut entre ses cuisses.
Enfance, ronces, aimant, succulente boussole, toute ma bouche dans le pourquoi du monde. Touffe d’acide, liquide chair, tablier d’astres, chaleur vivante et souple, pourpre d’Anubis, les dieux ont tenu parole.