IX

 

JE suis né à Aureilhan, non loin de chez Yvette Horner. Depuis que j’enseigne au Collège Notre-Dame-de-la-Frondaison, j’habite la bonne ville de Lannemezan, connue pour son asile psychiatrique, sa compagnie de CRS, son projet de centrale pénitentiaire et son usine Pechiney Ugine Kuhlmann dont les fumées font tomber les cornes des vaches, déforment les pattes des veaux et rendent opaques les carreaux des fermes les plus voisines.

Lannemezan demeure pour les fans de l’épopée napoléonienne la ville natale de Jean Lannes, Duc de Montebello, général de Brigade en 1795 et Maréchal de France en 1804. Une plaque commémorative signale, place aux Cochons, rebaptisée pour faire chic, place du 14-Juillet, l’emplacement de la maison où il a vu le jour. Les spécialistes en onomastique admettent généralement que Lannemezan est la déformation de Lannemaison. C’est faux! Lannemezan n’est pas un quelconque cas possessif. C’est un jeu de mot impérial. 1806, Napoléon est dans les Pyrénées. Un voyage éclair auquel Jean Tulard n’accorde visiblement aucune importance. Étrange! L’empereur était-il en goguette? Avait-il rencard avec quelque soubrette? Braguette, galipette, gentil coup de quiquette derrière le café Morette? Nul ne le sait. Mieux, chacun feint de l’ignorer. Pourquoi? L’affaire n’a pourtant rien de scandaleux, car l’empereur n’était pas derrière le café Morette mais dedans. Avec Lannes précisément. Lannes tient dans sa main gantée la bouteille d’apéritif. Napoléon veut l’apéro. Il tend son verre et dit : « Lannes mets-en! » Lannemezan.