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La méditation est l’apogée de toute énergie. Ce summum, on ne peut pas l’obtenir petit à petit, en refusant de reconnaître pour vrai ceci ou cela, en captant ceci et s’accrochant à cela ; c’est plutôt un déni total, sans choix, de toute dissipation d’énergie. Un choix est toujours le fait d’une confusion. Le gaspillage d’énergie est essentiellement une confusion et un conflit. Voir ce qui est, exige, à quelque moment que ce soit, l’attention de toute l’énergie, ce qui ne comporte ni contradiction ni dualité. Cette énergie totale ne s’obtient pas par l’abstinence ou par des vœux de chasteté et de pauvreté. Toute détermination et tout acte de volonté sont une perte d’énergie du fait qu’ils impliquent la pensée, et la pensée est de l’énergie gaspillée, ce que la perception n’est jamais. Voir n’est pas un effort déterminé. Cela ne comporte pas un « je verrai », mais seulement « voir ». L’observation élimine l’observateur, et en cela il n’y a pas le gaspillage d’énergie qui se produit lorsque le penseur s’efforce d’observer. L’amour n’est pas de l’énergie perdue, mais lorsque la pensée le transforme en plaisir, la douleur dissipe l’énergie. La somme de l’énergie (ou de la méditation) est une incessante expansion, et l’action dans la vie quotidienne devient un de ses éléments.

 

 

La brise qui, ce matin-là, venait de l’est, secouait le peuplier. Chacune de ses feuilles racontait quelque chose à la brise, chaque feuille dansait, infatigable dans sa joie printanière. Il était très tôt. Le merle chantait sur le toit. Il était là tous les matins et tous les soirs, parfois assis tranquillement à regarder autour de lui, et parfois il appelait et attendait une réponse. Il restait là plusieurs minutes, puis s’envolait. Son bec jaune brillait maintenant dans la lumière matinale. Comme il s’envolait, les nuages arrivèrent au-dessus du toit, l’horizon en était rempli, ils s’amoncelaient les uns sur les autres comme si on les avait soigneusement rangés en bon ordre. Ils avançaient et c’était comme si toute la terre était transportée par eux – les cheminées, les antennes de télévision, et même les hauts immeubles de l’autre côté de la rue. Puis ils passèrent et apparut le ciel printanier, bleu, clair, avec la légère fraîcheur que seul le printemps peut apporter. Il était extraordinairement bleu et à cette heure matinale la rue adjacente était presque silencieuse. Vous pouviez entendre un bruit de talons sur le pavé et, au loin, un camion qui passait. La journée allait bientôt commencer. Comme vous regardiez le peuplier par la fenêtre, c’était l’univers que vous voyiez, et sa beauté.

 

 

Il demanda : « Qu’est-ce que l’intelligence ? Vous en parlez beaucoup et je voudrais avoir votre opinion à ce sujet. »

Les opinions et les discussions à leur sujet ne sont pas la vérité. Vous pouvez les examiner indéfiniment dans leur diversité, évaluer ce qu’elles ont de vrai et de faux, mais quelque juste et raisonnable qu’une opinion puisse être, elle n’est pas la vérité. Une opinion est toujours basée sur quelque préjugé, colorée par une culture, par une éducation, par les connaissances que l’on a. Pourquoi l’esprit devrait-il se surcharger du fardeau des opinions sur telle personne, tel livre, telle idée ? Pourquoi ne serait-il pas vide ? Et pourtant seul l’esprit vide peut voir clairement.

« Mais nous avons tous des opinions sur tout. J’ai mon opinion sur le leader politique actuel, basée sur ce qu’il a dit et fait, sans quoi je ne pourrais pas voter pour lui. Les opinions sont nécessaires pour agir, ne le pensez-vous pas ? »

Les opinions peuvent être cultivées, affermies, durcies, et la plupart des actions sont basées sur ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. Le durcissement de l’expérience et des connaissances s’exprime dans l’action, mais une telle action divise et sépare l’homme de l’homme ; ce sont les opinions et les croyances qui empêchent l’observation de ce qui est. La capacité de voir ce qui est, fait partie de cette intelligence qui est l’objet de votre question. Il n’y a pas d’intelligence sans une sensibilité du corps et de l’esprit, c’est-à-dire une sensibilité sensorielle et une clarté dans l’observation. L’émotivité et la sentimentalité sont des entraves à cette sensibilité. Être sensitif en un domaine et endurci en un autre, c’est être dans un état de contradiction et de conflit qui dénie l’intelligence. Rassembler en un tout des morceaux éparpillés n’engendre pas l’intelligence. La sensibilité est attention, laquelle est intelligence. L’intelligence n’a aucun rapport avec les connaissances et les informations. Les connaissances sont toujours le passé ; on peut leur faire appel en vue d’agir dans le présent, mais elles limitent toujours le présent. L’intelligence est toujours dans le présent ; elle ne se situe dans aucun temps.