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RADIOAMATEUR
Dans les bagages qu’on les avait autorisés à emporter avec eux, Kolya s’était arrangé pour prendre le poste de radioamateur du Soyouz. Son instinct l’avait incité à garder le secret, même vis-à-vis de Zabel, qui avait depuis longtemps perdu tout intérêt pour cet appareil, ce dont il se félicitait maintenant. Quand Gengis Khan eut établi son camp de base à quelques dizaines de kilomètres de Babylone, il avait récupéré son matériel et l’avait monté.
Bizarrement, ce n’avait pas été difficile. Les gardes mongols de la suite de Yeh-lü étaient vigilants, mais ils n’avaient aucune idée de la destination de ces espèces de boîtes, câbles et antennes arachnéennes. En fait, il avait été plus dur – mais capital – de cacher à Zabel ce qu’il faisait, du moins pendant quelques heures.
Il savait qu’il ne se présenterait pas d’autre occasion. Il espérait que le canal d’émission serait correct et que Casey serait à l’écoute. À vrai dire, le canal était plutôt mauvais – l’ionosphère d’après la Discontinuité paraissait avoir souffert et le signal était brouillé par toutes sortes de parasites –, mais Casey était bien à l’écoute à l’heure convenue quand Kolya était encore en orbite avec le Soyouz, dans un passé qui semblait maintenant bien lointain. Kolya n’avait pas été surpris d’apprendre que Casey et ses compagnons s’étaient rendus à Babylone ; c’était une destination logique et ils en avaient envisagé la possibilité avant la rentrée du Soyouz dans l’atmosphère. Mais il avait été stupéfait quand Casey lui avait révélé avec qui il avait voyagé – stupéfait, mais ragaillardi, car il y avait peut-être après tout dans le monde une force capable de tenir tête à Gengis Khan.
Kolya aurait aimé prolonger le contact, écouter cet homme du XXIe siècle, son contemporain. Il avait le sentiment que Casey, qu’il n’avait jamais rencontré en chair et en os, était devenu en ce monde son ami le plus proche.
Mais ce n’était pas le moment. Il n’avait pas le choix, c’était un luxe qu’il ne pouvait pas se permettre. Il avait parlé, et parlé, disant tout ce qu’il savait de Gengis Khan, de son armée, de sa tactique ; et il avait parlé de Zabel et de ce qu’elle avait fait… et de ce dont il la croyait capable.
Il avait parlé aussi longtemps qu’il pouvait, près d’une demi-heure. Puis Zabel était arrivée avec deux robustes gardes mongols qui l’avaient arraché à sa radio avant de briser celle-ci à coups de lance.