Zoey

— C'est magnifique ! dis-je en regardant l'arbre et les innombrables morceaux de tissu qui y étaient attachés. Comment ça s'appelle, déjà ?

— Un arbre à souhaits, répondit Stark.

— Oh, regarde celui-là ! Il est tellement brillant, repris-je en désignant un fin ruban doré qui venait d'y apparaître.

Contrairement aux autres, il n'était pas attaché et flottait au-dessus de nous.

Stark l'attrapa et me le tendit.

— On dirait un fil d'or, remarquai-je.

— C'est ce que j'ai suivi pour te trouver.

— Bon, alors on va voir si ça peut marcher dans l'autre sens.

Les yeux pétillant d'humour, il s'inclina devant moi.

— Dis-moi quoi faire ! Je suis à tes ordres.

— Arrête de faire l'idiot ! C'est sérieux.

— Mais je suis sérieux, Zoey, et j'ai entièrement confiance en toi. Je sais que tu me ramèneras chez nous, mo bann ri.

— Tu as appris de drôles de mots en mon absence.

— Attends un peu, tu n'as encore rien entendu !

— Tu sais quoi ? J'en ai marre d'attendre.

J'attachai un bout du fil doré à son poignet et serrai l'autre dans mon poing.

— Ferme les yeux.

Il m'obéit sans poser de questions. Je me mis sur la pointe des pieds et l'embrassai.

— À tout de suite, gardien.

Puis je tournai le dos à l'arbre à souhaits, au bois, à toute la magie et aux mystères du royaume de Nyx. Je fis face à l'obscurité béante qui semblait s'étendre à l'infini devant moi. J'écartai les bras.

— Esprit, viens à moi.

Le dernier élément, celui dont je m'étais toujours sentie le plus proche, se déversa en moi, m'emplissant de joie et de compassion, de force et d'espoir.

— Maintenant, ramène-moi chez moi !

Je courus vers l'avant sans aucune crainte et sautai dans la zone d'ombre.

J'avais cru que ce serait comme plonger d'une falaise, mais je me trompais : c'était comme d'emprunter un ascenseur descendant du sommet d'un gratte-ciel.

Soudain, je sus que j'étais rentrée.

Je n'ouvris pas les yeux tout de suite. Je voulais d'abord savourer mes sensations retrouvées. J'étais allongée sur quelque chose de dur et frais.

J'inspirai profondément et, à ma grande surprise, je sentis le parfum du cèdre qui poussait près de chez ma mère, à Broken Arrow. J'entendais un murmure de voix, couvert au bout d'un moment par le cri d'Aphrodite.

— Oh, bordel, ouvre les yeux ! Je sais que tu es là !

Je m'exécutai.

— Bon sang, tu es obligée de parler aussi fort ? On dirait une racaille.

— Une racaille ? Je croyais que tu ne jurais jamais, et pour moi, c'est une insulte !

Puis elle éclata de rire et, chose très inhabituelle, me serra contre elle de toutes ses forces.

— Tu es vraiment revenue ? Tu n'as pas le cerveau abîmé, ou un truc comme ça ?

— Oui ! Et mon cerveau n'est pas plus abîmé que le tien.

Darius, qui apparut derrière elle, avait les yeux qui brillaient de façon suspecte. Il posa le poing sur son cœur et s'inclina.

— Bienvenue, grande prêtresse.

— Merci, Darius, dis-je en lui souriant.

Je tendis la main pour qu'il m'aide à me lever. J'avais les jambes en coton ; je me suis accrochée à lui pendant que la pièce tournait autour de moi.

— Elle a besoin de boire et de manger, dit une voix assurée.

— Tout de suite, Majesté, répondit-on aussitôt.

La femme magnifique assise sur un trône en marbre sculpté me sourit avec gentillesse.

— Bienvenue, jeune reine.

— Jeune reine, répétai-je, amusée.

Je parcourus la pièce des yeux, et me figeai : Stark était là, étendu sur une énorme pierre. Un combattant se tenait près de lui, et il tenait un poignard aiguisé comme un rasoir au-dessus de la poitrine de mon gardien, qui était déjà en sang, couvert de blessures.

— Non ! Arrêtez ! m'écriai-je en me précipitant vers lui.

Avec une rapidité surnaturelle, la reine vint se placer entre le combattant et moi. Elle posa une main sur mon épaule et me demanda d'une voix douce :

— Qu'est-ce que t'a dit Stark ?

Je me secouai, essayant de réfléchir malgré ce spectacle d'horreur.

— Que... que c'est comme ça qu'il est venu dans l'au-delà... , lâchai-je. Ce combattant... Il l'aide.

— Oui, mon gardien aide le tien. Mais maintenant, son rôle est terminé.

C'est ta responsabilité, de le ramener parmi nous.

Sur ce, elle inclina légèrement la tête, puis s'écarta.

Je savais comment faire. Je m'approchai de l'homme qui était son gardien. De la sueur coulait sur sa poitrine musclée, il était concentré à l'extrême. On aurait dit qu'il ne voyait ni n'entendait rien de ce qui se passait dans la pièce. Il leva le poignard, s'apprêtant à frapper de nouveau, et la lumière de la torche se refléta sur son bracelet doré. Je compris alors d'où venait le fil doré qui avait conduit Stark jusqu'à moi, et je ressentis un élan de reconnaissance à l'égard du gardien de la reine. Je touchai doucement son poignet.

— Gardien, tu peux arrêter maintenant. Il est temps qu'il revienne.

Il suspendit son geste et frissonna. Lorsqu'il me regarda, je vis que ses pupilles étaient complètement dilatées.

— Tu peux arrêter maintenant, répétai-je. Merci d'avoir aidé Stark à me rejoindre.

Il battit des paupières, et ses yeux s'éclaircirent.

— Oui, femme... Comme tu voudras, fit-il d'une voix râpeuse.

Je souris : voilà d'où Stark tenait son accent écossais !

Il recula. La reine le prit dans ses bras et lui murmura quelque chose à l'oreille. Je regardais autour de moi : tout le monde m'observait avec attention, mais je l'ignorai. Pour moi, Stark était la seule personne qui comptait.

Je m'approchai de lui, étendu dans une flaque de sang. Cette fois, j'en sentis l'odeur, et elle me frappa. Sucrée, entêtante, elle me mit l'eau à la bouche. Mais ce n'était pas le moment de se laisser distraire par mon désir pour lui.

Je levai le bras.

— Eau, viens à moi.

Lorsque je fus entourée par mon élément, j'agitai la main au-dessus de son torse ensanglanté.

— Lave-le.

Une pluie douce se mit aussitôt à nettoyer son corps meurtri, se déversant sur la pierre, descendant le long des cannelures qui s'enfonçaient dans le sol. « Des cornes, pensai-je. On dirait d'énormes cornes. »

Dès que le sang eut disparu, les cornes se mirent à reluire, noires, magnifiques comme un ciel nocturne.

Je ne pris pas le temps de m'interroger là-dessus. Je me penchai sur Stark, désormais tout propre. Ses blessures ne saignaient plus, mais elles étaient rouges, à vif. Je les regardais, le souffle coupé : elles formaient des flèches de chaque côté de sa poitrine, avec des plumes et une pointe triangulaire, s'accordant parfaitement à l'arc brisé sur son cœur.

Je touchai la cicatrice qu'il avait eue en me sauvant la vie pour la première fois. Surprise, je me rendis compte que je tenais toujours le fil doré. Je soulevai doucement le poignet de Stark et l'y attachai. Il se durcit, se tordit et prit la forme du bracelet du vieux gardien, sauf que, sur celui de Stark, on voyait trois flèches, dont une brisée.

— Merci, déesse, murmurai-je. Merci pour tout.

Alors, je posai les mains sur le cœur de Stark. Avant de placer mes lèvres sur les siennes, je dis :

— Reviens à ta reine, gardien. Ta mission est finie maintenant.

Puis je l'embrassai.

Alors qu'il ouvrait les yeux, j'entendis le rire musical de Nyx, et sa voix résonna dans ma tête.

« Non, ma fille, ce n'est que le début... »

CM