Zoey

— Zoey ! Que s'est-il passé ? gémit Stark eu essayant de bouger.

— Chut, tout va bien. Kalona est parti. Nous sommes en sécurité.

Son regard croisa le mien, et toute sa tension s'évapora. Il se laissa aller dans mes bras.

— Oh, Zoey ! Tu n'es plus brisée...

— Oui, dis-je en effleurant son visage meurtri. Apparemment, ce n'est pas ton cas...

— Ça n'a aucune importance, tant que tu es entière.

Il toussa, et du sang jaillit de la blessure dans sa poitrine. Il ferma les yeux, le visage tordu par la douleur.

« Oh, déesse ! Il souffre tellement ! » m'affolai-je.

— Tu n'as pas l'air bien, fis-je, m'efforçant de parler calmement. Alors, que dirais-tu de revenir dans nos corps ? Ils nous attendent, pas vrai ?

Un long frisson le secoua.

— Vas-y, toi. Je te suivrai quand je me serai un peu reposé.

Je commençais à paniquer.

— Oh, non ! Pas question que je te laisse là. Dis-moi de quoi tu as besoin pour rentrer.

Il cligna plusieurs fois des yeux, puis esquissa un sourire désolé.

— Je ne sais pas comment faire.

— Comment es-tu venu ?

— Guidé par la douleur.

— Bon, dans ce cas, tu ne devrais pas avoir de mal à repartir, vu comme tu dégustes.

— Oui, mais sur Terre, un ancien gardien veille sur moi et me garde entre la vie et la mort. Comment lui dire qu'il est temps de me réveiller ? Comment tu vas rentrer, toi ?

Je n'avais même pas besoin d'y réfléchir. La réponse était aussi naturelle que ma respiration.

— L'esprit va me mener jusqu'à mon corps. Ma place est là-bas, dans le monde réel.

— Vas-y ! Quand je me serai reposé, je ferai pareil.

— Non, tu n'as pas une affinité avec l'esprit, toi. Ça ne marchera pas.

— C'est bien que tu maîtrises encore les éléments. Je craignais que tu n'en sois plus capable, vu que tes tatouages ont disparu.

— Disparu ?

Je retournai mes mains : en effet, il n'y avait plus de dessins saphir sur mes paumes. Alors, je regardai ma poitrine. La longue cicatrice rose était là, mais autour d'elle non plus il n'y avait plus de tatouage.

— Ils sont tous partis ? Même sur mon visage ?

— Il ne reste que le croissant, dit Stark, avant de grimacer de douleur.

Visiblement épuisé, il ferma les yeux.

— Vas-y, suis l'esprit, lâcha-t-il. Je trouverai une solution. Ne t'inquiète pas, je ne te quitterai pas.

— Oh, non ! Je refuse de perdre un autre ami avec ce genre d'excuse à la noix, du genre « on se reverra? un jour ». Je ne l'accepterai plus jamais.

Il ouvrit les yeux.

— Alors, dis-moi quoi faire, ma reine, et je le ferai.

Comme si c'était facile... Je n'en avais aucune idée moi !

Je le regardai. Il était vraiment dans un sale état - encore pire que le jour où il avait reçu la flèche censée me tuer en pleine poitrine et qu'il avait failli mourir.

A l'époque, il s'était remis seul, ou presque. Il n'avait pas eu le choix. Moi aussi, j'étais mal en point.

J'inspirai à fond, me rappelant la leçon de mère poule que Darius m'avait infligée quand j'avais voulu que Stark boive mon sang pour guérir plus vite. Il m'avait expliqué qu'entre un combattant et sa prêtresse, le lien était si fort que les combattants pouvaient parfois ressentir les émotions de leurs prêtresses.

Grâce à cela, ils pouvaient absorber leur énergie.

C'était exactement ce dont il avait besoin pour s'en sortir et pour retourner dans son corps. Cette fois, il ne se remettrait pas tout seul.

— Hé, je sais ce que tu dois faire.

Il ouvrit les yeux.

— Dis-moi. Si j'en suis capable, je le ferai.

Je lui souris.

— Je veux que tu me mordes.

Il parut surpris, puis il sourit de nouveau.

— C'est maintenant que tu me le proposes ? Quand je suis dans un état lamentable ? Super !

— Arrête un peu. C'est justement parce que tu es dans un état lamentable que je te le propose.

— Je te ferais changer d'avis si j'étais en forme.

Je secouai la tête et levai les yeux au ciel.

— Si tu étais en forme, je te collerais une gifle !

Alors, avec précaution, m'efforçant d'être aussi douce que possible, je le fis glisser sur le sol. Il réprima un grognement.

— Désolée ! Je ne voulais pas te faire mal !

Je m'allongeai à côté de lui et tentai de le prendre dans mes bras, voulant être aussi près de lui que possible, comme pour partager sa douleur.

— Non. Pas comme ça, dit-il. Approche-toi encore de moi, Zoey. Tant pis si j'ai mal. A moins que tu ne sois perturbée par mon sang.

— Ton sang ? Je ne l'avais même pas remarqué, dis-je, avant de poursuivre, voyant son expression ironique. Enfin, si, j'avais vu que tu saignais de partout, mais ça n'éveille pas ma soif, lui assurai-je en touchant du bout du doigt sa lèvre meurtrie.

— Sans doute parce que nous sommes des esprits ici.

— Alors, ça va marcher ?

Il me regarda dans les yeux.

— Ça va marcher, Zoey. Entre toi et moi, ce n'est pas que physique. Nous sommes liés par l'esprit.

— Bon, OK. Je l'espère.

Soudain, je me sentais nerveuse. Le seul autre garçon qui avait bu mon sang était Heath - mon Heath. Je chassai cette pensée et toute comparaison entre lui et Stark, mais je ne pouvais nier un aspect de ce qui allait se produire. Laisser quelqu'un boire son sang était un acte sexuel. C'était agréable. Très agréable.

Nous les vampires étions faits ainsi. C'était normal, naturel.

Pourtant, cela me donnait mal au ventre.

— Hé ! Cool, Zoey ! Approche ton cou si tu n'as pas changé d'avis.

— Non, répondis-je rapidement. Je ne changerai jamais d'avis à ton sujet, Stark.

Je repoussai mes cheveux et me penchai vers lui, tendue, attendant la morsure.

Mais il me surprit. Au lieu de ses dents, je sentis la chaleur de ses lèvres qui embrassaient doucement mon cou.

— Cool, ma reine, répéta-t-il.

Facile à dire ! J'avais l'impression que personne ne m'avait touchée depuis des siècles.

Il m'embrassa de nouveau et gémit. Cette fois, ce n'était pas à cause de la douleur. Puis il enfonça les dents dans ma peau. Cela me piqua, mais dès que ses lèvres se refermèrent sur la petite coupure, la douleur fut remplacée par un plaisir si intense que je gémis à mon tour.

J'aurais voulu le prendre dans mes bras et le serrer contre moi, mais je restai immobile pour ne pas lui faire mal.

Il cessa de boire trop vite.

— Tu sais quand j'ai su pour la première fois que je t'appartenais ? demanda-t-il.

Son souffle chaud contre mon cou me fit frémir.

— Quand ? haletai-je.

— Le jour où tu m'as défié du regard, dans l'infirmerie, avant que je ne me transforme. Tu t'en souviens ?

Bien sûr que je m'en souvenais : toute nue, je l'avais menacé de l'attaquer avec les éléments alors que je me tenais entre lui et Darius.

— On aurait dit une reine guerrière, pleine de colère. À ce moment, j'ai su que je t'appartiendrais toujours, parce que tu avais réussi à m'atteindre dans l'obscurité qui m'entourait.

— Stark, murmurai-je, bouleversée par ce que je ressentais pour lui. Merci d'être venu me chercher.

Sa bouche se reposa sur mon cou et, cette fois, il me mordit plus fort. Là aussi, le plaisir remplaça rapidement la douleur. Je fermai les yeux et me concentrai sur la chaleur exquise qui courait dans mon corps. Je ne pus m'empêcher de passer la main sur son dos pour sentir les muscles tendus sous sa peau. Je voulais plus. Je le voulais plus proche de moi.

Il arracha ses lèvres à mon cou et se redressa. Il avait les yeux assombris par la passion, et le souffle court.

— Maintenant, Zoey, me donneras-tu plus que ton sang ? M'accepteras-tu en tant que gardien ?

Il y avait dans son regard quelque chose que je n'avais jamais vu auparavant.

Le garçon qui s'était détourné de moi à Venise, jaloux et énervé, avait disparu.

L'homme que je voyais devant moi était plus qu'un vampire, plus qu'un combattant. Je sentais sa force : il était solide. fiable, honorable.

— Un gardien ? fis-je en touchant son visage. Alors c'est en ça que tu t'es transformé ?

— Oui, si tu m'acceptes. Sans l'acceptation de sa reine, un gardien n'est rien.

— Mais je ne suis pas une reine !

Il sourit malgré ses lèvres déchirées.

— Tu es ma reine, et ceux qui diront le contraire auront affaire à moi.

Je lui souris, moi aussi.

— J'ai déjà accepté ton serment de combattant.

Il redevint sérieux.

— C'est différent, Zoey. C'est plus que ça. Cela pourrait changer les choses entre nous.

Je touchai de nouveau son visage. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il me demandait, mais je savais qu'il avait besoin de plus de ma part, comme je savais que ce que je m'apprêtais à dire nous affecterait pour le restant de nos jours.

« Déesse, soufflez-moi les mots justes », priai-je en silence.

— James Stark, je t'accepte en tant que gardien, et j'accepterai tout ce que cela entraînera.

Il embrassa ma paume.

— Alors, je te servirai avec mon honneur et ma vie, pour toujours, Zoey.

Mon As, mo bann ri, ma reine.

Son serment me fit l'effet d'un électrochoc. Stark avait raison. C'était différent de ce qui s'était passé quand il m'avait prêté serment en tant que combattant. Cette fois, je savais que, sans moi, il ne pourrait plus jamais être vraiment entier. Cette responsabilité m'effrayait presque autant qu'elle me renforçait. Je collai mon cou contre ses lèvres.

— Bois encore, Stark. Laisse-moi te guérir.

Avec un gémissement, il posa la bouche contre ma peau. Alors, une chose incroyable se produisit. D'abord, le pouvoir unique qui accompagnait l'élément Air surgit en moi et se transmit à Stark. Il frémit, et je sus que c'était tant à cause du plaisir intense qu'il éprouvait que de l'énergie que lui procurait l'élément. Simultanément, je ressentis une douleur familière sur mon front et mes pommettes, et une image de Damien poussant un cri de joie apparut sur mes paupières fermées. Je n'avais pas besoin de poser la question. Je savais que mon premier tatouage avait réapparu.

Puis ce fut au tour du Feu. Il me réchauffa, puis passa en Stark, l'emplissant, le fortifiant, si bien qu'il fut capable de lever le bras et de m'attirer contre lui, buvant plus avidement encore. Le dos me brûla alors que mon deuxième tatouage revenait, et je revis Shaunee rire et danser, victorieuse.

Alors, l'Eau se déversa sur nous, nous prêtant sa force. Les yeux fermés, je profitai de chaque seconde de ce que Stark et moi vivions ensemble, et je tremblai de plaisir lorsque mon troisième tatouage, celui qui faisait le tour de ma taille, refit son apparition, tandis que j'entendais Érin rire et crier : « Oh oui ! Zoey revient ! »

La Terre se manifesta ensuite, et ce fut comme si Stark et moi devenions une partie du bois. Nous ressentions la richesse et la puissance contenues dans les racines, le sol, la mousse. Stark me serra plus fort contre lui, et je sus qu'il n'avait plus mal, car je partageais ses sensations : sa joie, son plaisir, son émerveillement. La déesse toucha mes paumes, et mon quatrième tatouage réapparut. Bizarrement, je ne vis pas d'image de Lucie alors que son élément se déversait en moi, je sentis seulement sa joie distante, comme si elle était désormais hors de portée.

L'esprit arriva en dernier, et soudain je n'éprouvais plus seulement ce que Stark éprouvait - c'était comme si nous ne faisions plus qu'un. Nos âmes réunies flamboyaient, et mon dernier tatouage reprit sa place.

Stark écarta ses lèvres de ma peau et enfouit le visage dans mon cou. Il tremblait, et il respirait rapidement, comme s'il venait de courir un marathon.

Puis il passa sa langue sur les morsures pour les refermer. Je caressai ses cheveux et me rendis compte, surprise, que le sang et la sueur avaient disparu de son visage.

Il se mit debout et, s'efforçant de maîtriser sa respiration, me regarda.

Déesse, il était tellement beau ! Quelques minutes plus tôt, il était mortellement blessé, battu, en sang, pouvant à peine bouger. Désormais, l'énergie, la santé et la force émanaient de lui.

— C'est la chose la plus incroyable qui me soit jamais arrivée, lâcha-t-il, avant d'écarquiller les yeux. Oh ! Tes tatouages !

Il toucha mon visage avec révérence. Je tournai la tête pour que ses doigts puissent suivre les marques qui recouvraient de nouveau mes épaules et mon dos. Puis je levai la main pour qu'il puisse appuyer sa paume contre la mienne, ornée de symboles saphir.

— Ils sont tous revenus, dis-je. Les éléments les ont ramenés.

Stark secoua la tête, stupéfait.

— Je l'ai senti sans savoir ce qui se passait ! J'ai ressenti la même chose que toi, ma reine, dit-il en me serrant contre lui.

— Et maintenant, je fais partie de toi, mon gardien, fis-je avant de l'embrasser.

Il m'attira contre lui comme pour se convaincre que je n'allais pas m'évaporer.

Il ne me lâcha pas quand je pleurai pour Heath, et me raconta comment mon ami avait choisi d'aller de l'avant, me parlant du courage dont il avait fait preuve.

II n'avait pas besoin de me le dire, cependant. Je savais à quel point Heath était courageux, tout comme je savais que ce serait grâce à sa bravoure que je le reconnaîtrais, et à son amour pour moi.

Lorsque j'eus fini de pleurer, je m'essuyai les yeux et Stark m'aida à me lever.

— Tu es prêt à rentrer à la maison maintenant ? demandai-je.

— Oh, oui. Mais, euh, Zoey, comment vais-je faire ?

Je lui souris.

— En me faisant confiance.

— Alors, ce s'ra facile, pas vrai ?

— D'où est-ce que tu nous sors cet accent irlandais ?

— Irlandais ? Tu es sourde, femme ? grommela-t-il, avant d'éclater de rire et de me prendre dans ses bras. Écossais, Zoey, pas irlandais. Et tu comprendras vite d'où il me vient.