Aphrodite

— Sérieusement, Erce, je ne le répéterai pas : je me moque de vos règles débiles. Zoey est là-dedans, donc je vais entrer.

— Aphrodite, tu es une humaine - tu n'es même pas le consort d'un vampire.

Tu ne peux pas faire irruption dans la chambre du conseil supérieur, avec ton hystérie de jeune mortelle, surtout en temps de crise, déclara Erce en balayant d'un regard froid les cheveux emmêlés d'Aphrodite, son visage trempé de larmes, ses yeux rouges.

— Le conseil t'invitera à entrer. Peut-être. En attendant, tu devras patienter.

— Je ne suis pas hystérique, répliqua Aphrodite d'une voix lente et distincte, avec un calme forcé, ignorant le fait que, si elle était restée dehors quand Stark, suivi de Darius, de Damien, des Jumelles et même de Jack, avait porté le corps sans vie de Zoey à l'intérieur, c'était justement parce qu'elle s'était comportée comme une humaine hystérique.

Elle avait pleuré si fort que les larmes et la morve l'avaient empêchée de respirer et de voir grand-chose. Lorsqu'elle s'était enfin reprise, on lui avait claqué la porte au nez, et Erce jouait maintenant la gardienne.

Mais l'autre se trompait en pensant qu'elle ne savait gérer les adultes coincés et autoritaires. Aphrodite avait été élevée par une femme à côté de laquelle Erce passait pour Mary Poppins.

— Alors, vous pensez que je ne suis qu'une gamine humaine, c'est ça ?

demanda Aphrodite en pénétrant dans l'espace personnel d'Erce, qui recula d'un pas. Je m'en fiches, bon sang ! Je suis une prophétesse de Nyx. Vous vous rappelez qui c'est ? Nyx, votre patronne. Je n'ai pas besoin de votre accord pour me présenter devant le conseil supérieur. C'est Nyx elle-même qui m'a donné ce droit. Alors, maintenant, poussez-vous de là !

— Même si sa requête aurait pu être formulée plus poliment, cette enfant a raison, Erce. Laissez-la passer. J'en prendrai la responsabilité si le conseil désapprouve.

Les poils d'Aphrodite se dressèrent quand elle entendu la voix de Neferet derrière elle.

— Ce n'est pas la coutume... objecta Erce, mais son ton prouvait qu'elle capitulait.

— Il n'est pas habituel non plus que l'âme d'une novice soit brisée, répliqua Neferet.

— Je ne peux qu'acquiescer, prêtresse, céda Erce en faisant un pas sur le côté et en ouvrant l'épaisse porte en pierre. Vous êtes désormais responsable de la présence de cette humaine devant le conseil.

— Merci, Erce. J'apprécie votre collaboration. Oh ! des combattants vont venir livrer quelque chose. Vous les laisserez passer, eux aussi.

Aphrodite ne jeta pas un regard en arrière quand Erce murmura :

« Bien sûr, prêtresse. »

L'air résolu, elle pénétra dans le bâtiment.

— N'est-ce pas étrange que nous soyons de nouveau alliées, mon enfant ?

demanda Neferet.

— Nous ne serons jamais alliées, et je ne suis pas une enfant, répliqua Aphrodite sans la regarder ni ralentir le pas.

L'entrée donnait sur un immense amphithéâtre en pierre. Les yeux d'Aphrodite furent attirés par le vitrail représentant Nyx, encadrée par un pentagramme brillant. Ses bras gracieux levés au-dessus de la tête, elle tenait un croissant de lune entre ses mains.

— C'est charmant, n'est-ce pas ? commenta Neferet sur le ton de la conversation. Les vampires ont créé les plus grandes œuvres d'art du monde.

Aphrodite haussa les épaules.

— Les vampires ont de l'argent. L'argent permet d'acheter les jolies choses, qu'elles soient faites ou non par des humains. Et vous ne pouvez pas être sûre que ce sont des vampires qui ont réalisé ce vitrail. Je sais que vous êtes vieille, mais pas à ce point.

Ignorant le petit rire condescendant de Neferet, Aphrodite regarda vers le centre de la salle. Elle ne comprit pas tout de suite ce qu'elle avait sous les yeux ; puis elle sursauta comme si on lui avait donné un coup de poing dans le ventre.

Sept vampires étaient assis sur des trônes en marbre sculpté, installés au milieu d'une plate-forme surélevée, devant eux était allongée Zoey, tel un cadavre étendu sur une table d'autopsie. Stark, agenouillé à côté d'elle, pleurait en silence. Des larmes coulaient sur son visage et tombaient sur son tee-shirt.

Darius, debout près de lui, disait quelque chose à la brune assise sur le premier trône, dont les cheveux épais étaient parsemés de gris. Damien, Jack et les Jumelles étaient blottis les uns contre les autres sur un banc de pierre. Ils pleuraient eux aussi, mais leur chagrin bruyant était aussi différent de la souffrance de Stark que l'océan d'un ruisseau.

Quand Aphrodite s'avança, Neferet lui attrapa le poignet. Alors seulement la jeune fille se tourna vers son ancien mentor.

— Vous feriez mieux de me lâcher, dit-elle tout bas.

Neferet haussa un sourcil.

— Tiens, on dirait que tu as enfin appris à résister aux figures maternelles !

— Vous n'êtes la figure maternelle de personne, lança Aphrodite avec colère.

J'ai appris à résister aux pétasses il y a bien longtemps.

Neferet grimaça et relâcha son poignet.

— En revanche, tu es toujours aussi vulgaire.

— Je ne suis pas vulgaire ; je suis honnête ; nuance. Et je me fiche éperdument de ce que vous pensez.

Neferet ouvrit la bouche pour répondre, mais Aphrodite la devança.

— Qu'est-ce que vous foutez là, d'abord ?

Neferet battit des cils, surprise.

— Je suis là parce qu'il y a une novice blessée.

— Conneries ! Vous n'êtes là que pour obtenir quelque chose. C'est comme ça que vous fonctionnez, Neferet, qu'ils le sachent ou non, siffla Aphrodite en désignant les membres du conseil du menton.

— Fais attention, ma grande ! Tu pourrais bientôt avoir besoin de moi.

Aphrodite soutint son regard et fut choquée de voir que les yeux de Neferet avaient changé. Ils n'étaient plus d'un vert émeraude vif. Ils s'étaient assombris et... Était-ce du rouge qu'elle voyait luire au milieu ? À peine cette pensée s'était-elle formée dans son esprit que Neferet cligna des paupières et ses iris reprirent leur couleur de pierres précieuses.

Aphrodite inspira, secouée. Elle avait la chair de poule, mais elle réussit à dire sur un ton sarcastique :

— Pas de problème. Je prends le risque de me passer de votre aide.

Sans lui répondre, Neferet se tourna face au conseil et fit un geste gracieux de la main, indiquant Aphrodite.

— Je demande au conseil d'autoriser la présence de cette humaine. Il s'agit d'Aphrodite, la jeune fille qui prétend être la prophétesse de Nyx.

Aphrodite contourna Neferet et croisa le regard des sept vampires.

— Je ne prétends pas, je suis la prophétesse de Nyx par la volonté de la déesse. La vérité, c'est que, si j'avais le choix, je ne voudrais pas de ce titre.

— La déesse croit en Aphrodite, même s'il celle-ci n'est pas très sûre d'elle, intervint Darius.

Aphrodite lui sourit. Il était bien plus que son combattant canon. Elle pouvait compter sur lui ; il voyait toujours le meilleur en elle.

— Darius, pourquoi intercédez-vous en faveur de cette humaine ? demanda la brune.

— Duantia, j'ai prêté mon serment de combattant à cette prophétesse.

— Un serment ? s'exclama Neferet, ne parvenant à dissimuler sa stupéfaction. Mais... cela signifie...

— Cela signifie, la coupa Aphrodite, que je ne suis pas totalement humaine, vu qu'un combattant vampire ne doit pas prêter serment à un humain.

— Vous pouvez rester, Aphrodite, prophétesse de Nyx, dit Duantia. Le conseil vous y autorise.

Aphrodite descendit les marches à toute vitesse, laissant Neferet derrière. Elle voulait courir vers Zoey, mais son instinct la fit s'arrêter devant Duantia. Elle pressa le poing sur sa poitrine et s'inclina respectueusement.

— Merci, prêtresse.

— En ces temps extraordinaires, nous devons prendre des mesures exceptionnelles, déclara une femme grande et mince aux yeux noirs comme la nuit.

Ne sachant que répondre, Aphrodite se contenta de hocher la tête, puis elle s'approcha de Zoey. Elle glissa la main dans celle de Darius et la pressa très fort pour puiser un peu de la force extraordinaire de son combattant avant de regarder son amie.

Elle n'avait pas rêvé. Les tatouages de Zoey avaient vraiment disparu ! Il ne restait que le contour du croissant de lune saphir au milieu de son front. Et elle était tellement pâle !

« Zoey semble morte. »

Aphrodite serra les mâchoires : Zoey n'était pas morte, son cœur battait toujours. Zoey n'était pas morte !

— La déesse te révèle-t-elle quelque chose quand tu regardes cette novice ?

demanda le même vampire.

Aphrodite relâcha la main de Darius et s'agenouilla lentement à côté de Zoey.

Elle jeta un coup d'œil à Stark, prostré en face d'elle. Il n'avait pas bougé. Il pleurait en silence en contemplant Zoey.

« Darius serait-il comme ça si quelque chose m'arrivait ? » se demanda-t-elle.

Elle chassa cette pensée et se concentra sur Zoey. Elle tendit la main et la posa sur l'épaule de son amie.

Sa peau était froide, comme si la vie l'avait vraiment quittée. Aphrodite attendit un signe de la part de Nyx, mais elle n'eut pas la moindre bribe de vision ou de pressentiment.

Avec un soupir de frustration, elle secoua la tête.

— Non, rien. Je ne contrôle pas mes visions. Elles m'assaillent, que je le veuille ou non, et pour dire la vérité, je ne le veux pas souvent...

— Tu n'utilises pas tous les dons que t'a accordés la déesse, jeune fille.

Étonnée, Aphrodite releva les yeux sur la femme aux yeux sombres qui s'était levée et s'approchait d'elle, gracieuse.

— Tu es une véritable prophétesse de Nyx, n'est-ce pas ?

— Oui, répondit Aphrodite avec autant de perplexité que de conviction.

Dans un bruissement de soie couleur de la nuit, la femme s'agenouilla à côté d'elle.

— Je m'appelle Thanatos. Sais-tu ce que mon nom SIGNIFIE ?

APHRODITE secoua la tête. Elle aurait bien aimé que Damien soit près d'elle pour qu'il lui souffle la réponse.

— Il signifie la mort. Je ne dirige pas le conseil. C'est à Duantia que revient cet honneur, mais j'ai le privilège unique d'être particulièrement proche de la déesse puisqu'elle m'a donné la capacité d'aider les âmes qui passent de ce monde à l'autre.

— Vous pouvez parler aux fantômes ?

Le sourire de Thanatos transforma son visage sévère, la rendant presque jolie.

— D'une certaine manière, oui. Et, grâce à ce don sais quelque chose sur tes visions.

— Sérieusement ? Pourtant, avoir une vision, ce n'est pas comme parler à des fantômes.

— Vraiment ? De quel royaume te viennent tes visions ? Ou, plus précisément, dans quel royaume te trouves-tu quand tu les reçois ?

Aphrodite réfléchit à toutes les visions de mort qu'elle avait eues, dans lesquelles elle avait toujours partagé le point de vue des défunts. Elle inspira brusquement.

— Je les reçois de l'au-delà !

Thanatos hocha la tête.

— Tu es beaucoup plus en relation avec l'au-delà que je ne le suis, prophétesse. Je ne fais que guider les morts en transit, et, à travers eux, j'aperçois l'au-delà.

Aphrodite posa les yeux sur Zoey.

— Elle n'est pas morte.

— Non, pas encore. Mais son corps ne tiendra plus de sept jours dans cet état : privé de son âme. L'au-delà a une forte emprise sur elle, plus forte que sur ceux qui viennent de mourir. Touche-la à nouveau prophétesse. Cette fois, concentre-toi et utilise tous les talents qui t'ont été donnés.

— Mais je...

Thanatos la coupa.

— Prophétesse, fais ce que Nyx voudrait que tu fasses.

— Je ne sais pas ce qu'elle veut !

Le visage de Thanatos se détendit, et elle sourit.

— Eh bien, mon enfant, demande-lui de l'aide.

— C'est tout ?

— Oui, prophétesse.

Lentement, Aphrodite posa la main sur l'épaule glacée de Zoey. Elle ferma les yeux et prit trois profonde inspirations, comme le faisait Zoey avant de former uni cercle. Puis elle adressa une prière fervente et silencieuse à Nyx :

Je ne vous le demanderais pas si ce n'était pas important. Je n 'aime pas demander de faveurs. À personne. Mais, là, Nyx, j'ai besoin de votre aide.

Thanatos semble penser que j'ai un lien avec l'au-delà. Si c'est vrai, pourriez-vous me faire savoir ce qui arrive à Zoey, s'il vous plaît? Je vous en prie, déesse. Et pas seulement parce que Zoey est comme la sœur que ma mère a été trop égoïste pour me donner. J'ai besoin de votre aide parce que beaucoup de gens dépendent d'elle, et c'est plus important que moi.

Elle sentit alors une chaleur sous sa paume ; puis elle eut l'impression de sortir de son corps et de se glisser dans celui de Zoey. Cela ne dura que le temps d'un effleurement de cœur, mais ce qu'elle vit et sut la choqua tellement que, l'instant d'après, elle réintégra son propre corps. Elle serrait la main contre sa poitrine, haletante et apeurée. Puis elle poussa un gémissement et se plia en deux, prise de vertige, alors que des larmes se mettaient à couler sur son visage.

— Que se passe-t-il, prophétesse ? Qu'as-tu vu ? demanda calmement Thanatos en essuyant ses larmes et en passant un bras autour de sa taille pour la maintenir,

— Elle est partie ! s'exclama Aphrodite. J'ai senti ce qu'il lui était arrivé, l'espace d'une seconde. Zoey a ôté toute la puissance de l'esprit sur Kalona. Elle a essayé de l'arrêter, mais ça n'a pas suffi. Heath est mort sous ses yeux. Cela a brisé son âme. Vous savez où elle est, n'est-ce pas ?

— Je crois, oui. Mais tu dois le confirmer.

— Je l'ai vue avec les morts dans l'au-delà, dit Aphrodite en clignant des yeux. Elle n'a pas pu supporter ce qui s'était passé.

— Tu n'as rien vu de plus ? Rien qui pourrait aider Zoey ?

Aphrodite leva une main tremblante.

— Non, mais je vais réessayer et...

— Non, tu es encore trop faible à cause de la rupture de ton Empreinte avec Lucie, protesta Darius.

— Ça n'a pas d'importance. Zoey est en train de mourir !

— Si, ça a de l'importance. Veux-tu que ton âme devienne comme celle de Zoey ? intervint Thanatos avec douceur.

La terreur secoua Aphrodite.

— Non, murmura-t-elle en posant la main sur celle de Darius.

— Voilà pourquoi il est malheureux que les jeunes gens reçoivent de grands dons de la déesse ! lança Neferet. Ils possèdent rarement la maturité nécessaire pour les utiliser avec sagesse.

Au son de sa voix froide et condescendante Stark eut un soubresaut, et il releva enfin les yeux,

— Cette créature ne devrait pas être admise ici ! C'est elle qui a fait ça ! Elle a tué Heath et brisé Zoey ! cracha-t-il.

Neferet lui jeta un regard méprisant.

— Je sais que tu traverses une épreuve difficile, mais tu ne peux t'adresser à une grande prêtresse de la sorte combattant.

Stark sauta sur ses pieds. Darius, toujours aussi rapide, le retint et murmura :

— Réfléchis avant d'agir, Stark !

— Combattant, dit Duantia au garçon, tu étais là quand cet humain a été tué, et quand l'âme de Zoey s'est brisée. Tu as témoigné que c'était l'immortel ailé qui avait commis cet acte. Tu n'as pas parlé de Neferet.

— Demandez à n'importe lequel des amis de Zoey ! s'écria Stark. Appelez Lenobia ou Dragon Lankford à la Maison de la Nuit de Tulsa. Ils vous confirmeront tous que Neferet n'a pas besoin d'être physiquement présente pour causer la mort de quelqu'un.

Il repoussa la main de Darius et s'essuya le visage avec colère, comme s'il venait juste de s'apercevoir qu'il avait pleuré.

— Elle... elle peut provoquer des événements terribles, même quand elle n'est pas là, déclara Damien d'une voix hésitante.

Les Jumelles et Jack, en larmes, hochèrent la tête.

— Il n'y a aucune preuve que Neferet soit mêlée à cette affaire, fit remarquer Duantia d'une voix douce.

— Thanatos ! Vous savez ce qui est arrivé à Heath ! Vous ne pourriez pas parler à son fantôme ? éclata Aphrodite.

— L'esprit de l'humain ne s'est pas attardé sur Terre, et, avant de s'en aller, il ne m'a pas cherchée.

— Où est Kalona ? s'exclama Stark, ignorant tout le monde. Neferet, où cachez-vous votre amant, qui a exécuté vos ordres ?

— Si tu parles de mon consort immortel, Erebus, c'est exactement la raison de ma présence ici. Moi aussi, j'ai senti l'âme de Zoey se briser, poursuivit-elle à l'intention des membres du conseil. Je marchais alors dans le labyrinthe, me préparant mentalement à quitter l'île de San Clémente pour une très longue période.

Stark ricana :

— Kalona et vous voulez diriger le monde depuis Capri. Donc, en effet, vous ne reviendrez pas ici dans un futur proche, sauf pour détruire l'île.

Darius lui toucha l'épaule, mais le jeune combattant le repoussa, défiant Neferet du regard.

— Je ne nie pas qu'Erebus et moi-même souhaitons réinstaurer les coutumes d'antan, de l'époque où les vampires étaient installés à Capri, d'où ils veillaient sur la bonne marche des choses, révérés et respectés de tous. Mais il ne me viendrait pas à l'idée de détruire cette île ou ce conseil. En réalité, je recherche son soutien.

— Vous voulez dire son pouvoir ! Et maintenant que Zoey n'est plus là, vous avez plus de chances de l'obtenir, rétorqua Stark.

— Vraiment ? Aurais-je mal interprété ce qui s'est passé entre ta Zoey et mon Erebus tout à l'heure, ici même ? Elle a admis qu'il était un immortel en quête d'une déesse à servir.

— Elle ne l'a jamais appelé Erebus !

— Et mon immortel Erebus l'a gentiment qualifiée de faillible, pas de menteuse, continua Neferet, imperturbable.

— Alors, qu'avez-vous fait, Neferet ? Vous l'avez forcé à tuer Heath et à briser l'âme de Zoey parce que vous étiez jalouse de ce qu'il y avait entre eux ?

insista Stark.

— Bien sûr que non ! Sers-toi de ton cerveau, pas de ton pathétique cœur brisé, combattant ! Zoey aurait-elle pu te forcer à tuer un innocent pour elle ?

Bien sûr que non. Tu es son combattant, mais tu as encore ton libre arbitre, et tu es toujours attaché à Nyx, et tu accomplis la volonté de la déesse.

Sans lui laisser le temps de répondre, elle se tourna vers le conseil.

— Comme je l'expliquais, j'ai senti l'âme de Zoey se briser, et je retournais au palais quand j'ai trouvé Erebus. Il était gravement blessé, à peine conscient.

Il n'eut le temps que de me dire: « Je protégeais ma déesse », puis il est parti.

— Kalona est mort ? ne put s'empêcher de demander Aphrodite.

Sans lui répondre, Neferet pivota vers l'entrée de la Salle, où étaient apparus quatre combattants portant une civière qui s'affaissait sous le poids d'un corps.

— Amenez-le ici ! commanda-t-elle.

Ils descendirent les marches et déposèrent la civière devant l'estrade. Stark et Darius se placèrent machinalement entre Zoey et Kalona.

— Il n'est pas mort, évidemment. C'est Erebus, un Immortel, dit Neferet de sa voix hautaine avant d'éclater en sanglots. Il n'est pas mort, mais comme vous pouvez le voir, il est parti !

Incapable de se contrôler, Aphrodite se leva et l'approcha de Kalona. Darius la rejoignit en un clin d'œil.

— Non, ne le touche pas.

— Que nous l'appelions Erebus ou non, il est évident que cet être est un immortel très ancien, déclara Thanatos. À cause du pouvoir de son sang, la prophétesse ne pourra pas entrer dans son corps, même si son esprit n'est pas là.

Il ne représente pas le même danger pour elle que Zoey, combattant.

— Tout va bien, dit Aphrodite. Laisse-moi essayer.

— Je suis là, avec toi. Je ne te lâcherai pas, fit Darius, l'air tendu, en lui prenant la main.

Aphrodite inspira de nouveau à trois reprises et se concentra sur Kalona avant de poser la main sur son épaule, comme elle l'avait fait pour Zoey. Sa peau était si froide qu'elle faillit reculer d'un bond. Elle ferma les yeux.

« Nyx, pria-t-elle, s'il vous plaît, montrez-moi juste quelque chose qui pourrait nous aider. Je vous en supplie, servez-vous de moi comme d'un outil qui vous permettra de combattre l'Obscurité et suivre votre chemin. »

Sa paume se réchauffa, et Aphrodite n'eut pas besoin de plonger en Kalona pour savoir qu'il était parti : l'Obscurité le lui dit. C'était une véritable entité, vaste, puissante, vivante. Aphrodite eut l'image très précise d'un filet noir, comme la toile d'une araignée invisible. Ses fils collants enroulés autour de Kalona le retenaient, l'attachant fermement. De toute évidence, le corps de l'immortel était emprisonné, et il était complètement vide.

Retenant son souffle, elle retira vivement sa main, la frotta contre sa cuisse, comme si ce piège gluant l'avait tachée. Ses genoux cédèrent, et elle s'écroula contre Darius.

— C'est comme Zoey, dit-elle, sans révéler que le corps de Kalona était pris en otage. Il n'est plus là, lui non plus.

CHAPITRE CINQ