Épilogue

 

Gloria et Serita avaient proposé de l'accompagner, mais Laura avait préféré y aller seule. Elle n'avait pas besoin d'aide.

En s'engageant sur le parking bien connu, il lui semblait que son cœur allait exploser dans sa poitrine. Vêtue d'un tailleur Svengali noir, les cheveux tirés en arrière, très peu maquillée, elle était, comme toujours d'une beauté à couper le souffle.

Elle fit le tour du bâtiment décrépit. Les premières lueurs du soleil imprimaient des trais sur le bitume du parking désert, Il n'était pas encore sept heures du matin. Le trajet d'un quart d'heure lui avait semblé interminable.

Elle se gara non loin de l'endroit où elle avait découvert la voiture de son père, deux jours plus toi seulement. Deux jours... une éternité.

Le moment était arrivé. Le passé avait obtenu sa vengeance, punissant les coupables et terrassant les innocents. Mais tout était fini maintenant.

Elle entra par la porte latérale et pénétra dans le couloir obscur. Au loin résonnait l'écho d'un dribble.

Les jambes en coton, le pouls emballé, Laura s'avancer vers le terrain. Son cœur battait fort, si fort qu'on aurai dû le voir.

Parvenue à l'entrée de la salle, elle s'arrêta, prit une profonde inspiration et entra.

Le joueur continuait de dribbler et de s'entraîner. Il ne l'avait pas encore vue.

Laura eut besoin de quelques secondes pour recouvrer l'usage de sa voix. Enfin, elle l'interpella : — Hello !

Mark Seidman se figea. Le ballon lui échappa des mains. Lentement, il se tourna vers elle, mais, dès qu'il la vit, il fit volte-face.

Elle alla s'installer sur un gradin.

— Vous permettez que je vous regarde ?

— Personne n'est censé être là.

— Je ne resterai pas longtemps.

Il jeta un coup d'œil à l'horloge sur le panneau des scores.

— Je dois vraiment y aller.

— Attendez ! Ne partez pas ! J'aimerais beaucoup vous regarder tirer.

Enfreignant la règle qu'il s'était fixée, Mark garda les yeux rivés sur le ballon en se remettant en mouvement. Il recommença à tirer et rata plus de paniers qu'il ne l'avait fait depuis l'âge de huit ans. Ses bras tremblaient. Ses doigts avaient perdu toute dextérité. Oserait-il lui parler ? Regarder dans sa direction ? Au bout d'un moment, il hasarda : — Je suis désolé pour votre père.

— Merci, répondit-elle. Mon père était un homme gravement dérangé qui, au bout du compte, a estimé que la seule façon de protéger sa famille était de se tuer. Plus rien ne pourra plus l'atteindre. Je crois qu'il est enfin en paix.

Il ne fit aucun commentaire.

— Mark, je peux vous poser une question ?

Il s'éloigna en dribblant.

— Allez-y.

— Que savez-vous de la mort de mon mari ?

— Rien de plus que ce que j'ai lu dans les journaux. Il a été pris dans des courants violents et s'est noyé.

Elle se pencha en avant. Des larmes lui montèrent aux yeux.

— Pas exactement. Ça, c'est ce que David a voulu nous faire croire. Nous étions en Australie pour notre lune de miel quand c'est arrivé. Nous étions tellement heureux, tellement amoureux. Comme si le monde avait été créé uniquement pour nous. Il avait le dont de me faire rire. Il était capable de me faire pleurer. Avant lui, je me sentais vivante, vous comprenez ?

Mark lui tourna le dos.

— Je ne vois pas pourquoi vous me racontez ça.

Elle fit celle qui n'avait pas entendu.

— Avant de mourir, David a rencontré ma mère dans un hôtel proche de celui où nous résidions.

À ces mots, Mark tressaillit, mais il refusait toujours de lui faire face.

— Elle lui a dit des choses qui l'ont bouleversé.

— Pourquoi me racontez-vous... ?

— Mais elle se trompait.

Il rentra les épaules, comme terrassé de douleur, il porta les mains à son visage pour essuyer ses larmes mais sans se retourner.

— Sur quoi ?

La jambe de Laura commença à tressauter. L'émotion la submergeait. Elle respirait par saccades. Quand elle reprit la parole, les mots se bousculaient sur s lèvres.

— Elle a bien eu une liaison avec ton père, ça ce vrai, et elle est tombée enceinte...

— Je ne sais pas de quoi...

— Mais le bébé est mort.

Il s'arrêta de dribbler. Sa main se porta à sa bouche, comme s'il voulait étouffer un cri.

— Quoi ?

Laura s'avança vers lui.

— Nous ne sommes pas frère et sœur.

Il pirouetta. Écarquilla les yeux. Son visage se décomposa.

— Mais...

Après tout ce temps, toute cette souffrance...

— Non, David. Ma mère a été avortée. Je ne suis pas ta sœur.

Il la contemplait, les larmes aux yeux. Son esprit était comme déchiré. La réalité échappait à tout contrôle. Il tenta de se reprendre, d'assimiler ce qu'elle lui révélait.

— Je t'en prie, dit-il d'une voix douce, jure-moi que ce n'est pas un rêve.

Elle secoua la tête, laissant ses larmes couler sans entrave.

— Oui, David, je te le jure.

Elle courut vers lui, l'entoura fermement de ses bras. Il la serra de toutes ses forces, les yeux fermés. Tant de jours de torture, tant de larmes, tant de fois où il avait rêvé de cette étreinte...

— Ne me quitte plus jamais, murmura-t-elle.

— Jamais. Je te le jure.

Ils s'agrippaient farouchement l'un à l'autre, n'osant pas se lâcher de crainte de voir l'autre disparaître. Ils demeurèrent ainsi un long moment, laissant le passé s'évanouir pour laisser place à la guérison.

David sourit à travers ses larmes.

— Tu veux toujours des enfants ?

Elle rit.

— Et pourquoi pas plutôt des lapins ?

— OK, on aura les deux, des lapins et des enfants.

— Mais chaque chose en son temps. D'où sors-tu cette coupe de cheveux ridicule ?

— Tu ne m'aimes pas en blond ?

— C'est immonde.

— Ah ? Juste quand je commençais à m'y habituer...

— Je suis sûre que c'est un coup de TC. Il a un goux de chiotte. Et cette nouvelle tête. Tu sais que je déteste les jolis garçons...

D'un baiser, il la réduisit au silence.

— C'est toujours le seul moyen de te faire taire hein ?

— Alors, qu'est-ce que tu attends, Baskin ? Fais-moi taire !

 

 

 

Sans un adieu
titlepage.xhtml
Sans_un_adieu_split_000.html
Sans_un_adieu_split_001.html
Sans_un_adieu_split_002.html
Sans_un_adieu_split_003.html
Sans_un_adieu_split_004.html
Sans_un_adieu_split_005.html
Sans_un_adieu_split_006.html
Sans_un_adieu_split_007_split_000.html
Sans_un_adieu_split_007_split_001.html
Sans_un_adieu_split_008.html
Sans_un_adieu_split_009.html
Sans_un_adieu_split_010.html
Sans_un_adieu_split_011.html
Sans_un_adieu_split_012.html
Sans_un_adieu_split_013.html
Sans_un_adieu_split_014.html
Sans_un_adieu_split_015.html
Sans_un_adieu_split_016.html
Sans_un_adieu_split_017.html
Sans_un_adieu_split_018_split_000.html
Sans_un_adieu_split_018_split_001.html
Sans_un_adieu_split_019.html
Sans_un_adieu_split_020.html
Sans_un_adieu_split_021_split_000.html
Sans_un_adieu_split_021_split_001.html
Sans_un_adieu_split_022.html
Sans_un_adieu_split_023.html
Sans_un_adieu_split_024.html
Sans_un_adieu_split_025.html
Sans_un_adieu_split_026_split_000.html
Sans_un_adieu_split_026_split_001.html
Sans_un_adieu_split_026_split_002.html
Sans_un_adieu_split_026_split_003.html
Sans_un_adieu_split_027.html
Sans_un_adieu_split_028.html
Sans_un_adieu_split_029.html
Sans_un_adieu_split_030.html
Sans_un_adieu_split_031.html
Sans_un_adieu_split_032.html
Sans_un_adieu_split_033.html
Sans_un_adieu_split_034.html
Sans_un_adieu_split_035.html
Sans_un_adieu_split_036.html
Sans_un_adieu_split_037.html
Sans_un_adieu_split_038.html
Sans_un_adieu_split_039.html
Sans_un_adieu_split_040_split_000.html
Sans_un_adieu_split_040_split_001.html
Sans_un_adieu_split_040_split_002.html
Sans_un_adieu_split_040_split_003.html
Sans_un_adieu_split_040_split_004.html
Sans_un_adieu_split_041_split_000.html
Sans_un_adieu_split_041_split_001.html
Sans_un_adieu_split_042.html
Sans_un_adieu_split_043.html
Sans_un_adieu_split_044.html