3 avril 1960
Aujourd'hui, nous allons rendre visite à ma famille. Je ne m'attends pas à ce qu'ils soient ravis. Je dos, qu'ils comprennent. Mais comment pourraient-il ignorer mon visage rayonnant ? Comme pourraient être fâchés en me voyant si heureuse ? Ils devront n accepter. Ils voudront nous accepter. Bien sûr, m parents désapprouveront le fait qu'il soit marié, nu l'amour vient à bout de tous les obstacles, n'est-pas ?
Plus tard :
Quelque chose a changé. J'ignore quoi. Tout s bien passé avec ma famille — du moins aussi bien possible. Mes parents étaient peines, mais ont réussie à se montrer aimables. Mary s'est très bien entendue avec Sinclair, tout comme James. En fait, ma famille a réagi à peu près comme prévu. Alors, pourquoi ai-je ce sombre pressentiment ? C'est Sinclair. Il était différent. Oh, il m'a encore dit qu'il m'aimait, mais... il semblait distrait, absent. Certes, pour lui aussi, la journée a été stressante. Cependant, il y a quelque chose dans l'air...
— Méfie-toi, Judy, l'exhorta Laura tout haut. Quitte-le !
— Elle était jeune, commenta Gloria. Et amoureuse.
— Enfin, Gloria, c'était un homme marié.
— Si tu avais appris que David était marié, répliqua sa sœur avec un sourire triste, ça aurait changé quoi que ce soit ?
— Bien sûr !
— Vraiment ? Sois honnête, Laura.
Ignorant résolument l'injonction, Laura poursuivit sa lecture, mais elle demeurait là, dans un coin de sa tête. 17 avril 1960
Ma vie est finie. Le soleil ne se lève plus. Les fleurs ne s'ouvrent plus. On m'a pris mon Sinclair. Pire, on est en train de le détruire. Je suis allée le voir aujourd'hui dans l'espoir qu'il se confie à moi. Depuis deux semaines, il se comporte de manière bizarre. Depuis notre visite chez mes parents. Je lui ai demandé ce qui n 'allait pas.
«Rien, m'a-t-il répondu tranquillement. Il y a un problème.
— Quel problème ? » Et il a dit :
« Je pense qu'on devrait arrêter. »
Mon cœur a volé en éclats, là, dans son bureau envahi de livres, face aux œuvres de Keats, Brownh ; Shakespeare et Dante.
« Je pense qu'on devrait arrêter. »
Six mots. Six mots ont détruit ma vie. Je ne devrai pourtant pas être étonnée, connaissant mieux que quiconque leur pouvoir. Mais le cœur n'a que faire l'analyse, il ne connaît que l'émotion et les sentiments.
« Que veux-tu dire ? » lui ai-je bêtement demandé
Sinclair était bouleversé. Il fumait cigarette i cigarette. Il avait les cheveux ébouriffés, les yeux injectés de sang, et il ne s'était pas rasé de la semaine.
« Je ne veux plus que tu viennes ici. J'ai une femme et des enfants. »
— Quel salaud, commenta Laura.
— Continue de lire.
Au cours du mois suivant, Judy s'enfonça dans la dépression. Malgré ses efforts, impossible d'oublier Sinclair Baskin. Qu'est-ce qui l'avait fait changer cette façon ? S'était-elle trompée sur les sentiments qu'il avait pour elle ? Lui avait-il menti depuis début ? Elle ne pouvait l'imaginer. La jeune Judy ferait rejeter la faute sur quelqu'un ou quelque chose d'autre. Une «force» étrangère l'avait influencer Mais, à la fin, Sinclair verrait clair et lui reviendrait Judy n'avait qu'à s'armer de patience. Et elle s'installa dans le confort du chagrin, persuadée qu'un jour, clair et elles seraient de nouveau réunies. Que l'air triompherait.
Cependant, à la fin du mois de mai, un événement modifia sa perception et la fit réagir d'une façon devait transformer leurs vies pour toujours.
27 mai 1960
J'ai le corps encore tout engourdi. Le simple fait de soulever ce stylo pour écrire m'est difficile. Je ne peux réfléchir à ce qui s'est passé aujourd'hui. Seulement revivre les événements tels qu'ils se sont déroulés.
Ce matin, Mary m'a appelée, paniquée.
« Je peux venir ? Il faut absolument que je te parle.
— Bien sûr.
— J'arrive. »
À dix heures précises, Mary a sonné à ma porte. À son entrée, j'ai une fois encore été frappée par sa beauté. J'ai vécu toute ma vie avec elle, mais la perfection de son physique m'impressionne toujours. Je savais qu'il s'agissait d'une arme redoutable ; j'allais apprendre qu'elle pouvait être mortelle.
« Je crois que je suis enceinte, a-t-elle dit, le regard voilé par l'angoisse.
— C'est merveilleux, ai-je naïvement répondu. Gloria va avoir un petit frère ou une petite sœur.
— Non, tu ne comprends pas. Le bébé... n 'est pas de James. »
Je n’en croyais pas mes oreilles. « Quoi ? Comment est-ce possible ? » Elle s'est mise à pleurer. Même ses larmes étaient des armes dévastatrices. « J'ai un amant.
— Toi ?
— Je ne voulais pas que ça arrive. Mais James travaille sans arrêt ; il n 'est jamais à la maison. Je passe mes journées toute seule avec Gloria. Alors, quand j'ai rencontré cet homme charmant... »
Elle a poursuivi ainsi, se cherchant des excuses et rejetant la faute sur tout le monde sauf elle-même. « Tu l'as dit à cet homme ? lui ai-je demandé.
— Il veut que je fasse un test de grossesse.
— Judicieux conseil. » Mary a secoué la tête.
« Je vais le faire, ce fichu test, mais je le sais. Je enceinte, j'en suis sûre. Je le sens. »
Je nous ai servi une tasse de thé, puis j'ai demander; « Je le connais ? »
Mary a redressé la tête brusquement.
« Oh, mon Dieu, c'est vrai. Tu ne sais pas...
— Bien sûr que non, comment veux-tu ?
— Je pensais qu'il t'en avait peut-être parlé.
— Qui donc ?
— Sinclair. »
Je ne me souviens plus de ce que nous nous sas dit ensuite. Mon esprit s'est figé. Tout s'est été autour de moi et en même temps tout s'est éclairai beauté de Mary. Voilà la force étrangère qui mit ravi Sinclair. Pourquoi ne l’ai-je pas neutralisées tôt ? Enfant, j'avais dormi à côté d'elle, je lis regardée grandir. Pourquoi ne l’ai-je pas détruite autrefois, avant qu’elle ne me détruise...
Laura lut le récit des événements du lendemain le relut en espérant que les mots finiraient par chai En vain.
— Laura ? s'écria Gloria.
— Oui?
— Qu'est-ce qu'elle dit ? Lis-moi la suite. Mais Laura n'en eut pas la force. Elle tendit le journal intime à sa sœur.
David Baskin avait certaines habitudes dont Mark Seidman n'avait pas réussi à se débarrasser. La séance de basket du matin en était une. Autrefois, David devait aller au Boston Garden avant l'aube, entrer par une porte latérale et s'entraîner au tir pendant quelques heures. L'exercice l'apaisait, l'aidait à oublier... ou à se souvenir.
Il n'y avait personne à cette heure. Joe, le concierge en chef du Garden depuis plus de vingt ans, n'arrivait pas avant 8 h 30, de sorte que David s'y trouvait seul avec ses pensées et les légendes qui l'entouraient.
Il sortit le ballon de son sac et se mit à dribbler sur le parquet. Le bruit résonnait dans toute la salle, du sol aux chevrons où se déployaient les drapeaux du championnat. Quinze mille sièges vides le regardaient traverser le terrain, le ballon dansant entre ses jambes et dans son dos.
Il s'immobilisa et bondit. Ses doigts propulsèrent le ballon qui passa dans l'anneau. Posséder un tir en suspension unique était un atout sur le terrain, mais un handicap sérieux quand on voulait changer de peau. D'après Mike Logan, du Boston Globe, un seul homme s'était révélé capable de maîtriser la technique de David : Mark Seidman.
Si seulement Logan connaissait la vérité !
Mais ni lui ni un autre ne la devinerait jamais, car ils n'avaient aucune raison d'imaginer que David Baskin était encore en vie. Seule une personne possédant une connaissance intime de la situation avait pu percer son secret. Et celle-ci l'avait payé de sa vie.
Judy.
Comme d'autres fans, la tante de Laura avait remarqué la similarité entre le style de jeu de David Baskin et celui de Mark Seidman. Mais, contrairement aux autres, elle en savait assez pour deviner qu'ils n'étaient qu'une seule et même personne, que David ne s'était pas noyé en Australie, qu'il avait mis en scène ce prétendu accident mortel et endossé une nom e identité. Dès le début, le jeune homme avait mesuré risque. Mais il l'avait accepté : après tout, elle savait que David et Laura étaient frère et sœur. Elle comprendrait le pourquoi des choses et n'interviendrait pas. « Vous ne comprenez rien, n'est-ce pas ?
— Pardon ?
— Vous croyez savoir ce que vous faites, mais vous vous trompez. Certains éléments concernant toute ce histoire vous ont été dissimulés. »
Judy avait été assassinée, ça ne faisait aucun doute Mais pourquoi ? Quelqu'un avait-il voulu l’empêcher de révéler ce qu'elle savait ? Mary avait-elle craint qu'elle ne s'en ouvre à Laura ? Peut-être. De là à imaginer que Mary ait pu tuer sa propre sœur...
Rien n'avait de sens. Pourquoi Judy l'avait-elle appelé ? Pourquoi avait-elle essayé de les mettre fac face, Laura et lui ? À la réflexion, Judy avait toujours encouragé leur relation... dès le début. Tandis: c Mary tentait l'impossible pour séparer frère et soeur, Judy se réjouissait de leur histoire d'amour. Pourquoi ? Pourquoi ?
Une montagne de questions, et pas le début d'i réponse. David se déplaça vers le panier, bondit et-p jeta le ballon de toutes ses forces dans le cercle. Tout le panneau vibra.
« Certains éléments concernant toute cette histoire vous ont été dissimulés. »
Mais quels éléments, Judy ? Quels faits ?
Gloria prit le journal intime des mains de Laura
— Ça va ? lui demanda-t-elle.
Laura tourna vers elle un visage décomposé.
— Lis, tu verras.